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MEMOIRES
DE LA
SOCIÉTÉ D’AGRICULTURE,
SCIENCES, BELLES LETTRES ET ARTS
D’ORLÉANS
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NOTE SUR LES PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ
Les travaux publiés par la Société comprennent, au i ar janvier 1891. 60 volumes
complets, divisés en quatre séries :
La première, sous le titre de Bulletin delà Société des Sciences physiques, etc. ;
comprend tout ce qu elle a publié depuis son établissement, en avril 18O9. jusqu’aux
événements politiques de la tin de i 8 i 3 , par suite desquels ses réunions ont cessé.
Ce Bulletiin, dont les exemplaires complets sont rares, se compose de 7 volumes
formés de 43 numéros qui ont paru de mois en mois, le premier en juin 181O, et le
dernier en décembre i8i3 Chaque volume comprend six cahiers. Seul le tome III
a de plus un supplément ou un septième numéro, ce qui éléve le nombre de pages
de ce tome à 304. La pagination du tome IV recommence pour les deux derniers
numéros.
Dans la seconde série, dont le premier volume a pour titre : Annales de la So¬
ciété des Sciences Belles-Lettres et Arts , et dont le second et les suivants portent
celui d'Annales de la Société Royale , etc , sont contenus tous les travaux que la
Société a mis au jour depuis sa réorganisation en janvier 1818, jusqu'au 3 Mars 1837.
Les Annales forment 14 volumes composés chacun de six numéros, dont le
premier a paru en juillet 1818. Le premier et le troisième volumes ont chacun une
planche, le quatrième en a deux, le sixième une, le septième trois, le neuvième
deux, le onzième sept, le douzième neuf, le treizième huit et le quatorzième une.
Le titre du premier volume, qu'on trouve en tète du sixième ou dernier cahier,
porte, par erreur, la date de 18I9; c'est 1818 qu'il faut lire.
La troisième série comprend iO volumes et s’étend jusqu’à l'année i 852 . Les
sept premiers volumes de cette série portent le titre de (Mémoires de la Société
royale, etc. ; les trois derniers sont intitulés : (Mémoires de la Société des
Sciences, etc. De ces dix volumes, le premier renferme cinq planches, le deuxième
en a huit, le troisième une, le quatrième trois, le cinquième sept, le sixième deux,
le sepitème une, le huitième trois, le neuvième deux et le dixième sept.
Enfin, la quatrième série, publiée dans un format un peu plus grand que les trois
précédentes et sous le titre de : Mémoires de la Société d'Agriculture, Sciences ,
belles-Lettres et Arts d'Orléans , comprenait au i' r janvier 1891, vingt-neuf volumes:
le premier commencé au 2 avril i 853 , porte la date de i 8 Z >3 ; le dernier porte la
date de 1889. Cette série se continue.
Son premier volume contient sept planches ; le second huit, le troisième et le
quatrième chacun trois, le cinquième deux, le sixième cinq, le septième dix-sept,
le huitième cinq, le neuvième dix-neuf, le dixième sept planches et trois tableaux,
le onzième une seule planche le douzième quatre, le treizième deux, le quator¬
zième deux aussi, le quinzième et le seizième chacun une seulement, le dix-
huitièm six, le dix-neuvième huit, le vingtième cinq, le vingt et unième sept, le
vingt-deuxième une eau forte et 8 planches, le vingt-troisieme une planche de
musique, le vingt-quatrième n’en a pas, le vingt-cinquième en a huit, le vingt-
sixième une sèule, le vingt-septième une seule aussi, le vingt-huitième dix-neul, le
vingt-neuvième n’en a pas
Après le tome XV de la 4* série des Mémoires, la Société a publié une table
générale des matières contenues dans les 46 premiers volumes de la collection de
ses travaux.
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MEMOIRES
DELA
SOCIÉTÉ D’AGRICULTURE,
SCIENCES,
BELLES-LETTRES ET ARTS
D’ORLÉANS
TOME TRENTIÈME
4® Série des Travaux de la Société. — 61® volume de la collection.
ORLÉANS
Imprimerie Georges MI CH AU et C ie ,
9, Rue de la Vieille-Poterie, 9
1891
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T 41* /**•
Harvard Gollege Library
Ou^&*¥& ) 3 , 1912
C. Loweli fund
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ANDRÉ-GASPARD-PARFAIT
DE BIZEMONT ÎMNELÉ
GRAVEUR ORLÉANAIS
ET SON ŒUVRE
Par M. Émile DAVOUST.
Séances de Février, Mars et Juin 1890.
L’art de la gravure est un art éminemment français ; la
gravure à l’eau forte, en particulier, et la plupart des
genres qui dérivent de ce procède, semblent s’accommoder
merveilleusement avec le caractère de notre pays ; elle en
est la véritable expression par sa légèreté, par sa fantaisie,
son originalité et son indépendance.
Aussi, à côté de tous les artistes qui se sont illustrés
dans la pratique de cet art, se rencontrent des amateurs
et des hommes du monde, tout acquis à la culture du
dessin, qui se sont voués avec passion à l'étude de la gra¬
vure, et un grand nombre d’entre eux se sont fait une
réputation méritée.
La ville d’Orléans, à toutes les époques, a tenu une place
respectable dans l’histoire des arts en France ; et, pour ne
citer que les plus connus, Androuet du Cerceau, Etienne
Delaulne, Michel Corneille, Étienne Baudet, Charles et
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— 6 —
Louis Sinnonneau, François et Jacques Chereau, Gabriel
Huquier, Jean Moyreau, Aignan Desfriches et Beauvais
de Préau, forment un groupe nombreux d’artistes de
talent.
A ces noms, célèbres à juste titre, il convient d’ajouter
celui de M. le comte André-Gaspard-Parfait de Bizemont-
Prunelé, qui fut un appréciateur distingué du talent des
artistes, un de leurs bienfaiteurs et un de leurs plus grands
amis, qui fut lui-même un dessinateur de premier ordre, et
et qui sut, grâce à la souplesse de son talent, pratiquer
avec honneur et succès presque tous les procédés de la gra¬
vure.
Le suivre pas à pas dans ses travaux et dans ses produc¬
tions diverses, étudier son œuvre complet, c’est passer en
revue les différentes méthodes de l’art du graveur, c’est
s’initier à tous les secrets du métier qui ont passionné les
artistes les plus éminents comme les plus modestes des
amateurs.
Est-il rien de plus séduisant, en effet, pour un artiste,
un peintre, un dessinateur, que d’être soi-même le propre
vulgarisateur de son œuvre, que de rester soi-même dans
les nombreuses épreuves issues d’une planche de cuivre
gravée avec tous les soins amoureux de l’artiste, que de
reproduire un portrait, une composition un souvenir, en
autant d’originaux qu’il conviendra de le faire?
C’est ce que la gravure, et particulièrement la gravure à
l’eau forte, et les méthodes qui en découlent, mettent à la
disposition des artistes qui les pratiquent.
Le comte de Bizemont eut, au plus haut degré, cette pas¬
sion de la gravure, qu’il pratiqua avec un incontestable
talent. Il cultiva cet art aux temps heureux de sa vie, et,
dans la mauvaise fortune, au cours de ses longues années
d’exil, il lui dut les consolations morales, et aussi la vie
matérielle et le pain de chaque jour. Au retour dans ses
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foyers, il lui consacrera la part la meilleure de sa vie, il
perfectionnera son talent, il travaillera sans relâche jus¬
qu’à faire à son art de prédilection le sacrifice de sa vue.
M. le comte André-Gaspard-Parfait de Bizemont-Pru-
nelé est né en 1752, au château de Tignonville, en Beaure,
résidence héréditaire de l’ancienne et noble famille de
Prunelé.
Le château de Tignonville est aujourd’hui détruit ; il a
été rasé à l’époque de la Révolution ; seule une partie des
souterrains et des caves subsiste au milieu d’un jardin.
Il ne reste qu’un seul souvenir de la famille de Prunelé
dans la commune de Tignonville, c’est une inscription
gravée à l’entrée du chœur de l’église, où l’on distingue,
sur une pierre tombale, les noms de * Parfait... » et
* Pronelé >, avec la date de 1794.
La famille de Bizemont, dont il est fait mention dès 1459,
était originaire de Picardie ; elle devint Orléanaise en se
fixant dans le Hurepoix.
Elle porte pour armes : d’azur au chevron d’or, accom¬
pagné en chef de deux croissants d’argent, et en pointe
d’une molette d’éperon d’or, avec la devise : Jungat stem -
mata virtus.
Ses alliances principales furent : Parent, en 1536 ; de
Neufville, en 1581 ; Cranson, en 1640; du Noyer, en 1684;
de Sanixe, en 1718; de Lannoy, en 1750, et Prunelé,
en 1750.
Ses fiefs étaient : le Buisson, Mondeville, le Tertre,
Chalambier, Eoutteville, la Roche-Corbeau (1).
. La maison de Prunelé était l’une des plus anciennes et
des plus illustres familles de l’Orléanais. Il est fait men¬
tion d’elle dès 1180. Elle a donné au clergé (2), à l’armée
et à la cour les personnages les plus éminents.
(1) Manuscrits du chanoine Hubert, vol. II, 2. (Bibl. d’Orléans.)
(2) Guy de Prunelé, évêque d’Orléans au xiv« siècle.
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— 8 —
Le prénom de Parfait, qu’elle transmit sans interruption
à sa descendance mâle, par ordre de priraogéniture, lui fut
donné par Philippe-Auguste, qui avait qualifié l’un des
membres de cette famille à la croisade de Invictus, Pius
et Perfectus.
Elle a pour armes : de gueules à 6 annelets d’or, 3, 2 et 1.
Au château d’Yèvre, on voit encore le blason de cette
famille, avec lettres initiales I. P. P., qui ont été inter¬
prétées à tort Jean-Parfait Prunelé. Ces initiales doivent
être rapprochées, au contraire, des épithètes Invictus ,
Pius et Perfectus, qu’elles rappellent et qui sont insépa¬
rables des armoiries.
Les alliances de la maison de Prunelé dans cette longue
période de six siècles de 1180 à 1780 furent nombreuses et
illustres. Les principales sont Agnès, Jeanne, d’Averton,
de Patay, le Baveux de Macherie, d’Illiers, de la Chapelle,
de Beauveau (1470), Le Roy, de Dreux, le Veneur, Pinard,
de Marolles, de Theillay, de Mornay, de Refuge, de Fon-
tenil.de Liouville, Lange, de la Barre , d’Anouville, de
Tusssay, 1452; du Plessis, 1465; de Ballu, 1486; de
Mesange, de Gaudin, 1570 ; de Riolle, 1598 ; de Graffard,
de Boulchard, de Mervilliers, de Montdoré, de Rigué, 1656;
de Grouche, des Ligneris, 1525 ; de Monceau, 1567 ; de
Saint-Paul, de la Taille, de la Lande, 1606 ; de Cormont,
1625; de Jaucour, de Savoie, des Acres, de Pavielle, de
Frouville, d’Ardenay.
Les alliances des filles se. firent dans les maisons de
Chambray, de Laval, Le Bouteiller, de la Chapelle, de
Villiers, de Beauvilliers, 1404 ; des Hayes, de Boissy,
d’Allouville, de la Taille, de Verdun, Douard, Raimbert,
des Moustiers, de Lescot, 1592; de Champgrand, de Saint-
Simon, de Lautrec, de Tascher, de Villezan, de la Taille,
1645, Hérouard, 1652; de la Ferrière, 1654; de Leviston,
1654 ; de Bizemont, 1750 ; de Morogues, 1758.
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Ses fiefs étaient : Herbaut, la Porte, Châteauvieux, Cour-
banton, Beraut, Gondreville, La Rivière, Mervilliers,
Prunelé, La Salle, le jPeray, Tignonville, Liouvile, Rou-
vray-Sainte-Croix, Romainville et Méréville (1).
Le jeune André-Gaspard-Parfait de Bizemont quitta de
bonne heure le toit paternel et fut envoyé au collège de
Meung-sur-Loire, célèbre alors par la renommée de ses
professeurs. Il y fit ses premières études et les continua
jusqu’en rhétorique , puis il termina ses humanités à
Orléans.
Doué d’un esprit souple, profondément observateur des
hommes et des choses, il dut à sa nature élevée d’arriver à
l’âge d’homme avec une instruction complète, et des dispo¬
sitions artistiques naturelles dont il avait preuve dès ses pre¬
mières années de jeunesse, s’il est permis d’en juger par
les dessins fantaisistes et variés dont il se plaisait à illus¬
trer les pages de ses livres d’études.
Le moment étant venu de choisir une carrière, il suivit
d’instinct la tradition de sa famille, et se fit soldat comme
tout bon gentilhomme, avide d’indépendance personnelle
et d'activité.
Il atteignit rapidement le grade de capitaine de cava¬
lerie et fut bientôt pourvu d’une charge d’écuyer du roi. Il
dut alors résider à Paris, et poursuivit brillamment sa car¬
rière militaire, au cours de laquelle il mérita d’être reçu
chevalier de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-
Carmel et chevalier de Saint-Louis.
Mais ni la situation élevée qu’il occupait, ni les agita¬
tions du train de vie dans lequel il était emporté, ni les
exigences de sa charge, n’avaient étouffé chez l’écuyer du
roi son amour pour les arts ; il se plaisait à rechercher la
société des artistes, à s’éclairer de leurs conseils, à parta-
(1) Manuscrits du chanoine Hubert, vol. I, f» 236. (Bibl. d'Orléans.)
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— lo¬
ger leurs travaux. Particuliérement lié avec Charles Gau¬
cher, le célèbre et délicat graveur des portraits de l’avocat
du Paty, Du Dauphin de France, du duc de Brissac et de
tant d'autres planches remarquables, Bizemont se fit son
élève, et fréquenta assidûment son atelier. C’est sous l’œil
de ce maître qu’il fit ses premiers essais, c’est dans son
amical commerce qu’il fut initié à la connaissance de tous
les procédés si variés de la gravure, de la gravure à l’eau-
forte, et des diverses méthodes qui en dérivent. C’est grâce
à ces excellentes leçons que, secondé par une audacieuse
facilité, il put aborder tous les genres, avec la même con-
naissance du procédé et avec le même esprit.
L'armée, la cour et la ville, ne devaient point cependant
le retenir longtemps à Paris, et, après peu d'années, mal¬
gré la carrière brillante qui s'ouvrait devant lui, Bizemont
revint à Orléans. Il s'adonna alors tout entier à l’étude et
à la pratique des arts.
Particulièrement lié avec Haudry, le célèbre collection¬
neur, et avec Desfriches, dont il se plaisait à graver les
dessins, il prêta à ce dernier son concours le plus dévoué
pour la fondation de l’école de dessin d’Orléans. Il mit à sa
disposition toute son influence, et il obtint par lettres du
15 juillet 1786 que l’école académique d’Orléans fût affiliée
à l’Académie de peinture et sculpture de Paris, et il en fut
nommé à l’unanimité le trésorier perpétuel.
Les relations suivies qu'il avait conservées à Paris dans
le monde des arts, [avec M. Cochin, le célèbre graveur,
M. Coustou, le sculpteur, M. Soyer, l’ingénieur des turcies
et levées, qui fut aussi un artiste de talent, avec des ama¬
teurs, comme M. L. C. de Carmontelle (1), le comte de
(1) M. L.-C. de Carmontelle traça les portraits d’un grand nombre
de personnages de son temps, et grava lui-même, à l'eau forte, des
planches spirituellement touchées,
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— 11 —
Caylus (1) et tant d’autres, avaient contribué à développer
ses heureuses dispositions, à former son goût et à le placer
au rang le plus distingué dans la ville d’Orléans. Sa solli¬
citude constante pour les beaux-arts, ses études et ses
recherches spéciales, auxquelles il semblait vouloir consa¬
crer tout son temps, le [firent appeler, en 1787, au sein de
l’Académie Royale des sciences, belles-lettres et arts d’Or¬
léans. C’est à cette occasion qu’il grava le joli cartouche
destiné à servir de cadre au diplôme de cette Compagnie.
* Déjà, du reste, l’année précédente, en 1786, son talent
avait été consacré par M. Cochin, dans une longue lettre
adressée à Desfriches au sujet de la nomination de
M. Bardin aux fonctions de professeur à l’école gratuite de
dessin d’Orléans. M. Cochin n’ignorait pas le dévouement
de Bizemont à la cause des arts, il savait qu’il avait secondé
Desfriches de tous ses efforts dans la fondation de cette
école, et se plaisait à rendre hommage à sa haute compé¬
tence.
Les planches dont il est question dans la lettre de
M. Cochin sont des sujets d’ornement ; elles avaient été
offertes par Bizemont au directeur de la nouvelle école
pour servir de modèles aux élèves.
Après des considérations sur le choix de M. Bardin
comme professeur à l’école gratuite, M. Cochin s’exprime
en ces termes :
« J’ai vu avec la plus parfaite satisfaction les talents de
M. le comte de Bizemont. J’avoue que j’ai été surpris du
degré de talent qu’il a acquis dans la gravure ; il a fallu
une furieuse ténacité pour acquérir ce degré de propreté
(1) Le comte de Caylus, archéologue et écrivain distingué, dessi¬
nateur et graveur, fut un des premiers qui remirent en honneur les
chefs-d'œuvre de l’antiquité, par ses écrits comme par ses gravures.
Il contribua pour une large part au grand mouvement artistique de la
fin du xvm e siècle, et prépara les voies à Louis David, qui devait
fonder la nouvelle école.
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— 12 —
dans l’exécution qui paraît dans les deux * Vases » ; c’est
être graveur dans toute l’étendue du mot. Il est certain
qu’on vivrait à Paris, et très honnêtement, avec ce degré
de talent. Cela passe l’amateur. J’ai sans doute été très
satisfait du « Confessionnal * ; cela est dessiné et gravé
avec goût, mais quelques amateurs sont arrivés à peu près
à ce degré. Ici, il y a de l’art, mais dans les « Vases >, le
métier est uni avec l’art, et ce sont deux choses dont la
réunion ne me semble être facile que pour ceux qui en font
profession... »
Bizemont s’était ainsi fait une place honorable parmi ses
concitoyens. Il partageait sa vie entre ses études favorites
et les voyages. Il avait une prédilection pour le Midi ;
l’Italie l’attirait particulièrement, avec tous ses monu¬
ments magnifiques et les chefs-d’œuvre de ses galeries
publiques et privées.
Il y fit un long séjour, d’où il rapporta de nombreux
souvenirs, et il y compléta ses connaissances artistiques
par l’étude la plus approfondie des diverses écoles.
Mais cette heureuse quiétude devait être troublée. L’ar¬
tiste, généreux et dévoué, allait déposer son burin, sa
pointe et son crayon, pour redevènir le soldat qu’il avait
été dans sa jeunesse, et se trouver de nouveau mêlé à la
vie publique.
En effet, l’année 1789 venait de s’écouler. — Les grands
événements qui l’avaient marquée avaient produit partout
la plus profonde émotion, et à Paris comme dans les pro¬
vinces, l’agitation était vive dans tous les esprits.
A Orléans, dés le 17 juillet 1789, au lendemain de la
convocation des états-généraux, s’était formée spontané¬
ment et par enthousiasme la garde civique volontaire;
M. de Cypierre, intendant de la province, l’avait divisée
en sept compagnies, sous le commandement de M. Dulac
de la Varenne, colonel.
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— 13 -
Cette garde civique volontaire avait pris un rapide déve¬
loppement pour former bientôt le corps important des
volontaires nationaux Orléanais. Mais en même temps Tin-
discipline avait pénétré dans les rangs. Il fallut donner au
commandement plus d’importance et de force, et bien que
Bizemont eut cherché d’abord à se tenir à l’écart, la sym¬
pathie et la confiance qu’il inspirait, ainsi que son passé
militaire, le firent désigner en 1790 pour le grade de lieu¬
tenant-colonel afin de seconder le commandant de la
Yarenne. Le choix dont il était l’objet avait été fait dans
les circonstances les plus flatteuses.
En effet, le 15 mars 1790, les officiers de la garde natio¬
nale d’Orléans, désirant nommer pour leur lieutenant-
colonel un militaire brave, sévère et instruit, qui pût
donner à cette garde volontaire la discipline qui lui man¬
quait, vinrent en masse trouver le comte de Bizemont,
pour le prier de vouloir bien accepter cette fonction impor¬
tante.
Il refusa d’abord par modestie l’honneur qui lui était
offert ; néanmoins, sur les instances des délégués, n’écou¬
tant que sa générosité et son dévouement à son pays, il
consentit à remplir leur vœu, mais il y mit des conditions
qu’il leur donna par écrit :
1° La garde nationale serait dissoute sur-le-champ et
réorganisée par quartiers, suivant la division qu’il en ferait
lui-même sur le plan de la ville, colorié par comparti¬
ments ;
2° Les compagnies, une fois formées, seraient assem¬
blées séparément, aux lieux indiqués, à l’effet de nommer
elles-mêmes leurs officiers et sous-officiers.
3° La plus sévère discipline serait observée, et les délits
jugés par un conseil dont il serait le président.
4° Tous les jours, les sous-officiers de service des com-
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— 14 —
pagnies se rendraient à l’ordre chez lui, ou sur la place
du Martroi, à l’heure de la parade.
Toutes ces conditions, acceptées avec empressement,
furent exécutées de suite, et le nouveau chef sut, par son
autorité, fermer la bouche aux plus turbulents.
Cependant l’effervescence qui régnait dans les esprits,
rendait chaque jour la tâche plus difficile. Composé d’élé¬
ments divers, formé de compagnies dont chacune avait
son siège dans un quartier, dans une paroisse ou dans une
commune différente, ce corps des volontaires nationaux
manquait de cohésion et d’unité ; c’était un désaccord
constant entre les diverses compagnies. Les rivalités de
clocher entretenaient l’esprit d’indiscipline et de révclte,
et il fallait au commandement tout le tact et toute l’autorité
possibles.
Les volontaires de Meung-sur-Loire et ceux de Beau-
gency particulièrement, résistaient à toute injonction ; la
rivalité existant entre les deux compagnies était poussée à
l’extrême et portait à la discipline une atteinte telle qu’on
dut songer au licenciement, après l’application des peines
disciplinaires les plus sévères. Une tentative de réconcilia¬
tion fut confiée aux soins du lieutenant-colonel de Bize-
mont, et grâce à la justesse de son caractère et à l’autorité
de sa personne, les compagnies de Beaugency et de
Meung-sur-Loire firent taire leurs rivalités, oublièrent les
différends qui les séparaient et rentrèrent dans l’ordre.
Afin d’assurer dans l’avenir le maintien de la discipline,
le lieutenant-colonel de Bizemont convoque à la maison de
Ville une assemblée des députés de chaque compagnie,
pour la formation d’un conseil de discipline de la garde
civique d’Orléans et l’élection des membres de ce conseil.
Furent élus : de Bizemont, président ; Dulac de la Va-
renne, colonel, le major, les deux aides-majors, et deux
officiers ou sous-officiers par compagnie, membres.
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— 15 —
Les séances de ce conseil de discipline se tinrent ensuite
régulièrement à la maison commune le vendredi de chaque
semaine.
Non content d’avoir garanti le prestige de l’autorité,
Bizemont voulut encore assurer l’administration et l’ins¬
truction de ses compagnies. Il s’adjoignit M. Colas de
Brouville, capitaine, et plusieurs des officiers qu’il avait
sous ses ordres, et rédigea un projet de division des gardes
nationales en douze compagnies, avec une instruction par¬
ticulière pour régler provisoirement l’organisation des
volontaires jusqu’à ce que l’assemblée nationale ait décrété
des règlements définitifs. Ces projets furent présentés à la
municipalité. Le conseil approuva unanimement ces ins¬
tructions et divisions dans sa séance du 16 avril 1790, et
en réclama la prompte exécution, comme tendant au main¬
tien du bon ordre ; de plus il arrêta qu’on ne pourrait
choisir pour officiers dans la milice nationale que des
citoyens actifs et influents.
En quelques semaines, le lieutenant-colonel avait su
garantir l’autorité du commandement, donner aux nou¬
velles troupes un accroissement rapide, rendre plus facile
leur administration et favoriser leur instruction, et ce fut
ainsi, par sa fermeté et par des mesures intelligemment
comprises, qu’il parvint à relever le zèle des volontaires,
et à faire de la garde nationale d’Orléans la plus belle
troupe citoyenne des provinces du centre de la France.
On en put juger, du reste, lors de l’assemblée fédérative
des gardes nationales des différents départements, qui
devaient se réunir les 6, 7, 8, 9 et 10 mai 1790.
Sous l’impulsion de son colonel et de son lieutenant-
colonel, la garde nationale d’Orléans, après avoir obtenu
l’autorisation des officiers municipaux, avait invité les
gardes nationales des provinces de Touraine, du Berry, du
Nivernais et du pays chartrain à se réunir à elle « pour
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c s'associer mutuellement, dans une fédération, aux senti-
< ments de concorde, d’union et de fraternité dont ils ne
* devraient jamais se départir, pour se livrer de concert
« à l’expression de l'allégresse que la génération du
c royaume devait inspirer à tous les citoyens français. »
Elle les conviait « à assurer la nouvelle constitution, à
t consacrer tous leurs efforts à l’exécution des décrets de
« l’Assemblée nationale, à faire éclater de la manière la
« plus solennelle, leur amour et leur reconnaissance pour
« l’auguste souverain, restaurateur de la liberté, à sceller
c du sceau sacré de la religion l’engagement inviolable
< d’une fidélité sans bornes à la nation, à la loi, et au
« roi » (1).
135 villes ou bourgs répondirent à cette invitation, et
donnèrent leur adhésion à la fédération. Ils envoyèrent à
Orléans 1,074 députés représentant 42,293 gardes natio¬
naux.
Le comte de Bizemont avait été élu député par les gardes
nationaux d’Orléans, et la réunion préliminaire qui pré¬
céda les assemblées de la fédération, il fut à l’unanimité
élevé à la dignité de président. En cette qualité, il prit la
plus large part à la préparation de la fête des Quatre-
Vents. Il en régla tous les détails, et ce fut lui qui, devant
l’autel de la patrie, le 9 mai 1790, en présence du clergé,
du corps municipal, des officiers des régiments de Royal-
Comtois, de Roussillon, de la Maréchaussée, et d’une foule
innombrable de citoyens de toutes classes, prononça le
serment solennel dont la formule avait été rédigée à l'a¬
vance par les députés dans leurs réunions précédentes (2).
(1) Lettre d’invitation adressée à toutes les gardes nationales des
provinces du Centre.
(2) Voir à l’appendice le détail des fêtes de la fédération orléanaise,
et les différents discours prononcés à cette occasion par le comte de
Bizemont.
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— 17 —
Le comte de Bizemont avait tenu une place considérable
dans ces importantes journées. Son dévouement et son
patriotisme l’avaient placé au premier rang parmi ses con¬
citoyens. Il avait composé le dessin d'une médaille com¬
mémorative des événements qui venaient de s’accomplir à
Orléans.
N'écoutant que son profond attachement à la cité orléa-
naise, et ne voulant que le nom d'aucune autre ville ne
soit mêlé même aux plus petits détails de cette fête de la
fédération d'Orléans, il envoya une adresse à la municipa¬
lité, afin de la prier de solliciter de l’Assemblée nationale
que la médaille commémorative dont il avait conçu le
projet fût frappée à la Monnaie d’Orléans.
Le Conseil municipal arrêta unanimement qu'il serait
écrit à ce sujet à l’Assemblée nationale, et, le 6 juillet,
M. Salomon de la Saugerie, député du Loiret, annonça au
procureur de la commune que l'autorisation demandée
avait été accordée.
Le 14 juillet suivant, le lieutenant-colonel de Bizemont,
à la tête de ses Compagnies, prenait part à la fête civique
que la ville d’Orléans célébrait pour s’unir à la confédéra¬
tion nationale et « en mémoire de l'anniversaire de la
régénération française ». Mais les épithètes trompeuses
données à cette fête avaient semblé froisser le culte pro¬
fond que Bizemont avait voué à la monarchie, et depuis
lors, redoutant de glisser sur la pente fatale où la France
était engagée, il se tint écarté de toute autre manifesta¬
tion jusqu'au moment où, le 10 mars 1791, il donna sa dé¬
mission de lieutenant-colonel de la garde nationale d'Or¬
léans, au grand regret de toutes ses troupes et de tous les
habitants.
Quelques mois plus tard, en octobre 1791, de plus en
plus inquiet, et mécontent de la marche de la Révolution
française, il quitta sa famille et sa patrie, émigra volon-
2
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tairement, et gagna la Suisse d'abord, puis, peu après,
l’Autriche, où il attendit les événements.
Cependant, la situation devenait chaque jour plus grave
en France, et les princes émigrés s’alliaient aux puissances
étrangères pour tenter de sauver le roi. Ils firent alors
appel à tous les fidèles de la monarchie, et c’est ainsi que
Bizemont rejoignit leur armée, où il obtint un grade de
capitaine dans un régiment de mousquetaires.
Il suivit avec résignation le sort malheureux des troupes
durant ces tristes campagnes, compromises par les ambi¬
tions des puissances étrangères, qui refusaient de laisser
aux émigrés leur indépendance nationale, et voulaient en
faire des soldats de la Prusse ou de l’Autriche.
Puis, bientôt, comme presque tous les émigrés, aban¬
donnés par ceux-là mêmes qui les avaient appelés et encou¬
ragés, le comte de Bizemont se sentit seul, vaincu, loin de
sa patrie, sans ressources, exilé.
Mais Bizemont était un homme de cœur et de volonté ;
il avait mis déjà, durant de longues années, et dans des
circonstances bien diverses, sa personne et son dévoue¬
ment au service de ses compatriotes, et il ne redoutait ni
le travail, ni la lutte, ni le sacrifice. Il réagit donc contre
la mauvaise fortune qui brisait son cœur et sa vie, et
demanda asile à l’Angleterre.
Il se fixa à Londres, espérant trouver dans la vaste capi¬
tale des facilités plus grandes pour se créer des ressources.
Il loua, dans une des rues les plus retirées du West End,
au n° 19 de Norton-Street, un modeste logement, et se mit
au travail. L’outillage du dessinateur et du graveur avait
été vite réuni, et il eut la satisfaction de trouver à donner
quelques leçons de dessin.
C'était la vie matérielle, mais 6i précaire encore qu'il
pensa à mettre à profit son talent de graveur.
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— 19 —
Il grava d'abord pour lui-même une carte de visite. Elle
était formée d'un cartouche très simple, orné de clous aux
angles ; sur l’un des côtés, une draperie était relevée avec
élégance, et on lisait au milieu :
M' BIZEMONT
DRAWING-M ASTER
N° 19, Nortonstreet, near Portlandstreet.
Bizemont sculpsit . London , 1794.
La mode était alors à Londres à remploi de ces cartes de
visite ornementées, et cette honnête réclame lui attira de
nombreuses commandes, pour lesquelles il sut varier les
ornements et les attributs suivant les goûts ou la position
sociale de ses clients. Il est à regretter que la plupart de
ces planches, pour ne pas dire presque toutes, soient
dispersées. Les épreuves en sont d'une grande rareté. Il
faut le constater à regret, car Bizemont avait dépensé une
somme considérable de talent dans la gravure de ces
planches.
Il vivait ainsi honorablement. Sa haute éducation, la
distinction de son esprit et la nature éminemment sociable
de son caractère, ne tardèrent point à lui créer des relations
dignes de sa personnalité, soit dans la haute société
anglaise, soit parmi les émigrés plus heureux que lui,
fixés à Londres, qui attendaient avec patience le retour à
des temps meilleurs. Il fut ainsi de nouveau mis en rapport
avec les représentants des princes et mêlé à leurs intrigues,
et il accepta de faire partie d'une importante mission qu'ils
envoyaient en Turquie.
Bizemont quitta alors l’Angleterre et il s’embarqua pour
la Turquie avec les envoyés des princes. La tentative faite
auprès de la Porte devait échouer. Mais les membres qui
composaient la mission n'en avaient pas moins été accueillis
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— 20 —
par le sultan Abdul-Hamed, par ses favoris et par les
Ambassadeurs étrangers, avec tout le respect dû à leur
personne et à leur rang.
Le comte de Bizemont se fit distinguer parmi eux par
son intelligence supérieure, ses hautes capacités et par sa
connaissance profonde du métier militaire. Il s’attira la
confiance du sultan, qui, depuis longtemps, formait le
projet de discipliner et d’exercer à la française quelques-
unes de ses troupes. Abdul-Hamed l’éleva à un poste émi¬
nent, qui pouvait répondre à celui d’officier général, et le
chargea spécialement de l’organisation, de la direction
et de l’instruction nouvelles qu’il voulait donner à son
armée.
Voici donc Bizemont avec une situation digne de lui,
haut fonctionnaire militaire à la solde du Grand Seigneur.
Il remplissait sa tâche avec zèle et dévouement, entretenant
autour de lui les relations les plus amicales et les plus
distinguées, occupant ses loisirs à parcourir les rives du
Bosphore et les rues de Constantinople, et à fixer ses sou¬
venirs par la pointe et par le crayon, lorsque l’arrivée d’un
député de la Convention, Auber du Bayel, vint lui susciter
de cruels embarras. Il fut menacé des rigueurs de la Con¬
vention. Sous le coup d’une arrestation, il allait être
incarcéré à la prison des Sept-Tours.
Emus par les dangers qui menaçaient leur ami, les
favoris du sultan et les ambassadeurs étrangers employaient
toute leur influence pour sauver la liberté du comte de
Bizemont. Ils y réussirent et l’engagèrent à quitter la
Turquie sans retard.
Au cours de ces années d’aventures et de vicissitudes,
l’amour des arts n’avait pas abandonné un instant le comte
de Bizemont. Il n’était point éloigné de la Grèce et se sentit
attiré vers elle pour étudier sur place ses ruines magni¬
fiques. Il chercha donc à y pénétrer ; mais ce voyage fut
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difficile, et le touriste émigré dut s’arrêter vaincu par la
fatigue et par la maladie. Il put cependant reprendre sa
route avec une caravane de marchands, et déjà depuis
quelque temps il foulait le sol de la Grèce lorsque son
voyage fut de nouveau interrompu. Une bande de brigands
assaillit la petite troupe pendant la nuit, la dévalisa, et
emmena Bizemont prisonnier.
Il mit, pour rançon, son talent à la disposition du chef
de la bande, et put ainsi, bientôt après, recouvrer sa
liberté.
Encore une fois dénué de ressources, il ne vit d’autre
parti à prendre que de regagner Constantinople. Il y trou¬
verait du moins des amis.
Son espérance ne fut pas déçue, et à son retour il fut
chaleureusement accueilli par l’entourage du sultan.
Mais à cette époque troublée, les représentants du peuple
français à l’étranger subissaient les contre-coups des
agitations de la mère patrie, et l’envoyé de la Convention
près de la Porte, Auber du Bayel, était devenu avec les
personnages qui l’avaient accompagné en Turquie, victime
des vicissitudes de la politique. Remplacé lui-même à
Constantinople par un représentant nouveau, ce dernier
n’avait apporté avec lui d’autro lettre de rappel pour son
prédécesseur et ses secrétaires qu’un ordre d’incarcération
à la prison des Sept-Tours.
Le malheureux Auber du Bayel gémissait de sa captivité
et craignait de voir sa disgrâce se terminer par un dénoue¬
ment fatal.
Il apprit le retour de Bizemont, dont il n’ignorait pas les
hautes et amicales relations à Constantinople ; il lui fit
connaître ses souffrances et ses inquiétudes, et le pria
de faire intervenir en sa faveur le gouvernement de la
Porte.
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- 22 -
Le comte de Bizemont, toujours bon et généreux, ne vit
en lui qu’un compatriote malheureux, et contribua autant
qu'il le put à le faire mettre en liberté avec les autres
Français qui subissaient le même sort.
Bizemont avait été remplacé dans ses hautes fonctions
militaires, et bientôt il reçut une mission dans les posses¬
sions asiatiques du Sultan, pour continuer de l’autre côté
du détroit l’œuvre qu’il avait heureusement commencée en
Europe.
Il s’embarqua donc, au Bosphore, avec une suite d’offi¬
ciers nombreux qui, déjà, étaient rompus aux nouvelles
manœuvres et devaient le seconder. Comme prédestiné aux
aventures et aux dangers de toutes sortes, il eut à supporter
la plus rude et la plus émouvante traversée. Le navire qui
le portait fut, en effet, assailli par une tempête violente,
balloté sur les flots en tous sens, et jeté à la côte, où il se
brisa sur les récifs. Conservant devant la mort menaçante
son song-froid et son courage, Bizemont sut trouver la
seule planche de salut ; il était perdu sans ressource s’il
eût faibli un instant. U fit appel à toute son énergie, se
soutint sur une épave, et put enfin aitérir au milieu des
difficultés les plus grandes.
Ce fut ainsi qu’il put regagner son nouveau poste et
remplir avec honneur la mission nouvelle qui lui avait été
confiée.
Son séjour en Asie-Mineure ne fut point de longue durée;
Rappelé à Constantinople, le comte de Bizemont reçut du
sultan les plus hauts témoignages de sa reconnaissance.
Honoré de l’amitié d’Âbdul-Hamed, il était quotidienne¬
ment admis à cette cour, fermée pour ainsi dire à tout ce
qui n’est point musulman ; il en devient, grâce à ces con¬
naissances artistiques, comme le conseiller intime en
matière de goût, d’ornementation ou d’architecture, et il
s’acquit à tel point la confiance du sultan qu’il fut chargé
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— 23 —
de dessiner, en parterre à la française, une partie des jar¬
dins du sérail et de les faire exécuter tels qu’on les retrouve
encore aujourd’hui.
Cependant Bizemont, malgré la situation qu’il occupait
en Turquie et les honneurs dont il était comblé, pensait à
se rapprocher de la France. Il semblait pressentir la fin
prochaine de ses longues années d’aventures et d’exil.
Il résigna donc ses hautes fonctions et prit congé du
sultan pour venir se fixer en Belgique, à Liège, où, comme
amateur, cette fois, il reprit la pointe et le burin.
Au cour de ces événements, à une époque où il y avait
un véritable courage à affirmer sa sympathie pour un
émigré, Bizemont avait été l'objet, de la part de ses conci¬
toyens, d'un haut et touchant témoignage d’estime. Une
pétition en sa faveur avait été adressée aux membres du
gouvernement pour demander sa rentrée en France.
Cette adresse, datée du 15 février 1795, était ainsi
conçue :
c Nous, soussignés, artistes et habitants de la commune
d'Orléans, exposons et attestons que Gaspard-Parfait
Bizemont sest toujours distingué par ses talents dans l’art
du dessin et de la gravure ; qu'il en a constamment fait son
unique occupation, et qu’à la suite de travaux aussi péni¬
bles qu'utiles, il a, par une confiance aussi bien acquise
que méritée, été le fondateur d’une école gratuite de pein¬
ture, gravure sculpture, architecture et autres arts dépen¬
dant du dessin, qui fut approuvée sous le titre d'école aca¬
démique d’Orléans, et affiliée à l’Académie de peinture-
sculpture de Paris, par lettre du 15 juillet 1786.
« Le fait ci-dessus est tellement véridique que le citoyen
Bizemont, à l’unanimité des artistes, fut nommé trésorier
perpétuel de ladite académie, comme le plus propre à sou¬
tenir et consolider un établissement aussi précieux aux
riches qu'aux indigents.
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€ Le citoyen Bizemont, pour acquérir de nouvelles con¬
naissances, forma le projet de voyager en Suisse et en
Grèce, et, en 1790, sans consulter que le goût du bien
public qui l*a toujours animé, il partit, et son absence
qui ne pouvait et ne devait être que momentanée, ne l’em¬
pêcha pas d’être porté sur la liste des émigrés, sous le nom
de Louis-Gaspard-Parfait Bizemont.
« Ils attestent encore qu'il n’est pas moins de notoriété
publique que ledit Bizemont, de tous les temps, sest consa¬
cré exclusivement à l’étude des arts et des sciences, et
qu’il en faisait sa profession ; que le but de ses voyages,
qui devaient lui procurer de plus grandes connaissances,
le rendait plus utile à cette première académie dont il était
regardé, à juste titre, comme le père et U plus ferme appui.
« Puisse donc l’autorité républicaine rendre à sa patrie
un citoyen aussi distingué dans les arts et dans les sciences
et qui ne cesse de lui offrir les hommages de sa reconnais¬
sance ; il est également réclamé par ceux que la fortune
n’avait pas favorisés, puisqu’il en était le soutien, et par
toute sa famille, dont il était l’unique appui.
« Signé : Mingre-Noras, associé et manufacturier ;
Dufaur ; G.-P. Baguenault, négociant ; Soyer, associé de
l’Ecole ; Bigot de la Touane ; Hènon ; Desfriches/ direc¬
teur de l’Ecole ; F. Hanapier, orfèvre ; Bordier, fils, hor¬
loger ; Cahouet ; Greniel, élève de l’Ecole de dessin ;
Colas-Brouville ; Tassin ; Egrot ; Gabriel Baguenault;
Lottin, élève de l’Ecole de dessin ; Lambert-Cambray ;
Nicolas Ruet, élève ; Jacques Bordier, horloger ; Leclerc,
orfèvre; Langlois, élève; Cahouet-Marolles; Denis,
chaudronnier ; Desfrancs, associé ; Seurrat-Güilleville ;
Lambert, peintre ; Tascher; A. Brouville; Michonneau,
serrurier; Armand-Léon de Sailly ; Tristan; Dupuis,
élève (1). »
(1) lmp., man. et aut. de la bibliothèque d’Orléans.
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Cette pétition devait malheureusement rester sans effet ;
mais il est curieux de rapprocher les termes de cette adresse
des événements auxquels Bizemont avait pris part. Il émi¬
gra seulement en octobre 1791, et non pas en 1790, époque
à laquelle il se trouva mêlé, à Orléans, à tous les événe¬
ments qui accompagnèrent rétablissement de la garde na¬
tionale et la fédération d’Orléans, et, à peine sur le sol
étranger, il se hâta de rejoindre l’armée des princes pour
combattre la Révolution.
Mais tant était grande la sympathie qu’il avait inspirée à
ses concitoyens, si profond était dans l'esprit de tous le
souvenir de son dévouement, de sa générosité et de son
talent, qu’aucun des signataires de l’adresse n’avait hésité
à porter atteinte à la vérité pour faire ouvrir à Bizemont
les portes de sa patrie.
Cependant, depuis le jour où le comte de Bizemont était
passé à l’étranger, huit années s'étaient écoulées ; Bona¬
parte avait pris les rênes du gouvernement avec le titre do
premier consul, et l'horizon politique s’était éclairci en
France.
Auber du Bayel et ses amis, les anciens prisonniers des
Sept-Tours, à Constantinople, avaient pu rentrer dans leur
patrie, et leur disgrâce passagère, qu’ils avaient su faire
habilement valoir, n’avait été pour eux qu’un marche¬
pied pour parvenir aux plus hautes situations administra¬
tives. Ils se souvinrent de leur libérateur et sollicitèrent
auprès du gouvernement la rentrée en France du comte de
Bizemont. Le Ministre de la Justice ordonna une première
enquête, qui fut favorable à la demande de rentrée, et cette
demande fut adressée, comme il était d’usage, au chef du
ministère public à Orléans.
Ces fonctions étaient alors remplies par M. Sezeur, qui
devint, dans la suite, proccureur général près la cour d’ap¬
pel d’Orléans, et fut créé baron de l’empire.
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— 26 —
Une nouvelle enquête, concluant en faveur de la rentrée
de Bizemont, fut ouverte à Orléans, par les soins du mi*
nistére public, et la demande régulière et officielle fut
adressée au Ministre avec cette annotation remarquable :
< M. de Bizemont est un homme de bien et un artiste
recommandable ; sa rentrée en France est désirée par tous
les bons citoyens du département du Loiret, où il a rempli
avec distinction les fonctions de lieutenant colonel de la
garde nationale en 1790 et diverses autres fonctions utiles
jusqu’en 1791. »
La demande fut accordée et le comte de Bizemont rentra
dans ses foyers.
Son retour à Orléans fut une fête ; c'était, dans bien des
familles, comme un parent de plus. Orléans avait été pri¬
vilégiée ; la justice révolutionnaire n’y avait fait tomber
qu'un petit nombre de têtes, nos murs étaient restés pres¬
que purs du sang versé ; M. de Bizemont retrouva donc,
parmi les Orléanais, de nombreux amis et s’en fit de nou¬
veaux.
Malgré son caractère généreux et dévoué, il tint à rester
à l’écart, car il avait conservé pieusement la religion du
passé et son attachement aux Bourbons.
Inébranlable dans ses opinions et sévère pour lui-même,
il n’eût rien voulu tenir d’un gouvernement dont il réprou¬
vait les principes.
Il se remit donc avec amour à l’étude du dessin et de la
gravure, et se faisant en même temps l’appui des jeunes
talents, il encourageait les arts, par son exemple, par ses
conseils et par ses générosités.
La mort de Desfriches était survenue en l’année 1800.
l’Ecole gratuite de dessin d’Orléans avait ou alors pour
directeur Bardin, et continuait avec honneur à former de
nombreux et habiles éléves. Bardin en avait conservé la
direction, avec le même succès, jusqu’en 1809, époque à
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— 27 —
laquelle il fut frappé par la mort, le 6 octobre. Bizemont
lui avait constamment prêté son amical appui, et avait
contribué pour une large part à la prospérité de l’Ecole par
son dévouement et sa sollicitude de chaque jour.
Cependant la pratique des arts de la gravure et du dessin
et la fréquentation des ateliers ne remplissait point suffi¬
samment sa vie ; le comte de Bizemont recherchait en
même temps les objets d'art de toutes sortes, et devint
collectionneur.
Déjà, dans sa jeunesse, au cours de ces années de calme
qui avaient précédé la Révolution, toutes consacrées aux
voyages, à l'étude, à la culture des arts, aux relations
pleines de charme qu'il avait entretenues avec les artistes,
les littérateurs les plus célèbres et les personnages les plus
considérables, il avait rassemblé un nombre considérable
de tableaux, de dessins, d'estampes. A sa rentrée en
France, il fut assez heureux pour rentrer en leur posses¬
sion, grâce à des amis, à des parents dévoués, qui surent
les conserver. Il s'efforça donc d'en augmenter le nombre,
et, à cette époque où tous ces objets précieux semblaient
dédaignés, il eut la bonne fortune d’en sauver un grand
nombre de l'oubli et de la ruine.
Il réunit ainsi une intéressante et nombreuse collection
dont il orna sa demeure en ville, rue de la Bretonnerie (l),
et sa maison de campagne de Combleux, appelée le Petit -
Poinville (2).
En 1822, M. de Bizemont fit lui-même le catalogue de
ses tableaux et dessins, afin de les partager entre ses deux
(1) Cette maison porte aujourd’hui le n° 62 de la rue de la Breton¬
nerie ; elle fut autrefois restaurée par Bizemont, qui enclava dans la
façade les sculptures anciennes qui s’y voient encore.
(2) Cette propriété appartient toujours aux descendants du comte
de Bizemont.
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— 28 —
enfants, M. Adrien de Bizemont et M“ e Gabriel de Bize-
mont. Il apporta à ce travail le soin le plus religieux et
Tordre le plus parfait. Chaque pièce est classée suivant son
école, son genre. Elle est exactement mesurée et numé¬
rotée.
Les peintures des Ecoles italienne, allemande, des Pays-
Bas, française, étaient au nombre de 98, et parmi elles des
tableaux du Guide, Brandt, Van Goyen, Temeis, Boilly,
Biuandet, Fragonard, Lebel, Lepicié, Mignard, Sweback.
Les dessins à la plume et au crayon, au bistre, les sé¬
pias et aquarelles des Ecoles italienne, allemande, des
Pays-Bas, française, anglaise, russe, grecque et chinoise,
comprenaient 1884 numéros, et parmi eux des dessins
de Bernini , Carrache, Giordane, Primatice, Salva-
tor Rosa, Raphaël Sanzio, le Dominicain, van Bloemen,
van Goyen, van der Meulen, Rembrandt, Ruysdael, Bou¬
cher , Cochin, Desfriches, Fragonard, Greuse, Isaley,
Lepicié , Natoire , Perronneau , H. Robert, Sweback ,
Vanloo, Yernet, Watteau. De plus, une suite de dessins
de diverses classes, au nombre de 722, cartonnés sur
42 grandes feuilles.
L’ensemble seul des tableaux et dessins formait un total
de 2,704 numéros. Si l’on ajoute à ce nombre les estampes
et les objets d’art divers dont Bizemont ne fait pas men¬
tion dans le catalogue signalé, il est facile de juger de
l'importance de cette magnifique collection.
Chacun des objets, chaque dessin, était timbré de sa
marque, modestement composée de ses initiales A.-G.-P.,
suivies de la première et de la dernière lettre de son
nom B.t.
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— 29 -
Recueillies au Musée d’Orléans, dispersées
dans les cabinets des collectionneurs, ou con¬
servées dans la famille, les nombreuses pièces
de cette collection témoignent toutes d’un goût exquis
et d’un esprit éclectique par excellence.
Depuis son retour à Orléans jusqu’en 1814, Bizemont
s’occupait ainsi exclusivement d’art. Il gravait le bois et le
cuivre, maniant tour à tour le burin ou la pointe, ou dessi¬
nait les vues pittoresques de la Loire, du Loiret et du vieil
Orléans.
Les événements de 1814 le surprirent en Italie, à Rome,
où il faisait un séjour afin d’étudier les monuments de l’an¬
tiquité et les merveilles des galeries publiques et pri¬
vées .
Il se hâta de rentrer en France pour fêter le retour des
princes qu’il avait suivi dans l’exil. Ce fut pour lui une
satisfaction bien vive, et bien qu’âgé déjà de soixante-
%
deux ans, il sentit renaître en lui toutes les aspirations
généreuses de sa jeunesse, et voulut payer de sa personne.
Appelé à siéger au Conseil municipal, il fit partie de
l’administration de la cité comme adjoint au maire d’Or¬
léans.
Déjà, en 1810, lors de la construction, à l’extrémité des
rues de Bourgogne, de Saint-Vincent et de la Madeleine, de
ces bâtiments accouplés qu’on appelait les portes de la ville,
M. de Bizemont avait énergiquement et publiquement
blâmé ces conceptions d’un goût douteux et d’une archi¬
tecture manquée, dont la génération suivante devait, du
reste, faire justice en les supprimant. Il avait pu même
sauver la porte Saint-Jean, ce joyau de la vieille enceinte,
dont il a laissé deux gravures, par son intervention person¬
nelle auprès delà municipalité.
Plus tard, il parvint encore à la faire respecter, en plai¬
dant chaudement sa cause au sein du Conseil municipal,
A.-G.-P.
B.t
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comme membre de l'administration. Il obtint même de la
faire réparer.
Mais en 1830, sa voix devint impuissante, et ce monu¬
ment, d’un intérêt archéologique et architectural, disparut
sans compensation pour jamais.
Fidèle à son culte pour les choses et les monuments du
passé, il avait demandé au Conseil municipal l'achat et la
conservation des bâtiments de l’ancienne Université, édi¬
fiés par Louis XII, et, dans son amour des monuments his¬
toriques, il avait pensé à acquérir de ses deniers l’Eglise de
Saint-Pierre-Empont pour en conserver la tour monumen¬
tale.
Ses luttes avec les édiles, à cette époque où commença
la transformation de l'antique cité d’Orléans, sont inces¬
santes. A ses observations judicieuses, à ses chaudes plai¬
doiries, une seule objection lui est faite, c’est de n’être
point l'homme du siècle, de n'être point architecte. Assu¬
rément non, M. de Bizemont n’était point architecte comme
tant d’autres, mais il était instruit, lettré, élevé à l’an¬
cienne et bonne école. Il était avant tout artiste, plein de
discernement, de goût et de désintéressement.
S’il n’a point eu la consolation de sauver de la ruine les
monuments du viel Orléans, condamnés à disparaître pour
répondre aux besoins de la vie moderne et favoriser l’ou¬
verture des voies nouvelles, l'assainissement et l’accroisse¬
ment de la cité, le comte de Bizemont eut du moins l’hon¬
neur et la satisfaction d’être le fondateur, le premier orga¬
nisateur et le premier directeur du Musée d’Orléans.
, Il avait conçu, dès sa jeunesse, le projet de former à
Orléans une collectiou publique de tableaux et d’objets
d’art, mais la réalisation en avait été rendue impossible
par les événements qui s'étaient succédé au cours de sa vie.
Après son exil, il reprit ce projet, mais le régime exclusi-
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vement administratif de la période impériale avait paralysé
l’initiative privée. l’État, cependant, cherchait à favoriser
lesét-udes artistiques, et des musées départementaux avaient
été créés dans certaines villes de province.
< En effet, écrit M. Eudoxe Marcille, l’éminent directeur
actuel du Musée d’Orléans, dans sa notice historique sur
le Musée, pendant les dernières années du Consulat, vingt-
deux musées avaient été créés dans les départements et
avaient reçu, de 1803 à 1805, de nombreuses toiles prove¬
nant du cabinet du roi, des églises de Paris et des conquêtes.
Plus tard, un décret de l’empereur du 15 février 1812,
suivi d’une décision du Ministre de l’intérieur du 21 mars
suivant, accorde une nouvelle livraison de tableaux à six
villes de l’empire. »
Orléans n’avait pas été compris dans cette répartition et
son Musée fut créé seulement en 1823 par une délibération
du Conseil municipal, sous la présidence de M. de Roche-
platte, maire, en date du 30 décembre. Le comte de Bize-
mont en fut nommé le directeur le 30 mars 1824.
Des dons de la ville en avaient formé le premier fonds.
Bizemont fit appel à ses concitoyens, donna lui-même
l’exemple de la générosité en offrant à la ville la plus belle
part de sa collection, quarante-quatre toiles, sculptures ou
dessins.
TABLEAUX.
, 1. Barbiéri (Giovanni) (copie de), École polonaise, La
Vierge faisant lire l’enfant Jésus.
2. Van Cleef (Martin), École flamande, XV* siècles. Un
paysage historique, représentant Cinninnatits recevant
les députés de Rome.
3- Crespin, d’Orléans, Écoles française, XVIII* siècle.
Notre-Seigneur Jésus-Christ donnant les clés à Saint
Pierre
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— 32 —
4. Jeaüuat (Étienne), École française, xvm* siècle.
Arténuse au tombeau de Mausole.
6. Monsiau (Nicolas), École française, xviii* et xix* siè¬
cles. La Madeleine dans le désert.
7. Rubens (Ecole de). Prophétesse.
8. Andrf.a del Verocehio, maître de Léonard de Vinci
et du Perugin, Ecole florentine, xv* siècle. Portrait du
pape Calixte 111.
Ce portrait est accompagné d’une note de M. de Bize-
mont ainsi conçue : « L’on peut, avec certitude, attribuer
à André Verocehio le portrait du pape que je possède. Par
l'examen du tableau, il sera facile de juger qu’il est digne
du grand peintre auquel je l’attribue. Je juge que c’est le
portrait de Calixte III d’après sa parfaite ressemblance
avec un portrait gravé de ce pape. Vite et effigie di tutti
li pontifici romani. »
9. Viani (Dominique), Ecole polonaise, xvn» siècle.
Saint Jérôme.
10. Ecole italienne. Saint Charles , saint Antoine ,
sainte Dorothée et un petit ange vêtu de rouge.
SCULPTURES
11. Bouchardon (Edme) (d’après), Ecole française,
xvm* et xix* siècles. Le Silence, statuette en plâtre
bronzé.
12. Houdon (Jean-Antoine), Ecole française, xvm* et
xix* siècles. Portrait du président Haudry, buste en
plâtre.
DIVERS
13. Une paire de vases en marbre.
14. Plateau en laque.
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DESSINS, AQUARELLES
15. Babrou, Ecole française. Femmes assises , aqua¬
relle.
16. Belangé, Ecole française. Les bords de la Saône ,
près Lyon , dessin à l’encre de Chine.
17. Carrache (Louis), Ecole polonaise, xvn* siècle.
Silène , dessin à la sanguine.
18. Champcourtois, Ecole française. Paysage , dessin au
bistre.
19. Châtelet (Claude-Louis), Ecole française, xvm®
siècle. Gi'otle des capucins de Syracuse , dessin à l’encre
de Chine.
20. Clerisseau (Charles-Louis), Ecole française, xvin*
siècle. Fragments d'architecture et de ruines antiques .
21. Desfriches (Thomas-Aignan), Ecole française,
xvhi* siècle. Paysage avec personnage, 1715 , dessin à la
pierre noire.
22. Jeaurat (Etienne), Ecole française, xviii* siècle,
Tours et pont , près Saint-Paul , à Rome , dessin au
crayon rouge et noir sur papier gris.
23. De Parme (J), 1794. Règulus évitant les regards
de sa famille à son retour de Carthage , dessin au bistre
rehaussé de blanc.
24. Lépicié, Ecole française, xvin* siècle. Vieille
femme tendant la main , dessin à la sépia.
25. Van Loo, Ecole française, xvn® siècle. Tète de
femme , dessin à la sanguine.
26. Van der Meulen, Ecole flamande, xvn® siècle.
Louis XIV à cheval , dessin au crayon et lavé.
27. Van der Neer (attribué à), Ecole flamande,
xvn® siècle. Vue de Hollande, dessin à la sépia et à l'encre
de Chine.
28. Cornelis Van Noorde, Ecole hollandaise. Portrait
dfhomme, dessin au crayon rouge et noir.
3
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— 34 —
29. Nollin de la Gourdaine, Ecole française, xvm e et
xtx* siècles. Enfants et chiens , dessin à l'encre de
Chine.
30. N**\ Chevaux , au crayon noir et à la sanguine.
31. Pellegrini (Antonio), Ecole italienne, XVI e siècle.
Jésus-Christ mort , soutenu par la Vierge et saint Jean ,
dessin à la plume.
32. Perignon (Nicolas), Ecole française, xvm* siècle.
Fleurs , gouache.
33. Primaticcio (Francesco), Ecole italienne, xvi e siècle.
Le génie du sommeil, dessin au bistre.
34. Yernet (Carie), Ecole française, xvm« et xix® siè¬
cles. Lattelage d'un coucou .
35. Vigée (Louis), Ecole française, xviii* siècle. Les
Pifferari , dessin à la mine de plomb.
36. Watteau (Antoine), Ecole française, xvn® et
xvm e siècles, Têtes d'enfants et de femmes, dessin à la
sanguine.
37. Wkciotter (François), Ecole allemande, xvm e
siècle. Fontaine monumentale en ruines , dessin au
crayon rouge.
38. Ecole française. Corps de garde en 1189 , aqua¬
relle.
39. Ecole française. La marchande de gaufres , dessin
au bistre.
40. N*‘\ Entrée de village , dessin à l'encre de Chine.
41. N***. Tombeau , dessin au bistre.
42. N**\ Le Christ au milieu de ses bourreaux , des¬
sin à la plume.
43. N"*. Le génie de la paix , dessin à la plume sur
vélin.
44. N # *\ Les Sibylles , dessin au bistre.
De plus, désireux de commencer la formation d’un
cabinet d’estampes et d en favoriser le développement, le
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— 35 —
comte de Bizemont avait donné à la Bibliothèque publique
d’Orléans une collection choisie parmi ses œuvres de gra¬
vure, reliée ou en album, qui contient 148 gravures, et
dont il ne reste aujourd’hui que 84. Cet album fut, depuis,
transporté au Musée, en 1856.
Ce noble exemple de générosité fut suivi ; chacun s’em¬
pressa de lui adresser ses offrandes pour le nouvel établis¬
sement, et le Musée prit bientôt un accroissement rapide.
L’inauguration du Musée eut lieu, en grande pompe, le
4 novembre 1825, fête de saint Charles, où l'on célébrait
pour la première fois, à Orléans, la fête du roi Charles X,
en présence du corps municipal, des autorités civiles et
militaires et des notabilités de la ville.
Le comte de Bizemont avait tout consacré son talent,
sa fortune, son temps, à cette œuvre chérie de ses vieux
jours, à ce legs d’un ami des arts aux artistes Orléanais ;
son Musée s’enrichissait chaque jour. Le l ,r octobre 1828,
il eut l’honneur et la haute satisfaction d’y recevoir M me la
duchesse de Berry. Il l’attendait dans la salle principale,
au milieu d’une société brillante et nombreuse, parmi la¬
quelle se trouvaient la plupart des artistes Orléanais.
A son arrivée, le comte de Bizemont l’accueillit par le
discours suivant :
<i Madame,
« C’est un jour bien heureax, celui où il est permis à un
vétéran de la fidélité d’avoir l’honneur de présenter à
Votre Altesse Royale l’hommage de son profond respect et
de son dévouement sans bornes.
c Comme directeur du Musée d’Orléans, il ose supplier
Votre Altesse Royale de vouloir bien honorer cet établis¬
sement de sa bienveillante protection, et d’en agréer le
livret. *
La duchesse de Berry a visité ensuite les galeries des
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- 36 —
tableaux, dessins et sculptures, -et a témoigné sa surprise
lorsqu’elle a su que l’existence de cet établissement datait
à peine de trois années. Elle a rendu hommage au zèle et
au dévouement du directeur, à sa générosité et à celle des
Orléanais, et elle s’est montrée heureuse d’accepter le
patronage du Musée d’Orléans.
Il jeta également les premières bases d’un Musée archéo¬
logique en recueillant dans les salles du Musée les sculp¬
tures mutilées de la porte Saint-Jean et différents souve¬
nirs du vieil Orléans.
Malgré toutes ses occupations delà vie publique, auxquel¬
les s’étaient jointes toutes celles nécessitées par l’organisa¬
tion et l’installation du musée, le comte de Bizemont n’en
trouvait pas moins le temps de se livrer à ses arts favoris.
Il dessinait et dirigeait les essais de gravure de sa fille, de
son fils, de Mlle Olympe Neveu, de Mlle Amélie Coiny. La
lithographie naissante avait également excité sa curiosité,
et il s’y adonna avec succès.
A quatre-vingts ans il maniait encore la pointe, et sa der¬
nière planche, Un dragon à cheval , est datée de 1832.
Son travail, ses soins, ses démarches, son activité,
furent tels que sa santé en fut altérée. Le mauvais état de
sa vue et les misères de la vieillesse vinrent affliger cruelle¬
ment ses dernières années ; mais il savait supporter avec
courage toutes ces tristes infirmités, sans rien perdre de
son aménité ordinaire. Il fut, jusqu’à la fin de sa vie, un
homme affable et obligeant, charitable, tolérant et géné¬
reux envers tous, tout dévoué à sa bonne ville d’Orléans,
à la cause des arts et à celle des artistes, soucieux de l’ac¬
croissement et de la prospérité de son musée.
« Homme de courage et d’énergie, M. de Bizemont n’a¬
vait pas senti son cœur se rider par les ans ; insoucieux du
danger dans sa jeunesse, à quatre-vingts ans, il vit brave-
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ment et de sang-froid s’approcher la mort ; il en causait
froidement, comme d’une compagne qu'on ne peut fuir et
qui n’a rien d’effrayant pour un chrétien, c Je suis heu-
c reux, bien heureux d’y penser, disait-il à ceux qui chér¬
ie chaient à le distraire, parce que j'espère en la miséri-
c corde de Dieu. » On ne saurait répéter sans larmes tout
ce qu’il dit d’affectueux, de paternel à ses amis, à sa fa¬
mille, jusqu’à la fin modèle de force, de courage et surtout
de piété : il avait deux fois réclamé les derniers sacre¬
ments (1). *
Le comte de Bizemont mourut à l’âge de 85 ans, regretté
de tous, le 22 décembre 1837.
Il avait épousé, le 5 novembre 1776, Marie-Catherine
de Hallot, fille de Louis-Charles de Hallot et de Anne-
Marie Brouillet de la Carrière.
Il eut pour fils Adrien-Henri de Bizemont, qui fut lui-
même un dessinateur habile ; Adrien de Bizemont eut un
fils, André-Maximilien, et deux filles, dont l'une devint
M me l’amirale de Candé, la généreuse donatrice du musée
d’Orléans.
Le comte de Bizemont eut également une fille, Angéli¬
que-Marie-Cécile, qui épousa en 1802 son cousin, Louis-
Sixte-Gabriel de Bizemont. Elle dessinait avec talent, et
elle est l'auteur d’un portrait de son père au crayon,
remarquable par l’habileté et la simplicité de la touche et
la finesse de l'expression.
Soldat et gentilhomme, Bizemont avait servi sa patrie et
son roi avec fidélité ; citoyen dévoué, administrateur in¬
telligent et zélé, il n'a cessé de rendre autour de lui des
services. Il aimait à payer de sa personne, à prodiguer ses
conseils et ses générosités ; mais surtout, et à toutes les
époques de sa vie, il fut, il est resté un artiste merveil¬
leusement doué.
(1) Extrait d’an article des journaux d’Orléans de décembre 1837.
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Dessinateur et graveur, il n’a point visé plus haut dans
la pratique des arts, mais il a su toujours choisir ces sujets
avec le goût le plus sûr. Qu’il s’agisse du crayon ou de la
pointe, le trait, délicat ou vigoureux, suivant les besoins
de son travail, reste net, juste et harmonieux.
Tous les genres lui furent familiers: l’ornement, le
paysage, les animaux, la figure, les personnages. Il a gravé
tour à tour le bois et le cuivre ; il s’est servi avec la même
facilité du burin, de la pointe sèche et de l’eau forte, pro¬
cédés qui furent l’objet de ses premières études en France;
il a pratiqué également la manière noire, le lavis et le
pointillé, dont il connut les secrets en Angleterre, et aussi
les genres fantaisistes et légers, charmantes distractions
d’artiste, connus sous le nom de gravure à la plume, et au
crayon sur le vernis mou.
Dans chacune de ces manières, le graveur a fait preuve
d’une même habileté et d’une connaissance profonde des
procédés.
Le nom du comte de Bizemont figure honorablement à
côté de ceux des graveurs célèbres dans les ouvrages spé¬
ciaux publiés en France et à l’Etranger.
Il est cité par Bazan, 1.1, p.69 ; Heinecken, t. II, p. 754;
Nagler, pp. 515 et 516.
Michaël Bryau, dans son Dictionnaire biographique et
critique des Peintres et des Graveurs , publié à Londres
en 1853, lui a consacré un article où il le qualifie de gra¬
veur à la pointe nette et agréable ( neat and pleasing
style).
M. Ch. Le Blanc, dans son Manuel de VAmateur d'es¬
tampes , publie un catalogue de l’œuvre gravé de Bizemont,
composé de 109 pièces (1).
(1) Ce catalogue est précédé d’une courte notice où il est dit que
Bizemont mourut à Paris en 1820. C'est une erreur qu’il convient de
rectifier, puisque Bizemont mourut à Orléans le 22 décembre 1837.
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Dans le Magasin pittoresque , année 1843, au cours
d’un article intitulé: le musée d’Orléans, un pompeux
éloge est rendu à son fondateur, et l’auteur se plait à rap¬
peler les hautes qualités de l’artiste et du Français.
Tous ceux qui ont écrit sur l’histoire locale l’ont rangé
parmi les grands artistes et grands citoyens de notre
contrée, et ont rendu l’hommage le plus juste à son talent,
à l’élévation de son esprit et à son dévouement.
Ainsi, dans les Hommes illustres de V Orléanais , Orléans,
1852, — dans les Artistes Orléanais , par H. H..., Orléans,
1863, des notices spéciales ont été consacrées à A.-G -P,
de Bizeraont.
A différentes reprises, à propos de l'école de dessin, du
musée, il est cité avec éloge dans Y Indicateur Orléanais
de Yergnaud-Romagnési, Orléans 1827.
Dans les Recherches sur VOrléanais, par Lottin le nom
du comte de Bizemont apparaît fréquemment, soit au mo¬
ment de la fondation de l’école de dessin, soit à l'époque
troublée des années 1790 et 1791, lors de la fonda¬
tion de la garde nationale, soit plus tard où Bizemont;
faisant partie de l’administration de la cité, se consacre
tout entier à sa ville, à son musée et à ses concitoyens.
Dans un article du Moniteur du Loiret , à la date du
l* r mars 1855, relatif au décés du comte Adrien de Bize¬
mont, le souvenir du comte A.-G.-P. de Bizemont, le fon¬
dateur du musée, l’Orléanais dévoue à tous et à chacun,
est rappelé dans les termes les plus touchants.
L’œuvre du graveur est considérable.
Le Cabinet des Estampes à la bibliothèque nationale
conserve un album, offert par l’artiste, qui comprend 127
gravures dans les différents genres.
Le musée d’Orléans compte dans sa collection de gravu¬
res un album, cité déjà précédemment, composé par Bize¬
mont lui-mème, qui comprenait avant sa mutilation 147
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gravures sur bois et sur cuivre appartenant aux divers pro¬
cédés, et de plus un grand album in-folio, comprenant
169 estampes rangées suivant l’ordre adopté par le gra¬
veur, et suivies du catalogue complet de son œuvre dressé
par lui-même. Il manque à cette collection sept planches
seulement.
Cet album a été offert au musée d'Orléans en 1880 parle
baron LePrieur de Blainvillier, qui le tenait de son grand-
père, M. Petit-Lesonville, bibliothécaire de la ville d’Or-
leans à l’époque où le comte de Bizemont était directeur du
musée.
A cette collection se trouve annexée une copie du cata¬
logue des tableaux et dessins que possédait le comte de
Bizemont, d’après ses propres manuscrits.
M. l’abbé Desnoyers a réuni en un même portefeuille
139 gravures différentes du comte de Bizemont.
M. Louis Jarry, outre un grand nombre de dessins et de
gravures, possède plusieurs planches de cuivre d’un haut
intérêt gravées par l’artiste.
Les descendants du comte de Bizemont conservent une
collection des gravures et des albums précieux de dessins
provenant de son aïeul, et dispersés entre les membres de
la famille. Enfin le catalogue de l’œuvre du graveur, qui
suit cette notice biographique, comprend 183 pièces.
Faut-il ajouter qu’il n’est point un amateur, un collec¬
tionneur, si modeste qu’il soit, qui ne tienne à honneur,
dans notre ville d’Orléans particulièrement, de re recueillir
et de conserver les dessins et les gravures du graveur
Orléanais ?
Le comte de Bizemont fut également écrivain. Comme
œuvres littéraires il a laissé des notes manuscrites sur ses
voyages, et de plus différents mémoires sur les arts ; le plus
important est intitulé : Du vrai beau dans les arts et de
la manière de distinguer la touche particulière à chacun
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des peintres des anciennes écoles. Il fut écrit à l’occasion
de la candidature du comte de Bizemont & la société
académique d’Orléans et peu de temps après la fondation
de l'école gratuite de dessin.
Les notes manuscrites concernant ce long travail com*
mencent en ces termes : « L’honneur d’être admis parmi
vous. Messieurs, m’a fait regarder comme un devoir de vous
offrir des réflexions relatives aux arts qui ont pour base
le dessin, et à la manière dont ils doivent être envisagés
relativement à l’utilité publique, et en particulier, à l'utilité
que la ville d’Orléans doit retirer de l’établissement d’une
école gratuite de dessin. »
Ce mémoire fut imprimé par la Société académique
d'Orléans , en 1787. Il est fort rare c'est un travail consi¬
dérable signalé par l’abbé Pataud, et qui contient un grand
nombre de jugements personnels sur l’histoire de l’art
et la manière de faire et les procédés d’exécution des
peintres anciens.
Nous avons eu sous les yeux des fragments de ce
manuscrit qui nous ont été confiés par la famille. Il est
écrit avec une large facilité au courant de la plume, et les
considérations personnelles s’y relèvent par l’ampleur de
la phrase et le courant harmonieux du style.
11 remonte dans son étude jusqu’aux temps les plus
reculés, il passe en revue successivement les peuples de
l’antiquité qui ont tenu une place dans l’histoire. L’énumé¬
ration est rapide ; il rappelle succintement les différents
types des productions artistiques, quelque naïves qu’elles
soient, et il se complait longuement au contraire sur les
considérations d’ordre philosophique ou social qui ont
accompagné l’origine de l’art. < Ainsi, dit il, le langage
figuré fut le langage naturel des temps primitifs. Les
figures furent proportionnées aux idées que les hommes se
firent des objets réels, ou qu’enfanta leur i’V g’.uatiou ;
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de là naquit le merveilleux. Le besoin les oblige à se com¬
muniquer la représentation des objets et les emblèmes
devinrent la copie du langage (1). »
Il approfondit son sujet, l’étudie avec les auteurs anciens
cite Varron, Aulu-Gelle, Pline et Senèque. Il se fait parfois
une critique sévère, et s’écrie avecEnnius : t Le sentiment
de mon cœur contredit l’inspection de mes yeux : Mihi
neütiquam cor consentit cum oculot'um inspectu
Il revient sans cesse sur le dessin, sa correction, son
utilité, son importance. Il le définit à plusieurs reprises, et
sous des expressions différentes, toujours avec le même
bonheur. « Le dessin est l’âme de tout ce qui a rapport
aux arts. » — L’utilité du dessin ne peut point être misr^
en doute, puisqu’il a pour but principal d’instruire les
hommes et qu’il sert aussi à les immortaliser. » « La science
du dessin est une juste proportion des formes de tout ce
qui se voit. » — c Le dessin est une expression apparente
de la pensée que l’âme a conçue. >
La marche qu’il suit est méthodique et progressive.
L'amateur passionné devient un historien véritable, sou¬
cieux d’instruire ceux de sa génération. C’est alors que, au
cours des réflexions suscitées par son étude, il met l’idée
première do la création, d’une collection publique d’objets
d’art à Orléans, ayant pour but, non point de donner satis¬
faction à la curiosité, mais de former le goût des masses par
la vulgarisation du beau et de favoriser l’étude.
Un deuxième mémoire manuscrit, intitulé : Extrait sur
la gravure , et antérieur au précédent, étudie les origines
de la gravure, passe en revue les plus célèbres gravures,
et énumère les différents procédés en bois, en taille-douce,
k l’eau-forte, au pointillé, en marqueterie, en clair-obscur,
en couleur.
(I) Fragment des manuscrits de M. le comte de Bizemont.
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Un autre également manuscrit, porte pour titre ; Ombre :
C'est un travail très court, théorique et pratique accom¬
pagné de considérations scientifiques sur la lumière
rayonnante et diffuse, sur les corps opaques et sur la
projection des ombres ; les définitions sont nettes et
savantes avec de nombreuses figures géométriques pour
faciliter les explications et fixer les exemples.
Puis une série de notes, de conseils épars destinés aux
graveurs et aux dessinateurs. Parmi les plus curieux, il
recommande particulièrement aux artistes le soin de leur
vue et les conseils hygiéniques ne font pas défaut.
« Il y a, dit l’auteur, une infinité de recettes pour éclair¬
cir et fortifier la vue, mais en voici quatre^ que M. de
Laurens, médecin et professeur à l’Université de Montpel¬
lier, m’a données pour les plus exquises et les plus expéri¬
mentées. *
Il suffira, à titre de curiosité et de document, de n’en
citer qu’une seule, les trois autres ne différant que par une
variante sans importance.
c Prenez, continue-t-il, des tiges de fenouil, de rue,
enfraise, verveine, tormentelle, betonie, roses sauvages,
de l’anagallis mâle, pimprenelle, éclaire, aignemoine, chè¬
vrefeuille, hysope des montagnes, de chacune deux bonnes
poignées; coupez toutes ces herbes, bien menu, et les
faites infuser, premièrement au vin blanc, puis en l’urine
d’un jeune garçon, bien sain, et pour la troisième fois dans
du lait de femme ; enfin dans du bon miel, et après, faites
distiller tout cela et gardez bien soigneusement cette eau.
Jetez-en tous les matins une goutte dans l'œil. »
c J'ai trouvé, ajouta-t-il, ce remède fort bon et le pré¬
fère de beaucoup aux trois autres. »
Bizemont ne fut point seulement un écrivain d’art. Il
était également un fin lettré doublé d’un profond phi¬
losophe. Il aimait les auteurs latins, et parmi eux tous,
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Horace était son favori. Il se plaisait à cueillir dans ses odes
les pensées les plus profondes, à traduire avec justesse et
élégance ces vers du poète passés pour ainsi dire dans le
langage usuel et qui ont enfanté comme autant de pro¬
verbes. De beaucoup d’entre eux, il se faisait la devise de sa
vie ; ils sont comme l’expression de son caractère jugé par
lui-même, et plusieurs trouveront ici leur place et pour¬
ront concourir à compléter le portrait de l’homme de cœur,
du citoyen dévoué, que fut durant sa vie le comte de
Bizemont.
Lib. I. O. XI. Ad Leuconoem :
. Carpe diem> quam minimum crc dut a poster o.
f Saisissez le jour présent et, par trop de crédulité, ne comptez pai
sur le lendemain. »
O. XXII. Àd Aristium Fuscum :
Fugit inermem.
« Libre de toute inquiétude. »
O. XXIV. Ad P. Virgilium maronem :
. Sed levius fit patientia ,
Quidquid corrigée est nef as.
« La patience a la vertu d’adoucir un mal sans remède. »
Lib. II. O. m. Ad Q. Dellium :
Æquam memento rebus in arduis
Servare mentem , non secus in bonis
Ab insolenti temperatam
Lœtitia , moriture Delli .
c Songez, Dellius, à conserver une grande égalité d’âme dans la
prospérité comme dans l’adversité ; ne vous laissez point abattre par
celle-ci ; ne vous abandonnez point à la vaine et folle joie qu’inspire
l’autre, car, enfin, vous devez mourir. »
O. X. Ad Lucinium Murenam :
. feriuntque summos
Fulmina montes.
« La foudre frappe d’ordinaire les plus hautes montagnes. »
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.iVon, si male nunc % et olim
Sic erit.
€ Ne réussissez-vous pas aujourd'hui, vous réussirez une autre
fois. 9
0. XI. Ad Quinctium Hirpinum :
. Quid œternis minorem
Consiliis animum fatigas /
€ Pourquoi fatiguer votre esprit de projets éternels, et au delà de
sa portée? »
0. XIII. In arborem .
Quid quisque vitet , nunquam homini salis
Cautum est in horas .
« Quelques précautions que l’homme prenne, il ne les prend jamais
si bien qu'il puisse se répondre d’un moment de vie. »
0. XVI. Ad Pompeium Grosphum :
Lœtus in præsens auimus y quod ultra est,
Cderit curare , et amara lento
lemperet risu. Nihil est ab omni
Parte beatum.
« Content du présent, en repos sur l'avenir, adoucissons par notre
joie les amertumes de la vie, car il n’y a point de bonheur parfait. »
L. III. 0. II. Ad Pueros :
Dulce et décorum est pro patriâ mori .
< Qu’il est doux, qu'il est beau de mourir pour la patrie ! »
0. III. Ad Cœsarem Augustum :
Justum ac tenacem propositi virum
Non civium ardor prava jubentium ,
Non vultus instantis tyranni
Mente quatit solida ...
t Un homme irréprochable et solidement vertueux n’est ébranlé ni
par la fureur d’un peuple qui le presse d'autoriser de justes lois, ni
par les instances d’un tyran qui le menace. »
0. XVI. Ad C. Cilnium Mœcenatem :
Crescentem sequitur f cura pecuniam
Majorumque famés .
« A mesure que les richesses augmentent, les inquiétudes et l’envie
d’en avoir augmentent aussi, i
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. Multa Petentibus
Desunt multa ...
« C'est manquer de mille choses que de les souhaiter. »
. . Bene est % cui deus obtulit
Parca , quod satis est , manu.
€ Celui-là est heureux à qui les dieux n'accordent que ce qui suffît
pour vivre honnêtement. »
0. XXIX, Ad C. Cilnium Mœcenatem :
. Quod adest ) memento
Componere œquus...
« Ne songez qu'à régler en paix le présent. »
. Ille potens sut
Lœtusque deget , eut licet in diem
Dix iss e : Vixi !...
« Celui-là sera véritablement maître de lui-même et vivra content,
qui pourra dire à chaque fin de jour : J'ai passé gaîment ma
journée (1) ! »
Si les écrits qu’a laissés après lui le comte de Bizemont
sont l’image parfaite de sa nature, de ses caractères et de
ses goûts, il est possible en même temps de se représenter
le personnage, cas ses contemporains ont pris le soin de
fixer ses traits sur la toile, la pierre ou le papier.
Il existe, en effet, plusieurs bons et intéressants portraits
du comte de Bizemont.
Au musée d’Orléans, d’abord, un excellent buste en
marbre blanc, par J.-Auguste Barre, élève de J.-J. Barre,
son père, et du célèbre Cortot.
A la première page de l’album qui renferme la collection
des gravures de Bizemont, un portrait dessiné et lithogra¬
phié par A. Colin, d’une fort habile direction.
De plus, dans la galerie des dessins, au milieu du pan¬
neau composé des dessins originaux de l’artiste, d’une par-
(1) Notes manuscrites du comte de Bizemont. (Archives du château
de Noriou.)
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— 47 —
tie de ses dons, et des dessins ayant fait partie de sa col¬
lection, dont ils portent la marque et provenant du legs
de M m * l'amirale de Candé, sa petite-fille, une bonne copie
d'après le portrait à l'huile de Gounod.
Enfin dans ce même panneau, une spirituelle et char¬
mante aquarelle due au pinceau d’Henri Monnier, et signée
H. Monnier, avec cette dédicace : Aux amis Gontier ,
Orléans , août 1833 . Les traits, l'attitude du comte de
Bizemont, âgé de 81 ans, sont saisis sur le vif. Les yeux
sont protégés par de larges lunettes ; la barbe est rasée ;
la bouche, mobile, semble répéter à haute voix les réflexions
qui occupent l'esprit. Le profil est sec et fin ; les lignes du
nez et du menton, correctes et aristocratiques. L'attitude
est d'un vieillard, mais le corps reste droit, à peine appuyé
sur la longue canne à bec corbin, moins un soutien pour
le directeur du musée qu’une compagne dans ses prome¬
nades d’exploration journalières ; les jambes sont d'aplomb
les mollets saillants comme à l’époque brillante de la jeu¬
nesse.
Le costume ajoute encore un caractère de cette physio¬
nomie origininale.
Le comte de Bizemont est coiffé du chapeau noir, de
basse forme, à larges bords, il est vêtu de l’habit bleu
barbeau, aux longs pans, orné de boutons d'or ; à la bou¬
tonnière le large ruban rouge de chevalier de Saint-Louis ;
il porte la culotte noire étroitement serrée sous le genou ;
les bas gris sont soigneusement tirés et les souliers soi¬
gneusement recouverts par de courtes guêtres noires.
Cette tenue à la fois correcte et soignée, semble un sou¬
venir de l'autre siècle, qui fait oublier chez celui qui la
porte la vieillesse et les infirmités.
Cette aquarelle de Monnier représentant le comte de
Bizemont fut-elle dédiée aux Amis Gontier , et revient-elle
au musée ? Quels sont ces amis Gontier ? Gontier, celui-là
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- 48 —
même dont il est question, était le célèbre acteur du
Gymnase dont la réputation fut si populaire dans les rôles
de colonel des comédies de Scribe. Lorsqu’il se retira du
théâtre, il se fixa à Orléans avec sa femme, vers l’extré¬
mité du faubourg Saint-Vincent, et c’est là que Monnier,
son ami, venait souvent le visiter. H. Monnier avait été
frappé de la physionomie du comte de Bizemont, et avec
l'esprit et la facilité qui le caractérisaient, il fixa sur le
papier les traits du vénérable directeur du musée, comme
ceux d’un type Orléanais et l’offrit à ses hôtes.
Gontier, dans la suite, fit don de cette aquarelle à son
médecin et ami le docteur Payen, qui la comprit dans le
legs généreux qu’il fit à la ville.
Dans la famille du comte de Bizemont est conservé pieu¬
sement le joli portrait à l’huile peint par F. Gounod en
1811.. Ce portrait a été dessiné et lithographie parC. Pensée,
M. de la Troussure, arrière petits-fils par alliance
du comte de Bizemont, possède un charmant dessin à
la raine de plomb, rehaussé de blanc, représentant
son aïeul; ce dessin est l’œuvre de M Ue Cécile de Bizemont,
devenue M me Gabrielle de Bizemont, qui fut, comme son
père, une artiste de talent et douée de la plus grande
facilité.
Enfin, parmi les nombreuses pièces qui composent la
précieuse collection de M. l’abbé Desnoyers, figure un
portrait en miniature de M. de Bizemont. Ce portrait, sans
signature, est du commencement du siècle. 11 est dessiné
et peint avec talent, mais il ne rappelle qu’imparfaitement
les traits du modèle. Il n’a point la vie, la physionomie, la
finesse des portraits précédents.
Le souvenir du comte de Bizemont n'est donc point près
de s’effacer parmi nous ; mais si le talent de l’artiste est
consacré par les écrivains spéciaux qui ont inscrit son nom
parmi ceux des graveurs célèbres, par la sollicitude de
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- 49 -
l’Etat et de la ville d’Orléans, qui conservent précieuse¬
ment ses dessins et ses gravures dans leurs collections
publiques, par les collectionneurs et les amateurs qui
recherchent ses œuvres, si la ville d’Orléans s’honore de
le compter parmi les plus utiles de ses serviteurs, il est un
hommage nouveau que nous avons cherché à lui rendre ;
c’est de retraçer les grandes lignes de cette longue exis¬
tence, toute de travail et de dévouement, si cruellement
éprouvé par huit années d’exil et de vicissitude, et d’offrir
ce modeste travail à la Société des sciences, belles-lettres
et arts d’Orléans dont il fut au siècle dernier, avant la
Révolution, et depuis son retour dans ses foyers, l’un des
membres les plus considérables et les plus distingués.
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APPENDICE
FÉDÉRATION ORLÉANAISE
6, 7, 8, 9 et 10 mai 1790
Les gardes nationaux d’Orléans, sous l’impulsion de leur
colonel et du lieutenant-colonel, le comte de Bizemont,
après avoir obtenu l’autorisation des officiers municipaux,
avaient invité, dans le courant d'avril 1890, les gardes
nationales des provinces de Touraine, du Berry, du Niver¬
nais et du pays chartrain à se joindre à eux dans une fédé¬
ration, qui serait tenue, le 6 mai et jours suivants, à
Orléans, pour assurer la nouvelle constitution.
Cent trente-cinq villes ou bourgs avaient donné leur
adhésion, et, dès le 5 mai, 1074 députés, représentant
42,293 gardes nationaux des différentes localités, arrivaient
à Orléans.
Chacune des députations choisit sur le champ deux dépu¬
tés particuliers pour former un premier conseil, chargé de
préparer les opérations de la fédération et de rédiger la
formule du serment.
La garde nationale d'Orléans avait élu pour député, son
lieutenant-colonel de Bizemont et M. Geffrier-Lenormant,
volontaire de cavalerie.
Le 6 mai, tous les députés choisis pour former co conseil
se rendirent au matin en l’église des Jacobins, qui avaient
été disposée en salle d’assemblée. Le lieutenant-colonel do
Bizemont et M. Geffrier s y trouvaient à l’avance pour rece¬
voir les députés étrangers. Chacun prit alors sa place dans
l’ordre déterminé par le sort, et MM. de Bizemont et Geffrier
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- 51 —
rejoignirent ensuite la leur. L’assemblée constituée, M. de
Bizemont s’est avancé sur le premier gradin du bureau et
prononça le discours suivant :
« Messieurs, camarades et frères, d'armes,
« Député parmi vous, je cherche en vain des expressions
pour vous rendre dignement tout ce qui me frappe, tout ce
qui m’affecte, dans un jour aussi mémorable. Qu’il m'est
doux d’être témoin de ce que peut inspirer l’émotion géné¬
reuse du patriotisme, de la ressentir et de la partager avec
vous ! Aux vœux que nous allons former en commun pour
le bonheur et la gloire de la patrie, daignez y joindre,
Messieurs, tout ce que ce spectacle a d’intéressant pour
nous et le sentiment de notre reconnaissance. Nous vous la
devons au plus haut point, pour la démarche que vous faites
aujourd’hui de venir vous unir à nous pour contracter l’en¬
gagement sacré et solennel d’être fidèles à la nation, et
d’assurer tout ce qui peut la rendre heureuse; d’être les
défenseurs de la loi ; de repousser ses ennemis et de punir
ses violateurs; de jurer, enfin, une fidélité inviolable au
meilleur des rois, dont la bonté pour nous doit être la
mesure de notre amour pour lui.
« Loin de nous, Messieurs, l’image affreuse des désastres
et des brigandages, fruits inséparables de l’Anarchie ; loin
de nous le déplorable souvenir de ses époques fatales de la
destruction des peuples et de l’anéantissement de leurs pro¬
priétés. Que les armes qui sont dans nos mains, loin de
répandre du sang etd’enhardirla licence, soutiennent la paix
et la concorde parmi nous ; qu'elles soient les gages et les
maintiens de la félicité publique. Puissions-nous voir arri¬
ver le temps heureux où le citoyen paisible s’occnpera du
soin de son commerce, s’intéressera au progrès des arts et
surtout à la culture des campagnes ! Puissions-nous voir
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- 52 —
le fer qui peut servir à les détruire et à les ravager y faire
couler les sources de l’abondance !
« Que ceux d’entre nous qui auraient pu se méprendre sur
le véritable esprit du patriotisme se renferment, dans l’ave¬
nir, dans la juste idée qu’on en doit avoir. Animés de
l’amour, de l’ordre et du bien, réprimons avec courage
l’audace et la témérité. Citoyens de la même patrie, veillons
sans cesse à la conservation de sa tranquillité et de son
repos. Combattons pour la vérité, mais souvenons-nous qu'il
faut l’annoncer sans fanatisme, comme sans faiblesse ; que
son langage soit simple et touchant comme elle. N’insultons
point avec dédain aux erreurs de ceux qui nous désapprou¬
vent ; la force et la violence ne feraient que les aigrir et les
éloigner de nous ; c’est la douceur qui les conduira au but
où nous voulons les amener.
« Nous ne pouvons détourner les yeux des maux qui
affligent dans ce moment la classe indigente, et retenir les
expressions de la douleur que ce spectacle nous arrache ;
mais si notre voix se fait entendre, ce n'est point pour sou¬
lever les esprits, c’est pour faire parvenir les plaintes des
malheureux jusqu’aux oreilles de ceux qui peuvent les sou¬
lager. O vous qui veillez aux intérêts de la France, assem¬
blée auguste dont nous respectons les décrets, tout un peu¬
ple met en vous ses espérances ! Hâtez, s’il se peut son
bonheur.
c Religion sainte, tu vas mettre le sceau à cet acte de
fraternité et de fédération civique ! Dieu de nos pères, c’est
devant toi que nous allons prononcer ce serment qui doit
assurer à une nation que tu protèges son bonheur et sa
prospérité; sois le vengeur de ceux qui oseront l’en-
feindre! *
Ce discours excita les plus vifs applaudissements, et l’im¬
pression en fut unanimement réclamée et adoptée.
Le colonel de Bizemont fit ensuite la proposition de pro*
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— 53 —
céder à l’élection d’un président. Ce fut alors comme une
explosion de tous les sentiments que son discours avait ins¬
pirés, et l’assemblée ne put les exprimer qu’en lui décer¬
nant cette dignité par une acclamation générale. Inutile¬
ment sa modestie a réclamé contre cet honneur, il fut
contraint de céder à l’hommage rendu à ses vertus patrioti¬
ques et à ses talents, et au témoignage d’estime que
l’assemblée voulait donner en la personne de son député à
la garde nationale d'Orléans, en élevant à cette place hono¬
rable le citoyen respectable qu’elle avait si heureusement
choisi pour son premier interprète.
A l’issue de cette réunion, toutes les compagnies et tous
les détachements de gardes nationales d’Orléans et étran¬
gères s’assemblèrent en armes sur la place et se rendirent
à la cathédrale, ayant à leur tête le lieutenant-colonel de
Bizemont, pour entendre la messe du Saint-Esprit et assis¬
ter à la bénédiction des drapeaux.
Après la messe, les députés se rendirent en corps à la salle
d’assemblée pour procéder à la vérification des pouvoirs.
Le lendemain, 7 mai, eut lieu la deuxième séance en
présence du maire, M. de Tristan et, des officiers munici¬
paux, qui prirent place à la droite et à la gauche du prési¬
dent M. de Bizemont.
Le président prit alors la parole, et, s’adressant aux
représentants de la municipalité, s’exprima en ces termes :
« Messieurs,
« La place dont je suis honoré dans ce moment-ci est une
faveur que je dois à la considération que l’assemblée a eue
pour cette ville, dont j’ai l’avantage d’être citoyen. Si je
suis sensible à cette marque de distinction, c’est qu’elle me
procure les moyens de réunir aux sentiments de ma recon¬
naissance pour elle ceux de mes concitoyens dont vous avez
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— 54 —
comblé les espérances. Vous serez témoin, Messieurs, du
zèle patriotique qui nous anime et des efforts que nous
ferons pour assurer le bonheur du peuple français. Puis¬
sions-nous avoir la douce consolation de voir l’olivier de la
paix planté au milieu de nous ! Puisse cette fédération fra¬
ternelle reproduire sans cesse les germes d’une félicité
permanente et inaltérable ! »
L'assemblée commença alors ses travaux et décida dans
cette séance de nommer un état-major dont les officiers
seraient chargés de préparer la cérémonie de la fédération.
Elle désigna par acclamation tous les membres de l’Etat-
major de la garde nationale d’Orléans.
Le 8 mai, à 4 heures du soir, les députés se réunirent
pour la troisième fois. Les secrétaires et commissaires-
adjoints firent lecture de la formule du serment, qui fut
unanimement adoptée, l’assemblée arrêta que, conformé¬
ment à l’ordre établi par MM. les commissaires d’Orléans,
elle se transporterait le lendemain à la pointe du jour, avec
toute l’armée fédérée, quelque temps qu’il fît et à pied, au
camp disposé à la plaine des Quatre-Vents, au-dessus
d’Olivet, où l’autel était érigé.
Le 9 mai, dès 5 heures du matin, toutes les troupes se
trouvaient rassemblées. Les six premières compagnies de
la garde nationale d’Orléans avaient été placées, la droite
appuyée à l’entrée du pont, en remontant par la rue
Royale, les six autres sur la rue Bannier, la droite appuyée
du côté de la place en remontant vers le faubourg Bannier.
Les dctachements étrangers occupaient le centre en obser¬
vant entre eux l’ordre qui lui avait été assigné par le sort.
A six heures du matin les députés délégués de l’assemblée
fédérative se rendirent au lieu de leurs séances. Ses occu¬
pations militaires ayant retenu le lieutenant-colonel de
Bizemont près de ses troupes, la présidence fut déférée b,
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M. le marquis de Lucker, commandant la garde nationale
de Beaugency. Alors, accompagnés par un détachement
d’honneur, 'tous les députés vinrent se joindre au cortège
et prirent place au centre de la colonne immédiatement
derrière la 6* compagnie.
Tout étant disposé, le signal du départ fut donné par une
décharge de coups de canons, et les cloches des églises
sonnèrent à toute volée.
Le corps municipal se rendait de son côté au camp en
voitures, précédé et suivi d’un détachement de cavalerie.
L’arrivée au camp fut annoncée par une deuxième salve
d'artillerie. Les troupes se rangèrent en bataille et formè¬
rent ensuite le bataillon carré faisant face au corps muni¬
cipal et aux invités de distinction, parmi lesquels se trou¬
vaient de nombreux officiers de régiments deRoyal-Comtois,
de Roussillon, de Piémont, et de la Maréchaussée.
Une foule innombrable, animée de l'enthousiasme le plus
patriotique, avait suivi le cortège et envahi la plaine; elle
se rapprocha compacte, formant autour de l’autel et de cet
appareil militaire comme une épaisse ceinture humaine, et
la cérémonie commença.
Le lieutenant-colonel de Bizemont ayant assuré la posi¬
tion régulière de ses troupes, revint prendre sa place à la
tète des députés de l’assemblée fédérative faisant face à
l’autel élevé au centre du camp. Get autel était orné de
branches de lauriers qui encadraient l’inscription: Patrie.
— Loi. — Roi. — Fidélité.
A onze heures, le révérend Père Pavy, religieux domi¬
nicain, accompagné de l’aumônier de la garde nationale
de Nogent-le-Rotrou, monta à l’autel, et la messe fut célé¬
brée aux accords de la musique militaire. L’attitude de
tous les assistants était universellement respectueuse.
Après la messe, M. de Bizemont, président, accompagné
des deux secrétaires et des commissaires de la fédération.
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gravit les degrés de l’autel de la Patrie. Là, l’épée nue sur
l’évangile, il fit à haute voix la lecture de la formule du
serment, ainsi conçue :
c Nous, citoyens, soldats nationaux, représentant les
gardes nationales de différents départements dénommés
dans le procès-verbal de confédération des séances des 6,
7 et 8 mai présent mois, réunis sous les murs d'Orléans au
nombre de 3,474, jurons sur l’honneur de la Patrie, sur
nos armes et sur les sentiments fraternels et patriotiques
qui nous animent tous, d'être fidèles à la Nation, à la Loi
et au Roi.
« Nousjuronsque l’engagement solennel que nous contrac¬
tons aujourd’hui avec la nation, en présence de l’Eternel,
nous portera sans cesse à surveiller ses ennemis et à les
combattre, à respecter et à faire respecter la constitution du
royaume, à exécuter et à faire exécuter tous les décrets de
notre auguste Assemblée nationale, acceptés ou sanction¬
nés par le Roi.
« Nous nous engageons d’assurer toutes les impositions
légalement établies ; nous promettons de déployer toutes
nos forces pour protéger la libre circulation des grains
dans tout l’intérieur du Royaume.
« Nousfesons le religieux serment d etre inviolablement
unis, de nous secourir mutuellement dans toutes les cir¬
constances où quelques-unes des gardes nationales de nos
villes, bourgs ou communautés, pourront être inquiétées
ou attaquées injustement.
« Nous jurons enfin de protéger les propriétés particu¬
lières contre les individus ou associations quelconques qui
tenteraient de les violer, et de prêter main forte aux corps
administratifs et municipaux, toutes les fois que nous en
serons requis par écrit, pour le maintien de l’ordre et de la
sûreté publique, conformément aux décrets acceptés ou
sanctionnés par le Roi. »
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— 57 —
Après cette lecture, M. le président, levant son épée,
prononça ces mots : « Je le jure ! » et tous les corps civils
et militaires répétèrent aussitôt : « Je le jure ! *
Après le serment, l’allégresse s’empara de tous les es¬
prits ; on chanta d’enthousiasme le Domine , salvum fac
Regem , et des cris, mille fois répétés, de : vive la Nation !
vire la Loi! vive le Roi! vive l’Assemblée nationale! se
firent entendre de toutes parts.
L’armée a aussitôt défilé devant l’autel, et tout le peuple
présent à cette fraternelle effusion s’avança au milieu du
camp et mêla ses serments à ceux delà troupe.
L’heure du départ avait sonné, et le retour en ville se
fit dans l’ordre le plus parfait.
Le 10 mai, les députés de l’Assemblée fédérative tinrent
encore deux séances, la première le matin pour rédiger le
procès-verbal des événements mémorables qui s’étaient
passés la veille, et la deuxième, le soir, qui fut la séance
de clôture, pour la rédaction d’une adresse au roi, qui
furent' signées par le président et tous les membres de ras¬
semblée fédérative.
M. de Bizemont proposa ensuite de faire frapper une
médaille commémorative en souvenir de la Fédération
d’Orléans, et il soumet à l’assemblée le projet suivant:
sur la face, un autel sur lequel s’élève une épée surmon¬
tée d’un bonnet, symbole de la liberté ; aux deux côtés de
cette épée, deux sceptres en forme de croix, 1* un-
ayant une tête en main, représentant la justice, l'autre
ayant en tète une fleur de lys, représentant le pouvoir
exécutif, le tout réuni par un ruban national. Sur l’autel
sont écrits ces mots : A la liberté ; au-dessous : Pacte fédé¬
ratif, à Orléans, mil sept cent quatre-vingt-dix. Comme
exergue: Fidélité à la Patrie, à la Loi et au Roi. Au re¬
vers, le portrait de Louis XYI avec cette légende : « Au
restaurateur de la liberté française. *
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— 58 —
Le projet présenté par le président fut adopté ; et MM. Le
gros et Callier, artistes et gardes nationaux, offrirent de
graver gratuitement les coins de cette médaille.
Les députés de l’Assemblée fédérative avaient terminé
leurs travaux. Avant de clore cette dernière séance, le
comte de Bizemont prit la parole en ces termes :
« Messieurs,
« La ville d’Orléans ne perdra jamais le souvenir du
dévouement et de l’amour patriotique dont vous venez de
lui donner des témoignages si éclatants. Nous n’oublierons
pas davantage les titres flatteurs dont vous avez honoré les
chefs de la garde nationale. Cette fédération fraternelle,
resserrée et consacrée par les liens du même serment, cette
concorde, cette union si rare des cœurs et des esprits, sera
une époque aussi glorieuse que mémorable dans les fastes
de ce département. Mais notre joie serait imparfaite si vous
n’étiez pas convaincus, Messieurs, des sentiments dont
nous sommes pénétrés. Je n’ai qu’un regret, c’est de me
sentir incapable de vous en rendre toutes les expressions.
Nous osons vous supplier, dans les différentes contrées que
vous allez parcourir, et surtout quand vous serez arrivés
au terme et dans le sein de vos familles, de vouloir bien
être nos interprètes auprès de nos amis, de nos frères, vos
compatriotes. Assurez-les, Messieurs, que dans tous les
temps, les Orléanais seront prêts à se réunir à eux pour
soutenir les fondements de l’édifice de la paix, et à sacri¬
fier leur vie pour concourir au bonheur des sujets de cet
empire (1). *
(1) Archives municipales. Bibliothèque publique. Procès-verbaux de
la fédération d’Orléans.
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RAPPORT PAR M. GUILLON
SUR
L’HISTOIRE DE MARIE-ANTOINETTE
Par M. Maxime DE LA ROCHETERIE.
Séance du W juin 1890.
Messieurs,
La section des lettres ma chargé du rapport sur l’histoire
de Marie-Antoinette, que notre si distingué et si sympa¬
thique collègue, M. de la Rocheterie, a gracieusement offerte
à la Société.
Il s’agit d’une œuvre considérable dont l’éloge n’est plus
à faire ; un de nos excellents collègues en a déjà rendu
compte dans les Annales religieuses et littéraires du dio¬
cèse d’Orléans, en termes parfaits et avec une autorité qui
rend ma tâche à la fois facile et délicate ; l'Académie fran¬
çaise a décerné un prix à l’auteur, au concours Marcellin
Guérin.
Votre modeste rapporteur aurait après cela mauvaise
grâce à insister par une appréciation personnelle du mérite
de l’œuvre.
La vie de Marie-Antoinette est un des sujets, où la pas¬
sion pour les mémoires, les documents confidentiels ou
intimes, qui caractérise notre époque, a produit l’ensemble
des documents les plus importants et les plus complets. La
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correspondance du comte de Mercy, les papiers du comte
de Fersen, la correspondance du baron de Staël et bien
d’autres documents publiés dans les vingt dernières années,
ont jeté une vive lumière sur cette royale existence.
M. de la Rocheterie, dès le début de ces publications, a
fait de ce sujet son domaine propre, étudiant et analysant
les documents, dans la Revue des questions historiques. Il
a couronné cette œuvre de quinze années de recherches
consciencieuses, par cette histoire de Marie-Antoinette,
écrite d’une plume élégante et facile, œuvre aussi achevée
dans la forme que sûre dans la méthode et dans la discus¬
sion.
Mais si notre collègue a mis en œuvre tous ces documents
suivant la méthode de l’école documentaire et critique
actuelle, il a eu garde de sacrifier à cette mode l’unité de
son œuvre; et il nous a donné une histoire d’une lecture
charmante, On y ost aussi ému de la grâce juvénile des
débuts que de la sombre et tragique grandeur de la fin; on
éprouve autant d’intérêt dans les récits historiques que
dans les analyses pshychologiques.
Et en effet, y a-t-il drame plus complet que la vie de
Marie-Antoinette? Les tragédies antiques de Sophocle, les
drames modernes de Shakspeare ne contiennent rien de
plus tragique. Et l’on songe malgré soi à la fatalité antique.
Quelle destinée que celle de cette femme, dauphine à
15 ans, mariée à 19, mère à 23, montant sur l’échafaud à
39 ans, après avoir épuisé tous les triomphes et toutes les
amertumes !
Que l’éclat des années triomphales, l’auréole de ses mal¬
heurs et de son martyre aient inspiré l'enthousiasme
passionné de certains de ces historiens, comment s’en
étonner ?
* M. de la Rocheterie, lui, a tenu à être absolument impar¬
tial, « à ne pas dissimuler les défauts et les fautes, n’ayant
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d'autre soin que de chercher la vérité et d’autre ambition
que de la dire ». Il a tenu complètement sa promesse, et se
montre dans ses récits et ses jugements, il'une honnêteté
historique absolue. S'il m’était même permis de donner l’im¬
pression que j'ai ressentie, je ferais à notre collègue une
légère chicane, qu’il me pardonnera sans doute. Je trouve
que son désir d’impartialité l’a rendu peu indulgent dans
ses jugements.
J’avais déjà éprouvé une impression du même genre il y
a plusieurs années, à la lecture de la correspondance si
intéressante do Mercy avec Marie-Thérèse. Les remon¬
trances au jour le jour d’une mère, certes, grande reine,
mais aussi maman grondeuse, les renseignements intimes
et presque quotidiens d’une sorte de Mentor, chargé de
tenir la mère constamment au courant des moindres actions
de sa fille, sont livrés à la publicité. Il n’y a sans doute
rien qui nous puisse mieux édifier sur la vie et les senti¬
ments de Marie-Antoinette; mais toutes ces gronderies où
Ton enfle volontairement le ton pour produire un effet, ne
peuvent être prises à la lettre sans être détournées de leur
vrai sens. A la lecture de ces documents intimes et presque
indiscrets, on éprouve à la fois un vif intérêt et un senti¬
ment pénible.
Sans doute, M. de la Rocheterie a fort bien exprimé ce
sentiment dans la page suivante :
« Mercy déploya tant de tact dans l’accomplissement de
f sa délicate mission, il sut si bien déguiser ce qu’elle
f pouvait sembler avoir d’odieux, que Marie-Antoinette
« surveillée, espionnée, ne lui en sut jamais mauvais gré.
f Un tel amour, dans de si difficiles conditions, ne fait pas
f moins d'honneur à la pupille qu’au Mentor ».
Mais, notre collègue ne se montre-t-il pas, malgré tout,
comme une mère inquiète et vigilante, un peu exigeant et
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un peu sévère pour les < dissipations » et les inconsé¬
quences ?
Qu’exige-t-on en effet de cette jeune fille transplantée à
15 ans de la cour patriarcale de Vienne, à cette cour de
Versailles où la Dubarry fait regretter l’élégance dissolue
d’autrefois? Elle doit concilier sa dignité et sa pudeur avec
les égards que de Vienne même on lui recommande pour
cette femme que l’on ne désigne que par des périphases
< les gens que le roi a mis dans sa société », et que l’on
doit ménager e parce qu’ils peuvent nuire ». La grande
Marie-Thérèse elle-même demande « une parole indiffé¬
rente, de certains regards, non pour la dame, mais pour
votre grand’père >.
Et, où cette jeune femme, cette enfant plutôt, à qui l’on
demande tant de tact et de diplomatie, trouvera-t-elle un
appui ?
Ce n’est pas auprès du roi, indolent et égoïste, qui fuit
toute explication. Ce n’est pas auprès de Mesdames, ses
tantes, ces vieilles filles dont M. de la Rocheterie nous
dépeint si bien les susceptibilités ombrageuses, les étroi¬
tesses d’esprit et les médisances, ni auprès de ses beaux-
frères et belles-sœurs, jaloux de son avenir et de ses succès.
Ce n'est pas même auprès de Cet époux d’un extérieur
fruste et rude c nature en globe, apathique de corps et d’es¬
prit », d’une timidité excessive qui ne devint son mari
qu'aprés sept ans d’union et 3 ans de régne, et qui, malgré
de solides qualités et les plus droites intentions n’eut
jamais c ni les goûts ni les vertus d’un monarque ».
Certes, Marie-Antoinette n’est pas une grande souveraine
comme sa mère; ce n’est pas non plus une « sainte », mais
telle que nous la montrent tous ces documents, et telle que
nous la dépeint si bien M. de la Rocheterie, je la trouve
bien plus humaine, plus gracieuse et plus touchante. Elle
a tous les charmes de la femme et de la reine, la grâce,
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l’élégance, la dignité sans morgue, la bonté, la sensibilité;
elle en a quelquefois, aussi la frivolité et la coquetterie
pendant sa jeunesse triomphante; mais elle grandit avec
les épreuves ; il ne lui vient pas à la pensée qu’elle puisse
séparer son sort de celui du roi, même sous le spécieux
prétexte de sauver ses enfants; elle supporte avec une
dignité tranquille les humiliations et les tortures. Et c’est
un spectacle vraiment grand, que cette reine, qui a tenu
aussi le spectre de l’élégance, reprisant dans son cachot la
robe qui doit lui servir le lendemain sur l’échafaud.
Mais je sens, Messieurs, que je me laisse entraîner, et
qu’au fond j’exprime le sentiment de notre collègue; il a si
bien pénétré toute cette époque, il est si sûr de la pureté
des sentiments et de la conduite de la reine, qu’il a tenu à
ne rien dissimuler et rien affaiblir.
Du reste, les détracteurs de Marie-Antoinette n’ont plus
grande créance aujourd’hui; elle a conquis dans l’histoire
la respectueuse sympathie de tous les cœurs généreux,
comme elle avait conquis celle de Barnave et des c muni¬
cipaux » qui constitués ses geôliers, ont exposé leur vie
pour la délivrer.
Et, juste retour de l’opinion, c’est sans conteste aujour¬
d’hui, une figure bien française que celle de cette reine que
les pamphlétaires et les tricoteuses appelaient l’autri¬
chienne, ramassant sans le savoir un mot cruel de Mes¬
dames, filles de France, bien moins françaises quelle par le
cœur.
Maintenant, vous analyserai-je cette histoire de Mapie-
Antoinette ?
La plupart d'entre vous l’on déjà lue et goûtée; aux
autres je dirai; lisez-là; je vous promets des heures déli¬
cieuses, une lecture charmante, intéressante comme une
étude de mœurs, plus vivante qu’un roman, instructive
comme les plus graves études historiques. Vous y trou-
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verez des peintures d’une perfection achevée : la cour où
grandit la jeune Marie-Antoinette auprès d’une mère qui
unit dos vertus de famille presque bourgeoises à l’àme virile
d'un grand souverain ; puis saisissant contraste, la cour de
Louis XV, où sous la pompeuse étiquette et la brillante
élégance qui ont survécu au grand roi, se cachent les
plus mesquines intrigues, et où la jeune Dauphine est en
butte à toutes les jalousies; les débuts si brillants de la
jeune reine, les fêtes, les bals masqués, les « dissipations »,
comme dit M. de la Rocheterie, où l’entraîne la société de
Mad. de Polignac ; le gracieux ermitage de Trianon. Tout
ce premier volume est d’une lecture souriante. C’est l’i¬
dylle. Mais il se termine par l’affaire du collier, qui lait
pressentir le drame; quel spectacle en effet que ces magis¬
trats, ces grands soigneurs, tous*ces puissants de la finance
et de la mode, prenant parti contre les souverains pour un
prélat vaniteux dupé par une intrigante de bas étage.
Le second volume n’offre pas le même genre d’intérêt;
la vie de Marie-Antoinette est tellement mêlée à l’histoire
de la Révolution, qu’il a fallu à notre collègue plus d’art
encore que dans le premier volume pour continuer son récit
sans que la figure de la reine s’efface devant la sombre
grandeur des événements. Mais il peint si bien, il élucide
tellement les questions, que l’on sent à peine ces difficultés.
La fin approche, nous voici au Temple, puis à la Concier¬
gerie. Marie-Antoinette reprend le premier plan; M. de la
Rocheterie nous dit cette longue agonie en termes touchants,
mains sans emphase, imitant la reine dans sa tranquille
dignité et dans son pardon.
Je le répète, Messieurs, lisez ce bel ouvrage. Vous direz
avec moi que la Société tout entière est fière de l’œuvre
d'un de ses membres.
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NOTICE NÉCROLOGIQUE
SUR
m. collin
Par M. E. BIMBENEÎ.
Séances de novembre 1890.
Messieurs,
Je viens accomplir la tâche que vous avez bien voulu me
confier, de rendre un dernier hommage à la mémoire de
notre éminent collègue, M. Pierre-François-Alexandre
Collin.
Je n’eusse pas accepté cette mission si je ne m’en étais
remis au souvenir de chacun de vous, pour suppléer aux
omissions qu’on pourrait reprocher à cette étude, ou à son
insuffisance.
Vous avez suivi M. Collin, pendant le séjour prolongé
qu’il a fait parmi nous, dans les actes de sa vie publique;
à ce point de vue votre mémoire vous rappelle un membre
de la partie scientifique la plus élevée de l’ordre adminis¬
tratif, où il a occupé l'une de ses fonctions les plus consi¬
dérables.
Plusieurs d’entre vous ont eu l’inestimable avantage
d’entreteninavec lui des rapports familiers ; au point de vue
de la vie privée, votre mémoire vous remet en présence
5
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d’une vieillesse active et laborieuse, opposant une éner¬
gique résistance aux atteintes de l’àge, que le sentiment
religieux et patriotique soutenait et fortifiait, que la mort
seule a pu abattre.
1
Nous ne possédons que peu de renseignements sur la
première jeunesse de M. Collin ; son père appartenait à
l’administration de l’enregistrement et des domaines ; son
frère en était, naguère, le directeur au ministère des
finances ; ces détails, ici d’un ordre secondaire, doivent être
négligés; il doit suffire de s'arrêter à l’admission de
M. Collin à l’école polytechnique ; il y entra au cours de
l’année 1828, dans sa vingtième année.
Né à Dijon le 29 juillet de l’année 1808. Le 30 no¬
vembre 1830, il était élève des ponts et chaussées, le 20
mai 1850, il était nommé ingénieur en chef. Il exerça cette
fonction jusqu’au 30 novembre 1867 où il fut élevé à celle
d'inspecteur général, et enfin, il prit sa retraite le 28 juil¬
let 1873.
Dans ces deux dernières périodes de sa vie administrative
et même dans celle où il dut résider à Paris il ne cessa de
conserver son domicile à Orléans.
Avant de pénétrer dans une vie aussi méditative, il est
indispensable d’en faire connaître les premiers actes, de les
rapprocher, desactes de 1 âge mur etde ceux de la vieillesse ;
tous, malgré les diversités, souvent profondes, qui les ren¬
dent inconciliables, ne s’en rattachent pas moins les uns
aux autres, comme procédant du même principe.
Les annales religieuses et littéraires du diocèse d’Orléans,
sous la date du 18 janvier dernier, à l’occasion de la mort
de M. Collin, contient une notice, à laquelle il serait témé¬
raire de rien ajouter, si l’auteur ne s’était maintenu, dans
l’ordre d’idées qui appartient, surtout, à cette publication ;
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on y lit ce passage : « La foi de son enfance n’avait pas sur-
< nagé au milieu des orages de la jeunesse et de l’incrédulité
< railleuse qui, malgré le caractère officiel des cérémonies
< religieuses régnait dans les écoles, où, pendant ses labo-
• « rieuses études il prépara sa brillante carrière. »
On doit rappeler, ici, qu’au moment où M. Collin était
admis à l’école polytechnique, se manifestaient des préludes
de la révolution qui éclata au mois de juillet 1830.
On sait quel rôle définitif joua, dans ce mouvement révo¬
lutionnaire, la survenance de ces jeunes écoliers revêtus
de leur uniforme, l’épée à la main, et quelle influence elle
exerça, non seulement sur la foule ameutée, mais plus
encore sur les troupes envoyées pour la dissiper et pour
la combattre.
C’est à cette survenance que Casimir Delavigne fait
allusion dans le chant qu’il a consacré à cet événement :
La mitraille en vain nous dévore ;
Elle enfante des combattants ;
Sous les boulets voyez éclore,
Ces vieux généraux de vingt ans.
M. Collin céda à l'entraînement général ; il faut considé¬
rer qu'à ce moment il n’était qu’à cet âge où la vivacité de
l’imagination et des sentiments l’emporte sur les règles de
la prudence.
En dehors des actes de sa fonction, M. Collin a publié un
certain nombre d’œuvres et de mémoires ayant tous un
caractère dominant, le caractère scientifique et pratique.
Le premier est intitulé : Recherches expérimentales sur
les glissements spontanés des terrains argileux , accom¬
pagnées de considérations sur quelques principes de
mécanique terrestre.
Ce titre suffit pour donner une idée du caractère de cette
étude ; dans un avant propos, l’auteur nous apprend que,
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commencée en 1836, elle n’a été soumise à l’Académie des
sciences qu’en l’année 1840.
En l’année 1841, M. Legrand, sous-secrétaire d’état des
travaux publics, invita le corps des ponts et chaussés à
émettre un avis , sur cette œuvre ; cet avis fut: qu’on l’in¬
sérât dans les annales de cette administration ; mais l’auteur
ayant jugé nécessaire de faire le retranchement de quelques
passages ne paraissant pas se rattacher à la question prin¬
cipale, cette insertion n'eut pas lieu.
Cependant, en l’année 1844, M. de Beaumont, membre de
l’Académie des sciences, ingénieur en chef du corps des
mines, présenta cet ouvrage pour le prix annuel de méca¬
nique^ décerné par cette Académie ; mais, dans sa loyauté,
l’auteur préféra l’exécution d’engagements qu’il avait pris
et qui ne lui permettaient pas d’attendre la décision à
cet égard.
Cependant, l’administration publique ne laissa pas l’édi¬
tion se produire sans lui donner un éclatant témoignage
d’estime; les ministres des travaux publics, de la guerre, de
la marine, de l’intérieur, de l’instruction publique s’em¬
pressèrent d’y souscrire ; ces manifestations émanées d’ap¬
préciateurs si compétents, furent en l’année 1844, consa¬
crées par celle de 1850 au cours de laquelle M. Collin fut
élevé au grade d’ingénieur en chef.
L’ouvrage se présente dans un volume grand in 4°, son
but y est brièvement et nettement, exposé, il a pour objet :
une question de mécanique appliquée spécialement à
Véquilibre des terrains argileux ; les conditions d'équi¬
libre quon est habitué de regarder comme suffisantes ,
cessent de Vêtre dans les terrains argileux .
Ce premier travail contemporain de la direction confiée
à M. Collin, du canal de Bourgogne et du service hydrauli¬
que de la Côte-d : Or, fut, au cours de l’année 1851, suivi
d’une autre publication ayant pour titre : étude sur quel -
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ques canaux dirrigation, dans le departement de la
Côte-d'Or; tel est le sujet d’une brochure de 31 pages,
accompagnée d'une carte générale de ce département, indi¬
quant en largeur et longueur ces réservoirs, au nombre de
«sept, et celle de leurs réservoirs et rigoles.
Dans les recherches expérimentales sur les glissements
des terrains argileux, dont il vient d’être parlé, l’auteur
mentionne, souvent les observations que lui ont suggéré,
les terrassements opérés pour établir ces réservoirs et assu¬
rer leur fonctionnement.
Ce nouvel ouvrage n était quun avant-projet, soumis au
Conseil général de la Côte-d’Or ; il soulevait de graves
difficultés d’exécution, soit au point de vue financier, soit
au point de vue de quelques intérêts particuliers, qui toutes,
sont l’objet d’un chapitre spécial.
La principale était la diminution de Vutilité des canaux
par la survenance des voies ferrées; indépendamment des
facilités que les canaux donnent au commerce et à l’agri¬
culture, ditM. Collin, ces voies de communications sont
destinées à faire un contrepoids salutaire au monopole des
tramways; l’intérêt public prescrit, impérieusement, que
les canaux marchent de pair avec les chemins de fer, qu’ils
soient traités avec la même libéralité.
Le Conseil général auquel était soumis cet avant-projet
en l’année 1855, lui a donné sa complète adhésion.
En 1865, M. Collin ajoutait à ces hautes considérations
économiques un petit volume ayant pour titre : voies navi¬
gables de Vempire français , divisées en deux parties ; la
première traite des rivières, la seconde des canaux, et une
subdivision de la première est consacrée à la navigation
maritime , dans ses rapports avec la navigation des
rivières.
' L’œuvre se présente sous formes de tableaux consacrés
à chacune de ses parties ; chacun de ses tableaux se divise
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— 70 —
en colonnes, le premierest consacré aux rivières navigables;
la première de ces colonnes, par ordre alphabétique, dési¬
gne les noms attribués à ces rivières ; les 2* et 3* indiquent
les latitudes et longitudes aux quelles elles appartiennent;
la 4 e , le développement de la partie navigable ou fluviale,
ou maritime, les 5* et 6 e , désignent l’amont et l’aval.
Le deuxième tableau, consacré à la navigation mari¬
time, se présente sur cinq colonnes, les deux premières
désignent l’amont et l’aval de cette navigation; les troi¬
sième et quatrième leurs largeurs et longueurs, et la cin¬
quième la nature des ouvrages pour améliorer la
navigation.
M. Collin nous avait appris les noms attribués aux
rivières navigables et leur nombre qui est de 157, il nous
apprend en observant le même ordre les noms des canaux
navigables qui est de 172, leur position géographique, et
les observations particulières qui intéressent chacune de
ces voies de communication.
M. Collin complète son œuvre par un dernier chapitre
intitulé : Désignation des Etals traversés par les voies
navigables de la Belgique et des provinces de la rive
gauche du Rhin, il a divisé ce chapitre en deux tableaux ;
le premier consacré aux rivières navigables, le second
aux canaux de navigation ; ces deux tableaux ont cha¬
cun deux colonnes ; la première de l’un et de l’autre porte,
dans l'ordre alphabétique, les noms attribués à ces rivières
qui sont au nombre de 29 ; la seconde la désignation des
Etats traversés par la partie des rivières navigables et le
développement kilométrique de chacune d’elles, et le déve¬
loppement kilométrique de ces canaux.
Ces développements établissent les distances pour la
Belgique, la France, la Hollande, la Suisse, le duché de
Luxembourg, la province Rhénane, le duché de Bade, la
Hesse et le duché de Nassau.
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L’insistance qui vient d’être observée dans la mention
de cette production de M. Collin n’est qu’un mode de s’as¬
socier à l’idée d’importance qu’il y attachait ; cette impor¬
tance se manifeste par cette note mise à la fin de la page
du titre: Droits de reproduction et de traduction ré¬
servés, et dans les conversations familières, à la moindre
occasion qui se présentait, il en rappelait le souvenir avec
complaisance.
Il en était ainsi de l’œuvre qu’il a publiée en l'année 1865,
et qu’il a communiquée à la Société d’agriculture, sciences,
belles-lettres et arts d’Orléans, dans sa séance du 25 avril
dernier; elle a été comprise dans les annales de notre
Société en l’année 1866.
Cette œuvre est intitulée : Atmidomôtrie, recherches
expérimentales sur Vévaporation*, une note nous apprend
que ce mémoire, couronné par l’Académie des sciences,
dans sa séance du 6 février 1865, et qui avait obtenu le prix
au concours de 1863, est détaché d’un travail général com¬
mencé en 1850 sous le titre : Hydrognosie de la Bour¬
gogne, que l’auteur n’a pu terminer.
Il semble intéressant de rapporter les premières lignes
du premier chapitre : Historique des travaux entrepris
jusqu'à ce jour sur V évaporation*, l’idée de mesurer, par
des observations directes les quantités d’eau de pluie qui
tombent annuellement sur les différents points du globe et
l’intensité de l’évaporation, c’est-à-dire de la transforma¬
tion de l'eau en vapeur, ne paraît pas remonter à plus de
deux ou trois siècles ; ces deux branches de la météorologie
sont aujourd’hui désignés par les mots udométrie , atmi -
domètrie v<J«p pcrpov, eau, mesure, évaporation,
mesure .
On a fait varier, à l’infini, la forme des instruments
propres à ces observations ; mais les principes sur lesquels
ils reposaient étaient, généralement, les mêmes.
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— 72 —
L’auteur attribue les premières recherches, sur ces deux
phénomènes, à la construction des réservoirs destinés à
l’alimentation des bassins et des jets d’eau composant le
merveilleux système hydraulique des jardins de Versailles.
Colbert et Louvois voulurent être renseignés sur les quan¬
tités de pluie dont on pourrait disposer pour le remplissage
de ces réservoirs et suç l’évaporation.
Louvois chargea particulièrement Sédilleau, membre de
l'Académie des sciences, d’entreprendre une série d’expé¬
riences pour résoudre cette question ; ce savant opéra sur
la terrasse de l’observatoire pendant les années 1688, 1689
et 1690.
A partir de cette date M. Collin suit, par ordre chrono¬
logique, toutes les expériences qui ont eu lieu, à cet effet,
en France et dans les pays étrangers ; mais, ainsi qu’on le
verra bientôt, il y eut un grand intervalle entre les expé¬
riences de Sédilleau et celles qui les ont suivies.
Ce ne fut qu’au cours du xvm* siècle que les savants
étrangers entrèrent dans cette voie. On doit placer en pre¬
mière ligne les membres de l’Académie des sciences de
Stockolm, Musschenbrock et Valérius ; Lambert à Berlin x
et Van Sweinden en Belgique ; ce dernier a été précédé en
France par le R. P. Cotte, dont il va être bientôt plus
amplement question. Ce savant Lambert, dont le nom tout
français indique un réfugié en Prusse, par suite de la révo¬
cation de l’édit de Nantes, en l’année 1747, fit, pour ses
expériences, usage d’appareils autres que ceux employés
par ses prédécesseurs.
M. Collin parcourt ensuite les Etats étrangers où des
expériences furent faites, depuis le xvm e siècle jusqu’au
moment où lui-même se mit à l’œuvre, la Prusse, la Hol¬
lande, l’Italie, la Lombardie, l’Angleterre, et enfin il
revient en France.
11 cite les villes de France dans lesquelles ces expé-*
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riences furent, il faut en convenir, plus tentées que suivies
avec méthode et persévérance, Nantes, Lille, les bassins
de l'Yonne, de la Meuse, de la Meurthe, le département
de Lot-et-Garonne et celui de la Gironde.
Il cite les noms de ceux qui s’y sont associés, plus acti¬
vement et avec un plus vif sentiment scientifique et, en
première ligne, le nom de ce religieux qui, sur la terrasse
de Saint-Germain et dans sa résidence de Montmorency,
s’y livra de l’année 1765 à l’année 1804: Les célèbres phy¬
siciens italiens Calandreli et Conti, Franeker en Hollande,
Halley en Angleterre, et enfin en France l'illustre agro¬
nome Gasparin.
Ici s’arrête l’examen des premiers et principaux ouvrages
de M. Collin qui ont marqué son entrée dans la voie qu’il a
parcourue avec honneur pendant 43 ans.
Il a paru utile de les faire connaître par nne analyse
doDt certainement ils sont dignes, reproduisant, sinon
dans toute leur étendue, au moins en ce qu’ils ont de subs¬
tantiel, les recherches, les calculs, les observations et les
démonstrations qui composent ces œuvres, dans lesquelles
se rencontrent réunies, par un lien indissoluble, la théorie
et la pratique.
Cette analyse a été lé sujet d’un essai, mais elle a semblée
être considérée comme ne pas devoir entrer dans l’éco¬
nomie d’une simple et modeste notice, destinée seulement
à rappeler, dans leur ensemble plus que dans leurs diffé¬
rentes parties, l’importance des œuvres de cet infatigable
travailleur et son dévouement absolu à la science et à l’u¬
tilité publique.
En regrettant qu’il n’en ait pas été ainsi, il faut s’em¬
presser de se livrer & l’examen des œuvres de M. Collin
depuis qu’il avait fait de la ville d’Orléans celle de son
adoption et qu’il nous a été attaché, au titre de concitoyen
et de membre des trois sociétés savantes, qui l’ont accueilli
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— 74
avec l’empressement qu'inspiraient son mérite et son hono¬
rable caractère.
n
On conçoit facilement que l'auteur des travaux qui
viennent d’être signalés, habitant, en qualité d’ingénieur
en chef, le chef-lieu d’un département, siège de Sociétés
savantes, dût être l'objet de leur attention.
Une occasion considérable se présenta, pour la Société
archéologique, d'adresser une honorable provocation à ce
haut fonctionnaire,
La basilique de Saint-Euverte, l'une des plus anciennes
de la Gaule chrétienne, d’abord placée sous le vocable de
Notre-Dame du Mont, après de nombreuses transforma¬
tions architectoniques, fermée à l’époque de la Révolution,
et, dans un intervalle qui s’écoula de l’année 1790 à
l'année 1838, abandonnée à tous les genres de dégrada*
tions, fut à cette dernière époque rendue à sa destination.
Attribuée à l’église de Sainte-Croix, par suite du Con¬
cordat de 1801, cette basilique n'avait pu recevoir une res¬
tauration qui permit d'y rétablir les cérémonies du culte ;
cette restauration n'a été terminée qu'en l'année 1857.
Elle avait deux caractères : la réparation matérielle et la
réparation artistique ; ces deux ordres eurent, en partie,
leur satisfaction sous les auspices de Mgr Dupanloup, qui
intéressa la Société archéologique à cette importante opé¬
ration.
Cette Société nomma une Commission à laquelle elle
adjoignit quelques personnes qui lui étaient étrangères,
plusieurs membres de la Congrégation de la miséricorde ,
à laquelle cette église et l'ancienne maison conventuelle
avaient été cédées, par l’église de Sainte-Croix; et aussi
M. Collin qu’elle invita à prendre part à la direction de
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ces travaux, mission qu’il accepta et qu'il accomplit avec
empressement et avec zèle.
Le 13 mars de cette année 1857, M. Collin était élu
membre de cette Société et, le 9 mai suivant, il la consul¬
tait sur: le genre de porte quil convenait d'adopter
pour fermer la grotte de Saint-Mesmin; ètait-ce une
grille ou une porte pleine ?
Cette note rappelle la restauration d'une grotte décou¬
verte dans le coteau de la rive droite du fleuve, au-dessus
de l'église paroissiale du bourg, qui a reçu le nom de : la
Chapelle-Saint-Mesmin.
Il est nécessaire de dire ici un mot de la légende du
dragon , sinon universellement répandue, au moins connue
par des noms divers, dans un grand nombre de localités,
depuis le Dragon Boa de la Dalmatie, jusqu'au dragon
appelé la Tarasque de Tarascon qui désolait les campagnes
et y répandait une odeur pestilentielle, et dont ces localités
furent, miraculeusement, délivrées, par le pouvoir de saints
qui les habitaient.
La légende du dragon de Saint-Mesmin a laissé des
traces profondes dans les souvenirs des populations rurales
des environs d'Orléans.
Il en est de même de la légende de Saint-Agilus ou
Agilis ou Saint-Ay, mot prononcé par ce diminutif:
Saint-Y nom d'un bourg situé à 17 kil. ouest de la ville
d'Orléans.
Cet Agilus, seigneur de ce territoire, limitrophe de celui
de Chaingi, {Cambiacus ), appartenant à la collégiale de
Mici, et dit-on vicomte d’Orléans, avait un esclave qui,
pour fuir sa colère, s’était réfugié dans la grotte du dragon,
détruit par Saint-Mesmin.
Agilus avait envoyé à sa poursuite des gens de son ser¬
vice, mais au moment où ils pénétraient sur les terres de
Chaingi, eux et leurs chevaux ayant été frappés d’une
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insurmontable immobilité, après la même tentative; et lui,
ayant subi le même traitement, il reconnut le signe de l'in¬
violabilité du droit d’asyle attribué aux lieux consacrés à la
religion et, particulièrement à la grotte du dragon où
reposait le corps de Saint-Mesmin, il pardonna à son
esclave et se réunit à lui dans le monastère de Mici,
en prenant l'habit, et tous deux y moururent en odeur de
sainteté.
Saint-Mesmin devint le patron de la contrée dont il
avait été le bienfaiteur par ses travaux évangéliques et de
défrichements, ces derniers causèrent sa mort dans un âge
peu avancé ; Agilus devint le patron de la contrée voisine
qu’il avait édifiée en reconnaissant l’autorité d'une religion
qui ordonne la clémence et le pardon.
La grotte du dragon avait disparu, dans la marche des siè¬
cles, il a été donné à un membre de la Société archéologique
de la retrouver ; en l’année 1850, M. Pilon, propriétaire'd'un
domaine situé dans paroisse de La Chapelle-Saint-Mesmin
se mit à l’œuvre de la recherche, et en l'année 1856, il
réussissait dans son entreprise.
L'évêque d’Orléans fut le premier informé de cette
découverte et soudain la restauration de la grotte fut
décidée ; le Prélat obtint facilement de l’autorité adminis¬
trative, que les travaux fussent opérés ; M. Collin fut
chargé de leur direction en sa qualité d’ingénieur du
service de la Loire.
Il fit éléver sur la rive gauche, une croix monumentale,
dont il donna le modèle à Monseigneur l'évêque, qui eût
l’heureuse idée de la faire composer de quelques débris de
l'ancien monastère de Mici, trouvés près de l’habitation
moderne qui le remplace; de sorte que, par une ligne
droite dirigée du monastère à la croix, de la croix à la
grotte du dragon, et à l’église, les trois monuments se
relient pour rappeler le même souvenir.
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Le 13 iuin de l’année 1858, par la plus belle journée de
cette belle saison, eut lieu l'inauguration de la grotte et la
bénédiction de la croix ; le Prélat désira qu'elle fut célébrée
avec une grande pompe, et se concertant avec M. Collin,
ses désirs furent complètement satisfaits.
On doit attribuer à ce dernier la complète réussite du
programme adopté ; il s'était multiplié dans la direction des
travaux, il se multiplia dans la direction et dans la marche
du brillant cortège composé de toutes les autorités ecclé¬
siastiques, judiciaires, administratives, escortées par un
détachement de la garde impériale, alors en garnison à
Orléans.
Ce cortège était entouré des habitants de la ville et des
campagnes environnantes, encombrant le fleuve dans des
barques, la plupart élégamment pavoisées, et dont une foule
animée peuplait ses deux rivages.
On ne peut insister, sur cette solennité terminée par un
éloquent discours de Monseigneur Dupanloup, prononcé au
milieu du grand silence de cette multitude, s'unissant au
calme de l'air et permettant à sa voix de s’étendre au loin,
dans toutes les directions de l'espace.
M. Collin alternait ses communications, de notre Société
d’Agriculture, sciences et arts, à la Société archéologique ;
il ne s'en tenait pas à ces centres d'études ; lorsqu'elles
intéressaient l’ordre public, il les adressait au Conseil
général du département.
Il reste à le suivre dans l'examen de ces divers travaux ;
en 1857, il lisait, à la Société archéologique un rapport
sur un mémoire ayant pour objet de révéler la découverte
d’ouvrages stratégiques représentés par son auteur,
M. Boucher de Molandon, comme ayant fait partie du
système des bastilles et des boulevards, construits par
les Anglais pendant le siège de 1428.
. Co terrain est décrit dans tous ses aspects, étendue en
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longueur, largeur, profondeur; l’auteur en donne les
mesures métriques et cette description est assez saisis¬
sante pour persuader que les dispositions de ces lieux n’ont
été qu’un travail de main d’hommes ayant, dans les temps
reculés, servi de camp retranché pour l’attaque et la
défense.
Ni les historiens, ni le journal du siège, il est vrai, ne
signalent dans cette direction, l’existence d’une bastille
établie entre Saint-Paterne et Saint-Loup.
Cet espace de 4 kilomètres, sans moyen d’attaque, par
l’ennemi, permettant aux assiégés des sorties dange¬
reuses pour les assiégeants et même le ravitaillement de
la ville, a semblé difficile à admettre.
Cette question a été traitée par M. Berriat Saint-Prix,
professeur à la faculté de droit de Paris, dans un ouvrage
remarqué, sur Jeanne d’Arc ; il avait été conduit par de
simples déductions logiques et sans preuves matérielles, il
est vrai, à exprimer à priori , l'opinion que deux bastilles
avaient dû être construites dans ce large intervalle.
Il est inutile d’insister sur les autres moyens de convic¬
tion contenues dans le mémoire, il ne doit s’agir, ici, que
du rapport présenté au nom de la commission par M. Collin,
et son œuvre, d’autant plus que cette analyse se placerait
en présence d’un rapport dont les conclusions n’en repous¬
sent pas toutes les conséquences, mais néanmoins est loin
de les admettre explicitement.
Il est, en effet, évident, que la commission n’a pas ac¬
cueilli les conclusions du mémoire, mais que, cependant,
touchée des considérations sur lesquelles ces conclusions
reposent et de l’intérêt attaché à la communication de ce
mémoire, à l’examen et à l’étude des lieux et des travaux
certainement stratégiques qui étaient signalés à l’attention
de la Société quelle représentait, elle a provoqué des études
nouvelles pour qu’une réponse définitive put être rendue.
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Celle de la commission est, en effet conçue en ces termes:
« Sur la deuxième question des documents authentiques,
« il est permis d'insérer qu’il existait, au temps du siège,
c dans les environs de Fleury, des ouvrages militaires,
c établis par les anglais, pour compléter le blocus et
c l'investissement du côté nord. Si les ouvrages militaires
« élevés par les anglais, au nord de Fleury n'étaient pas
t ceux dont M. de Molandon à signalé à la Société archéo-
t logique l'existence, la position et la forme, les vérita-
« blés ouvrages anglais devaient avoir avec ceux-ci une
« telle ressemblance qu’il est raisonnable de croire, du
« moins, jusqu’à preuve contraire, à leur identité. >
Le rapport se termine ainsi : c La commission s'est
« pénétrée de l’importance de l'étude qu'elle était chargée
« d’offrir à la Société, et si elle a dû renoncer à placer
« sous les yeux la solution, pour ainsi dire matérielle du
« problème, elle croit n'avoir rien négligé pour dissiper une
« partie des ténèbres et exciter l'attention et les investi-
« gâtions des érudits. *
Il faut attribuer au sentiment d’une réserve exagérée
le langage par lequel le rapporteur a voulu atténuer le
caractère négatif de l’opinion adoptée par la Commission.
Il semble impossible de ne pas voir dans les disposition 0
des lieux visités, des travaux pratiqués à l’occasion d’un
siège, et que ce siège ne peut être que celui des anglais;
les attaques antérieures dirigées contre la ville n’ayant eu
lieu que par des bandes errantes, dont les procédés straté¬
giques se bornaient à l’incendie des portes, à l'escalade et
à la démolition des murailles.
C'est sous l'inspiration des détails produits par le mé¬
moire et par le raport lui même, quoi qu’il ne concluât pas
à Tinsertion, dans les volumes publiés par la Société, que
celle ci a ordonné cette insertion.
La part prise aux travaux de la Société archéologique
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80 —
eut encore pour M. Collin un intérêt historique d’une haute
importance. Le 23 décembre 1862, M. Bréan, conducteur
des ponts et chaussées, faisant fonctions d’ingénieur, pour
l’arrondissement de Gien, publia deux brochures sous ces
titres : Notice sur la découverte de ruines Gallo-Romai¬
nes à Gien-le-Vieux ; Etudes sur Genabum.
Bientôt deux autres œuvres, traitant ce sujet, vinrent en
aide à M. Bréan, l’une due à M. Petit, membre correspon¬
dant de la Société archéologique, l’autre à M. Eugène
de Monvel, membre de la Société d’agriculture, lettres,
sciences et arts. Celle de M. Petit, intitulée : Dissertation
sur Genabum (Gien), et Vellenaudum (Triguères); celle de
M. Monvel : Etude sur les expéditions de Jules César
dans les Gaules.
La Société archéologique, par la spécialité de son pro¬
gramme, ne pouvait rester indifférente, en présence de ces
publications ; son premier soin a été d’engager un de ses
membres correspondants, M. Marchand, habitant Ouzouer-
sur-Trézée, auteur d’un ouvrage considérable sur : La
ville et les seigneurs de Gien , à étudier cette question, en
se mettant en rapport direct avec le promoteur de ce nou¬
veau conflit ; M. Marchand, répondit à l’invitation qui lui
avait été faite par un rapport qui témoigne le soin qu’il
mit à remplir cette mission.
Enfin, la Société institua une commisssion, composée de
neuf membres, dont ferait partie M. Collin, et on voit tout
d’abord, que par sa position, par l’influence qu’il devait
exercer, il en fut, pour ainsi dire, le directeur et comment
il en fut le rapporteur.
Il importe de Axer le véritable et unique siège de la dis¬
cussion ouverte, il se concentrait sur les lieux occupés par
le : Genabum carnulum des commentaires démontré par
l’existence d’enrochements, de massifs de maçonneries
ayant l’apparence de pilles d’un ancien pont considéré,
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par les rapporteurs de cette découverte comme étant une
construction gauloise; et ces maçonneries, comme les
vestiges d’un pont, qui a dû relier, en face de Gien-le-Vieil,
la rive droite à la rive gauche de la Loire.
Il est à remarquer que ce bourg est distant de la Loire
par un espace de 1,000 mètres, cette séparation établit une
si grande différence avec le texte de César, constatant
l’existence d’un pont sur la Loire, adhérant à la ville qu’il
assiégeait : oppidum Genabum, pons fluminis Ligeris
continebat , que cette séparation et la conséquence qu’on
en devait, nécessairement tirer, n’ont point échappé à
M. Bréan ; il s’est empressé de faire reculer la Loire, du
coteau où se montre le bourg de Gien-le-vieil, jusqu’à cette
distance de 1,000 mètres, par suite, dit-il, des endigue-
ments du fleuve; et il ajoute que si on veut trouver des
piles de l’ancien pont, ce nest pas dans le lit et le cours
de la Loire gu il faut les chercher , mais dans cet espace
de 1,000 mètres où coulait la Loire, quand César est venu
assiéger Genabum.
Cet état de choses ainsi [établi, il ne s’agit plus que de se
livrer, aussi rapidement que possible, à l’analyse du très
considérable rapport de M. Collin, qui la divise en trois
parties : exposé du sujet', opérations des sondages', résul¬
tat de Venquête faite par M . Bréan .
Ce qui vient d’être dit semble autoriser à considérer la
première partie comme suffisamment connue, et la tâche
comme accomplie à ce sujet.
Il faut donc suivre, sans retard, le rapporteur dans tous
les détails qu’il nous a transmis, des sondages opérés de
part et d’autres, dans le cours de ces vérifications con¬
tradictoires ; il faut essayer de les résumer, ce qui
semble possible, sans diminuer l’importance des travaux
et des observations d’un organe aussi compétent que celui
qui avait été choisi par la commission.
6
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Tout ceci se passait en 1863 ; en l’année 1864, M. Bréan
publia une nouvelle brochure : Jules César dans les Gau¬
les ; il fallut recommencer des sondages qui avaient paru
suffisants pour mettre enfin un terme à ces débats deve¬
nus plus inutiles encore que fastidieux.
Au mois d’août de cette année on dirigea ces opérations
sur deux lignes, en éventail et sur une ligne intermédiaire,
distante de 7 mètres, de chacune des deux lignes extrêmes,
de la rive gauche sur la rive droite de la Loire ; et, de
4 mètres en 4 mètres, la tige de sondage fut descendue à
2 mètres, au-dessous du niveau, ou du zéro de l’échelle du
pont de Gien.
Le rapporteur de la Commission constate que dans cette
opération, à laquelle M. Bréan, comme dans les précédents,
s’est fait représenter , on n'a rencontré aucune résistance
indiquant la présence de vestiges de maçonnerie , d'en¬
rochements et de pilotis.
Ce n’était pas fini; en 1865, une nouvelle brochure
signée Bréan, apparut sous le titre : Expédition de Cœsar
df Agendicum à Avaricum , de Sens à Chartres.
Il est inutile de dire que dans ces deux dernières produc¬
tions, leur auteur, sans tenir compte des expériences de
sondage qui viennent d’être décrites, revenait sans cesse à
ces premières propositions.
Cette fois, cependant, il ne s’agit plus de sondages dans
le cours du fleuve, pour y trouver les signes palpables ,
comme M. Bréan les qualifiait, de l’existence du pont
gaulois, il a recours à la ressource des certificats, éma¬
nant d’habitants, il est vrai, fort estimables, des deux
rives de la Loire, dans le voisinage de Gien le Vieil ou
même dans ce bourg.
Le rapporteur de la Commission a dû se livrer à l’appré¬
ciation de ces actes, soit de complaisance, soit entachés
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d’un grand vague, d’une grande incertitude et toujours peu
dignes de confiance.
Ces dernières observations sont autorisées par l’analyse
que M. Collin a faite de ces certificats, il les dépouille,
assez impitoyablement, en faisant ressortir les contradic¬
tions et les erreurs contenues dans le plus grand nombre
d’entr’eux.
Il cite, entr’autres exemples, les deux suivants: un
grand propriétaire après avoir donné, comme le sachant
personnellement, l’attestation de la démolition d’une partie
des piles du pont qui existait dans la Loire, revient dans
un second certificat, sur ce ton affirmatif, en reconnais¬
sant qu’il n’a rien vu, par lui-même, mais que seulement il
l’a entendu dire.
Il en est, absolument de même du certificat d’un curé
d’Ouzouer-sur-Loire qui, ayant dit : avoir vu et reconnu,
dans la direction de Gien le Vieux, deux ou trois piles du
pont, déclare qu’il a vu ces piles qu'on lui a dit être des
restes de ce pont.
Le rapporteur fait remarquer que quelques certificats,
tout en affirmant l’existence des vestiges de es pont, ne
sont pas d’accord sur l’emplacement que ces massifs de
maçonnerie avaient occupé, les uns les plaçant à la rive
droite, les autres à la rive gauche du fleuve (1) ; les uns à
une dizaine, les autres à une quinzaine de mètres les uns
des autres ; les uns sur la même ligne, les autres en tra¬
vers du courant, et prétendant que les enrochements res¬
semblaient à des piliers de pont et présentant leur destruc¬
tion comme remontant à cinquante années.
Il ne néglige aucune observation judicieuse pour faire
ressortir l’insuffisance de ce mode de constatation et celle
do ces certificats eux-mêmes, mais il croit devoir, dans un
(1) Voir, entr’autrea les certificats de MM. Fortin, curé d’Ouzouer-
sur-Loire, p. 279, Charenton et Rousset-Maîtrasse, p. 283,
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— 84 —
louable sentiment d’impartialité mentionner deux certifi¬
cats, obtenus par M. Bréan de deux habitants de ces loca¬
lités ; l’un constate, de la part de celui qui l’a donné, que :
dans sajeunesse, pêchant & la ligne, il en a vu apparen¬
tes au-dessus des basses eaux , plusieurs piles du pont sur
la rive gauche, au droit du chemin qui monte à Gien le
Vieil, et que pour se livrer à ce mode de pêche, il se tenait
sur ces maçonneries ; l’autre dit que travaillant aux brè¬
ches faites aux levées par l’inondation de 1856 ; sur le
massif de la rive gauche, il souleva une roche de ce mas¬
sif et qu’il aperçut, sur la face du dessous de cette roche,
une pièce de monnaie qu’il conserva et qui, aujourd’hui est
au musée archéologique d’Orléans.
Cette monnaie porte à sa face- ce mot et ce chiffre : Clé¬
ment VIII et ces abréviations pont. max. C’est-à-dire :
pontificus maxirnus , accompagnés d’un écusson à deux
clés, surmonté d'une tiare, et au revers ces abréviations,
oct. car. aquaviva. legaus et ce millésime 1594, que
M. Collin reproduit dans leur entier, par ceux-ci : octavius
cardinalis aquaviva legatus .
Il y ajoute cette irréfutable observation : si comme cet
ouvrier (qu’il représente comme un très honnête homme),
l’affirme, cette médaille n’a pu être laissée que par ceux
qui ont construit le massif d’enrochement (adhérent à la
levée que l'ouvrier réparait), ce massif n’aurait pas plus
de deux à trois siècles.
C’est ainsi que M. Collin recevant des habitants des l’an¬
tique cité celtique des descendants des carnutes, dont
parle César, un témoignage de l’estime que leur inspirait,
son dévouement à la science et au bien public, en retour
s’associait à leurs travaux et s'intéressait à la conserva¬
tion et au respect des anciens souvenirs toujours chers aux
générations qui se succèdent au lieu natal.
Et, cependant comme cette notice est autant l'étude du
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— 85 —
caractère de celui qui en est l’objet que l’étude de ses actes
scientifiques, on peut se permettre de faire remarquer le
caractère d’incertitude et d’hésitation qui semble avoir été
la règle de son esprit ; après s'être livré à des épreuves
décisives et, absolument, exclusives du doute, dans leurs
résultats, c’est avec quelque surprise qu’on le voit en alté¬
rer la force et l'énergie par des observations timidement
exprimées et ne se rattachant que d’une manière incidente
aux faits les plus certainement constatés.
Ce défaut des cœurs bienveillant s’est déjà montré à l’oc¬
casion des recherches sur les travaux stratégiques du
quartier de Fleury, il s’en renouvelle quelques marques
ici, « la Commission n’a pas l’intention de chercher à nier
« l’existence de vestiges d’anciens ouvrages de nature
« inconnue à Gien le Vieux, les affirmations des témoins
« bien que contradictoires, obscures et dénués d’authen-
« ticité, ne manquent pas d’un certain intérêt. »
Et plus loin : t La commission demeure convaincue de
« la nécessité d’agir comme elle l’a expliqué, c’est-à-dire
« de constater l’état des lieux et la nature des faits, qu’ils
« soient positifs ou négatifs, laissant à chacun la liberté
« entière d’examen, d’appréciation et de sentiment. >
Déjà, et dans les opérations d’examen, confiées à
M. Marchand, 1,600 coups de sonde, avaient été donnés
dans la direction du cours de la Loire, indiquée par M. Bréan
et ceux qui avaient adopté son opinion et voulaient la faire
prévaloir, lorsque, par une lettre inséréé dans le Journal
du Loiret , à la date du 28 août 1863, il annonçait que :
par la dépression des eaux de la Loire , une pile dupont
qu'il prétendait avoir existé en cet endroit, venait d'être
luis à jour .
Ce fut alors et le 28 août que la Commission instituée par
la Société archéologique se rendit à Gien où elle s’adjoi¬
gnit l’ingénieur de la Loire et le conducteur principal de
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— 86 —
ce service, MM. Sainjon et Diéval, et que le 3 septembre
on procéda à un nouveau sondage, renouvelé 300 fois, de
4 mètres en 4 mètres, en faisant descendre la flèche de deux
mètres au-dessous du niveau d’eau, sans que cette opéra¬
tion ait rien fait découvrir de ce, qui avait été affirmé
avoir existé en ce Lieu .
Cependant les personnes envoyées par M. Bréan qui n a
jamais paru dans le cours de ces épreuves, tous gens à ce
connaissant, se prévalurent d’un plan sur lequel existait
une ligne représentant l’axe marqué à ce plan, par les let¬
tres : A. B. partant d’une culée de ce pont et se prolon¬
geant de la rive gauche â la rive droite de la Loire.
Le rapporteur, sans nier ce massif d’enrochement, et de
pilotis, comme un point fixe de cet axe, l’apprécie ironi¬
quement, en ces termes : libre à chacun de voir dans ces
vestiges, les fondations d’une culée ou pile d’un pont Gau¬
lois, Romain, du moyen-âge, ou les vestiges d’un moulin
ou d’une usine, d’un estacade, et., et il déclare que la
Commissionne voit pas dans ces vestiges , la forme dune
culée de pont.
Et comme ce réseau de sondage était compris dans les
1,600 coups de sonde déjà donnés en 1864, ainsi que cela
résulte du rapport de M. Marchand, ce qui donne un total
de 1,900 coups de sonde dans ce parcours d’un bord à
l'autre du fleuve, la Commission se crut autorisée à persis¬
ter dans la délibération qui vient d’être rapportée et qu’elle
exprima par ces mots : on ne trouve ici aucun vestige de
travaux de main dhomme.
Des actes pareils à ceux invoqués pour l’affirmative des
propositions tendant à l'admission de l’existence d’un pont
52 ans avant l’ère Chrétienne, en présence des opérations
de sondages multiples, consciencieuses et contradictoires
qui ont été rapportées, peuvent-ils un seul instant, paraître
dignes de la moindre prise en considération.
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— 87 —
Dans une controverse historique aussi importante, on
doit à l’aoteur d’une œuvre comme celle qui vient d'être
analysée, devenue la base la plus fondamentale d’une
décision définitive et sans retour, de le relever d’une fai¬
blesse regrettable, à quelque sentiment honorable quelle
appartienne.
M. Collin ne s’en tint pas à ces premières démonstrations
d’alliance avec la cité de son adoption, il publia, bientôt
une œuvre d’un intérêt tout à la fois religieux et local, cette
œuvre porte ce titre : La Cathédrale d'Orléans, de 1849,
à 1869.
Dès avant cette époque et depuis longtemps, déjà celui
qui, par la touchante notice contenue dans Je fascicule des
annales religieuses et littéraires du diocèse, publié sous la
date du 19 janvier dernier, nous est représenté dans sa jeu¬
nesse et dans les premiers temps de son âge d’homme,
comme s’étant séparé de la foi de son enfance, y était
revenu.
Depuis son séjour à Orléans, il avait eu le bonheur de se
lier avec l’illustre évêque qui occupait, alors le siège épis¬
copal, et leurs fréquentes visites amenèrent le projet qu’ils
accomplirent en commun, de faire non seulement quelques
ornementations, mais même quelques changements aux
dispositions intérieures de la basilique de Sainte-Croix.
M. Collin associé au plan que le prélat avait pris la réso¬
lution d’exécuter, prit, de son côté la résolution de le
seconder dans l’accomplissement de cette œuvre; et il le
fit avec l’ardeur qu’il mettait à tout ce qu’il croyait être
conforme aux sentiments dont sa conscience était animée ; et
quoique, dans sa modestie, il attribue l’ensemble et les
détails de la transformation des ailes du transsept de l’é¬
glise de Sainte Croix, à Monseigneur Dupanloup, il n’en
doit pas moins être considéré comme le véritable auteur de
cette transformation.
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Cet acte d'une grande importance, au point du vue archi¬
tectural, le seul auquel on doive se placer ici, ne laissait
pas que d'inspirer de nombreuses et assez sombres préoccu¬
pations, et l'éminent auxiliaire que le prélat s’était choisi,
s’est empressé, aussitôt après l’achèvement de ces derniers
travaux, de publier une monographie de l’église Sainte
Croix, dans laquelle descendant des siècles les plus reculés,
il rappelle que lui-même, il a inspiré et dirigé les travaux.
Le récit est abondant et cependant rapide, et n'a certai¬
nement d’autre but que de combattre les critiques que son
auteur a entendu s’élever et, même, celles qu'il prévoit dans
l'avenir.
Parlant de ceux des travaux récents encore mais qui ont
précédé cette transformation actuel du transsept et qui, sui¬
vant son expression avaient déjà transformé de la manière la
plus favorable l’intérieur de la cathédrale, il reconnaît que
les avis sont loin d’être unanimes sur le mérite artistique de
ces diverses œuvres; il s'en console à la pensée que chacun
sent la modification avantageuse de la physionomie de la
cathédrale, par la substitution d'un vaste ensemble de
ces sérieux et antérieurs travaux à la nudité séculière de
ces murailles .
S’occupant de la transformation des deux branches de la
croix en deux chapelles consacrées l'une au sacré cœur de
la Vierge, l'autre au sacré cœur de Jésus, dans le IX e chap.
Observations sur le principe, Vensemble et les détails
de l'œuvre de la chapelle du Sacré-Cœur ,, il s'exprime
en ces termes : Aussi satisfaisante dans ses détails que
paraisse, au premier aspect, l’œuvre de la chapelle du
Sacré-Cœur, nul ne prétendra qu’elle soit à l’abri et au-
dessus de la critique; on n’a pas attendu son achèvement
pour en abaisser le mérite et y signaler des défauts; ceci
d’ailleurs, n’a rien que d’ordinaire, chaque entreprise
humaine n'est-elle pas soumise à cette épreuve inévitable?
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Pour porter un jugement impartial sur l’œuvre complète
de la chapelle du Sacré-Cœur, il faut distinguer ajoute-
-t-il, de toute nécessité, la question du principe de la
question matérielle et d’exécution.
Ces derniers mots semblent inviter à s’arrêter dans l’étude
de cette dernière œuvre de M. Collin : Ce qui précédé suffit
à faire connaître la nature du sentiment qui l’a engagé à
donner son concours au vénérable auteur de l’édification
des deux chapelles, en regard l’une de l’autre, dans le tran¬
sept de Sainte Croix ; la décision à prononcer sur la ques¬
tion de la place qu’elles occupent appartient à tous ceux
qui fréquentent ou visitent cette église et à tous ceux qui,
poussés par une curiosité artistique, ou pour rendre hom¬
mage à l’illustre évêque, visiteront son tombeau.
Ici s’arrêtent les communications faites aux sociétés
savantes, dont M. Collin a fait partie ; si les séparant des
travaux appartenant à sa fonction et des travaux de même
nature qu’il a produits depuis l’année 1869, jusqu’à l’année
1875, on établit une comparaison entre ces mémoires du
rapport et les œuvres précédemment analysées et celles qui
vont l’être, on pourra remarquer une grande différence à
l’avantage de ces dernières. ‘
Il reste pour terminer cette tâche longue et laborieuse,
à s’occuper non plus des souvenirs du passé, mais à se
mettre en présence d’actes intéressants pour le présent et
l’avenir, la sécurité des populations répandues sur les
rivages d’un grand fleuve, depuis sa source jusqu’à son
embouchure; ce fleuve n’est autre que la Loire. Actes qui
ont avec quelques autres d'une nature toute exceptionnelle,
dignement et noblement couronné la carrière de notre
éminent collègue et concitoyen.
Le 17 janvier dernier, M. le Vice-Président de notre
Société d’agriculture, lettres, sciences et arts, à l’ouver¬
ture de la séance, entretint ses collègues de la perte qu’ils
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— 90 —
venaient de faire dans la personne de M. Collin et cette
trop courte allocution, énumérait les travaux qui avaient
occupé la vie de cet homme aussi distingué par la science
que par la puissante activité de son esprit.
Entr'autres services rendus, par le concours de ces deux
qualités, il rappelait que c'était pendant l'exercice de sa
fonction d'ingénieur en chef de la Loire, à laquelle il avait
été appelé en l'année 1855, que le département du Loiret
avait subi les terribles inondations des années 1856 et 1866.
Qu alors, M. Collin avait fait tout ce, qu'humainement, il
avait été possible de faire pour atténuer les conséquences
de cet épouvantable fléau ; que c'était à lui, à son initia¬
tive, qu’on devait le service hydrométrique qui existe
aujourd'hui et qui n’existait alors, en projet ou sans effet
pratique, que dans les deux bassins de la Seine et de la
Loire.
Il ajoutait que témoin des désastres causés par ces deux
inondations, M. Collin s'occupa des moyens de les conjurer
pour l’avenir, et, rappelant les paroles prononcées sur sa
tombe, par M. Sainjon l'un de ses collègues au triple
titre d’ingénieur en chef de la Loire, dé son successeur au
fonction d’inspecteur général des ponts et chaussées, et de
membre de notre Société, il disait : t M. Collin a été un de
c ces rares privilégiés dont l'œuvre se continue au-delà
c des limites de notre frêle existence; car c'est lui quia
c tracé le programme des travaux qui se poursuivent
< encore en ce momerft, pour la protection de la ville
c d'Orléans. »
Ces expressions de gratitude, sont justifiées par un
rapport sur la marche et les effets de la crue , extraor¬
dinaire de septembre et octobre 18Q6, extrait des procès-
verbaux des séances du Conseil général du département
du Loiret , en 1861 .
L’examen attentif de ce rapport, nous désignerait son
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— 91 -
auteur, quand même il ne se serait pas nommé; c'est bien
la même méthode, la même précision, la même abondance
de démonstrations et de calculs que celles qui distinguent
les œuvres techniques ci-dessus analysées.
Ce rapport est divisé en cinq paragraphes. Le premier
est ainsi intitulé : Histoire de l’inondation de 1866 ; dans
cette partie de ses observations l’auteur décrit l’élévation
progressive des eaux, depuis le 25 septembre, date de la
première dépêche fesant connaître la crue de l'Ailier, à
Moulins: elle était à 3 mètres, bientôt elle s’élevait à
4 mètres, le lendemain, au même affluent, elle s'élevait à
4“ 60, enfin le même jour on télégraphiait que son maxi¬
mum avait atteint 4 m 9b.
Passant de l’Ailier à la Loire, il suit, avec les dépêches,
la surélévation progressive des eaux à Digoin ; le 25 ello
était de 3 m 90. Le même jour ou annonçait par ces mots :
crue probable 5“ 70, et enfin le 28 on signalait la cote
maximum 5 m 58.
Il constate la crue des eaux de t jutes les rivières,
affluents de la Loire, dans les départements auxquels elles
appartiennent, le Loiret, le Loir-et-Cher, l’Indre-et-Loire,
Maine-et-Loir et la Loire-Inférieure.
Il fait remarquer (et cette lacune par lui signalée a été
comblée) l’interruption des communications existant entre
les lignes télégraphiques placées sur les rivages du fleuve
et sur les affluents, qui eut alors pour conséquence de
jeter l’incertitude dans les mesures éprendre pour protéger
les basses-terres, de l’envahissement des eaux, et connaître
la rupture des levées.
Il décrit tout ce qui s’est passé à ce dernier sujet dans
tous les départements riverains de la Loire, jusqu’à
Nantes, et son récit inspire la plus vive reconnaissance
pour la prodigieuse et courageuse activité déployée par
l’administration des ponts et chaussées, dont il nomme
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— 92 —
tous les chefs, agissant avec le même zèle, dans chaque
département.
Il résulte, implicitement, de ce rapport, que c’est à l’ini¬
tiative de M. Collin qu’est dû un arrêté du 25 mars 1855,
rendu pour régulariser la double attribution des ingénieurs,
du service de la Loire et du service ordinaire des levées-
routes, en temps ordinaire, en ce qui concerne l’entretien,
la police, les alignements, la construction des ouvrages
intéressant la viabilité ; en temps de crue, pour la défense
des levées, dès que les échelles marquent uae hauteur
déterminée.
Il retrace avec rapidité les ouvrages considérables de
protection qui ont été entrepris pendant la crue de 1866
qui, tous, ont eu pour résultat de préserver les terres
basses, les vais, et qui n’ont cédé qu’en amont de Jargeau
et qui, partout ailleurs, ont exigé la construction de bour¬
relets de défense prolongés sur de très longues étendues.
Ce tableau comprend, non pas seulement ce qui s’est
passé dans le département du Loiret, mais tout ce qui s’est
passé dans tous les départements du parcours de la Loire
et ainsi qu’il a été dit, tout ce qui s’est passé dans les prin¬
cipaux de leurs affluents.
Ce rapport est bien légitimement intitulé : Histoire de
l'inondation, il en est bien en effet l’histoire la plus sai¬
sissante et son caractère pratique, dans un grand nombre
de passages, s’associe au caractère dramatique de ces évé¬
nements solennels de la nature, qui transforment les plus
belles et les plus gracieuses contrées en un vaste théâtre de
désolation, de destruction et de ruines.
M. Collin fait parcourir tous ces rivages, pendant et
après le passage de ces ondes torrentielles et furieuses, il
constate toutes les hauteurs qu’elles ont atteintes, il place
sous nos yeux la distribution des secours apportés aux
lieux les plus envahis, aux lieux les plus menacés, pour
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- 93 —
concourir à l’exécution des travaux des défenses des levées
et à leur réparation, même au moment de leur rupture,
l’embrigadement des ouvriers de l'administration, celui
des militaires et, dans le département d’Indre-et-Loire, des
jeunes colons de l’école pénitentiaire de Mettrai, auxquels
on a, ainsi, donné l’occasion de se consoler de leurs fautes
précoces en leur inspirant un sentiment généreux, et aussi
celui de tous les habitants de ces lieux qui tous ont
répondu à cet appel, excepté ceux de Montlouis, près
Tours, les seuls qui aient opposé un refus inexplicable de
concourir à ces travaux.
Quant à notre auteur du rapport, sans cesse en surveil¬
lance, il se multipliait dés le début de la croissance des
eaux jusqu’à leur abaissement, télégraphiant sans cesse à
ses collègues de son département et à ceux de l’aval du
fleuve, ce que l’état des eaux supérieures lui fesait prévoir
pour la préservation des rivages inférieurs.
Ce texte historique devait, dans le sentiment pratique de
M. Collin, avoir un complément; il l’offre dans le deuxième
paragraphe intitulé ; Comparaison des crues , celles de
1856 et de 1866 ; il tire de cette comparaison les pré¬
voyances les plus utiles pour conjurer les désastres des
inondations à venir ; quelques mots suffiront pour faire
apprécier les considérations auxquelles il se livre et les
conséquences qu’il indique devoir en être tirées.
C’est ainsi qu’en premier lieu, se plaçant dans le dépar¬
tement du Loiret en amont d’Orléans, au degré d’altitude
atteint par les eaux à l’échelle de Gien, il s'exprime ainsi :
« les deux crues accusent la même hauteur : 7“ 9. La con-
« séquence que l’on pouvait tirer, immédiatement, au
« moment où il se réalisait le 27- septembre 1866 à quatre
« heures et demie du soir est que les levées seraient rom-
« pues entre Gien et Tours, à peu près comme en 1856. »
Il poursuit ces observations comparatives des hauteurs
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-94-
Ott de l'infériorité de ces hauteurs des eaux, de celles des
levées entre elles dans tous les départements, depuis celui
du Loiret jusqu’à celui, inclusivement, de la Loire-Infé¬
rieure ; il compare les débits des eaux dans les deux inon¬
dations, il en explique les ruptures des levées.
Il se livre à des démonstrations de ces causes et de leurs
effets, en parcourant tous les départements; mais ces détails
sont d’un ordre tellement technique et si nombreux qu’ils
semblent exclusivement réservés aux praticiens et ne devoir
être ici l’objet d’une mention que pour ordre et réunir à
toutes les autres cette partie des utiles et savantes préoc¬
cupations de leur auteur.
Il en doit être de même de celles qui font l’objet du
troisième paragraphe intitulé: effets observés 'pendant la
crue sur les ouvrages de la Loire en 1866.
Ces observations portent plus spécialement sur les déni¬
vellations qu’ont éprouvé les ponts de la Loire, depuis le
département du Loiret jusqu’à celui de la Loire-Inférieure ;
il est manifeste que ces recherches qui, d’ailleurs, n’ac¬
cusent que des résultats relativement d’un mince intérêt,
doivent être négligés ici.
Mais il en est une trop considérable pour être passée
sous silence ; elle est le sujet du quatrième paragraphe
intitulé : montant des dépenses auxquelles s’élèveront
les réparations des dommages causés par l’inondation
de 1866.
Ces dépenses, suivant l’estimation de M. Collin, doivent
s’élever à la somme totale de 3,225,233 fr. 94 savoir:
Loiret, 1,500,000 fr., Loir-et-Cher, 476,300 fr.; Indre-et-
Loire, 1,100,000 fr.; Maine-et-Loire, 136,233 fr.; Loire-
Inférieure, 12,7000 fr.
Enfin, dans le cinquième paragraphe intitulé : mesures
préventives , M. Collin se pose cette question: Que fera-t-on
pour prévenir le renouvellement de ce fléau, ou tout au
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moins pour en atténuer l’importance ? Il y répond : nous
n’en savons rien.
L’ingénieur chargé dans le commencement de son exer¬
cice du service hydraulique de l’un des départements le
plus en rapport avec les plus grands fleuves et les plus
grands cours d’eau : le Rhône, la Saône, la Seine, la Loire
et l’Yonne, l’auteur de l’étude de 1 ’atmidomètrie, et des
grands effets des inondations de la Loire devait s’occuper
de l’étude appelée 1 ’hydrornêtrie, dans le département le
plus soumis par la disposition de son territoire, à ces graves
accidents.
Dès l’année 1853, il soumettait à l’administration supé¬
rieure le projet d’organisation d’un service public dont la
mission serait de prévoir, à l’avance, l’arrivée des crues,
leur hauteur, et de l'annoncer aux populations riveraines
entre Rriare et Nantes. Il proposait de qualifier ce service
d ’hydromè trique.
Cette proposition fut suivie d’un réglement ministériel
qui organisa ce service sur le bassin de la Loire. Le 3 fé¬
vrier 1854, un autre arrêté ministériel créait un service
semblable pour le bassin de la Seine ; mais, cependant, et
malgré l’inondation de 1856, ce ne fut qu’en l’année 1858
que le règlement, pour la Loire, dont le siège devait être
à Orléans, fut mis en activité.
M. Collin rendait compte de cette institution à notre
Société d’agriculture, lettres, sciences et arts, qui l’inséra
dans le VIII' volume de ses mémoires.
Dans cette œuvre, son auteur fait connaître le but prin¬
cipal qu’on peut atteindre par l’institution de l'hydromè -
trie. Cet exercice n’est qu’un moyen, ainsi qu’il vient d’être
dit, de prévoir l’arrivée des crues et leur hauteur et de
l’annoncer aux populations riveraines, entre Briare et
Nantes.
Pour obtenir ce résultat, c’est-à-dire apprécier, à l’a-
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— 96 —
vance, les éléments des crues, il fallait installer des obser¬
vatoires sur des lieux, choisis dans le bassin du fleuve et de
ses tributaires, munis d’instruments dont il a été parlé plus
haut, appelés udomètres, d’une exécution ou forme pres¬
crite par le règlement organique du service de l’hydro-
métrie.
M. Collin constate, que depuis cinq ans, au moment où il
écrivait, les observations des hauteurs d’eau mesurées aux
ponts principaux de la Loire et de ses grands affluents,
ainsi que celles des tranches de pluie qui tombent sur leurs
bassins, sont faites, avec la régularité que présentent les
services administratifs, par les ingénieurs de ces loca¬
lités.
Il ajoute : à la fin de chaque année, on dresse au bureau
central d’Orléans, à l’aide des documents transmis à Saint-
Etienne, Clermont, Bourges, Châteauroux et Angers et
ceux que le bureau central réunit directement, pour le
cours du fleuve entre Briare et Nantes : 1* le tableau gra¬
phique des hauteurs d’eau de la Loire et de ses affluents,
ces hauteurs mesurées sur la Loire, de Digoin à Nantes;
2° à Moulins, sur l’Ailier; à Noyers, sur le Cher; sur la
Creuse, au Blanc; sur la Vienne, à Chatelrault; sur la Sar-
the, à Sablé.
Et aussitôt, M. Collin, selon son habitude, dresse, comme
spécimen, des tableaux à venir, le tableau des hauteurs de
tranches de pluie tombée sur les bassins du fleuve et de ses
affluents, mesurées aux 83 observatoires indiqués sur ce
tableau, lui-même, composé de trois colonnes ; la première
porte les noms des bassins, dans l’ordre qui vient d’être
indiqué; la seconde, les noms des localités, sièges des
observatoires; la troisième, est consacrée aux altitudes
métriques de chacun de ces observatoires.
Il joint, à celui-ci, deux autres tableaux, le premier
porte cette désignation : Spécimens des deux tableaux gra •
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phiques; le premier représente les hauteurs métriques de
l’eau, mesurées à l’échelle du pont, à Orléans, en 1863.
Il est sur 12 colonnes correspondant aux 12 mois de
l’année et porte, pour chaque mois, le métrage, par cha¬
cun de ces mois, de la hauteur des eaux ; cette hauteur
au-dessus du niveau de l’étiage, est indiquée par une ligne
transversale, portant le chiffre des diverses surélévations,
que l’eau de la Loire a éprouvées, pendant l’année 1863.
Pendant cette année, la plus grande hauteur est indiquée
avoir été, en janvier, 2 m. 24; en octobre, 4 ra. 60; en avril
et en novembre, elle n’avait été, pour le l* r de ces mois, que
de 1 m. 60, et, pour le second, de 1 m. 06.
Le second, de ces deux derniers tableaux, a pour objet de
représenter les hauteurs d’eau de pluie, tombée dans le
bassin de la Loire, entre le bec d’Allier et la mer; l’auteur
a pris le soin de désigner par des chiffres inscrits au-dessous
des stations, les altitudes où Yudomèlre a fonctionné, pen¬
dant cette année 1863, au-dessus du niveau moyen de la
mer, à Saint Nazaire. Ces stations, pourvues d ’udomètres,
étaient alors au nombre de dix : Givry, Saint Satur, Gien,
Orléans, Blois, Tours, Bressuire, Pont-de-Cé, Nantes et
Saint Nazaire.
Il ne semble pas nécessaire de comparer la quantité d'eau
de pluie, à la surélévation métrique, qui vient d’être cons¬
tatée, des eaux de pluie tombée cette année 1863, où il n’y
a pas eu d’inondation, ces tableaux n’étant dressés qu’à
titre d’enseignement, et comme spécimens de ceux, qui
devaient être dressés dans la suite.
Ces combinaisons mathématiques, dont les résultats
devaient être féconds, sinon pour arrêter dans leur marche
ces grandes eaux, partiellement diluviennes, au moins pré¬
parer les moyens d’en éviter les désastreux effets, devaient
être accompagnées d’un moyen accéléré de communication;
ce moyen n’était autre que la télégraphie électrique.
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— 98 —
Mais, jusqu en l’année 1853, la télégraphie n’était pas
mise, de plein droit, au service des sciences météorologi¬
ques; elle n’était pas acceptée, organiquement, comme le
mode de communication nécessaire, pour l’annonce des
crues même de la Seine; ce mode n’a été adopté officielle¬
ment, quen Tannée 1858, pour le service hydrométrique de
la Loire; mais cependant, par l’influence de M. Leverrier,
on en faisait usage depuis Tannée 1855.
Arrivé au terme de l’analyse de cet important travail de
M. Collin, il semble convenable de la clore, en laissant
parler son auteur lui-même : Ton voit, dit-il, par ce rap¬
prochement, que c’est seulement 18 mois ou 2 ans, après la
proposition d’organisation du service hydrométrique de
l’annonce des crues de la Loire, au moyen des stations
d’observation réparties sur le territoire et de la télégraphie
électrique que l’idée de transmettre l’observation météoro¬
logique, par cette voie, fut exposée, publiquement, devant
l’Académie des sciences.
* Ces deux dates, 26 février 1853 et 10 mars 1855, pré-
c sentent donc un véritable intérêt historique. C’est à
« Orléans que fut préparé, le 26 février 1853, le premier
c projet administratif, de l'application régulière, en
c France, de la télégraphie électrique au calcul des proba-
« lités et pronostics, tirés des résultats d’observations à
c faire, sur les diverses stations du bassin de la Loire, dans
c le but d’annoncer l’époque et la hauteur des crues, aux
c riverains du fleuve. »
Après cette longue étude, il resterait à examiner trois
mémoires, l’un: Extrait des procès-verbaux du Conseil
général du département du Loiret , intitulé : Etude des
canauxJLatéraux , de la Loire à Briare , l’autre, lu à la
Sorbonne : Comité des travaux historiques et des sociétés
savantes , en Tannée 1866, intitulé : La casemate dupont
des Tourelles à Orléans , du côté de la Sologne , et le
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— 99 —
troisième, publié eu 1375, intitulé : Les derniers jours du
pont des Tourelles , à Orléans.
Il est, certainement, inutile de s’occuper, ici, de ces
publications ; la première, parce que ce projet de cons¬
truction de ces canaux, n'a pas eu de suite ; les seconde
et troisième, parce qu’elles ont de très grandes analogies
entre elles et surtout parce qu'elles seront reproduites dans
un ouvrage magistral qui traite : Des ponts d'Orléans ,
comprenant cette voie de communication de l’ère de l’indé¬
pendance de la Gaule, en passant à l'ère Gallo-Romaine,
à la Gaule franque, enfin à l’ère du Moyen-Age féodal, et
gagnant enfin le jour où, au XVIII® siècle, le dernier pont
de ces temps reculés a été remplacé par le magnifique
pont existant aujourd'hui.
L’ouvrage auquel il est fait allusion, en ce moment,
s'offre à nos regards sous l’apparence d’un formidable,
mais précieux manuscrit se composant de 24 cahiers,
chargés de lignes souvent raturées et de notes; il est
confié à une commission de la Société archéologique, dont
M. l’abbé Desnoyers, notre révérend collègue doit être le
rapporteur.
Il serait contre toute convenance, et d’ailleurs téméraire
d’entreprendre une tâche qui sera si bien remplie; aussi, en
arrêtant ici la partie de cette notice, intéressant les tra¬
vaux professionnels de M. Collin et ceux qu'il a offerts à
nos sociétés savantes, on doit se borner à espérer que dans
son humilité elle pourra trouver place à côté du compte¬
rendu, ne la grande œuvre historique par laquelle
M. Colin a couronné sa laborieuse, utile et noble existence.
Et maintenant que notre éminent et regretté collègue a
été signalé, conquérant par ses travaux la haute position
qu’il a occupée dans son administration, l'estime univer¬
selle et celle plus particulièrement de ses concitoyens et
de tous ceux qui ont été admis dans son intimité, il est
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— 100 —
juste de pénétrer dans le calme de son intérieur et de l’y
voir commandant aux uns les sentiments d’affection et de
respect qu’inspiraient son esprit et les qualités de son cœur
aux autres le sentiment de reconnaissance qu'inspirait
sa charité allant jusqu’à la bienfaisance.
Les hommes d’étude et de labeur opiniâtres ne peuvent
être remarqués que par leurs œuvres et lorsqu’ils ont,
dans leur jeunesse, payé le tribu que, trop souvent exige
l’effervescence de cet âge, il se font remarquer par le calme
le plus absolu.
. C’est ce qui est arrivé à M. Collin : on a parlé de la part
active qu’il a prise au mouvement révolutionnaire de
l'année 1830. On pourrait ajouter qu’à cette époque où se
sont manifestés des systèmes économiques et sociaux très
exagérées, il n’y est pas resté absolument étranger ; à ce
sujet, on a parlé du Saint-Simonisme du Fourrierisme; mais
son adhésion ne fut certainement que l’effet d'un entraine¬
ment aussi éphémère que le furent ces rêveries, elles mêmes.
Pour ceux qui ne connaissent la vie de M. Collin que
depuis 1855, cette vie a été digne, modeste et silencieuse.
Son intérieur, pour ceux qui ont eu l’avantage d’y être
admis, avait l’attrait des précieuses qualités qui le distin¬
guaient, et celui que répandait autour d’elle sa respectable
compagne par la délicatesse de son esprit, sa douceur et sa
gracieuse et inaltérable bienveillance.
L’état de santé de M me Collin l’éloignait des cercles dont
elle aurait été l’ornement et le centre; M. Collin se fit un
devoir de partager la retraite qui lui était imposée et de lui
consacrer toutes les heures de -loisir que ses fonctions lui
laissaient.
Cependant, il fit partie des sociétés savantes d’Orléans
et, ainsi qu’on l’a vu, il prit part à leurs travaux ; il fut
même président de la société archéologique, mais il n’at¬
tendit pas l’époque réglementaire à l’expiration de laquelle
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— 101 —
sa présidence devait cesser; nommé au mois de janvier, il
donnait sa démission au mois de septembre suivant.
Chez lui on rencontrait l'accueil le plus affectueux;
jusqu au jour douloureux où M me Collin succomba à ses
longues ouffrances, on s’y rendait avec empressement.
Depuis le jour, où le salon fut fermé, M. Collin se ré¬
fugia dans la continuation de ses travaux, dans les actes
de la piété la plus sévére; il se borna à recevoir la visite
de quelques amis, à la fréquentation de l’église de sa
paroisse, du charmant oratoire qu'il avait disposé lui-même
dans sa maison, pour donner entière satisfaction aux désirs
de Madame qui ne pouvait assister aux offices, et à la fré¬
quentation du tombeau de celle-ci où il se rendait tous
les jours, le matin et le soir.
Il fonda, dans l'église de Saint-Marc, avec une certaine
magnificence, une chapelle dédiée à Saint-Pierre sou
patron et à Saint-Louis, celui de sa compagne, et il con¬
courut au double titre de bienfaiteur et de directeur des
travaux, à l'agrandissement, à l’ornementation de l'intérieur
de cette église paroissiale, qui, maintenant a pris une place
distinguéedans les monuments consacrés au culte religieux.
Il a été aussi le bienfaiteur de la maison des dames de
de Saint-Aignan, établie dans le faubourg Bourgogne et
dans le faubourg Saint-Marc et dont il a reçu lui-même les
plus utiles secours.
Enfin il trouva encore un grand soulagemeut à sa soli¬
tude dans la fonction de postulateur , pour l'instruction de
la procédure de la Béatification de Jeanne d’Arc, à
laquelle fonction, par suite de la demande que Monsei¬
gneur Dupanloup adressa à M. le Maire d Orléans, il a été
désigné comme représentant la population séculière d’Or¬
léans, le 14 mai 1854, le Prélat ayant, de son côté,
désigné en cette qualité de postulateur, M. l'abbé Desnoyers,
comme représentant le clergé du diocèse.
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— 102 -
Dans cette occasion plus particuliùrement que dans
toutes les autres, il déploya le plus grand zèle, attesté par
un très grand nombre de notes manuscrites qui ont été
remises à sa famille, et reproduites en deux copies envoyées
l’une à l’évêché d’Orléans, l'autre à la cour du Saint-Père,
et, certainement, elles seront l’un des plus précieux éléments
de la décision qui sera prise, sur cette grande proposition.
Mais au milieu de ces soins et de ses travaux sa santé
s'affaiblit sensiblement ; il dut à sa fermeté et à son courage
de prolonger les alternatives de calme et de souffrances qui
tantôt menaçantes, tantôt rassurantes permettaient à ses
amis d’espérer de pouvoir le conserver quelques temps
encore.
Il avait observé la plus extrême modestie dans les
habitudes familières de la vie. Officier de Légion d’honneur
et de l’instruction publique, chevalier de l’ordre du Saint-
Sépulcre de Rome et de l’ordre royal des Saints Maurice et
Lazare, depuis longtemps il avait négligé ces insignes ; il
persista dans cette abstention jusqu'au delà de la vie. Sa
tombe suivant son intention ne porte que ces mots :
O Crux spes unica.
Il s’éteignit le cinq du mois de janvier dernier, laissant
à ceux qui l’ont connu le souvenir d’une belle yie à respecter
à tous un bel exemple à suivre.
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LES INCENDIES
DANS LA
FORÊT D’OELÉANS
Par M. DOMET.
Séance du 19 décembre 1890.
Le feu dans les bois ! Ces mots émeuvent toujours pro¬
fondément les propriétaires ou les administrateurs de nos
forêts ; en ce qui concerne celle d’Orléans, ils présentent
un problème que nous n’avons pas la prétention de
résoudre, mais que nous vous demandons la permission de
poser.
Ce n’est guère qu’au commencement du xiv e siècle que
la nécessité d’encourager les défrichements, dans le but de
livrer à la civilisation renaissante des terrains propres à
l’agriculture, cessant de se faire sentir, on songea à pro¬
téger les bois par des mesures répressives, plus actives et
plus efficaces que celles qui défendaient les autres natures
de propriété.
La plus ancienne que nous connaissions de ces disposi¬
tions, parmi celles destinées à prévenir les incendies, est
une ordonnance, de 1318, qui empêchait, à moins de
lettres patentes, de faire des cendres dans les- forêts;
c’était alors un moyen de tirer parti des bois, encore sans
valeur.
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— 104 —
En 1453, le fait d’allumer du feu dans la forêt d’Orléans,
au pied d’un chêne, était puni d’une amende de 5 sols
parisis, sil'arbre était sec, et de 15 sols, quand il était vert.
Les ordonnances de 1518, mai 1520, 9 novembre 1547,
12 février 1566, confirment la première de 1318.
Celle de 1669, dite des eaux et forêts, t défend d’allumer
du feu dans n’importe quel bois, à peine de punitions cor¬
porelles, énoncées dans une déclaration du roi, du 13 no¬
vembre 1714. C’étaient : pour la première fois, le fouet ;
pour la deuxième fois, les galères; celui qui avait agi
par malice encourait la peine de mort. Cette déclaration
punit, de la même manière, l’action d’allumer du feu dans
l’espace d'un quart de lieue des forêts, landes et bruyères.
Dès les premières concessions de pâturage, on en privait
les usagers qui n’avaient pas porté secours dans un
incendie et n’étaient pas accourusau cri donné par le maître
de la garde , comme l’on disait. Puis nous trouvons, dans
la plupart des titres, l’interdiction absolue de pâturage
dans les parties, incendiées, depuis un certain temps ; un
arrêté du Conseil, de 1719, étendit cette défense à un délai
de dix ans.
Malgré ces précautions, prises, du reste, à peu près les
mêmes pour toutes les anciennes forêts royales, une partie,
du moins, de celle d’Orléans paraît avoir été depuis long¬
temps désolée par les incendies.
Cette forêt était partagée, dès avant saint Louis, en srx
Baillies , un peu plus tard Gardes , dont les limites ont
légèrement changé à différentes reprises, mais dont les
noms sont restés les mêmes jusqu’à aujourd’hui. Ce sont :
au sud-est, le Chaumontois , qui va à peu près jusqu’à la
route départementale actuelle n° 8, d’Orléans à Joigny, en
la supposant infléchie vers Vieilles-Maisons ; le Milieu , ne
dépassant guère le canal d’Orléans ; Vitry, dont la limite,
en marchant toujours vers le nord-ouest, est une ligne, un
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— 105 —
peu sinueuse, partant de Chemault, passant par Ingrannes
et Sully-la-Chapelle, pour aboutir vers Fay; Courcy ,
séparée de Neuville par une ligne tirée de Chilleurs au
village de Bionne, sur la route d’Orléans à Jargeau, entre
Saint-Jean-de-Braye et Chécy ; enfin Goumast , à l’ouest
du grand chemin de Paris. Or, nous avons relevé toutes
les anciennes appellations des climats, lieux dits, ventes,
triages, etc., que nous avons pu trouver dans les divers
procès-verbaux de réformation et les vieux plans de la
forêt, et nous avons ainsi formé une liste de 1,224 noms
forestiers, où, tandis qu’il s'en trouve quatre, pour la garde
du Chaumontois, exprimant l’idée de bois brûlé : le Bor -
lardin , Les grands Brûlis , les Brûlis du Bouleau , la
Bruyère des Feux, on n’en rencontre qu’un seul pour
chacune des gardes du Milieu, de Vitry et de Neuville,
deux pour celle de Courcy, et pas du tout pour celle de
Goumast.
Cette raison, tirée de l’étymologie, peut ne pas paraître
absolument concluante, mais voilà qui l’est davantage : au
siècle dernier, le climat de la Fontenelle, situé au milieu
de la garde du Chaumontois, était si souvent réduit en
cendres, que Plinguet, qui a fait l’aménagement de cette
•dernière en 1789, prescrit, à cause de cela et exceptionnel¬
lement, l’exploitation de ce canton à vingt ans, ajoutant
que les incendies y sont tellement fréquents qu'on doit
s’attendre à voir rarement les bois atteindre même l’époque
de leur révolution, sans qu’on soit obligé de les réceper.
Puis les archives des deux inspections forestières du
Loiret ont gardé mention des années où la forêt a été le
plus éprouvée par ce fiéau, depuis le milieu du xvn e siècle.
Nous reproduisons ici cette liste :
En 1683. — Incendies nombreux et importants.
En 1685. — Un incendie parcourt 700 arpents dans le
Chaumontois.
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— 106 —
En 1690, 1691 et 1693. — Nombreux incendies, sans
indication des lieux.
En 1707, mai. — Un incendie parcourt 5,000 arpents, à
l'extrémité sud-est du Chaumontois, comprenant presque
toute la petite forêt de Saint-Benoît.
En 1732, avril. — Divers incendies importants, dans le
Milieu et surtout dans le Chaumontois, furent éteints
grâce au concours des habitants des Bordée, de Bouzy, de
Dampierro et de Lorris à qui il fut accordé 400 livres, à
titre de gratification.
En 1750. —. Huit incendies, presque tous dans le Chau¬
montois, parcourent, au total, 621 arpents.
En 1759. — Sept incendies, tous dans le Chaumontois,
parcourent, au total, 1,086 arpents.
En 1803. — 255 hectares sont brûlés dans le Chaumon¬
tois.
En 1814. — 127 hectares sont brûlés dans le canton de
Chaillot, Garde du Milieu.
En 1818. — Sept incendies, dont six dans le Chaumon¬
tois, ayant parcouru 272 hectares, et un, insignifiant, dans
la Garde de Vitry.
En 1832, au printemps. — De nombreux incendies,
causés certainement par la malveillance, éclatent tout à
coup dans les environs d’Orléans, mais surtout ea forêt.
Par un arrêté du 11 avril, le Préfet prescrit aux gardes
nationaux des diverses communes atteintes, aux gendarmes,
aux chasseurs, alors en garnison dans notre ville, de faire
d’incessantes patrouilles, qui furent guidées par les gardes
et continuèrent jusqu’à la fin de juillet.
En 1839. — Nombreux incendies, presque tous dans le
Chaumontois et le Milieu.
En 1846, le 1" août. — Un incendie parcourt 178 hec¬
tares de bruyères, herbes et clairières, sans indication du
lieu.
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— 107 -
Enfin, le 31 août 1874, au matin, se déclara, toujours
dans le Chaumontois, près la carrefour de la Noue-Cabanne,
sur cinq points différents, distants seulement de 100 ou
200 mètres les uns des autres, le plus violent incendie
qu’on ait vu depuis le commencement du xvm e siècle.
Poussé par un fort vent du sud, il prit de suite des propor¬
tions effrayantes. Toute la nuit, le tocsin sonna aux
Bordes, à Bonnée, à Ouzouer-sur-Loire, à Bray, à Bouzy,
à Lorris, jusqu'à Vieilles-Maisons, à Coudroy et à Cha-
tenoy, et de tous côtés les populations accoururent avec
le plus louable empressement, il faut le dire, sur le lieu du
sinistre. On télégraphia aux villes voisines pour demander
des secours ; les pompiers de Gien, 234 hommes des régi¬
ments d’artillerie d’Orléans avec le Préfet et le comman¬
dant de gendarmerie, un détachement du 89* de ligne, en
garnison à Montargis, arrivèrent successivement. Malgré
tout, ce n'est que le mercredi matin qu’on fut définitive¬
ment maître du feu qui, avec des alternatives diverses,
avait duré 48 heures, et parcouru 350 hectares de bois
domaniaux et 40 de bois appartenant à des particuliers.
Depuis longtemps, des mesures préventives ont été prises,
spécialement dans le Chaumontois.
Un signal, élevé au sommet de la butte du Haut-du-
Turc, par les officiers d’état-major, chargés de la confec¬
tion de la carte de France, fut utilisé, jusqu'à ce qu’il
tombât de vétusté, en 1845, pour y placer un poste d’ob¬
servation.
Les routes, maintenant plus nombreuses, sont, comme
dans toute la forêt d’ailleurs, fréquemment essartées et
entretenues nettes de matières inflammables.
Dans ces dernières années, l’envahissement, toujours
croissant, de la forêt, par les pins, ayant apporté un ali¬
ment de plus à ces sinistres qui, dans les massifs de rési-
peux purs, prennent un caractère vraiment effrayant, les
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— 108 —
précautions redoublèrent encore. On a ouvert, en ligne
droite, perpendiculairement à la direction habituelle du
vent, à travers les parcelles où le taillis est presque nul
et le sol occupé par les bruyères, les ajoncs ou les jeunes
pins, des laies, de 5 mètres de large, distantes de 200 mè¬
tres, les unes des autres, qu’on a soin de nettoyer fréquem¬
ment. Aussitôt que la sécheresse devient [persistante, de
petites patrouilles, de deux gardes, sont organisées, les
dimanches et jours de fête, car on a remarqué que ce sont,
le plus souvent, ces jours-là que le feu se déclare.
Mais, si on a réussi, peut-être, à diminuer l'importance
des incendies, il ne paraît pas en être de même pour leur
fréquence ; voici le nombre de ceux qui, depuis 15 ans,
ont éclaté dans la partie nord-ouest du Chaumontois, d’une
étendue de 6,000 hectares environ, limitée, à l’est, parle
chemin de moyenne communication, n° 19, d’Ouzouer-sur-
Loire à Montereau.
En 1872 . 2
1873 . 1
1874 .•„. 9
1875 . 4
1876 . 7
1877.... 0
1878 . 2
1879 . 0
1880 . 5
1881 . 6
1882. 1
1883 . 3
1884-1889. 0
1890. 1
On remarquera que la plus ou moins grande sécheresse
paraît n’avoir aucune influence sur ces chiffres, car les
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- 109 -
années 1884 et 1885, notamment, ont été exceptionnelle¬
ment sèches et chaudes, dans notre pays, et cependant,
elles font partie d’une période durant laquelle on n’a pas eu
à constater un seul incendie. Il n’en est pas ainsi pour lé
reste de la forêt.
Quelles sont les causes des incendies de la forêt d’Or¬
léans ? Dans les cinq sixièmes de celle-ci, où, d’ailleurs,
ils sont peu fréquents, on les connaît parfaitement : l’im¬
prudence de quelqu’ouvrier, [de quelque pâtre, de quelque
. vagabond, surtout d’un concessionnaire de menus pro¬
duits ; l'allumette d’un fumeur ; souvent, depuis quelques
années, les charbons enflammés projetés par les locomo¬
tives ; rarement, le feu du ciel ou la malveillance. Mais
dans les 6,000 hectares dont nous venons do parler, il n’en
est plus ainsi, il est bien rare que l’une de ces causes soit
constatée et, les conditions de sol, de végétation, de fré¬
quentation étant les mêmes, pour toute la forêt, on ne sau¬
rait attribuer à une origine naturelle ou même acciden¬
telle, le nombre, tout à fait extraordinaire, des incendies
qui s’y déclarent.
D’ailleurs, dans la plupart des cas, le feu prend au centre
de fourrés, difficilement pénétrables ; loin de toute voie
de communication, de toute exploitation, de tous travaux ;
souvent, presque simultanément, sur plusieurs points dif¬
férents, quoique rapprochés. En 1870, un incendiaire a été
pris sur le fait et condamné ; il habitait Montereau et a
déclaré avoir voulu se venger du juge de paix d’Ouzouer-
sur-Loire qui l’avait, disait-il, condamné injustement ! !
On a recueilli, dans cette même commune d’Ouzouer, des
aveux in articulo morlis. Enfin, plusieurs fois, des pou¬
pées incendiaires ont été trouvées, à moitié consumées,
au milieu des bruyères.
Il n’y a pas de doute à avoir, le feu est, presque toujours,
mis exprès. Mais pourquoi ?
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Est-ce par des usagers qui espèrent renouveler ainsi les
pâturages dont ils jouissent ? Mais, ils iraient contre le but
qu’ils se proposent, l’entrée des massifs brûlés étant,
inexorablement, interdite aux bestiaux, jusqu'à ce que le
nouveau peuplement soit devenu défensable, c’est-à-dire,
pendant douze ou quinze ans.
S’agit-il d'une protestation, un peu brutale, contre l’in¬
troduction des pins qui menacent de nettoyer, complète¬
ment, à bref délai, le sol de toute la forêt? Mais, il ny a
pas vingt ans que ceux-ci ont fait leur apparition, en assez
grande quantité pour exciter des craintes de ce genre, et,
depuis deux siècles, au moins, le Chaumontois est périodi¬
quement brûlé.
Doit-on voir là une vengeance contre la sévérité d’un
garde ou d’un brigadier, contre un règlement particulière¬
ment gênant ? Les aveux du condamné de 1870 prouvent
que tei a pu être, parfois, le mobile qui a fait agir certains
individus ; mais, d’une manière générale, cela supposerait
un atavisme qui se serait perpétué pendant un espace de
temps d’une longueur bien invraisemblable.
Citons, pour ne rien omettre, que le bruit courut, il y a
quelques années qu’un braconnier des Bordes se serait
vanté d’avoir, douze fois, mis le feu dan* des massifs où il
avait rembuché des chevreuils, espérant que ces derniers,
dérangés par les flammes, iraient se faire prendre à des
collets tendus, d’avance, sur leur passage habituel. Nous
serions étonnés que ce jeu ait pu tenter beaucoup de per¬
sonnes et autant de fois la même, car il nous semble beau¬
coup plus dangereux pour celui qui s’y livre et qui risque,
s’il veut en profiter, d’être supris par les premiers accou¬
rus à la fumée que pour le gibier qui, brusquement effrayé,
doit peu se préoccuper de chercher les refuites habituelles
pour s’échapper.
Enfin, on a accusé, non plus les usagers, mais les con-
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cessionnaires d’herbes et de jeunes bruyères de vouloir
provoquer le retour de celles-ci, à la place des vieilles
tiges, trop âgées pour servir, désormais, à autre chose
quà leur chauffage et, à différentes reprises, des agents
forestiers ont demandé que toute concession fut refusée,
pendant dix ans, dans les massifs incendiés, sans pouvoir
l'obtenir de l’administration supérieure qui craignait d'in¬
disposer les populations voisines de la forêt. La dispari¬
tion, à peu près complète, des vieilles bruyères, par suite
des autorisations, presque gratuites, données pour leur
extraction, depuis le commencement de 1889, va, bientôt,
faire voir ce qu’il faut penser de cette dernière hypothèse ;
toutefois, nous devons dire qu’on peut lui faire la même
objection qu'à toutes les autres : pourquoi les habitants de
l’une ou plusieurs des cinq ou six communes qui entourent
la région du feu se rendent-ils coupables de ces crimes,
plutôt que ceux des quarante autres, situées à proximité
du reste de la forêt ?
Un seul fait nous paraît différencier les premières : c’est
l’installation, dans le pays de Lorris et ses onvirons immé¬
diats, depuis une époque qui semble fort reculée, de la bien
modeste industrie de la fabrication des balais. Celle-ci
occupe un certain nombre de familles, en général, les plus
pauvres, mais pour lesquelles la destruction des bruyères,
même vieilles, serait, non seulement inutile, mais calami¬
teuse. Les plaintes que nous avons recueillies, lors de
l’application des nouveaux réglements dont nous venons de
parler, le prouve surabondamment.
Nous le répétons donc, il y a là un véritable problème,
dont nous laissons, aux forestiers ou aux juges d’instruc¬
tion de l’avenir, le soin de trouver la juste solution.
t— ■-- —-•
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RAPPORT
SUR L*
J^ÉZfcÆOII&E Q/TJI IFZRÆîCIÈilDB
Par M. PAULMIER.
Séance du 16 janvier 1691
L'incendie du bois comme celui d’une maison est un de
ces événements qui causent toujours la plus vive émotion.
On en voit le commencement, on ne sait jamais où s’arrê¬
teront les ravages du feu. C'est ainsi que des hameaux
entiers, des quartiers de ville sont devenus la proie des
flammes, malgré les efforts de toute une population
accourue pour porter secours. Dans les villes, les moyens
d’action sont considérables et presque instantanés; mais
dans les bois, dans les forêts qui, comme la forêt d’Orléans,
ont une grande étendue, un long temps s’écoule avant que
les secours soient arrivés, et l’incendie a pu prendre ainsi
un grand développement.
L’éloignement des habitations en est la cause.
Les anciens règlements forestiers interdisaient la cons¬
truction de maisons dans un rayon de moins de deux
kilomètres des forêts. Actuellement la prohibition de bâtir
est encore de 500 et 1,000 mètres. De là une zone consi¬
dérable inhabitée.
Avant d’arriver, il faut parcourir cinq, six et même
dix kilomètres et les quelques personnes qui sont accourues
se trouvent en présence d'un foyer d’incendie qui a déjà
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— 113 —
plusieurs hectares de superficie, ce qui au milieu d’un
massif de bois paraît immense. Si le vent est, non pas
même violent, mais un peu fort, les feuilles, les herbes
enflammées portent l'incendie souvent à plus de 20 mètres
dans différentes directions ; on peut faire ainsi supposer
que le feu a été mis à divers endroits.
De quels côtés diriger ses efforts ? par où attaquer cet
ennemi qui marche rapidement et en peu de temps devient
une véritable mer de feu ? c’est un admirable spectacle que
j’ai pu voir, mais qui n’est pas sans danger pour les
travailleurs. Si des résineux se trouvent au milieu de la
partie incendiée, les flammes montent en spirale de la base
au sommet et, se répandant sur les branches latérales,
produisent l’effet d’un feu d'artifice.
Les premiers accourus, peu nombreux, s’arment de
branches d’arbres pour battre le sol et arrêter l’incendie.
Mais souvent ils sont dominés par les flammes ou des
feuilles enflammées poussées par le vent ont propagé le feu
derrière eux, et ils n’ont que le temps de se sauver pour ne
pas être surpris par l’incendie. Plus d’une fois il a fallu
abandonner tout un massif à la destruction en plaçant les
travailleurs sur une route ou en y établissant un contrefeu
facilement dirigeable. Notre collègue M. Doumet nous fait
connaître les nombreux incendies qui, depuis si longtemps,
ont détruit des superficies considérables de bois dans la
forêt d’Orléans. Une partie, le Chaumontois, a éié parti¬
culièrement ravagée. Ni la surveillance, ni les mesures
préventives n’ont pu empêcher le renouvellement de ces
fléaux. Il paraît du reste qu’il en a toujours été ainsi.
Dans les temps les plus reculés, les forêts couvraient la
majeure partie du sol. Les pays les plus riches, ceux qui
étaient peuplés de millions d’habitants, étaient couverts de
forêts. L’Asie-Mineure, la Judée, la Grèce, déboisées aujour¬
d’hui, ne présentent plus que des déserts où l’œil rencontre
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— 114 —
le spectacle de la stérilité et de la misère. Où sont dans
ces contrées, patrie des demi-dieux et des héros, les
antiques forêts chantées par les poètes ?
Dans les âges mythologiques les forêts étaient un lieu du
culte et de vénération. Elles furent les premiers temples
et les principales essences étaient l’obiet d’un culte parti¬
culier. Le roi des arbres était consacré au maître des dieux
qu’on adorait sous le nom de Jupiter forestier, du nom de
la célèbre forêt de chêne qui lui était consacrée en Epire.
Le laurier était consacré à Apollon, l’olivier à Minerve, le
myrte à Vénus, le figuier à Mars, le pin à Neptune, le
peuplier à Hercule. Chaque arbre s’identifiait avec une
divinité spéciale, appelée Dryade et Amadryade, chargée
de veiller à sa conservation.
Dans les campagnes les populations avaient le culte des
grands arbres.
Ce culte des forêts se rencontre jusque chez les peuples
les plus éloignés du berceau de la civilisation. Ainsi, au
commencement du xvi e siècle, les Estoniens consacraient
encore â la divinité de grands arbres qu’ils décoraieût
de pièces d’étoffes suspendues à leurs branches.
Un voyageur du xix° siècle a retrouvé le même usage
chez les Artinks, peuple de la Sibérie. Dans la Gaule, l’at¬
tachement des populations au culte druidique est trop
connu pour qu’il soit besoin d’insister.
Mais dans les temps anciens, comme de nos jours, il y
avait des gens qui ne respectaient rien. Les délits fores¬
tiers étaient fréquents, les Sylvains, les Faunes, les
Satyres, toutes les divinités sylvestres étaient impuissantes
pour défendre les bois contre les déprédations. On avait
senti le besoin d'établir une surveillance plus effective et
de faire garder les forêts.
Au temps d’Artaxercès Longue-main, les forêts de la
Judée étaient gardées. On voit en effet dans la Bible que
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Nehernias, après avoir obtenu de ce prince la permission de
reconstruire Jérusalem se fit donner des lettrespour Asaph,
garde des forêts du roi, afin d’obtenir, la délivrance des
bois qui lui étaient nécessaires. Asaph est, je crois, le
premier conservateur des forêts dont le nom soit parvenu
jusqu'à nous.
Les Romains avaient des magistrats pour la garde et la
conservation des forêts. Cette commission était le plus
souvent donnée aux consuls nouvellement créés. Jules
César et Bibulus eurent ainsi le gouvernement des forêts.
Aussi Virgile dit en parlant de Pallivre :
Si canimus sylvœ , sylvos sint consule dignœ.
En France, la loi salique contient un certain nombre de
dispositions relatives aux forêts. Nous y voyons notam¬
ment qu'cn punit l’incendie des bois d’une amende de
15 sols, mais il n’en coûtait que 200 pour violer une fille
ou séduire une femme mariée, et 30 sols seulement pour
avoir frappé un homme à la tête et lui avoir fait sortir
trois os.
Depuis, jusqu’à l'ordonnance de 1669, les forêts ont été
l’objet de nombreuses prescriptions. Des peines sévères,
terribles, ont été édictées pour la répression des délits.
Mais ces peines ne paraissent pas avoir arrêté les délin- *
quants.
Comme le constate M. Domet, le fait d’allumer du feu
dans n’importe quel bois était puni la première fois du
fouet, pour la deuxième fois des galères. Celui qui avait
agi par malice encourait la peine de mort. Les mêmes
peines étaient applicables à celui qui avait allumé du feu
sur son propre terrain à un quart de lieue des forêts, landes
et bruyères. Non seulement le législateur punissait le fait
d’allumer du feu dans les bois, mais il avait édicté des
mesures pour assurer des secours en cas d’incendie dans
les forêts. Les usagers qui n’avaient pas apporté leur con-
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cours ou qui n’étaient pas accourus au cri donné par le
maître de la garde étaient privés des droits d’usage qui
leur avaient été.(ynférés ; et cependant, malgré toutes ces
précautions, les incendies ont bien souvent ravagé la forêt
d’Orléans.
Aujourd’hui, aux premières lueurs du feu, les riverains
accourent de tous les côtés. Tous rivalisent de zèle et
d’ardeur. Leur dévouement est. tout à fait désintéressé. Ce
n’est plus la crainte d’ètre privés de leurs droits d’usage,
c’est un sentiment généreux qui les pousse, et je suis
heureux de leur rendre cet hommage.
Mais ce n’est pas seulement dans la forêt d’Orléans que
les incendies éclatent. Les bois des particuliers n’en sont
malheureusement pas exempts et pour mon compte per¬
sonnel, sur une superficie de 350 hectares j’ai aussi mon
chaumontois.
Cette partie contient 70 hectares environ. Les habitants
la désignent sous le nom des brûlis et bien qu'il y ait cinq
ventes distinctes ayant chacune son nom, on les appelle
toutes « les brûlis. »
Ce nom existait avant que nous fussions propriétaires de
ces bois, et depuis quatre-vingts ans que nous les possédons,
il a été maintenu.
Evidemment pour qu’une telle désignation ait été donnée
à une partie du bois c’est que, dans les temps anciens, des
incendies ont dû s’y produire. Ce qui est certain, c’est que
depuis que nous sommes propriétaires, deux incendies y ont
éclaté à 40 ans de distance.
Le dernier a eu lieu à la fin de mars 1874, et en quel¬
ques heures a parcouru près de trente hectares de bois,
malgré les efforts de plus de deux cents personnes accourues
sur les lieux.
La superficie brûlée aurait été probablement bien plus
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- 117 —
grande ; mais j’ai eu la bonne fortune d'avoir pour diriger
lus travailleurs, M. l’Inspecteur des forets Duchalais.
Celui-ci voyant la marche rapide du feu qui, poussé par
le vent, dominait les travailleurs, fit allumer des contre
feux quon a pu diriger et l’incendie s’éteignit faute d’ali¬
ments.
Dans les autres parties du bois, on ne constate que deux
incendies de peu d’importance : l’un causé par l’imprudence
d’un vagabond qui, au mois de mars, avait allumé au bord
d’une allée, du feu pour se chauffer. Le feu avait gagné les
herbes. N’ayant pu éteindre ce commencement d’incendie,
qui a parcouru un hectare de mauvais bois, il s’était sauvé;
quelques hommes accourus ont pu se rendre maîtres du feu.
L’autre dont la cause est inconnue était éteint quand on
est arrivé, La superficie était d’un hectare environ.
Dans ces deux parties, la nature du sol était à peu près
la même que dans les brûlis. Les bois, étaient mauvais,
envahis par la bruyère et par cette herbe que les paysans
appellent vrillon et qui donne une abondante litière. Mais
le sol était moins compacte, moins tourbeux que dans les
brûlis. Comme pour le chaumontois, le même problèmo
semble se poser.
Dans tous les crimes, la difficulté pour la justice est d’en
connaître la cause et l’auteur. On arrive presque toujours
«i découvrir le nom de la victime, mais à trouver l’assassin,
le meurtrier, le voleur, c’est un point plus délicat où les
efforts de la police échouent souvent.
Pour les incendies, la tâche est bien plus difficile. Celui
qui met le feu, même par son imprudence s’en vante bien
rarement. Avant que les flammes, gagnant de proche en
proche, aient donné l’éveil, il a le temps de se sauver. On
ne peut même distinguer l’endroit où le feu a été mis.
Aujourd’hui nous n’en sommes plus au briquet et à l’araa-
.dou. Lss allumettes chimiques, même celles de la régie, les
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allumettes suédoises, anglaises, les bougies sont dans toutes
les poches ; l’usage du tabac, les cigarettes sont universel¬
lement répandues dans la campagne. Autant de causes qui
peuvent involontairement communiquer le feu. Mais ces
causes sont applicables à toute la superficie de la forêt
d’Orléans. Or, ce qui ressort du travail de M. Domet, c’est
que sur les 40,000 hectares de la forêt d’Orléans, c’est
sur une superficie de six à sept mille hectares que l’on
constate depuis nombre d'années cette répétition d'in¬
cendies qui fait que le public a baptisé certaines parties de
la forêt des noms de < brulardin, des grands brûlis, des
a brûlis, des bouleaux, de la bruyère, des feux ; > incen¬
dies qui n’ont presque jamais permis dans certains massifs
d’arriver à l’âge fixé par l’aménagement.
Or, les populations du chaumontois ont la même origine,
les mêmes mœurs, les mêmes habitudes que les autres rive¬
rains de la forêt. Les droits d’usage sont semblables. La
main-d’œuvre y est aussi élevée que dans les triages de
Neuville ou de Chanteau. Les permissions pour le bois
mort, pour la litière, pour le pâturage sont pareilles.
L’administration forestière n’est pas plus sévère pour
les délinquants du Chaumontois que pour ceux de Cercottes
ou de Châteauneuf et elle fait autant travailler dans cette
partie que dans les autres. N’y aurait-il pas une cause
d’incendie spéciale, une cause inhérente à la nature du sol,
à sa composition ?
Si je ne me trompe, les incendies dans le Chaumontois
se sont manifestés surtout au printemps, à la fin. de mars,
au mois d’avril, au moment ou la végétation commençait.
La sève n’a-t-elle pas produit dans le sol une fermentation
qui, activée par le vent, par le soleil, par les averses, a pu
spontanément causer l’incendie.
La majeure partie d6s bois brûlés n’avait de bois que le
nom. Les massifs étaient remplis de bruyères et d’herbes ;
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ces herbes, au printemps, sont sur le sol, presque pourries,
en couches épaisses. Comme le fumier elles s’échauffent.
Mais si le foin rentré humide prend feu, si la laine mélangée
de graisse brûle spontanément, ne peut-il en être de même
de ces amas d’herbes accumulées.
Le retour périodique des incendies à la même époque
dans les mêmes lieux ne vient-il pas démontrer la justesse
d’une théorie admise dans un pays voisin où les mêmes
faits avaient été observés.
Il y a bientôt quarante ans, en 1852, puisque au début
de ma carrière, j’étais procureur de la République à Gien.
De nombreux incendies avaient éclaté dans le Chaumontois.
C'était vers la fin du mois de mars, le temps était sec, le
soleil brillait, la végétation commençait à se produire. En
quelques jours, il y eut sept ou huit incendies qui avaient
jeté l’alarme dans toute la contrée. Heureusement les routes
nombreuses créées dans cette partie de la forêt avaient
empêché le feu de s’étendre. La surveillance des gardes était
très grande. Nous nous étions transportés sur les lieux et
nous n’avions trouvé aucun indicé qui nous fit connaître la
cause et l’auteur.
La Cour d’Orléans crut devoir évoquer ces affaires et un
conseiller enquêteur vint diriger l’instruction sur les lieux.
Divers individus avaient été soupçonnés, on ne put établir
leur participation. Si l’intérêt est le mobile des actions,
l’incendie causait un préjudice considérable aux droits des
riverains. Ils n’avaient donc aucun avantage à recueillir du
feu; au contraire. Aucune cause, aucune main criminelle
n’avait été trouvée. Un agent forestier nous fit connaître
une opinion émise en Allemagne et qui, adoptée dans les
grandes forêts de ce pays, aurait eu un certain succès.
On avait remarqué, que certaines parties du bois étaient
plus souvent incendiés que les autres. On en avait conclu
que, comme dans les tourbières où le feu prend spontané-
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— 120 —
ment sous certaines influences atmosphériques, il pouvait
en être de même dans ces parties et Ton avait pensé qu'il y
avait des mesures préventives à prendre, que des travaux
exécutés à temps pouvaient conjurer le retour des incendies.
Des gardes feux, choisis parmi les agents les plus intelli¬
gents, étaient chargés de parcourir les bois; ces gardes feux
reconnaissaient les signes précurseurs de l’incendie à
diverses causes, à la chaleur de la terre, à certaines lueurs,
à certaines odeurs. De suite ils faisaient exécuter des tra¬
vaux de terrassement écrétant la surface du sol, ces travaux
peu importants suffisaient pour le dégagement du gaz et les
résultats auraient été d’éviter le retour des incendies.
Ainsi en 1852, on croyait en Allemagne à la combustion
spontanée des bois et des mesures étaient prises pour la
combattre. Les résultats ont-ils été favorables? Les gardes
feux existent-ils toujours? Le microbe du feu a-t-il été
détruit comme on tente actuellement par la lymphe du doc¬
teur Koch de détruire celui de la tuberculose? Je l’ignore,
mais s’il en était ainsi, ce serait une précieuse découverte.
L’incendie spontané peut-il se produire dans le Chaumon-
tois ? La composition du sol est-elle différente de celle des
autres parties de la forêt ? C’est un point que je n’ai pas
vérifié et que je livre à l’attention de MM. les forestiers.
Mais chez moi, si la superficie paraît semblable au premier
abord, si les herbes, les bruyères, y dominent comme dans
d’autres parties du bois, il est certain que dans mon Chau-
montois le sol n’a plus la même composition. Il est plus
compact, presque tourbeux. La couche imperméable est
plus rapprochée delà superficie. Le sol résonne quand on
marche, les eaux coulent sans pénétrer. Il y a donc une
différence notable qui peut expliquer le nom des brûlis.
J’ai fait planter après l’incendie de 1874, au moins cent
mille pins sylvestres. La plantation a été très difficile, à
cause de la dureté du sol. Beaucoup de sujets sont morts.
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Il a fallu recommencer en partie ce travail. Aujourd’hui,
les pins sont superbes, ils ont plus de trois mètres de hau¬
teur avec des pousses de 60 centimètres et même plus. La
bruyère, les herbes commencent à disparaître, les chênes
ont une belle végétation et tendent à pousser non pas hori¬
zontalement, mais en hauteur. De plus, le sol est notable¬
ment assaini, les racines des résineux en pénétrant dans ce
terrain compact semblent en avoir modifié la composition.
La disparition des bruyères, du vrillon qui y poussait en
quantité, diminuera les chances d'incendie et en atténuera
dans tous les cas les ravages.
D’après les résultats que j’ai obtenus, je suis porté à
croire que les plantations de résineux dans les parties inces¬
samment ravagées par le feu, ne lui donneront pas un élé¬
ment nouveau, mais auront au contraire pour résultat de
l’empêcher de s’étendre avec autant de rapidité. Dans les
massifs bien plantés, les matières éminemment combusti¬
bles, herbes et bruyères seront détruites ; si par hasard il
en restait, la quantité en serait notablement diminuée et
les pins formeraient un écran qui arrêterait, pour un ins¬
tant, la propagation du feu et donnerait aux secours le
temps d’arriver.
En outre, les fossés d’assainissement multipliés et les nom¬
breux chemins qui ont été faits permettront d’atténuer les
ravages des incendies.
Pour moi, l’ennemi à combattre dans les bois, ce sont
les herbes; là où elles dominent, le bois n’existe pas et rien
ne peut arrêter la marche du feu qui dévore en un instant
des espaces considérables. Avec les résineux, on détruit les
herbes, les bruyères, on supprime ainsi une des causes
d’incendie. De plus, au lieu de rien, on obtient un revenu
aussi élevé, je pourrais même dire, plus élevé que dans les
meilleurs bois de chêne.
Le pin transformera nos forêts, les aiguilles améliorent
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le sol, les racines l’assainissent, le divisent, font circuler
l’air dans l’intérieur; les quelques chênes ou arbres fores¬
tiers reprennent de la vie, et, si l’on doit admettre la
théorie de la combustion spontanée, cette végétation rigou¬
reuse modifiant l’aspect extérieur et intérieur du terrain,
conjurera je l'espère cette cause d’incendie pour l’avenir.
Dans le cas, où une main criminelle mettrait le feu, j’ai
lieu de croire qu’on ne verrait plus des centaines d’hectares
dévorés par les flammes.
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S. E. M" H. VEHABÊDIAN
Patriarche Arménien de Jérusalem
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SOUVENIRS D’ORIENT
UNE CHASSE A L'EMAIL
UNE VISITE AU PATRIARCHE ARMÉNIEN DE JERUSALEM
NOUVELLE ARCHÉOLOGIQUE
Par M. Léon DUMUYS.
Séance du 6 Mars 1891
Rapport verbal, par M. l’abbé Desnoyers, le !•' Mai 1891
Au mois d’avril 1890, j’étais sur le point de quitter
Orléans et de gagner Marseille où je devais m’embarquer à
destination de l’Egypte et de la Palestine, quand je reçus
coup sur coup deux lettres d’adieu fort aimables, mais
accompagnées l’un# et l’autre, chose étrange ! de post-
scriptum à peu prés identiques et légèrement intéressés.
J’ai hâte d’ajouter que l’unique demande à laquelle je fais
allusion était d’ordre purement scientifique, car mes cor¬
respondants sont deux estimables savants qui daignent
m’honorer l’un de son habituelle bienveillance, l’autre de
sa constante affection.
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— 124 —
La première lettre était signée de mon ami Louis Bour-
dery, un ancien condisciple devenu avec les années licen¬
cié en droit pour contenter sa famille, puis élève du peintre
Jérôme pour satisfaire ses goûts personnels.
Fixé depuis longtemps déjà à Limoges, il y a fait cons¬
truire des fours d’émailleur dans sa nouvelle résidence et le
voici devenu continuateur de l'œuvre des Limosin, des
Pénicaud, des Laudin et des Nouailher. Archéologue cons¬
ciencieux et convaincu, chercheur intrépide et patient, il
amasse entre temps des documents innombrables à l’aide
desquels il se propose d’écrire un jour l’histoire de la
Pléiade des anciens e maistres-émailleurs », et d'essayer
un recensement aussi complet que possible de leurs mer¬
veilleuses productions artistiques dispersées aujourd'hui
dans le monde entier.
« Je sais, m’écrivait-il, à la veille de mon départ, qu’il
existe un bel émail limousin au Saint-Sépulcre à Jérusa¬
lem, mais je désespérais d'en obtenir la description ; tu es
donc mon sauveur dans la circonstance, aie l’amabilité de
l'examiner, de le décrire minutieusement, lui et tous les
autres (s’il y en a d’autres.) »
La seconde lettre émanait de Monseigneur Barbier de
Montaut, prélat de la maison de Sa Sainteté, archéologue
poitevin, doué d'une prodigieuse érudition, d’une éton¬
nante activité, collaborateur habituel de M. Léon Palustre
et universellement connu dans le monde savant.
« Je vous félicite du beau voyage que vous allez entre¬
prendre, me disait-il... il faut le i%ndre profitable à la
science ; je vous recommande entre autres choses à étu¬
dier un émail limousin, qui doit se trouver au Saint-Sépul¬
cre, peut-être bien chez les Arméniens, car il est inédit . »
Je mis mes deux lettres dans mon portefeuille, je bou¬
clai ma valise et quelques jours plus tard je m’embarquais
à bord du Poitou .
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— 125 —
Tel est le point de départ de ma petite nouvelle archéo¬
logique, telle fut la cause de « ma chasse à l’émail » que
je vais me permettre de vous raconter.
Le fait en lui-même n'offre pas sans doute un intérêt
palpitant, mais il me fournira l’occasion de consigner quel¬
ques souvenirs, de griffonner quelques notes de voyage, et
peut être aussi de distraire lecteur en faisant passer rapide¬
ment sous ses yeux des esquisses prises à la hâte au loin¬
tain pays de David et de Salomon.
II
Le 9 mai, nous arrivâmes à Jérusalem, mes compagnons
de voyage et moi. Après quelques jours d'un repos néces¬
saire à la suite d'une longue et pénible chevauchée à tra¬
vers les plaines, les ravins et les montagnes de la Galilée,
de laSamarie et de la Judée, je me mis en campagne, je
veux dire à la recherche de l’émail exilé.
Mes premières investigations furent infructueuses, per¬
sonne à Jérusalem ne connaissait l’existence en cette ville
de l’objet d’art si ardemment convoité.
J’appris bientôt en eftet que la basilique du Saint-Sépul¬
cre ne possède pas comme celles d’Aix-la-Chapelle, de
Cologne, de Monza, de Notre-Dame-de-Paris, un trésor
unique ouvert aux visiteurs et cela s’explique aisément.
Les différents cultes se partagent la jouissance du célè¬
bre et vénérable sanctuaire sous la surveillance du Pacha
gouverneur de la cfité et représentant officiel de Sa Hau-
tesse le Sultan.
En conséquence, Catholiques, Grecs orthodoxes, Armé¬
niens schismatiques ou unis, Coptes, Abyssins conservent
dans leurs couvents distincts, la majeure partie des vases
reliquaires, ornements précieux qui leur appartiennent.
J’interrogeai vainement le R. P. Germer-Durand,
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archéologue distingué, le R. P. de Chaumonteil, M. le
comte de Piélat, M. Ledoulx, notre consul, ces Français
résidents et bien informés, ne purent répondre d'une
manière satisfaisante à mes questions. Ils tombèrent tous
d’accord cependant, pour m’indiquer le richissime couvent
des Arméniens schismastiques comme étant le seul de Jéru¬
salem qui renfermât un petit musée.
M. Ledoulx, avec son obligeance habituelle se mit à
mon entière disposition pour faciliter mes recherches et
me promit de m’accompagner en personne chez le patriar¬
che arménien.
— Vous trouverez, me dit-il, au couvent de St-Jacques,
des religieux opulents, possesseurs d’une foule de choses
précieuses dont ils ignorent le plus souvent la valeur rela¬
tive tant ils sont étrangers aux connaissances artistiques
proprement dites.
L’archevêque Mgr Vehabédian vous recevra à merveille,
car j’entretiens avec lui des relations non seulement cour¬
toises mais encore vraiment cordiales. Je ne doute pas
qu’il mette avec empressement à votre disposition tout ce
qui lui paraîtra de nature à vous intéresser, puissiez-vous
retrouver dans son palais, votre fugitif !
III
A deux reprises différentes, pendant mon séjour â Jéru¬
salem, je tentai inutilement et dans des conditions diverses
la visite projetée. Une première fois seul et l’autre fois
accompagné du drogman-chef du Consulat, délégué par
M. le Consul empêché, je me présentai à l’entrée du Cou¬
vent, mais deux fois, le gardien nonchalamment accroupi,
fumant son chibouck sur sa natte, me répondit poliment et
sans se déranger qu’il lui était impossible de me donner
satisfaction. < L’heure propice était passée, les religieux
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étaient tous assemblés pour quelque cérémonie longue et
solennelle, ils ne seraient pas libres avant le coucher du
soleil, etc., etc. >; bref, je ne pourrais être reçu ce
jour-là : « Tu pourras d’ailleurs, ajoutait-il, sans s’émou¬
voir, revenir un autre jour ! »
En Orient toutes les transactions s’effectuent avec une
lenteur vraiment désespérante pour l’Européen habitué à
une vie active, souvent même fiévreuse, et je me demande
comment l’Arménien dont < le temps est de l’argent >
parvient à se faire aux coutumes de ces populations
assoupies. Cependant, les journées se passaient en excur¬
sions plus ou moins lointaines, nous visitions tour à tour
l’Haram-es-Chérif, la Mosquée d’Omar, la vallée de Josa-
phat, les tombeaux des rois,la Piscine de Siloë, Aïn-Karim,
Bethphagée, Bethléem, Hébron, le chêne de Mambrée, les
bords du Jourdain, la Mer Morte, le couvent de St-Saba, etc.
(il y a tant de lieux célèbres à interroger autour de Jéru¬
salem !) et je voyais avec peine arriver l’heure du départ
définitif sans avoir pu pénétrer dans le couvent de Saint-
Jacques dont j’avais toutefois admiré la somptueuse église.
IV
Le dimanche 25 mai, veille de notre départ, nous nous
trouvions tous réunis, mes compagnons et moi à l’effet
d’entendre la grand’messe dans la spacieuse chapelle du
couvent latin de Saint-Sauveur. M. le Consul assistait
selon l’usage à la cérémonie. Revêtu de son costume offi¬
ciel, entouré de son personnel, il était précédé de ses deux
* cavas > en grand uniforme, portant petite veste
ouverte, gilet galonné, large pantalon, guêtres de drap,
le tout d’un beau bleu de France rehaussé de broderies d’or
et d’argent, coiffés du fez rouge, armés de yatagans, ils se
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tenaient militairement immobiles, appuyés sur leurs hautes
cannes à pommes d’argent.
Quelqu’un vint inopinément me prévenir que M. le
Consul demandait à me parler. Je m’empressai de me ren¬
dre près de lui.
— « J’ai le regret, me dit-il, de ne pouvoir vous accompa-
gnerjusqu'au couvent de Saint-Jacques comme j’avais l'in¬
tention de le faire, mais ma présence devient nécessaire à
l’hospice Saint-Louis, je vais vous donner un de mes
cawas et vous vous rendrez avec lui jusqu’au Patriarcat
arménien où vous serez reçu avec tous les honneurs dus
à votre rang ajouta t-il avec un malin sourire. »
M. Ledoulx appela tout aussitôt un de ses plantons, lui
donna ses ordres en langue arabe et nous partîmes immé¬
diatement pour aller faire notre visite, au grand étonne¬
ment de mes compagnons très intrigués de me voir traver¬
ser leurs rangs sous pareille escorte.
Dans les ruelles tortueuses qui avoisinent Casa-Nova,
côtoient l’hôpital grec, le couvent des Grecs catholiques
melchites et conduisent à la porte de Jalfa, notre cortège
devait produire très brillant effet, j’affirme cependant
qu’il eût été plus remarqué sur les grands boulevards de
Paris et dans les rues d’Orléans.
Ecoutez-en plutôt la description : A quinze pas devant moi,
marchait sans mot dire mon cawa, jeune, bien découplé,
à la physionomie impassible, à la tournure martiale ; sa
main gauche était appuyée sur la poignée recourbée de
son yatagan tandis que sa main droite décrivait des courbes
élégantes, au sommet de la grande canne dont l’extrémité
inférieure se déplaçait en cadence, à chaque pas.
De temps à autre, quand un moAikre, un mendiant, un
porteur d’eau courbé sous le faix de son outre noire et lui¬
sante aux formes animales (1), encombrait le milieu de la
(1) Pour comprendre cette expression, il convient de savoir que ces
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ruelle bordée de boutiques et de cafés ouverts à tout venant,
mon guide levait flegmatiquement sa canne sans s’arrêter,
faisait un geste, émettait un appel de langue, frappait au
besoin le gêneur apathique qui se rangeait aussitôt, puis
continuait sa route sans même se retourner.
Les gens nous regardaient passer sans paraître autre¬
ment étonnés; je dois dire, pour rendre hommage à la
vérité, que dans cette procession de deux personnes, le
cawa tout chamaré d’or était autrement décoratif que « le
personnage important » vêtu d’une jaquette noire, d’un
pantalon gris et étroit, et coiffé d’un casque insolaire,
venant derrière lui. Il me semblait que nous figurions le
triomphe de l’Orient sur l’Occident dans une revue du
costume.
y
En quelques minutes nous arrivâmes à la porte de Jaffa,
le Bab-el-Khalil des Musulmans, et notre marche se trouva
quelque peu retardée, car il nous fallait traverser le car¬
refour le plus fréquenté de Jérusalem, le confluent des
principales artères de la cité-sainte, l’endroit précis où se
concentre forcément la plus grande activité de la capitale
de la Palestine.
Comment résister au plaisir de donner au lecteur une
faible idée du spectacle étrange dont je jouis en cet en¬
droit ?
A quelque distance, se dressait devant mes yeux El-Khala,
la vieille citadelle dont la masse large et sombre semblait
outres sont faites de peaux de boucs ou de chèvres, garnies de leur
poil, munies des pattes et autres appendices de l’animal, dont la tête
8euleest absente; les fellahs les portent suspendues sur leur échine à
l'aide d'une courroie passée en sautoir ou bien appuyée sur le front.
Ces récipients ont un aspect répugnant.
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surgir comme une bastille féodale à demi-ruinée, des larges
fossés de défense creusés dans le roc par les anciens rois
de Judée. Au-dessus des bastions inégaux accolés comme
au hasard, se dressait l'antique tour de David, fièrement
campée sur ses assises aux proportions salomoniennes,
couronnée de créneaux, de mâchicoulis, percée d’étroites
ouvertures solidement grillées qui semblent laisser péné¬
trer à regret l’air et la lumière à l’intérieur de ses épaisses
murailles. Sa silhouette imposante, aux tons de bistre et
de terre brûlée, se découpait en arêtes vives sur le bleu
intense d’un ciel sans nuages.
Dans ce décor imposant, la toile de fond attirait tout
d’abord les regards du spectateur, et cependant les pre¬
miers plans étaient bien dignes aussi de captiver son atten¬
tion.
A droite et à gauche se déroulait une longue enfilade de
magasins à peu près alignés et d’aspect quasi-européen,
ornés de vitrines bondées de marchandises hétérogènes,
encadrés d'annonces, surmontés d’enseignes variées,
peintes en caractères de toutes formes, rédigées en
langues les plus diverses: française, arabe, russe, espa¬
gnole, anglaise, allemande, etc.
Devant moi, tout le long des parapets de pierre des forti¬
fications, apparaissait un amoncellement d’êtres humains
aux costumes bariolés, entassés pêle-mêle autour de
quelques échopes légères faites de planches, de vieilles
nattes et de toiles ; autour des marchands de dattes, de
lait chaud, de pâtisserie, d’oranges, de citrons et de nou¬
gats, accroupis sur le sol, grouillait une population
ignoble, composée d’hommes et d’enfants de toutes colora¬
tions. Sur ces visages, ces bras, ces jambes et ces
poitrines, un peintre eut retrouvé tous les tons de la
gamme des teintes chaudes et sombres, depuis le bronze
jusqu’au noir de jais; les uns vêtus de dalmatiques à
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larges rayures brunes et blanches, portant le turban,
étaient chaussés de larges babouches jaunes, les autres n’a¬
vaient pour tout vêtement qu’une mauvaise chemise de
toile de teinte terreuse, serrée à la ceinture par une corde,
et leur tête était protégée contre les ardeurs du soleil par
une toque hémisphérique ou conique faite de poil de cha¬
meau feutré dans sa teinte naturelle, leurs pieds étaient
nus et poudreux.
Presque tous ces désœuvrés avaient la figure émaciée,
les traits tirés, les yeux rouges, chassieux ou à demi-
fermés, leur regard paraissait éteint, leur physionomie
hébétée.
Ils étaient là debouts, assis, couchés, accroupis, affaissés
ou étendus comme des bêtes de somme vautrées dans la
poussière du chemin. Ils parlaient peu, ne remuaient guère,
les uns égrenaient machinalement leur chapelet d’un air
distrait, fumaient, ou bien encore se livraient en silence
au dénombrement des hôtes intimes qu’il avait plu à Allah
de confier à leurs soins paternels. Tous regardaient im¬
passibles le va-et-vient continuel des entrants et des sor¬
tants qui se croisaient, se succédaient, sans interruption
comme dans un kaléidoscope.
Le défilé était d’ailleurs des plus variés. Ici passait un
riche commerçant indigène au teint bronzé, au nez aquilin,
à la longue barbe noire, monté sur son âne, noblement
diapé dans son ample burnous blanc, coiffé du turban vert
réservé aux anciens pèlerins de la Mecque, précédé de son
jeune moukre trottinant comme un sais et hurlant pour se
faire faire place au milieu de la cohue ; là c’était un Russe
au nez épaté et retroussé, à la longue chevelure tombant
sur ses épaules et retenue par une toque d’astrakan, vêtu
d’une blouse noire serrée à la taille et boutonnée sur le
côté, chaussé de bottes épaisses dans lesquelles s’engouf¬
frait son large pantalon.
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— 132 -
Venaient ensuite des Maronites aux soutanelles unies de
couleurs voyantes maintenues sous la veste foncée de coupe
européenne, per une large ceinture, coiffés du tarbouch
grenat à gland de soie noire, chaussés de bottines ou de
babouches rouges et pointues, spéciales aux chrétiens ; on
les eut reconnus à leur seul costume, si leur visage, mili¬
tairement rasé, leurs allures plus vives, leur physionomie
ouverte et fine n'eussent suffi pour les faire distinguer au
premier coup d’œil des hyerosolimites autoctones.
Puis, défilait la série complète des Juifs de "tous pays,
depuis le Galicien en guenilles, à la houppelande crasseuse
et décolorée, coiffé d'une casquette noire, reconnaissable à
son teint clair, à ses yeux bleus, à sa barbe blonde hir¬
sute, à ses cheveux roulés en tire-bouchons sur les tempes,
jusqu’au dignitaire de la synagogue, à la coiffe et à la
pelisse de velours cramoisi ou amarante bordées de
fourrures fauves, au visage triste encadré d’une barbe
épaisse émaillée d’un nez crochu en bec d’aigle, d’yeux
enfoncés sous d’épais sourcils et protégés par une paire de
bésicles, etc., etc.
Au milieu de tous ces gens indolents ou affairés, pauvres
ou riches, circulaient les chameliers et les âniers condui¬
sant leurs bêtes pesamment chargées.
Ceux-ci arrivaient de Béthléem avec des paniers de
fruits, des outres pleines d’huile on de vin, des caisses de
nacre et de chapelets en noyaux d’olives; ceux-là arri¬
vaient sans doute en caravane du port de Jaffa, avec toute
une cargaison d’énormes ballots cubiques, poussiéreux, à
demi-éventrés, qu’ils avaient chargé sous les hangars de la
douane, à destination du grand bazar de Jérusalem.
Bêtes et gens s’en allaient en file, dodelinant de la tête,
ruminant ou chantonnant à l’unisson, vers la ruelle en
pente, pavée, garnie de degrés, voûtée en ogive, qui s’ou¬
vrait là-bas sur la gauche comme un gouffre noir et béant
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dans lequel disparaissait à chaque instant de nouveaux
arrivants.
Ce n’est pas tout encore, voici venir des prêtres français
à la barbe courte portant sur la poitrine la croix rouge
des pèlerins de la pénitence, des femmes voilées envelop¬
pées comme des pleureuses antiques dans de longs man¬
teaux noirs et bleus, des touristes européens de toutes na¬
tions avec leurs casques insolaires ou leurs chapeaux de
feutre à la longue écharpe de mousseline, des pères blancs
coiffés du tarbouch, des franciscains vêtus de bure, des
moines schismatiques au capuchon noir, à la cordelière de
cuir, des popes à la soutane flottante, à la longue cheve¬
lure couverte d’une haute toque rappelant par sa forme et
sa couleur les chapeaux de tôle coniques qui couronnent
parfois nos cheminées. Ici, la sœur de Saint-Vincent-de-
Paul, à la blanche cornette, croise une bande de soldats
turcs à la tenue de brigands ; là ce sont des bédouins
vêtus de « l’abbayé » et coiffés du * keffié », qui s’arrêtent
brusquement pour marchander la poignée de dattes dont
se composera leur repas du soir. Tout ce monde s’agite
dans un léger nuage de poussière dorée par les feux du
soleil, sans avoir à se préoccuper des voitures dont les
derniers roulements se font entendre de l’autre côté de
la porte fortifiée qu’il leur est interdit de franchir.
Enfin nous sommes sortis de cette foule compacte et
bigarrée, nous passons en hâte devant le pont-levis de la
citadelle, les hommes de garde assis sur les parapets et
les bornes, salement équipés, mal armés, désœuvrés,
fumant le narguilhé ou 16 chibouck, nous suivent un ins¬
tant du regard et commentent sans doute entre eux,
dans leur incompréhensible jargon, la visite officielle de
l’attaché du consulat français qu’ils voient passer pour
la première fois.
« Quel est ce nouvel arrivé ? Où va-t-il par là à cette
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heure, seul avec son cawa?... A la poste Autrichienne
peut-être, ou bien encore à Saint-Jacques, à moins qu’il se
dirige vers la porte de Sion pour aller visiter le cénacle ou
le cimetière franc... Que leur importe après tout? ils n* ont
pas affaire à lui... Ce qu’il y a de sûr c’est qu’il ne fera
jamais que c ce qui est écrit... > Dès lors à quoi bon se fati¬
guer, se torturer la cervelle, pour chercher à pénétrer le
secret de ce chien de chrétien ?... >
Pendant que les troupiers de Sa Hautesse échangent
leurs idées, si tant est qu’ils en aient dans la tête, ce que je
ne saurais affirmer à la simple inspection de leurs visages
impassibles, nous arrivons à la grande porte du couvent de
Saint-Jacques.
A la vue de mon cawa, celui du patriarche arménien,
de planton sous le porche voûté se lève, échange avec
son collègue une laconique salutation, puis entre en pour¬
parlers avec lui.
« Il va vous conduire, me dit bientôt mon guide en
manière de présentation, suivez-le s’il vous plaît ! * Cette
brève instruction donnée, mon homme dépose sa canne
dans l’angle du mur et se met sans plus tarder en devoir
de rouler une cigarette. Tel le capitaine d’un navire après
avoir remis la barre entre les mains du pilote monté à son
bord dans le but de lui faire franchir la passe dangereuse,
rentre dans sa cabine et s’empresse de mettre à profit les
loisirs que lui laisse désormais son irresponsabilité.
A l’appel du cawa patriarcal arrive le drogman du
couvent qui doit me servir d’interprète, car si le c suisse *
de l’endroit est un fort bel homme, il n’est pas polyglotte,
tout au moins ignore-t-il la langue diplomatique. — Qui
donc ici-bas peut se vanter d’être complet ? — Son collègue
accourt à son aide.
Sans plus tarder nous franchissons tous trois ensemble
un escalier de pierre large et rapide, encaissé entre deux
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hautes murailles solides comme celles d'une forteresse.
Arrivés au sommet, nous trouvons un vestibule spacieux.
Là, mon introducteur ouvre une porte vitrée donnant
accès dans une grande salle voûtée, aux murs stuckés et
marbrés dans laquelle il me prie de vouloir bien attendre
un instant. C’est dans cette pièce, paraît-il, que le pa¬
triarche daignera m’accorder une audience ; tandis que le
cawa descend pour reprendre son poste, le drogman se
retire pour aller prévenir son maître ; ils me laissent seul
avec mes pensées et ma curiosité.
Pour tout dire, j’aurais bien voulu que Mgr Yehabedian
tardât quelque peu à se présenter, car j’aurais eu le temps
de recueillir une foule de renseignements précis et inté¬
ressants, qu’il m’est impossible, et pour cause, de fournir
aujourd’hui sur l’ameublement de son palais épiscopal.
Ce n’est point que je vinsse chez lui en espion désireux
de surprendre ses secrets, de lever un plan, ou de dresser
un inventaire, mais c’est qu’il me semble qu’en publiciste
favorisé d’un interview, j’aurais du pousser l’indiscrétion
jusqu’à ses dernières limites pour remplir complètement
mon devoir professionnel.
Bref, Son Eminence me laissa le temps bien juste de jeter
un rapide coup d’œil sur l’ensemble de sa grande salle de
réception.
Je me souviens cependant qu’elle était très longue, très
élevée d’étage, partant très aérée et de plus largement
éclairée, surtout à l’extrémité opposée à la porte d’entrée ;
des tableaux de toutes dimensions et de valeurs très diverses
ornaient les murs; le sol était dallé avec tant de luxe que
la lumière arrivait au devant de moi en se jouant sur le
marbre poli, de chaque côté d’un tapis d’aloès étroit et long
qui conduisait en droite ligne à un vaste divan.
Je remarquai en entrant, à droite et à gauche de la baie
qui venait de se refermer sur mon dos, deux vitrines rem-
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plies d’objets les plus variés, au milieu desquels mes yeux
étonnés rencontrèrent quelques appareils de physique élé-
mentaire, tels qu’un électrophore, une bouteille de Leyde,
une grêle à balles de sureau, une lampe à magnésium, etc.
Le long mur de gauche était percé de vastes portes a
deux vantaux moulurées et peintes en couleur claire, don¬
nant vraisemblablement accès dans les appartements privés
du patriarche. < Bien sûr me disais-je en moi-même en
les regardant, c’est par là que Son Eminence fera son
entrée ! »
Là bas, tout au bout de la galerie, derrière le divan une
série de fenêtres rapprochées et vitrées à l’européenne,
hautes et larges, s’ouvraient sur les vastes jardins du cou¬
vent, qui passent pour les plus beaux de Jérusalem. Toute¬
fois, de la place que j’occupais, mes regards glissant par
dessus les premiers plans en contre bas, rencontraient tout
d’abord les courtines de l’enceinte de la cité, puis ils plon¬
geaient sur l’Ouadi-er-Rebabi, vulgairement appelée vallée
de Hinnom, sur le Birket-el-Soultan et portaient au loin
sur les sommets des coteaux environnants. J’apercevais le
couvent grec de St-Georges, l’hospice juif de Sir Monte-
flore et l’hôpital des lépreux.
Mais j’avais à peine eu le temps de me tourner en tous
sens, quand j’entendis derrière moi le bruit d’une porte qui
s’ouvrait.
Pivoter rapidement sur les talons, prendre une attitude
respectueuse, pour saluer courtoisement mon hôte, fut pour
moi, comme l’on pense, l’affaire d’un instant.
Le patriarche, car c’était bien lui qui faisait son entrée,
s’avança avec une grande dignité, il était suivi du drogman
et d’un moine jeune et barbu, tout de noir habillé. Je fis
quelques pas en avant sur le tapis d’aloès, je m’inclinai
profondément, tenant mon couvre-chef à la main. Son Émi¬
nence me tint quitte des salamalecks de grande cérémonie
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quejeusse été bien en peine d’exécuter et répondit à ma
politesse par un sourire plein de douceur ; d’un geste lent
et noble, elle daigna m’inviter à prendre place sur le divan,
tandis qu’elle s'asseyait elle-même sur un siège indépen¬
dant disposé prés d’une petite table chargée de livres.
Quant au moine et au drogman, ils se tinrent respectueu¬
sement entre nous deux et à quelque distance, paraissant
très attentifs à mes paroles et aux moindres gestes du
patriarche.
Mgr Vehabedian me parut être au moins sexagénaire.
Son Éminence est de taille moyenne, et de forte corpulence,
sa belle tête est encadrée d’une longue barbe blanche,
épaisse qui tombe sur sa poitrine, son nez aquilin présente
des lignes pures et harmonieuses, ses yeux noirs ombragés
par d’épais sourcils, sont à la fois intelligents, expressifs et
doux, mais on devine aux rides de son front que son regard
est susceptible de prendre une expression énergique en
rapport avec sa mâle physionomie.
Le Patriarche portait un costume fort simple, il était vêtu
d’une sortfe de manteau noir ample, à larges manches et
bordé, me semble-t-il de longues bandes d’étoffe de soie
violette qui descendaient de son cou jusqu’à terre.
Je ne remarquai sur toute sa personne d’autre insigne
apparent de sa dignité, qu’une chaîne d’or, soutenant sans
doute une croix pastorale et une bague ornée d’une grosse
pierre précieuse passée au petit doigt de la main droite.
Bientôt commença entre Son Éminence et moi, ce que j’ap¬
pellerai une conversation par ricochet.
Le vénérable Patriarche ne parle ni ne comprend le fran¬
çais, d’autre part l’auteur de ces lignes n’est guère familier
avec le turc, l’arabe et l’arménien, aussi pour rendre mu¬
tuellement notre pensée, fûmes-nous obligés de recou¬
rir à la science du drogman.
En quelques mots je m’efforçai de faire comprendre à
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Son Éminence, le but de ma visite, la nature de mes recom¬
mandations, et la cause de mon isolement :
9 Le monde savant français, connaissait de réputation
les trésors remarquables renfermés dans le richissime cou¬
vent des religieux arméniens de Jérusalem. On y voyait,
disait-on, un émail anciennement fabriqué en notre pays de
France, et je désirais vivement, dans l’intérêt de l’art et de
science retrouver le fugitif réfugié dans le palais de Son
Éminence... . »
J’en étais là de mes explications semi-diplomatiques,
quand la porte la plus éloignée s’ouvrit, le Patriarche
détourna la tête, je me tus ; tout aussitôt je vis venir à nous
un moine coiffé de son capuchon noir et pointu, porteur
d’un grand plateau d’argent rehaussé d’ornements d’or
guillochés, garni de deux verres remplis d’une eau très lim¬
pide, d’une coupe basse garnie de confitures épaisses et
jaunâtres coupées en lanières et de deux vases d’or et d’ar¬
gent d’un style rocaille, prétentieux et tourmenté ; le pre¬
mier vase était absolument vide, l’autre renfermait un cer¬
tain nombre de petites cuillères placées debout.
Le moine s’avança vers moi et me présenta son plateau,
j’y pris un verre et je m’apprêtais à l’approcher de mes
lèvres, lorsque je vis le Patriarche me faire des gestes
incompréhensibles accompagnés d’un gracieux sourire.
Son Éminence semblait me dire : « Allons, je vois bien
« que vous n’êtes pas au courant des usages orientaux ! —
9 Comment pouvez-vous supposer que je sois hôte à 'vous
« abreuver d’eau claire? En pareille occurence, les fils de
« Mahomet eux-mêmes vous offrent le café de bienvenue...;
c tenez: faites comme moi..., c’est ainsi qu’il faut s’y
« prendre, je vais vous prêcher d’exemple, ce sera plus
« simple que de vous faire traduire la méthode classique. »
En effet, sur un geste, le moine s’éloigna de moi pour se
rapprocher de son supérieur. Celui-ci prit le second verre
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d’eau restant sur le plateau, saisit au hasard une petite
cuillère, s’en servit pour soulever quelques lanières de con¬
fitures, les porta à sa bouche, remit dans le gobelet vide la
cuillère dont il s’était servi, approcha le verre d’eau de ses
lèvres, puis le remit en place.
J’imitai en tous points mon hôte qui parut satisfait de mon
esprit d’imitation, me félicita d’un geste et d’un sourire.
Je l’avoue à ma honte : j’ignorais à ce point les usages
du grand monde oriental et je n’avais pas idée de ce pro¬
cédé raffiné employé pour faire soi-même son sirop.
« N’a t’on pas raison de dire, pensais-je en moi-même, que
le luxe asiatique dépasse toutes les bornes imaginables! »
Cette petite aventure, et sans doute aussi mon air étonné
parurent amuser prodigieusement les moines et le drogman
qui en furent témoins.
La cérémonie de bienvenue étant achevée, notre con¬
versation par ricochet reprit lentement son cours en dépit
de la bonne volonté aussi réelle qu’évidente des deux inter¬
locuteurs.
Je vis en effet le drogman subitement embarrassé pour
rendre ma pensée à son maître, j’avais employé dans mes
phrases, à n’en pas douter, une expression peu usitée,
destinée à rendre une pensée importante, capitale peut-être
et dont le sens lui échappait absolument.
J’appris en effet de notre interprète qu’il ignorait la
signification du mot * émail j>, je lui aurais dit : « lymphe *
ou « microbe j>, qu’il n’eut pas été plus embarrassé; sa
science était en défaut et il en paraissait très-vexé.
J’eus beau lui répéter sur tous les tons : c Email, peinture
sur émail! englisch: smalt! spanisch: esmalte (1), il ne
comprenait pas davantage.
(1) « En anglais: smalt (émail); en espagnol: esmalte. » Je ne
pouvais faire mieux, n'ayant que ces deux langues à ma disposition
pour rendre ma pensée.
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Chose étrange, son emban as m’amusait presque autant
qu’il me contrariait.
« Nous voilà bien, me disais-je : impossible de traduire le
nom de la chose qui fait l’objet de ma visite ! » d'autre
part, il me semblait que je tenais ma revanche : « as-tu assez
ri de moi tout à l’heure, pensais-je ? allons mon ami, c’est à
chacun son tour de s’avouer vaincu dans ce bas monde ; et
si tu venais en France, je t’en ferais voir bien d’autres ! »
Bref, mon homme prit un parti héroïque, il courut
chercher un lexique français-arménien, et me le mit en
main avec prière de chercher moi-même, à sa page, le mot
inconnu.
Je feuilletai, je trouvai et je remis le dictionnaire de
sauvetage à mon savant polyglotte.
Celui-ci prit le petit livre, lut, relut attentivement le
mot indiqué, le prononça tout bas, tout haut, avec ses
synonymes, en regardant alternativement d’un air navré
son maître et le moine qui était prés de lui ; en fin de
compte une discussion lexicologique s’ouvrit entre mes
trois interlocuteurs. Ils finirent par se mettre d’accord,
grâce sans doute aux connaissances plus étendues de
Son Eminence. En effet, le Patriache me fit poser
quelques questions et mes réponses semblèrent le fixer
entièrement ; sur son ordre, son secrétaire passa dans
une pièce voisine. Il en revint au bout de quelques
instants avec une série de petits écrins qu’il remit à son
supérieur.
L’archevêque ouvrit lui-même avec précaution ces
petites boîtes garnies de chagrin noir ou vert foncé, et en
sortit de magnifiques décorations qu’il étala devant mes
yeux, sur un petit guéridon.
C’étaient de splendides bijoux, formés chacun d’une
plaque d’émail ronde ou ovale entourée de fioritures d’ar¬
gent, d’or ou de vermeil découpées à jour, constellées
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— 141 -
d’énormes pierres précieuses. Je crus comprendre que ces
plaques honorifiques avaient été offertes en cadeau par le
PatriacKe de Constantinople (le summus pontifex des Grecs
orthodoxes) à celui des arméniens ses co-religionnaires de
Jérusalem.
La première plaque représente la scène de la résurrec¬
tion de N.-S. ; on y voit le Christ vêtu d’une simple
écharpe de couleur rose flottante et bien drapée, sortant
glorieux du tombeau. Le sauveur du monde s’élève dans
une gloire entourée de nuages, il porte dans la main droite
une bannière déployée et le geste de sa main gauche
élevée vers le ciel semble destiné à rendre cette pensée :
* l’heure est venue de retourner vers mon père ».
Trois guerriers romains revêtus de leurs armures et por¬
teurs de leurs armes gisent renversés autour du sépulcre
ouvert.
Au sommet de la plaque, on remarque une petite inscrip¬
tion en lettres rouges, tracée en caractères arméniens et
donnant le nom de la scène reproduite : « La Résur¬
rection. »
Cet émail me parut être d’une excessive finesse, d’un
excellent dessin, d'un coloris très doux et vraiment artis¬
tique. Il peut mesurer 5 centimètres de hauteur sur 3 cen¬
timètres de largeur.
Je ne saurais affirmer qu’il soit fait sur cuivre plutôt que
sur porcelaine, attendu qu’il est serti et doublé d’argent,
mais je fus frappé de la ressemblance qu'il présente avec
certaines miniatures très recherchées et sorties des ate¬
liers de la manufacture de Sèvres.
Je suis tenté de croire que cette petite pièce n’appartient
pas à l’école Limousine. Je ne la crois pas non plus anté¬
rieure au xviii 6 siècle.
Cet émail est environné de diamants et d’émeraudes.
La seconde plaque est ronde, entourée de diamants et
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— 142 —
de rubis; elle représente le Christ, vu de face, à mi-corps
tenant le globe du monde dans sa main dextre et bénissant
à senestre. Les teintes rouges, bleues et jaunes qu’élle com¬
porte sont harmonieuses, le dessin en est soigné. Je ne sau¬
rais me prononcer sur la provenance artistique de cette pièce
qui n’est pas signée, et ne porte aucune marque apparente.
Un artiste de l’école française pourrait en être l’auteur, je la
mets toutefois au second rang, dans la collection que je
décris.
Les autres émaux ou pièces émaillées me parurent être
de fabrication russe ou turque, elles sont d’une facture plus
rude, décorées de tons crus, et plus modernes.
Je me permis d’insister près de Son Eminence pour savoir
si elle ne posséderait pas d’autres plaques émaillées, plus
grandes, formant tableau à elles seules, représentant quel¬
que scène religieuse, biblique ou profane.
Le Patriarche voulut bien m’affirmer qu’il n’en possédait
pas de ce genre et qu’il n'en existait pas à sa connaissance
tout au moins, dans le petit musée du couvent de Saint-
Jacques.
Pour me prouver son excessive bonne volonté Mgr Yéha-
bédian me désigna un petit cadre pouvant mesurer
0 m. 30 cent, do hauteur sur 0 m. 20 cent.de largeur, orné
d’une baguette doré et appendu au mur, au dessus du grand
divan.
Dans la pensée de l’archevêque ce cadre avait une valeur
incontestable et la meilleure preuve que j’en puisse donner
c’est qu’il occupait une place honorable dans le grand salon
de réception.
Son Eminence insista a son tour pour que j’examinasse
de plus près l’œuvre d’art qu’elle me signalait ; en dépit de
mes excuses réitérées et motivées comme on vade voir par
un rapide examen de l’objet, je dus placer une chaise sur
le divan, monter dessus tandis que le Patriachela tenait de
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— 143 -
ses propres mains et ainsi juché je décrochai le fameux
tableau.
Hélas ! je ne m’en doutais que trop, d’en bas, il ne s’agis¬
sait pas d’un émail de Limcges mais bien d'une de ces vul¬
gaires chromolithographies primitives légèrement estam¬
pées, telles qu'on en fabriquait il y a trente-cinq ou qua¬
rante ans en France, elle devait tout son éciat à la vitre
qui la recouvrait.
Le tableau représentait également la scène de la Résur¬
rection, les personnages dans des attitudes quelque peu
tourmentées, étaient revêtus de leurs costumes tradition¬
nels agrémentés de paillettes dorées soigneusement collées
aux bons endroits. Dans la pensée du fabricant :
c Tout cet or, au tableau, devait douner du lustre; »
je laisse à juger si son but était atteint. Supposons toute¬
fois que l’artiste avait peut-être une spécialité d’exporta¬
tion et partant, excusons-le généreusement.
Il est aisé de comprendre d’après ces simples détails que
cette production commerciale n’avait que des relations fort
peu intimes avec le grand art, aussi j’avoue que mon
embarras fut excessif quand vint le moment de répondre
aux questions pressantes, réitérées et précises qui m’étaient
posées par le Patriarche et traduites par son drogman.
— Son Eminence vous demande ce que vous pensez de
ce tableau ?
— Tout grand qu’il est par rapport à la petite plaque
que je viens d’admirer, et bien qu’il représente la même
scène, il m’est difficile d’établir une comparaison entre
ces pièces.
— Son Eminence vous demande de préciser la valeur
que vous attribuez à ces deux productions artistiques.
— L’une est sans prix attendu qu’elle n’est pas commer¬
ciale; sans parler des pierres précieuses qui l’entourent, elle
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— 144 —
constitue un joyau; l’autre au contraire se vend un peu
partout, en France.
— Alors vous ne pouvez pas fixer le prix approximatif
de ces objets.
— Cela me paraît difficile, sinon impossible, mais à coup
sûr je donnerais beaucoup de celles-ci tout encadrées pour
le seul milieu de celle-là.
— En d’autres termes vous admirez surtout la petite
plaque ovale, puis ensuite la ronde, et enfin vous n’êtes
pas enthousiaste de ce grand cadre carré?
— Vous l’avez dit.
Le drogman traduisit mes réponses à son maître assez
fidèlement, je l’espère et pour couper court à de nouvelles
instances jeme hâtai de déposer «la Résurrection > de papier
estampé, sur le divan, de reprendre mon couvrechef et de
présenter mes hommages très respectueux à Son Eminence.
Je dois dire que Mgr Véhabédian me parut satisfait de
ma franchise et très convaincu de mon savoir, je dis ceci
sans fatuité, pour rendre hommage à la vérité; après tout,
pourquoi ne parlerais-je pas nettement ? il s’agit ici d’une
simple supposition, « et c’est en Arménien que la chose fut
dite ! * Ce qui me pousse à déclarer que mon hôte voulut
bien m’accorder quelque estime, c’est mon désir d’expliquer
comment il se ravisa tout à coup et me fit la surprise que
voici :
Au moment que je me disposais à prendre congé de Son
Eminence, elle m’invita à descendre dans l’église du cou¬
vent de Saint-Jacques, dans le but d’y visiter le trésor
proprement dit ! « Il y avait encore là, en y réfléchissant,
quelques émaux dignes de l’attention d’un amateur. »
Je remerciai le Patriarche de sa délicate attention, de
son excessive bienveillance à mon endroit et après l’avoir
respectueusement salué je sortis, précédé du drogman,
suivi du moine au capuchon noir, en prenant soin de ne
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marcher que sur le long tapis étroit et sombre que j’avais
foulé en entrant.
Après avoir descendu le grand escalier de pierre, nous
passâmes dans la petite cour qui précédé l’église. Sous la
galerie, sorte de cloître ou de narthex établi devant la
porte d’entrée, je remarquai une longue planche d’airain
toute couverte de caractères indéchiffrables pour moi
et de signes religieux analogues à ceux que l'on voit
sur les cloches de nos églises; suspendue à cinq pieds
du sol environ, par deux fortes chaînes accrochées au
plafond, elle pouvait mesurer 0 m 30 cent, de largeur, à
3 ou 4 c. d’épaisseur et environ 1" 50 ou 2“ de longueur.
Un marteau y était attaché à l’aide d'une chaînette. Je
reconnus sans peine ctt instrument très primitif qui sert
de gong ou de cloche aux moiDes grecs, car j’en avais
déjà remarqué de semblables à Mar-Saba (1).
Nous entrâmes dans la belle église qui abrite les restes
de saint Jacques le Majeur.
Je ne saurais faire la description de cet édifice sans sor¬
tir du cadre restreint que je me suis tracé, la tâche serait
longue et difficile ; je me contenterai de dire qu’elle est
somptueusement meublée, garnie de tableaux, de dorures,
de tentures, de lampes, d’ornementations les plus riches et
qu’elle présente plutôt l’aspect d’une mosquée, ou mieux
d'un musée, que celui d’un sanctuaire.
Des nattes recouvrent partout le dallage et l’on remarque
de loin en loin quelques coussins épais disposés en guise
de chaises le long des murs.
Au moine et au drogman qui m’avaient accompagné
depuis la salle de réception patriarcale s’étaient joints deux
ou trois autres religieux à la physionomie bienveillante, au
regard sympathique et doux.
(1) Le couvent de St-Saba est une ancienne laure établie comme
un nid d’aigle dans le précipice qui sert de lit au torrent du Cédron
entre Jérusalem et Jéricho. 10
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— 146 -
Mes nouveaux hôtes m’invitèrent courtoisement à m’as¬
seoir sur des coussins qu’ils s’empressèrent de m’avancer;
quant à eux ils s’accroupirent à la mode turque, sur les
nattes, tout autour de moi. Toutefois deux d’entre eux, les
sacristains sans doute, ne tardèrent pas à se relever pres¬
tement, ils s’éloignèrent, disparurent un instant et revin¬
rent bientôt avec une véritable collection de vases sacrés
empruntés au trésor conventuel.
Je remarquai qu’ils avaient eu la délicate attention de
me soumettre toutes les pièces ornées d’émaux en leur
possession.
Mes regards furent plus particulièrement attirés par une
sorte de mitre de forme bulbeuse garnie de velours rouge,
très semblable à une couronne royale, surmontée d’une
petite croix d’or et toute constellée d’ornements d’or
rehaussés de petits émaux.
Un calice et un ciboire d’or massif volumineux et très
pesants ornés de cabochons et de plaques d’émail figurant
des têtes d’ange et de petites rosaces de dessins variés
furent ensuite soumis à mon appréciation.
Le galbe de ces pièces est lourd, sans élégance, le colo¬
ris des émaux est rude et leur dessin grossier ; au premier
coup d’œil il semble qu’on puisse reconnaître leur prove¬
nance; ils ne sortent certainement pas des mains d’un
artiste français. Ils sont d’ailleurs très modernes et proba¬
blement fabriqués par des artisans russes, fournisseurs
attitrés des vases sacrés en usage dans l’église de la reli¬
gion grecque orthodoxe.
Ici encore, les moines qui m’écoutaient sans comprendre
mes réflexions et suivaient attentivement le jeu de ma physio¬
nomie me parurent désireux avant tout de connaître mon
estimation au point de vue de la valeur vénale des objets.
— Qu est-ce que cela peut valoir ? me faisaient-ils sans
cesse demander.
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— Est-ce plus beau et partant plus cher que les émaux
du Patriarche ?
Le reste leur importait peu.
Décidément, M. le consul Ledoulx connaît bien son
monde; ces bons moines sont gens aimables, affables,
complaisants, mais la fibre artistique est peu sensible dans
leur organisme.
Cependant, le temps passait, tandis que je jouais malgré
moi, dans le saint-lieu, le rôle de commissaire-priseur.
Pour un rien j'aurais dit à mes hôtes : c Mais, chers
moines, vous avez là, à deux pas de vous, entre le mont Sion,
sur lequel vous vivez, et le mont Moriah qui couronne l’Ha-
ram-esch-chérif, des estimateurs excellents, des mar¬
chands d’or et d'argent dont la science est connue, incon¬
testée dans tous les pays; prenez le premier juif venu et,
d'instinct, après avoir soupesé vos vases sacrés, il vous
dira au plus juste ce qu'ils valent. Cette race a conservé
pour le commerce des métaux précieux, depuis la fabri¬
cation du veau d'or, des aptitudes étonnantes ; nous
autres Français, nous sommes assez naïfs pour priser
sur toute chose l'élégance de la forme, la pureté des lignes,
l'harmonie des contours, la finesse du dessin. En matière
de trébuchet, je dois vous l'avouer, je ne vaux certaine¬
ment pas le premier changeur du bazar et dussè-je vous
surprendre, je ne suis venu ici que pour chercher un petit
compatriote exilé fait de cuivre et revêtu de verre fondu.
J’admire vos richesses, mais elles ne m’intéressent que
médiocrement, »
Bref, je gardai pour moi ces réflexions qui se pressaient
dans ma tête, rendaient si bien mes sentiments intimes et
je demandai à retourner vers le Patriarche, pour prendre
congé de Son Eminence, lui présenter mes hommages et
mes remercîments.
Je fus obéi comme un grand seigneur. A la voix du
drogman, tous mes auditeurs se levèrent, je les saluai, ils
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répondirent par un sourire gracieux à ma politessé et je
remontai rapidement à la grande salle d’audience
A ma vue, Mgr Véhabédian daigna se lever; je m’avan¬
çai jusqu a lui, chapeau bas, en Européen bien élevé, lui
adressai toutes mes félicitations et le témoignage de ma
vive reconnaissance.
J'allais me retirer, quand le drogman me demanda au
nom de Son Eminence ma carte de visite. Je m’empressai
de déférer à son désir et en échange de mon bristol, le
vénérable Patriarche eut l’extrême gracieuseté de me
remettre sa photographie, au bas de laquelle il daigna
tracer quelques lignes, puis il y joignit une petite carte
rédigée en français, portant ces mots: H. archevêque
Véhabédian, patriarche arménien de Jérusalem.
c Dites à Monsieur, ajouta-t-il, que ceci est la traduc¬
tion de ce que j’ai écrit au-dessous de ce portrait. *
Je m’inclinai ; la main de mon hôte se tendit amicale¬
ment vers la mienne, je la serrai non sans une certaine
émotion et je me retirai fier de me sentir accompagné par
le plus gracieux sourire de l’illustre prélat.
Ainsi finit ma chasse à l’émail à travers les couvents et
palais de Jérusalem ; je m’étais mis en campagne à la
recherche d’un Limosin, d’un Laudin, d’un Pierre Ray¬
mond, d’un Courtoys, d’un Pénicaud, je ne saurais dire
au juste lequel ; je revenais avec d’excellents souvenirs
et la photographie d’un des plus hauts dignitaires de
l’église arménienne. Comme on le voit, si je n’ai pas
atteint le but que je me proposais, si j’ai dû laisser au
R. P. Germer-Durand le soin de continuer ma tache,
ce qui du moins me console dans mon insuccès, c’est de
me dire que je ne suis pas rentré bredouille au logis !
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DE L’EMPLOI
DES INJECTIONS SOUS-CUTANÉES
D’HYDRATE DE CHLORAL
dans les maladies convulsives
ET PARTICULIÈREMENT
DANS L’ECLAMPSIE PUERPÉRALE
Par M. le Docteur DESHAYES
Séance du 6 mars 1891 .
Introduit dans la thérapeutique il y a seulement vingt ans,
l’hydrate de chloral y a très rapidement conquis une place
considérable comme calmant du système nerveux, et les
guérisons obtenues par son emploi dans les maladies convul¬
sives les plus terribles, le tétanos et l'éclampsie sont
innombrables.
Son action bienfaisante dans ces maladies est connue de
tous les médecins, et je n’ai pas la prétention de rien ajou¬
ter à cette connaissance.
Mon intention est seulement de montrer la possibilité, la
facilité, les avantages et la nécessité dans beaucoup de
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cas d'administrer l'hydrate de chloral par la méthode
hypodermique.
Or, les injections hypodermiques de chloral ont été jus¬
qu’ici considérées par les auteurs, comme dangereuses ou
inefficaces, et, en conséquence, peu employées et même
redoutées par les praticiens.
Ainsi, quoique leurs publications soient bien postérieures
à la vulgarisation du chloral, certains auteurs négligent
absolument de parler de ce mode d'administration ; tels
sont Barnes (Traité d’obstétrique) , Labadie-Lagrave (arti¬
cle Urémie du dictionnaire Jaccoud), Mercklen et Mathieu
(articles Urémie et Tétanos du dictionnaire de Dechambre).
D'autres n'en parlent que pour le condamner, prétendant
que l'absorption de ce remède par l'hypoderme, est plus
lente que par l’estomac ou le rectum, que les solutions
faibles sont sans efficacité pour l’intensité des symptômes
à combattre, que les solutions fortes produisent des nodus
inflammatoires, des abcès, des escharres, voire même des
phelgraons diffus; ainsi parlent Charpentier (Traité des
accouchements ), Poncet (article Tétanos du dictionnaire
Jaccoud), E. Labbée etX. Delore (dans les articles Chloral
et Éclampsie du dictionnaire de Dechambre).
Il nous est impossible de partager cette manière devoir.
Il y a dix ans nous redoutions, comme les autres, les
effets désastreux des injections hypodermiques d'hydrate
de chloral, mais un jour contraint de les essayer, par suite
de l'impossibilité de l'administrer autrement, nous l’avons
osé et n'ayant pas eu à le regretter, nous les avons depuis
employées un bon nombre de fois sans aucun inconvénient,
et ce sont les résultats de cette expérience personnelle, que
je crois pouvoir me permettre d'opposer à l'opinion géné¬
ralement reçue au sujet de cette méthode.
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151 —
PREMIÈRE OBSERVATION.
Elle a été recueillie en 1882, à la maternité d’Orléans,
sur une fille T..., de 21 ans, domestique, primipare,
enceinte d’un peu plus de 8 mois, cedematiée et albumi¬
nurique.
Après avoir eu trois attaques éclamptiques dans la salle
de médecine, où elle était depuis quelques jours, elle est
amenée dans la salle d’accouchements le 31 mars à 1 h. 3/4
du matin.
De cet instant à 9 h. du matin, on compte 13 attaques se
succédant de demi-heure en demi-heure sans aucun
retour de la connaissance dans leur intervalle.
Les inhalations de chloroforme se montrant impuissantes,
les potions au chloral ne pouvant être administrées, les
lavements chloralisés étant immédiatement rejetés, le coma
étant profond, la respiration stertoreuse, l’orifice utérin
absolument clos, on fait une saignée de 250 gr. à 9 heures
du matin. Puis on essaye de nouveau, mais en vain, d’admi¬
nistrer le chloral par le tube digestif, et on continue les
inhalations anesthésiques autant que le stertor respira¬
toire le permet. Rien n’y fait, à 10 h. 10, 10 h. 25,10 h. 55
nouvelles attaques, enfin à midi et demie une autre
encore, c’était la vingtième en douze heures environ.
C’est alors que je risquai l’injection hypodermique de
1 gramme d’hydrate de chloral dissous dans 10 grammes
d'eau, injection partagée en 3 ou 4 points du dos de la
malade, et je cessai tout autre traitement. A partir de ce
moment on n’observa plus aucun mouvement convulsif; la
malade ne reprit pas connaissance, mais sa respiration
devint de plus en plus libre, elle semblait dormir. Malgré
cette persistance du coma, pour prévenir de nouvelles con¬
vulsions, un second gramme de chloral fut injecté de la
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même façon à 10 h. 1/2 du soir, un troisième à 4 h. 1/2 du
matin, le 1 er avril.
Le même état de sommeil comateux, persista sans inter¬
ruption le l ?r avril, le 2, et le 3 jusqu’après l'accouche¬
ment ; pendant tout ce temps la malade ne prit aucune
boisson, ne subit aucun traitement.
Le 3 avril, à 2 h. du soir, trois jours pleins par consé¬
quent après la cessation des convulsions, le travail se
déclare spontanément, et après avoir marché régulièrement
il se termine spontanément aussi à 9. h. du soir.
L’enfant, un garçon pesant 2 kil. 200, long de 0 m. 44,
était vivant et il a survécu jusqu’à son passage avec sa
mère dans un autre service.
La mère après sa délivrance reprit peu à peu ses sens et
elle était en pleine convalescence quand elle nous a quittés
le 11 avril. Aucun abcès, aucune escharre ne s’était pro¬
duite au niveau des injections hypodermiques de chloral.
Elles avaient donc été inoffensives ; avaient elles été inu¬
tiles, superflues ; avaient elles été inefficaces ? Evidemment
non. Les quatre vingts heures qu’a duré le coma après la
dernière attaque sont une preuve de la gravité du pronostic
quand elles furent employées; l’inutilité des inhalations
chloroformiques est une preuve du trouble profond de la
respiration qui ne permettait probablement pas au chloro¬
forme d’être porté jusqu’aux vésicules pulmonaires; le
rejet des lavements est un indice de l’état asphyxique du
sang amenant l’intolérance du rectum.
De toutes les fonctions la circulation persistait seule ;
elle a permis au cüloral, convenablement étendu, d’être
absorbé par la voie hypodermique assez complètement et
assez rapidement pour éteindre l’excitabilité de l’axe ner¬
veux et prévenir toute nouvelle attaque.
Il est impossible de voir entre cette injection hypodermi¬
que et la cessation des attaques, une simple coïncidence, et
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de ne pas attribuer à l’absortion rapide du chloral par cette
voie le salut de la mère et de l’enfant.
DEUXIÈME OBSERVATION.
En 1882, je fus appelé en toute bâte, dans l’après-midi,
rue des Quatre-Fils-Aymond, près d’une femme S..., âgée
de 3U ans au moins. Elle était accouchée dans la matinée de
son second enfant. Bien qu’elle eût eu, pendant sa grossesse,
de la bronchite et de l’anasarque persistant encore le
travail s’était passé régulièrement ; mais elle venait d'être
brusquement prise d'attaques éclamptiques subintrantes
dont la troisième se déroula sous mes yeux lors de mon
arrivée près d’elle.
Pendant que cette malade était encore dans le stertor,
je m’empressai de lui injecter sous la peau du dos 0 gr. 60
d’hydrate de chloral.
Immédiatement la respiration cessa d’être râlante; puis
peu à peu la malade recouvra, non pas sa connaissance,
mais assez de sensibilité et de mouvements coordonnés
pour prendre du chloral par la bouche. Enfin après une
nuit de sommeil paisible, elle réclamait à manger, et la
guérison ne se démentit pas car elle put nourrir son enfant
avec succès, et d’autres qu’elle a eus depuis sans acci¬
dent.
La connaissance que j’ai de la santé ultérieure de cette
femme, me permet donc d’affirmer qu’il ne s’agissait pas
d’épilepsie mais bien de véritable éclampsie puerpuérale.
TROISIÈME OBSERVATION.
Elle date de 1886. Elle porte sur une femme d’une qua¬
rantaine-d’années, grosse de huit mois et demi, multipare,
atteinte de bronchite chronique ancienne, et aussi de
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néphrite, car ses urines rarissimes, brunes, extrêmement
albumineuses offraient un sédiment très abondant de glo¬
bules rouges du sang et de moules fibrineux des reins.
Appelé près d’elle, rue Sainte-Catherine, à sept heures
et demie du matin, je la trouve sans connaissance, éco¬
rnante, râlante. Bientôt une nouvelle attaque éclamptique
éclate sous mes yeux, puis d'autres sans aucun retour de
la connaissance dans leur intervalle. Des injections hypo¬
dermiques de chloral de 0 gr. 50 chacune furent faites au
fur et à mesure que les crises se répétaient ; celles-ci s’éloi¬
gnèrent d’abord, puis cessèrent complètement dans l’après-
. midi. Mais, malgré cette disparition des convulsions, lé
coma persista et la respiration resta stertoreuse. Aussi,
au lieu d’insister sur la médication chloralique, fit-on
deux saignées du bras tirant en tout 600 à 700 grammes
de sang. Il n’en résulta qu’une amélioration insignifiante
de l’état de la poitrine et le coma resta aussi profond qu’au-
paravant.
Enfin, l’orifice utérin finit par s’ouvrir et, dès qu’il le
fût assez, à cinq heures du soir, je m’empressai d’appli¬
quer le forceps, mais je n’amenai qu’un fœtus mort déjà
depuis quelque temps.
Quant à la mère, malgré la disparition des convulsions,
malgré l’évacuation de l’utérus, malgré la facilité de la
délivrance, son état resta aussi grave et elle finit par suc¬
comber vers six heures et demie du soir. Une perte utérine
assez abondante eut lieu quelques instants avant, mais
insuffisante pour tuer, elle était bien plutôt l’effet que la
cause de l’agonie. Cette issue fatale trouve facilement son
explication dans le très grave état maladif antérieur de
cette femme. L'empoisonnement urémique du sang paraît
ici avoir joué le rôle principal, indépendamment des con¬
vulsions éclamptiques qui avaient cessé, environ cinq
heures avant la mort, sous l’influence des injections chlo-
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raliques. Cette cessation était tout ce qu’on pouvait leur
demander : elles l’ont donné.
QUATRIÈME OBSERVATION.
Le 1*' mars 1889, à 4 heures 1/2 du soir, entrait à la
Maternité, une jeune femme d’une vingtaine d’années,
presque au terme de sa première grossesse, en état de mal
éclamptique. Elle avait eu depuis le matin un nombre indé¬
terminé, mais considérable, d’attaques entre lesquelles elle
n’avait donné aucun signe de connaissance.
D’autres se produisent encore après son entrée, mais,
après l’injection d’emblée d’un gramme de chloral sous la
peau, elles cessent définitivement. La malade ne reprend
pas ses sens, mais se retourne d’elle-même sur le côté, le
visage au mur, et pousse quelques plaintes quand on la
dérange, comme une personne accablée de sommeil.
Malgré cet état relativement bon, et rappelant celui de
notre première malade de 1882, et permettant d’espérer la
même issue favorable, la malade mourut tout d’un coup,
à minuit, sans agonie, sans convulsion, sans aucun com¬
mencement de travail. Comme les bruits du cœur fœtal
semblaient avoir été entendus peu de temps avant la mort
de la mère, l’opération césarienne fut faite sur le cadavre,
mais trop tard encore pour donner un enfant vivant.
L’autopsie n’ayant pu être pratiquée, nous ignorons les
lésions, cérébrales ou pulmonaires, qui ont déterminé cette
mort imprévue. Mais cela n’a pas d’intérêt au point de vue
qui nous occupe ; le seul gramme d’hydrate de chloral
injecté sous la peau de cette malade n’a évidemment joué
aucun rôle dans cette issue funeste ; il n’a produit que ce
qu’on cherchait en l’administrant ainsi, et il l’a produit
très vite, la cessation complète des convulsions pendant
les six heures de survie calme qui ont suivi son injection.
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CINQUIÈME OBSERVATION.
Elle date de 1889. Il sagit ici d’une jeune dame A...,
de 20 ans, primipare, grosse de sept mois et demi, déli¬
cate, devenue enceinte dans la convalescence d’une fièvre
typhoïde. Sa grossesse avait marché, paraît-il, passa¬
blement jusqu’au l #r décembre où, très probablement,
sous l’influence de quelques jours de forte gelée, elle
eut quelques vomissements et des maux de tête, après
lesquels, le 3 décembre, elle eut une première attaque con“
vulsive à six heures du soir et une deuxième en ma pré¬
sence, à mon arrivée près d’elle, à six heures un quart. Je
lui fis de suite l’injection hypodermique de un demi-
gramme de chloral et les attaques cessèrent jusqu’à huit
heures. A ce moment, nouvelles crises suivies de nouvelles
injections, suivies à leur tour d’un nouveau répit de deux
heures, pendant lequel la malade s’assit sur son lit, pro¬
nonça quelques paroles et put avaler quelques cuillerées
de solution chloralique. Néanmoins, à dix heures, après
de nouvelles attaques on injecte de nouvelles doses plus
fortes de chloral et, pendant le calme qu’elles procurent,
on administre le même médicament en lavement. De nou¬
veau la malade s’asseoit sur son lit, parle et boit. J’en
profite pour lui administrer par la bouche, non seulement
du chloral, mais un mélange de scammonée et de calomel.
On fit de nouvelles injections de chloral le 4 décembre à
une heure, à trois heures, et à six heures du matin. Dans
cet intervalle de temps il y eut encore quelques crises,
mais légères en comparaison des attaques subintrantes de
la soirée précédente. La malade consomma ainsi en douze
heures par diverses voies 16 grammes de chloral, dont le
quart environ fut injecté sous la peau.
Enfin les convulsions cessèrent tout à fait, l’orifice uté¬
rin commença à s’ouvrir dans la matinée, et vers une heure
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— 157 —
après midi, le fœtus mort-né était expulsé spontanément.
Les suites de couches furent compliquées par des accidents
de pneumonie bâtarde, se rattachant évidemment aux
congestions violentes subies par le poumon pendant
l’éclampsie, pneumonie dont la résolution fut très lente.
En même temps l’albuminurie persista pendant au moins
2 mois, malgré le régime lacté exclusif.
La mort du fœtus et les complications des suites de
couches montrent quelle était la gravité de ce cas, et font
comprendre l’importance capitale qu’ont eue les injections
sous cutanées de chloral dans sa guérison. Dans sa conva-
lescence, la malade eut aux membres inférieurs des ulcé¬
rations très lentes à guérir, non pas au niveau des injec¬
tions chloraliques qu’on avait faites aux cuisses, au ventre,
au dos, mais au talon et au creux poplité, points où avaient
sans doute porté pendant le coma éclamptique des bouteil¬
les d’eau chaude.
Si le chloral injecté sous la peau n’a pas chez cette
malade supprimé tout d’un coup les convulsions, comme
dans la première observation, son action n’en est que plus
évidente puisqu’elle a pu être constatée à plusieurs reprises
dans le cours de la nuit. Pour bien mettre en évidence
cette action successive nous résumons les phases de ce cas
dans un tableau synoptique.
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— 158 -
TABLEAU DE LA CINQUIÈME OBSERVATION.
TEMPS.
ATTAQUES
CHLORAL
SOUS LA PBAU.
OBSERVATIONS
COMPLBMBNTAIRBS.
3 Décembre 6 h. soir.
— 7 —
Attaques.
Coma.
0 gr. 50
- 8 —
Attaques.
Coma.
0 gr. 80
- 9 —
Réveil incomplet
Chloral par la bouche.
— 10 —
— 11 —
Attaques.
Coma.
1 gr. 20
Chloral en lavement.
4 Décembre minuit
Réveil imparfait.
Chloral par la bouche.
— 1 h. mat.
— 2 —
1 gr. au plus
Purp&tif : Scammonée et
Calomel.
- 4 —
- 5 -
•
- 6 -
Attaques faibles.
Coma.
1 gr. au plus
Selles diarrhéiques.
— 7 —
— 8 —
— 9 —
— 10 —
- 11 -
4 Décembre Midi.
—
Commencement de Ut di¬
latation.
- 1 h.
—
Expulsion du foetus et du
délivre.
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SIXIÈME OBSERVATION.
Celle-ci fut prise une semaine seulement après la précé¬
dente, en décembre 1889, sur une femme S., âgée de
23 ans, arrivée au huitième mois de sa première gros¬
sesse, légèrement œdematiée aux jambes, qu’on amena
de la ville à la Maternité en pleine puissance d’éclampsie,
absolument sans connaissance, après avoir eu une dizaine
d’attaques de 6 heures du matin à 5 heures du soir.
A partir de cet instant où elle fut confiée à nos soins,
l’observation fut prise assez exactement pour pouvoir être
présentée sous forme de tableau indiquant à première vue
les heures où les attaques se succédèrent, les heures et
les doses des injections de chloral, et dans une dernière
.colonne les détails complémentaires :
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— 160
TABLEAU DE LA SIXIÈME OBSERVATION.
TEMPS.
attaques. j
CHLORAL
OBSERVATIONS
SOUS LA PEAU.
COMPLÉMENTAIRES.
11 décembre 5h. soir.
11-
0 gr. 10
12—
13me
0 gr. 50
— 6 —
Coma.
14“*
0 gr. 10
— 7 —
15m.
- 8 —
Coma.
0 gr. 10
16-
0 gr. 10
i i
o «
i i
il»»
Antipyrine 0 gr. sons 1a
0 gr. 10
peau.
_ u -
Coma persistant.
0 gr. 10
Application du ballon, de
Tarnier.
— Minuit.
12 décembre lh. mat.
0 gr. 15
Antipyrine 0 gr. 50 sons
Demi réveil.
la peau.
Calomel } âa0«r.50.
— 2 —
18—
1 gr. 90 sous
19 mC et dernière.
la peau par
Coma.
fraction de
0,10 toutes
les heures.
iusqu’à 9
heures du
soir.
— Midi.
—
— 9 h. soir.
Demi réveil.
2gr. danB la
nuit par la
bouche pâr
fraction de
0,30.
— Minuit.
—
13 décembre 6 h. mat.
Débat du travail.
— Midi.
— 2 b. soir.
Délivrance complète.
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— 161 —
Sur ce tableau on voit clairement l’influence du chloral
injecté sous la peau. Ainsi aussitôt après l’arrivée de la
malade, trois attaques ont lieu dans l'espace d’une demi-
heure, mais l’injection de 0 gr. 60 de chloral donne une
heure de répit; — l’action de cette dose relativement faible
s’épuisant, deux autres attaques éclatent coup sur coup,
mais l’injection de 0 gr. 20 seulement de chloral donne
presque deux heures de repos ; — par suite de l’accoutu¬
mance au remède ou de son élimination, deux nouvelles
attaques se succèdent à quelques minutes, mais en
reprenant les injections, 0 gr. 45 de chloral procurent
5 heures de calme ; — néanmoins ces faibles doses ne plon¬
gent pas le système nerveux dans une sidération prolongée,
ce qui est démontré par un demi réveil de la malade qui
s’asseoit sur son lit et peut avaler un purgatif; aussi le
chloral n’agissant plus, deux attaques subintrantes se mani¬
festent aussitôt après cette éclaircie, mais elles seront les
dernières, car bien fixé sur la nécessité d’injecter le chlo¬
ral sous la peau malgré le coma persistant, on ne cesse
plus d‘en donner à raison de 0 gr. 10 toutes les heures ; et,
quand après 19 heures de calme, au coma éclamptique
succcède une simple somnolence on remplace les injections
sous cutanées par l'administration du précieux remède par
la bouche à raison de 0 gr. 30 par heure, jusqu’au moment
où le travail, vainement sollicité depuis 30 heures par l’ap¬
plication du dilatateur de Tarnier, commence à s’effectuer.
Il marcha avec une grande lenteur ; la dilatation réclama
13 heures ; l’expulsion du fœtus et des annexes eurent lieu
naturellement après 15 heures de travail, sans aucune con¬
vulsion, le 13 décembre vers 9 heures du soir, 43 heures
par conséquent après la cessation complète de l’Eclampsie.
Le fœtus un garçon était macéré, sa mort élait donc
déjà ancienne, antérieure sans doute à l'entrée de la malade
à la Maternité et à l’administration du chloral. Il pesait
2,000 gr. et mesurait 46 centim. 11
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— 162 —
La mère eut après sa délivrance une soif ardente mais
sans aucune fièvre ; jamais dans la première semaine des
couches, la température axillaire ne s’éleva au-dessus de
37° ni le pouls au-dessus de 80. L’albuminurie cessa après
la montée laiteuse le 5* jour des couches. Cette malade
passa ensuite dans le service de médecine d’où elle sortit
le 21 février^ suivant, sans avoir, que je sache, présenté
autre chose qu'un lent rétablissement, sans abcès, sans
escharres aux endroits où avaient été pratiquées les 30 pi¬
qûres environ qu’elle avait subies, pour recevoir 3 gram¬
mes 15 de chloral sous la peau, en 28 heures environ.
Combien est faible cette dose comparativement à celle
qu’il aurait fallu injecter dans le rectum, à raison de 4 gr.
par chaque lavement pour obtenir des effets semblables,
à la condition que les lavements fussent intégralement gar¬
dés. En outre, avec cette méthode d’administration rectale
on se prive de la possibilité de purger les malades, purga¬
tion si utile pourtant de l’avis du plus grand nombre des
praticiens pour combattre la cause de l’éclampsie quelle
quelle soit.
SEPTIÈME OBSERVATION.
Celle-ci toute récente a été recueillie au mois de sep¬
tembre dernier à la maternité, sur une femme B... âgée de
20 ans, primipare, arrivée à huit mois au moins de gros¬
sesse, œdématiée aux jambes.
Après plusieurs jours de céphalalgie, une journée de lit à
cause de rachialgie, elle a été prise de convulsions le
27 septembre à 11 heures du matin, et à partir de 5 heures
du soir elle n’a plus repris connaissance dans l’intervalle de
ses attaques.
C’est dans cet état de coma qu’on l’amène à la maternité
à 8 heures du soir ayant déjà eu, nous dit-on, neuf atta¬
ques.
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- 163 -
La température axiliaire s’élève à près de 39° 1/2 et le
pouls bat 128 fois par minute. C’est donc encore là uji cas
grave, très grave.
Le museau de tauche est effacé et son orifice a la dimen¬
sion d’une pièce de cinquante centimes; mais ses bords
sont encore épais.
A partir de cet instant, la précision de l’observation
permet de représenter dans un tableau synoptique la mar¬
che de la maladie et l’influence qu’elle subit de la part des
injections hypodermiques de chloral.
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— 164 —
TABLEAU DE LA SEPTIÈME OBSERVATION.
TEMPS.
ATTAQUES.
CHLORAL
SOUS LA PEAU.
OBSERVATIONS
COMPLÉMENTAIRES.
27 septembre 8 h. soir.
I0“*
il»»
Ogr. 10
Ogr. 10
L’orifice utérin admet à
peine la pulpe digitale.
TA—39*3—P «128.
Coma.
;
— 9 —
12®«
Coma.
Ogr. 10
Ogr. 70
1 gr. 50 antipyrine sous la
peau. Pas Rabaissement
nota ble de la température
— 10 —
]3 Be
Coma.
1 gr.
Dilatation mécanique de
l’orifice avec un, deux et
trois doigts.
- Il -
14m.
I gr.
Contractions manifestes.
Coma.
Ogr. 20
1 gr. 50 antipyrine sous la
peau. Pas d’abaissement
notable de la température
28 septembre Minuit.
— 1 h. mat.
•
lo™ et
I6 mi faibles.
Coma.
Ogr. 20
Ogr. 20
Orifice en bonne voie de
dilatation.
T A — 39*3 — P — ISO.
— 2 —
—
Ogr. 10
Expulsion spontanée du
fœtus vivant.
— 3 -
—
Ogr. 10
Délivrance spontanée.
— 4 —
—
Ogr. 10
—
Ogr. 10
— 5 —
—
Ogr. 10
T A — 38*6.
Sommeil calme.
Ogr. 10
— 6 —
id.
Ogr. 10
— 8 —
id.
0 gr. 10
T A — normale.
— Midi.
Demi réveil.
0 gr. 10
— 2 h. soir
Sommeil.
Ogr. 10
29 septembre matin.
Retour delà con¬
naissance.
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Sur ce tableau on voit l’intervalle des attaques s’allonger
de plus en plus sous l’influence du chloral: 10 minutes, 30
minutes, 45 minutes, 50 minutes, 70 minutes, et enfin
3 heures s’écoulent sans attaque jusqu’à la délivrance, et
elles ne paraissent plus ensuite.
Ici les attaques sont isolées, une à une, au lieu d’être
géminées deux par deux, comme dans le tableau de la sixième
observation, cela tient peut être à ce que les injections
furent faites ici aussitôt après les attaques, et à plus fortes
doses, tandis que dans le cas précédent, craignant à tort
d’augmenter le coma, on attendait la preuve de la tendance
des attaques à se reproduire pour faire les injections.
L’allong6ment des intervalles est ici moins rapide que
dans la sixième observation, malgré des doses plus fortes,
mais il faut tenir compte ici de l’influence excitatrice du
travail qui manquait complètement dans l'autre cas.
Notons en passant qne l’antipyrine administrée dans les
deux cas dans l’espoir d'abaisser la température a été sans
influence appréciable.
Les suites de couches furent normales sauf une fréquence
exagérée du pouls (90) persistant jusqu’au neuvième jour
bien que la température fut normale dés le premier jour.
Dans ces suites de couches on ne constata ni escharres,
ni abcès au niveau des injections faites en plus de 30 points
différents. L’enfant a été envoyé en nourrice au bout de la
première semaine en bonne santé.
Ce ne sont pas là les seuls cas d’éclampsie puerpuérale
que nous ayons traités depuis dix ans, mais seulement ceux
°u le chloral injecté sous la peau a joué un rôle important
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— 166 —
dans le traitement. Dans nos autres cas, généralement moins
graves, ou bien le chloral n*a pas été donné du tout, ou il
l’a été par une autre voie, ou s’il a été donné en injections
hypodermiques il l’a été à faible dose, passagèrement, et
n’a été qu’un moyen curatif accessoire, aussi croyons-nous
passer ces autres cas sous silence.
Le moment est venu de jeter un coup d’œil d’ensemble
sur les sept observations que nous venons de relater.
Nous croyons d’abord qu’il a suffi dans tous les cas d’une
dose initiale de 0 gr. 50 à 1 gramme injectée sous la peau
pour obtenir immédiatement une sédation évidente et faire
cesser la subintrance des attaques, tandis que la dose qu’on
prescrit d’ordinaire d’emblée dans un premier lavement est
de 2 et même 4 gr. Nous croyons donc pouvoir dire qu’in¬
jecté suffisamment dilué dans le tissu cellulaire sous-cutané
le chloral agit au moins quatre fois plus énergiquement
que donné dans le rectum, et que son effet thérapeutique
est plus rapide.
Nous voyons aussi que dans aucun cas la quantité totale
injectée sous la peau, peur maintenir constamment le sys¬
tème .nerveux dans l'influence du remède, n’a dépassé
5 grammes; que dans la plupart des cas cette quantité n’a
été que de 3 à 4 grammes au plus, et n’atteint par consé¬
quent pas le quart de celle que les auteurs les plus modérés
conseillent d’administrer dans le même laps de temps par
le tube digestif.
Tantôt cette quantité totale a été donnée (observation
première) en 3 fois à 8 ou 10 heures d’intervalle; tantôt
* (observation sixième) après une forte dose initiale elle a été
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administrée à doses fractionnées de 0 gr. 10 ou 0 gr. 20
d’heure enheure en moyenne. De ces deux méthodes,
quelle est la meilleure ? Il est bien difficile de le dire et de
poser une règle générale absolue applicable à tous les cas.
Le mieux sans doute est de se guider d'après le résultat
obtenu par la forte dose injectée en débutant.
Ce résultat varie en effet d'une femme à l'autre, en raison
peut-être du degré variable de l’empoisonnement urémique,
mais certainement aussi en raison de l'état de rorifice et
des contractions de l’utérus, de l’imminence plus ou moins
grande du travail et de l'expulsion plus ou moins prochaine
du fœtus de ses annexes. A ce dernier point de vue, quand
il n'y a encore aucun travail, aucune espérance de pro¬
chaine délivrance il vaut probablement mieux, puisqu’on
prévoit qu’il faudra continuer longtemps le remède, agir
par petites doses rapprochées afin de ne pas trop prolonger
ou augmenter le sommeil comateux si l’on veut profiter
d'une éclaircie pour administrer un purgatif comme dans
les observations 5 et 6.
Quand au contraire il y a un commencement de travail, au
début de la période de dilatations de l’orifice principalement,
on peut être conduit à donner de plus fortes doses sans les
espacer d’avantage comme dans la septième observation.
Mais je le répète, je crois qu'il ne faut pas vouloir suivre
une règle générale, et au contraire dans chaque cas s'ins¬
pirer de l’état de la malade.
Assez souvent une malade éclamptique après être restée
sous l’influence du chloral plusieurs heures, sans convul¬
sion, mais dans le coma, se réveille, s’asseoit sur son lit,
prononce quelques mots, boit même volontiers ce qu’on lui
présente, et à cette vue son entourage se réjouit. Mais il ne
faut pas se fier à ce retour apparent de connaissance. Ce
demi réveil n’est d’ordinaire que le prélude de nouvelles
attaques. Aussitôt qu’il commence à se produire* on doit
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doncs’empresssr, quoiqu'il en coûte, de replonger la malade
dans le sommeil chloralique, par l'injection sous-cutanée de
quelques décigrammes du médicament, plutôt que d’atten¬
dre qu’elle soit assez éveillée pour en prendre quelques
grammes par la bouche. Il n’y a lieu da favoriser le
réveil des éclamptiques, que si on veut leur administrer
des évacuants intestinaux. En dehors de cette indication,
qu’on les laisse et qu’on les fasse dormir, et le sommeil
artificiel peut être prolongé indéfiniment sans le concours
delà déglutition par les injections sous cutanées de chlo-
ral, infiniment plus commodes à administrer que des lave¬
ments pendant le coma ou les convulsions.
D’un autre côté il y a des cas où l’injection hypodermi¬
que de chloral n’a pas sa raison d’être c’est quand la
malade reprend ses sens et qu’on peut lui administrer faci¬
lement les médicaments aussi bien par la bouche que par
le rectum. Mais ce sont là des cas légers, bénins comparati¬
vement à ceux consignés ci-dessus.
Il y a aussi des cas où, les convulsions éclamptiques ne
se produisant qu’à la fin de la période d’expulsion du fœtus
ou même au moment de la délivrance et cessant bientôt
spontanément sous l’influence de l’évacuation utérine, le
chloral n’est pas nécessaire et ne doit être administrée
par aucune voie.
La médication chloralique ne vise donc pas toutes les
indications que doit rechercher et remplir le médecin en
présence d’une femme éclamptique. Il ne doit perdre de vue
ni la cause prédisposante, ni les causes occasionnelles des
convulsions, ni les désordres qu’elles amènent à leur suite.
C’est pourquoi telle femme doit être purgée, telle autre
saignée, telle autre accouchée, etc.
Aussi bien, de même que dans les cas où nos malades ont
guéri, ne doit-on pas attribuer au chloral seul et à son
mode d’administration sont l’honneur du succès, de même
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— 169 —
dans les cas d'insuccès ne peut-on pas l’accuser d’avoir été
inefficace.
Bien au contraire, puisque dans ceux-ci la mort n’est
survenue que plusieurs heures (quatre heures dans un cas,
obser. IIÎ), (six heures dans l’autre, obser. IV), après que
l’injection hypodermique de chloral avait fait cesser les
convulsions aussi complètement et aussi vite que dans ceux
qui ont guéri.
S’il est des maladies où les statistiques puissent servir à
démontrer la supériorité d’une méthode de traitement, l'é¬
clampsie puerpuérale n’est certainement pas du nombre en
raison de la multiplicité des indications qu’elle présente,
de la variété des circonstances où elle éclate, de l’impossi¬
bilité, pour un médecin judicieux et conscienceux, de les
soumettre tous à un traitement identique, exclusif et systé¬
matique.
On trouve pourtant dans les livres des statistiques de ce
genre, et je sais un auteur qui parle de séries de cas d’é¬
clampsie traités exclusivement par le chloral (comme si
cet exclusivisme était possible), et qui accuse une morta¬
lité de 4% !
Peut être m’objectera-t-on qu’avec les injections sous
cutanées j’ai eu une mortalité bien supérieure, 2/7 et vou-
dra-t-on en conclure que l’administration par la bouche et
par le rectum est bien préférable; mais ce chiffre de 4%
indiqué comme mortalité de l’éclampsie perpérale est
tellement merveilleux qu'on ne doit l’accepter que sous
réserves. Malgré la grande valeur que possède le chloral,
comment croire qu’il ait fait tomber la mortalité de l’é¬
clampsie de 45 et 50 °/ 0 , qui sont les chiffres donnés par les
auteurs antérieurs à 1870, à celui de 4 °/ # en 1880 ?
Mais même si ce chiffre de 4 °/ e est exact, l’objection ne
me touche guère plus, car les sept cas qui sont la base de
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— 170 —
ce travail ne sont pas quelconques mais choisis pour ainsi
dire parmi les plus graves de tous.
Ainsi les trois malades des observations IV, VI et VII,
ne furent amenées à la maternité qu’après 8 ou 10 h, au
moins de convulsions, pendant lesquelles elles afaient été
vues chez elles par des médecins, et elles n’étaient amenées
à l’hôpital qu’en raison de la haute gravité de leur état et
de l’insuccès démontré ou probable du traitement qu’on
leur avait prescrit à domicile.
D’ailleurs j’ai déjà dit plus haut que j’avais eu l’occasion
d’observer et de traiter d’autres cas d’éclampsie qui ont
guéri et que je n’ai pas cru utile de faire figurer dans cette
étude, parceque dans ces guérisons le chloral n’a joué qu’un
rôleaccessoire.
Au contraire dans les sept cas dont il s’agit ici, l’extrême
gravité des symptômes, tout en indiquant impérieusement la
médication chloralique, rendait impossible ou très difficile et
infidèle son administration par les voies digestives, et ne
me laissait d’autre moyen d’introduire le médicament dans
l’organisme que la peau ou les veines. Or dans tous ces cas
la voie hypodermique a suffi à donner des résultats avan¬
tageux, à produire tout l’effet physiologique dont le chloral
est susceptible quand il est administré par les autres voies.
Il n’y a pas que l’éclampsie puerpuérale où l’on puisse
employer les injections sous cutanées de chloral; on peut
naturellement le faire dans les éclampsies d’autre origine :
infantile, scarlatineuse, saturnine, etc. Nous les avons
appliquées il y a déjà cinq ou six ans dans des cas de ce
genre : une fois avec un succès immédiat et complet, chez
un enfant d’un an, en proie à des convulsions durant sans
interruption depuis plusieurs heures malgré l’emploi de
tous les moyens habituellement prescrits, bains, sangsues,
bromure de potassium, etc. Une autre fois elles firent éga¬
lement merveille chez un jeune garçon, apprenti peintre,
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— 171 -
dont l’urine était albumineuse et qui avait déjà eu plusieurs
attaques éclamptiques subintrantes quand je lui injectai le
chloral sous la peau. Je puis affirmer qu’il ne s’agissait pas
là d’épilepsie car j’ai pu suivre ce jeune homme plusieurs
années apres ces accidents. Je dois dire qu’une autre fois
chez un petit enfant de moins de six mois, elles échouèrent
complètement. S’agissait-il dans ce dernier cas de convul¬
sions avec lésion intracrâniennes, hémorhagie méningée
par exemple ? L’absence d’autopsie ne permet pas de l’af¬
firmer mais on peut le supposer.
Le chloral administré par le tube digestif a rendu les
services les plus signalés dans le traitement des tétaniques;
mais il est des cas où son administration par la bouche
devient impossible en raison du spasme pharyngien que
son âcreté provoque plus facilement encore que la déglu¬
tition de tout autre liquide. D’un autre côté la voie rectale
se refuse bien vite à l’absorption des fortes doses de chloral
qu’il faut donner pendant longtemps dans le tétanos.
C’est ce qui nous est arrivé dans un cas de cette mala¬
die, et nous avons été ainsi conduits, forcés même de
recourir à son administration sous-cutanée ; mais sans grand
avantage, bien que le chloral produisit ainsi ses effets cal¬
mants, parce que ces injections sont trop douloureuses
pour ces malades pleins de connaissance et dont la sensi¬
bilité est plutôt exaltée qu’émoussée.
Elles le seraient moins si on injectait du même coup de
la morphine et du chloral. Grâce à ce mélange nous avons
pu faire dormir pendant des mois une névropathique qui
ne pouvait prendre aucun médicament par l’estomac, et à
qui la morphine seule ne procurait pas de sommeil. Chez
cette malade très sensible, l’injection de chloral seul pro¬
curait au contraire le sommeil, mais elle provoquait au
niveau des piqûres, des douleurs si intolérables, qu’elle
préférait rester éveillée que d’avoir à les subir. Les injec-
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— 172 —
tions mixtes de chloral et morphine étaient au contraire
acceptées, et cette malade a même fini par se les pràtiquer
elle-même.
J'ai pu aussi constater sur cette malade très amaigrie et
dont la nutrition était problématique que si l'injection était
mal faite, trop superficiellement ou trop brusquement, il se
produisait des escharres brunâtres, sèches, se détachant
sans aucune suppuration, quoique laissant à leur place des
cicatrices. Mais ces inconvénients étaient évités quand l’in¬
jection était poussée assez lentement pour permettre aux
premières gouttes d’être absorbées avant d’en instiller de
nouvelles
Dans tous les autres cas, aussi bien chez les jeunes
enfants que chez les parturientes éclamptiques, je n’ai
jamais constaté d'accident au niveau des piqûres. Et pour¬
tant chez les éclamptiques, les injections chloraliques furent
souvent faites par des élèves sages-femmes peu habituées
à la manœuvre de la seringue de Pravaz.
CONCLUSIONS.
I. — Comme un grand nombre d'autres médicaments,
l'hydrate de chloral est susceptible d’être injecté sous la
peau, et très rapidement absorbé par le tissu cellulaire
de façon à exercer son action sur le système nerveux cen¬
tral très vite et très sûrement, aussi bien, si non mieux que
par les voies digestives.
II. — Pour que cette injection du chloral soit sans
inconvénient et efficace, il est nécessaire de prendre cer¬
taines précautions : 1° [rejeter complètement les solu¬
tions à — et à -i- proposées et employées jadis, dont
l’action caustique non seulement produirait une vive
douleur, mais des escharres et des coagulations nuisibles à
l'absoption Tapide du remède, et n'employer que la solu-
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— 173 —
tion à -i- qui a en outre l’avantage de se prêter à
l’appréciation plus simple des doses injectées puisqu’avec
elle, chaque seringue pleine répond à un décigrarame de
substance active.
2° Porter l'aiguille en plein hypoderme et surtout vous -
ser le piston avec une grande lenteur , de façon que le
liquide arrive peu à peu se mélanger à la lymphe sans la
coaguler.
III. — Ces injections de chloral sont surtout applicables
dans les cas de convulsions éclamptiques, puerpérales ou
non puerpérales où la voie buccostomacale est infranchis¬
sable aux médicaments et la voie rectale souvent intolérante,
et où l’absence complète de sensibilité permet de les em¬
ployer sans douleur.
IV. — La vivacité de cette douleur ne permet guère de
les employer chez les malades éveillés et sensibles, à moins
qu’elle ne soit atténuée par le mélange au chloral de mor¬
phine ou peut-être de cocaïne.
Y.—Dans le tétanos aigu, à forme dysphagique ou hydro¬
phobique où le médicament ne 'peut plus être ingéré par la
bouche ou par le rectum en quantité suffisante, on devrait
peut-être pour ménager l’irritabilité excessive de ces ma¬
lades, préférer aux injections hypodermiques, l’injection
intraveineuse du médicament.
L’énormité du danger couru dans cette forme de tétanos
pharyngien justifierait sans doute la hardiesse et les ris¬
ques de cette méthode condamnable et condamnée dans la
plupart des autres cas, et restée jusqu’à ce jour à peu près
inusitée bien qu’elle ait été inaugurée presque dès l’appa¬
rition du chloral dans la thérapeutique.
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RAPPORT
SUR LE
ILÆÉ^CŒRÆ] Q,TJI FK/BOÈ3DB
Par M le Docteur ARQUÉ.
Séance du 4" mai 1891 .
Messieurs,
Ancêtres de notre Société dans le siècle qui précéda le
nôtre, puis restaurateurs de cette compagnie savante,
emportée, comme tant d’autres institutions, par les tem¬
pêtes de la Révolution, les médecins et chirurgiens avaient
toujours occupé une place d’honneur dans la direction,
dans les discussions, dans la vie intime de la Société nou¬
velle, relevée sur leur initiative et soutenue par leurs tra¬
vaux.
En feuilletant vos bulletins, vos annales ou vos mé¬
moires, Messieurs, on y rencontre de nombreuses présen¬
tations purement médicales et chirurgicales. Toutes les
branches des sciences principales ou accessoires de l’art
de guérir, leur fournissent d’intéressantes communica¬
tions. On y voit reparaître souvent des noms bien
connus de nos plus anciens, toute une pléiade médi¬
cale, active et vivante, puis... tout à coup, le silence se
fait et nous n’entendons plus les médecins et les chirur¬
giens élever la voix qu’à intervalles de plus en plus éloi-
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- 175 —
gnés; bientôt même — si je recueille seulement mes
propres souvenirs — ce n’est plus qu’à l’histoire de la
médecine, à la biographie ou à la statistique, à l’archéo¬
logie médicale ou étrangère à notre art, voire même à
la littérature, que notre section ose emprunter ses publi¬
cations.
Aussi, se faisaient-elles de plus en plus rares. A moins
d’avoir la chance de fureteur intrépide du docteur Char-
pignon, on ne rencontre pas tous les jours —j*en cite deux
entre mille — la pierre tombale du guérisseur de cancer,
l’abbé Gendron, comme marbre ornant son secrétaire, ou
bien l’inscription célèbre de Genabum sous une gouttière
du faubourg Saint-Vincent.
Les médecins avaient-ils craint, tout-à coup, de ne plus
être compris de leurs collègues des autres sections en
parlant exclusivement médecine ? Avaient-ils trouvé oné¬
reux d’habiller, à l’usage de leur public d’élite, leur pensée
médicale ? Il est si difficile quand on a le lourd manteau
de la science sur les épaules, d’en arranger seulement les
plis, d’en disposer les contours aux yeux délicats ! Non.
Quelle glace était venue arrêter subitement l’ardeur de
nos collègues?
Il est sans doute, dans les mondes les plus minuscules,
des rivalités d’intérêt ou d’amour-propre que les siècles
ont rencontrées, en grand, d'âge en âge : faction bleue
et faction verte, querelles de rose rouge et de rose blanche,
tempêtes même dans un verre d’eau... Ne se permet-on
pas, d’ailleurs, à notre endroit, des insinuations aimable¬
ment perfides, en comparant notre dignité chatouilleuse
à celle des autres disciples d’Apollon, les poètes : irritabile
genus !
Quoi qu’on en puisse penser, j’aime mieux n’en rien
savoir et ne pas demander aux souvenirs d’antan, aux éphé-
mérides d’alors si la bise avait soufflé dans nos rangs.
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— 176 -
Mais il est impossible 4© ne pas constater ce refroidis¬
sement subit. Quelques braves seuls s’aventuraient.
Apparent rari nantes !
A leur tête et toujours sur la brèche, l’infatigable
D r Charpignon, dans la vingtaine de communications faites
en vingt ans, est pour plus de moitié : notices historiques,
biographiques, archéologiques, rapports sur les mémoires
présentés... Ses émules en hasardent deux ou trois seule¬
ment, franchement chirurgicaux. Abstention complète de
la médecine pure. Tel est le bilan de cette période.
Enfin, en 1887, la glace fut rompue. Un nouvel arri¬
vant voulut offrir, comme don de joyeux avènement, un
travail exclusivement médical. Le D r Geffrier présenta
deux cas de complications rares dans les diphtéritiques
du service des enfants. Malgré l’issue malheureuse, indé¬
pendante de la valeur de la méthode de traitement et de
l’habileté de l’opérateur, ils donnèrent au rapporteur le
D r Pilate, l’occasion de nous faire faire une visite pitto¬
resque dans l’intérieur de ce service d’enfants et une
excursion de touriste et de médecin dans ce pavillon dû à
la munificence du D r Payen, un de nos anciens présidents;
région inexplorée encore par plusieurs et pleine d’intérêt
pour tous.
Puis, lui-même ouvrait, l’année dernière, ses notes gyné¬
cologiques et nous racontait les péripéties variées de dix
ovariotomies, dont huit réussies ; et, il y a quelques mois,
même succès dans dix autres cas nouveaux. Ces vingt
observations nous seront rappelées bientôt dans un de ces
rapports qui sont de vrais mémoires, merveilleux écrins
donnant plus de valeur encore aux richesses qu’ils ren¬
ferment. .. Sachons attendre.
Entre temps, le D r Geffrier nous avait fait suivre les
pérégrinations des épidémies de diphtérie au travers des
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— 177 —
divers qua. tiers d’Orléans, et le D r Patay lui avait prêté,
pour fixer son travail dans nos annales, son assistance
confraternelle.
A l’une de nos dernières séances, c’était le D r Deshayes,
qui traitait, avec sa compétence spéciale, de l’Emploi de
l'Hydrate de Chloral en injections sous-cutanées dans
les maladies convulsives et particulièrement dans
VÉclampsie puerpérale.
|" Pour moi, Messieurs, je n’essaierai pas de faire un tra¬
vail à côté du travail de M. le D r Deshayes. Je me conten¬
terai de vous signaler et de vous souligner , dans le sien,
les points plus intéressants ou plus nouveaux. Pas plus
que notre confrère je n’entreprendrai de passer en revue
les nombreux moyens employés contre les affections spas¬
modiques graves, et, en particulier, contre la terrible
éclampsie puerpérale. Ils sont trop variés pour qu’il y en
ait un, vraiment sûr ; cette richesse est de l’indigence.
M. Deshayes vient-il ajouter encore à cette abondance
un nouveau venu? Nullement. A on nova, sednovè. On
avait essayé avant lui d9 l’hydrate de chloral, Intus et
extra ; et l'on n’avait pas été heureux, par la méthode
hypodermique, si bien que les auteurs en étaient venus
même à la proscrire complètement comme inefficace et
dangereuse. M. Deshayes s’inscrit en faux contre cette
prétention, et, preuves en main, il montre qu’il a réussi
où tant d’autres avaient échoué.
Il a, conduit par la nécessité, alors que les divers moyens
lui manquaient, restaient inutiles ou impossibles à employer,
il a repris, à nouveau, les injections de chloral sous la
peau, mais dans d’autres conditions d’administration ; non
plus à doses concentrées comme on l’avait fait jusque là ;
d’où les échecs répétés au point de vue des crises ou des
accidents subséquents : nodosités, escharres, phlegmons ;
12
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— 178 —
d’où enfin le discrédit dans lequel était tombée la méthode.
Il a su rendre la peau tolérante et l’absorption du précieux
médicament possible. Et comment ?
En agissant plus doucement, plus lentement, avec plus de
prudence dans l’injection pour ne pas, ce que j’appelle,
surprendre le tissu cellulaire, afin de lui donner le temps
d’absorber, non plus un liquide caustique, coagulant,
inadmissible et dangereux pour les tissus sousjacents et
pour la peau elle-même, inutile, dès lors, pour combattre
la maladie spasmodique, mais une solution plus modérée,
acceptable par le milieu et susceptible par sa répétition
inoffensive d’atteindre enfin le but désiré.
Le procédé est aussi simple que cela. Fallait il enfin le
trouver : comme pour l’œuf de Christophe Colomb.
L’hydrate de chloral à gramme permet de doser ex¬
actement le médicament employé, d’en continuer ou d’en
suspendre l’usage, suivant le besoin, aussi longtemps que
les crises reparaissent, et cela, saus aucun des inconvé¬
nients signalés et redoutés par nos auteurs.
Nous n’avons pas à rechercher, ici, la pathogénie de
l’éclampsie puerpérale ou autre, celle des affections téta¬
niques, et, par quel procédé thérapeutique le chloral agit
sur elles ; s’il calme seulement l’excitabilité du bulb3 ou
s’il tue le microbe encore inconnu de la maladie elle-
même. Non, il nous suffit de suivre notre collègue dans les
détails des sept observations qu’il a groupées pour déve¬
lopper et appuyer sa thèse ; d’examiner les tableaux, où les
phases de la maladie et du traitement sont gravées d’heure
en heure ; d’étudier les déductions et les conclusions qu’il
en tire, pour être convaincu de la valeur de la méthode.
Je la résume sous forme aphoristique.
— Dose initiale de chloral moindre : 0 gr. 50 à 1 gr. au
lieu de 2 à 4 grammes, ordinairement employés pour la
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179 -
première injection rectale, tout en agissant quatre fois
plus énergiquement et plus rapidement.
— Quantité totale en 24 heures, pour maintenir la séda¬
tion constante : 5 gr. au plus, souvent seulement 3 ou 4;
même pas le quart des doses conseillées pour l’administra¬
tion par le tube digestif : bouche ou rectum.
— Cette quantité totale donnée : tantôt en trois fois, à
8 ou 10 h» d'intervalle, tantôt à doses fractionnées, de
0 gr. 10 à 0 gr. 20, d’heure en heure, en moyenne. Le
mode d’administration variant suivant les résultats, suivant
les cas et suivant les personnes, selon aussi l’état du travail
puerpéral plus ou moins avancé.
— La règle est : de laisser ou de faire dormir, tant
que la personne est en puissance d’attaques. — Exception :
seulement pour l’évacuation nécessaire du tube intestinal
ou pour la révulsion, jugée utile, par un purgatif.
— Dans les cas graves préférer toujours les injections
hypodermiques. Dans les cas légers la voie buccale ou
rectale peut être indifféremment acceptée.
— Le chloral est inutile dans les convulsions éclampti-
formes qui paraissent au moment de la délivrance et qui
cesseront d’elles-mêmes.
— Il ne vise pas toutes les indications ; c’est au praticien
de juger si € telle femme doit être purgée, telle autre soi¬
gnée, telle autre accouchée, etc. » Telle autre enfin seu¬
lement chloralisée.
Le docteur Deshayes n’est pas exclusiviste comme cer¬
tains, qui prêtent au chloral des succès de 96 0 / o en
l’année 1890, tandis que la mortalité était encore de 45 à
50 °/. en 1870, avant son introduction dans la thérapeu¬
tique.
Nous posons les mêmes points d’interrogation devant ces
résultats si magnifiques et nous nous contenterions, comme
lui, des 2/7“*\
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— 180 —
En dehors de la puerpéralité, les injections de chloral
ont été avantageusement employées dans les éclampsies
d’origine: infantile, scarlatineuse, saturnine, etc. Voire
même dans le tétanos, alors que l’àcreté du médicament
rendait son administration impossible par la bouche, en
raison du spasme pharyngien, et, que l'introduction répétée
par la voie rectale ne permettait plus l’absorption ; seule¬
ment dans le tétanos, où la sensibilité est plutôt exaltée, la
méthode hypodermique était mal tolérée à cause de la
grande douleur que provoque le chloral; l’addition de la
morphine ou de la cocaïne le faisait mieux accepter.
Nous pouvons donc accueillir, en les résumant, les con¬
clusions du docteur Deshayes :
I. — Possibilité des injections hypodermiques de
chloral ; rapidité et sécurité , autant et sinon mieux que
par les voies digestives.
II. — Précautions à prendre : 1° rejet des anciennes
solutions à 1/2 ou 1 /5, à cause de leur causticité et de la
non-absorption du médicament; emploi de la solution
1/10”; chaque seringue pleine donnant un décigramme
de substance active; 2° portée de l'aiguille en plein hypo-
derme; poussée lente, pour que le liquide se mêle à la lym¬
phe, peu à peu, sans la coaguler.
III. — Injections du chloral dans les convulsions
éclamptiques, quand la voie buccale est infranchissable
et la voie rectale intolérante : l’absence de sensibilité chez
ces malades, supprimant la douleur qu’elles occasionnent.
IV. — Les malades éveillés ou sensibles ne tolèrent pas
la douleur vive occasionnée par le chloral ; le mélanger
à'la morphine ou à la cocaïne.
V. — No is n’oserions aller jusqu’aux injections in¬
traveineuses du chloral pour ménager l’irritabilité des ma¬
lades tétanisés.
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— 181 —
J’ai le regret, en finissant, Messieurs, d’avoir à chercher
querelle à mon confrère, in caudâ venenum , — pas une
querelle d’allemand cependant, — car, tout au rebours de
certaine lymphe d’outre*Rhin, sortie trop prématurément
et malencontreusement de ses langes, avant d’avoir eu le
temps de mûrir assez, pour savoir se dégager de nuages,
qui ne sont ni digûes, ni médicaux, le procédé du D r Des-
hayes, plus franc et plus Français, à ciel ouvert et sans rien
du remède secret, nous arrive, après dix ans d’expérimen¬
tation. Pourquoi ne nous l’a-t-il pas confié plus tôt? Tous,
— comme nous le lui disions après la lecture de son travail,
— tous nous eussions été heureux de l’expérimenter avec
lui, et d’en faire profiter plus prématurément nos malades.
Nous saisirons lapremière occasion.
Voilà tout mon procès.
Son mémoire en effet, Messieurs, sérieusement pensé et
solidement étayé d'excellentes observations est appelé à
convaincre. Il mérite d’être promptement mis en évidence.
Espérons donc qu’il aura bientôt des imitateurs, même
parmi les anciens, et, que grâce à tous, la section de méde¬
cine retrouvera les beaux jours de son printemps.
Les nouveaux venus dans cette section peuvent voir
quel accueil nous faisons aux communications exclusive¬
ment scientifiques et médicales. Nous ne sommes jaloux
que de la dignité dans la personne et de la vérité dans
le travail. Chacun des anciens sera joyeux et fier de
mettre en lumière toutes les inventions, toutes les trou¬
vailles des jeunes. Qu’ils saisissent, au passage les faits
intéressants, les cas rares, les desiderata comblés de la
thérapeutique, les innovations heureuses de leur pratique
journalière; qu’ils les fixent sur le papier comme par unè
photographie instantanée, en des croquis rapides, afin de
les sauver de l’oubli ; que chacun d’eux, bientôt et souvent.
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— 182 —
paye sa bienvenue parmi nous par des lectures repétées,
qui prouvent, à tous, que la vie dans la section de mé¬
decine n'est point éteinte et qu’il y circule encore un sang
vif et généreux.
Nous serons enchantés de les recueillir, ces observa¬
tions, au fur et à mesure, dans nos mémoires, de leur
faire prendre rang dans nos archives ; où, plus tard, ils
sauront les retrouver et les développer, pour en former un
faisceau plus compact et un travail plus étudié.
Et nous, les vieux, afin que la graine semée par eux
fructifie plus vite, nous ne leur ménagerons, ni la rosée
fécondante de l’expérience, ni le rayon de soleil... confra¬
ternel.
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RAPPORT DE M. Albert PINÇON
8 JR LS
PRIX PERROT
à
Séance du 5 juin 1891
Mbssiedrs,
Vous avez décidé de décerner, en 1890, dans l’arrondis¬
sement de Pithiviers, le prix Perrot.
Malgré la publicité donnée à votre décision, nous
n’avons reçu qu’une seule demande.
C’était pour notre Commission une grande déception,
car l’arrondissement de Pithiviers est la plus belle contrée
agricole de notre département, et dans les environs de cette
ville se trouvent nombre d’exploitations où les cultivateurs
de la Beauce peuvent venir puiser de précieux enseigne¬
ments.
La culture de la betterave y est faite avec autant de
soin que dan* les plus riches départements du Nord, les
instruments aratoires, les plus perfectionnés, sont utilisés
avec intelligence, les engrais chimiques sont largement
employés sans hésitation et sans parcimonie.
Dans un centre agricole aussi intelligent, nous espérions
voir surgir des candidatures nombreuses, nous n’en avons
eu qu'une seule, nous ne savons à quoi l’attribuer ; peut-
être à l’esprit de camaraderie qui empêche des agriculteurs
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— 184 —
voisins d’entrer en lutte les uns contre les autres ; c'est un
tort, car devant des juges bienveillants comme vous,
Messieurs, la lutte est toujours courtoise, les Rapporteurs
s’efforcent de sauvegarder les amours-propres, les mérites
des champions les moins heureux sont mis en relief et
reçoivent leur juste part d’éloges.
Malgré la rareté des demandes, nous n’hésitons pas à
vous proposer de décerner le prix ; les mérites de notre
unique candidat, M. Lesage, de Fresne, sont exceptionnels
et, s’il triomphe sans combat, il ne triomphe certainement
pas sans gloire.
C’est chez M. Lesage qu’ont été faites en grand, pour la
première fois, les expériences d’inoculation du vaccin
charbonneux sur les moutons. M. Lesage, qui est un esprit
résolu, s’est ému du fléau qui dévastait la Beauce, il est
allé trouver M. Pasteur et il lui a fait, en quelque sorte,
violence pour le décider à venir expérimenter sa découverte
sur les troupeaux de Fresne, alors que l’illustre savant
hésitait encore à affirmer l’inocuité complète du virus
atténué par des cultures.
Voire Commission composée de MM. Paulmier, du
Roscoat, de Dreuzy, Pinçon, et aussi de notre si regretté
collègue M. Davoust, s’est rendue à Fresne au mois de
juillet dernier, la veille de la moisson, pour visiter l’exploi¬
tation de M. Lesage. Elle a été frappée, à l’arrivée, du bel
aspect de la ferme, de l’admirable état, de l’heureuse dis¬
position des bâtiments, et elle saisit l’occasion d’en féli¬
citer le propriétaire, M. le comte d’Orléans. Il n’a pas
reculé devant d’importantes dépenses de construction pour
seconder les efforts et faciliter les succès de son fermier.
La famille Lesage occupe de père en fils la ferme de
Fresne depuis près d’un siècle, cette longue succession de
baux toujours renouvelés dans la même famille fait à la
fois honneur aux propriétaires et aux fermiers,
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— 185 —
Notre premier soin a été de visiter les cours et les bes¬
tiaux de M. Lesage.
Par la nature même de son exploitation, M. Lesage est
forcé d’avoir, suivant les saisons, des quantités de bestiaux
très inégales.
Il en a peu, en été, parce que toutes les terres sont ense¬
mencées et que la chaleur est défavorable à l’engrais¬
sement.
11 en a beaucoup pendant l’aatomne, l’hiver et le
commencement du printemps, parce qu’il a des travaux
énormes à exécuter et des quantités de pulpe considé¬
rables à faire consommer.
A l’époque de notre visite, les bestiaux étaient rares et
les beuveries étaient presque vides.
Nous avons vu à Fresne :
350 brebis.
12 bœufs de travail.
6 chevaux.
6 poulains.
10 porcs.
Tous ces animaux étaient bien choisis, bien nourris et en
bon état.
Au mois de septembre et d’octobre les bestiaux d’hiver
ont été achetés et un supplément de 44 bœufs de travail et
de 450 moutons d'engrais est venu compléter et remplir
les étables.
Les luzernes, les pailles et les pulpes forment la base de
la nourriture de ce nombreux bétail. M. Lesage emploie
aussi des quantités considérables de tourteau; celui auquel
il donne la préférence est le tourteau d’Arachide.
11 en fait consommer avec succès même à ses porcs; il
prend soin seulement de revenir à la farine d’orge six
semaines avant de les livrer à la boucherie, pour que
l’aspect habituel de la viande ne soit pas changé.
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— 186 —
En dehors de la cour de la ferme, se trouve un immense
hangar qui abrite une quantité énorme de récoltes et un
matériel considérable d'instruments aratoires*
Nous y voyons successivement :
12 chars à bœufs.
2 moissonneuses.
2 rateaux à cheval.
2 rouleaux Croskill.
2 charrues polysocs pour les déchaumages.
4 puissants brabants doubles de la maison Bajac.
Des semoirs à céréales et à betteraves, des extirpateurs,
des jeux nombreux de herses articulées.
Un arrache-betteraves de Quartra.
Des houes à cheval et des razettes.
C’est vous dire que le matériel agricole le plus nouveau
et le plus perfectionné est largement employé dans la
ferme.
A côté de ces grands hangars se trouvent des immenses
silos, en partie couverts, et qui sont destinés à recevoir et
à conserver des approvisionnements de pulpe gigan¬
tesques.
L’intérieur de la ferme nous révélait déjà une exploi¬
tation modèle, la visite des champs ne nous a pas donné
moins de satisfaction.
La ferme de Fresne contient 125 hectares ; voici quel
est l’assolement ordinaire :
Betterave. 45 hectares.
Blé. 45 —
Avoine. 15 —
Fourrage. 15 —
125 hectares.
Le surplus, qui se compose de terres médiocres, reste
en dehors de l’assolement,
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- 187 —
M. Lesage a très bien compris que ses procédés de
culture intensive ne pouvaient s'appliquer dans les mau¬
vaises terres, aussi a-t-il séparé de son exploitation
15 hectares environ de champs en côtes de nature pier¬
reuse et ingrate. 11 a planté les plus mauvais en bois, les
pierreux exposés en vigne et enfin quelques hectares en
pommiers.
Comme tout ce qui se fait à Fresne, cette plantation de
pommiers a été faite avec le plus grand soin, les trous de
plantation ont été bien défoncés, les variétés bien choi¬
sies, tous ces arbres sont encore jeunes mais sont bien
pris et vigoureux ; ils promettent un bel avenir.
L’opération est encore trop récente pour qu’on puisse la
juger d’une façon définitive, mais elle fait espérer de bons
résultats. Nous souhaitons à M. Lesage un plein succès.
Puissions-nous, dans quelques années, retrouver à
Fresne, au milieu des plaines trop nues de la Beauce, un
petit coin de Normandie.
La production, qui tient le premier rang dans les préoc¬
cupations de M. Lesage, est celle de la betterave à sucre.
Pendant tout l'hiver, il consacre à la préparation de ses
terres à betteraves tous ses fumiers et tout le travail de
ses nombreux attelages.
Les terres sont déchaumées aussitôt la moisson avec
des charrues Polysocs. Sous ce labour léger les mauvaises
graines germent vite et, dès qu’elles sont levées, on com¬
mence à conduire sur les champs une fumure de
35,000 kilog. environ à l’hectare. Ces fumiers sont enfouis
par un défoncement de 35 à 40 centimètres de profon¬
deur. Ce défoncement se fait avec de puissantes charrues
Brabant attelées de 4 ou 6 bœufs.
Derrière cette charrue, le sol, accidenté par de pro¬
fonds sillons, offre une large surface au* influences
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— 188 —
atmosphériques, les gelées le pénètrent, le divisent et
laissent après l’hiver un guéret meuble et parfait.
11 ne reste plus au printemps qu’à le nettoyer, à le
réchauffer par des façons superficielles ; ces façons s’exé¬
cutent avec les scarificateurs, les herses articulées, les
rouleaux de fonte et le champ se trouve dans un état
excellent pour recevoir, en avril, les semoirs qui y distri¬
buent la graine de betterave.
Malgré la puissante fumure de i'hiver, M. Lesage répand
encore, au printemps, sur chaque hectare :
850 kilog. de superphosphate.
250 kilog. de nitrate.
115 kilog. de dorure de potassium.
• Pendant l'été, la récolte est soigneusement sarclée, elle
reçoit trois et quatre façons tant à la main qu’à la houe à
cheval.
A la seconde façon, ou la jeune plante est dépressée et
espacée, on s’arrange pour laisser environ 6 betteraves
par mètre superficiel. C’est la plantation que M. Lesage
croit la plus convenable pour obtenir un bon rendement en
poids et en sucre.
Grâce à tant de soins et, disons-le aussi, à tant de frais,
la récolte atteint généralement 35 à 40,000 kilog. en bet¬
terave de première qualité, d’une densité de 8 à 9 degrés.
Ces betteraves sont livrées à la sucrerie de Pithiviers,
elles étaient payées, eu 1889, 23 fr. les 1,000 kilog., à
7 degrés de densité, avec une prime de 70 centimes pour
chaque dixiéme de degré supplémentaire. Les betteraves
de M. Lesage arrivaient à 8 degrés et lui rapportaient
30 fr. les 1,000 kilog.; elles donnaient donc un produit
variant entre 1,000 et 1,200 fr. l’hectare.
Aussitôt l’enlèvement Je la betterave, on donne un léger
labour et on sème le blé en ajoutant encore ;
200 kilog. de superphosphate.
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- 189 —
100 kilog. de sang desséché.
100 kilog. de nitrate de soude.
Le blé qui trouve une terre admirablement préparée par
la culture précédente, pousse avec vigueur, et ceux que
nous avons vus en juillet dernier étaient admirables et
avaient assez bien résisté à la verse. Ils ont dû donner un
beau rendement.
Les avoines n’étaient pas moins belles que les blés, elles
avaient cependant plus souffert de la verse.
En résumé, l’exploitation de M. Lesage nous a semblé
mériter des éloges sans réserve, et nous vous proposons,
sans hésitation, de lui décerner le prix Perrot.
La Commission a emporté de cette visite une impression
encourageante. *
Elle a pu voir dans cette riche plaine qui s’étend au
nord de Pithiviers des fermes admirables qui ont traversé
sans défaillance la crise agricole , les fermages y sont
élevés et n’ont guère subi de dépréciation.
Ces fermes sont merveilleusement cultivées, ni le
capital, ni l’intelligence des exploitants n’y ont fait dé¬
faut, elles sont soumises à une culture industrielle des
plus intensives, on n’y épargne ni l’engrais ni le travail.
On peut dire que la sucrerie de Pithiviers a sauvé cette
contrée.
C’est que la betterave ne supporte pas une culture
médiocre ; les champs qui la portent doivent être énergi¬
quement défoncés, puissamment fumés et soigneusement
nettoyés. Après quelques années de cette belle culture,
la plaine est transformée en un véritable jardin, et sa
production atteint des limites tout à fait imprévues.
N’est-ce pas là la réalisation du rêve de tous les amis, de
l’agriculture? N’est-ce pas l'état presque idéal où nous
voudrions voir arriver le sol de notre chère patrie.
On ne pourrait plus alors reprocher à la France d’avoir,
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— 190 —
dans ses récoltes de céréales, un déficit habituel et normal,
c’est-à-dire d’être impuissante à nourrir ses enfants.
La culture de la betterave à sucre occupe jusqu’ici, en
France, une superficie de 200,000 hectares. Les frais de
production sont estimés à 130 raillions de francs, sur
lesquels 45 à 50 millions servent à rétribuer la main-
d’œuvre.
Quelle source de travail et de bien-être pour nos popu¬
lations agricoles.
Ne devons-nous pas désirer de voir cette culture
bienfaisante s’étendre dans notre département, et des
fabriques nouvelles se fonder partout où la richesse du sol
permet d’assurer leur approvisionnement ?
Ne devons-nous pas, pour atteindre ce but, souhaiter de
voir les pouvoirs publics protéger l’industrie sucrière, et
la législation spéciale à cette industrie ne devrait-elle pas
oublier un peu les intérêts du Trésor au profit des intérêts
supérieurs de l’agriculture.
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REMISE DU PRIX PERROT
ALLOCUTION
DE M. Eugène BIMBENET, Président
Séance du 5 juin 1891.
Messieurs.
Les fondations d’an intérêt public dont les effets se
reproduisent à des époques déterminées, imposent, surtout
à ceux qui furent leurs contemporains, l’obligation de
rappeler le souvenir des fondateurs et de leur rendre
l’hommage de la reconnaissance à laquelle ils ont droit.
Cette tâche devient, ainsi, de plus en plus redoutable ;
on comprend qu’une longue existence, comme celle, par
exemple, dont il s’agit, en ce moment, passée dans l’exer¬
cice des fonctions de la magistrature, dans l’étude théori¬
que et pratique de l’agriculture, couronnée par la fonda¬
tion d’un prix d’encouragement à ses progrès, ait été, sinon
autant de fois que ces périodes se sont présentées, au
moins à quelques-unes d’elles, le texte d’an examen parti¬
culier et respectueux.
Cependant si l’espace parcouru depuis la création d’un
acte de cette nature peut expliquer le silence qui serait
gardé à cet égard, on ne pourrait, sans se rendre coupable
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d’une indifférence approchant de l’ingratitude laisser
tomber son auteur dans un entier oubli au moment, même,
où l'acte de sa générosité est accompli.
D’autres considérations se réunissent pour autoriser le
retour sur un semblable sujet.
La première est que le temps, dans sa marche, renouvelle
ceux auxquels ces notices sont exposées ; la seconde est
que l'espace écoulé entre celles qui se succèdent peut révé¬
ler quelques particularités inconnues, jusque-là, intéres¬
sant le fondateur et offrant quelque point |de vue auquel
il est nécessaire de se placer, pour le mieux faire connaître.
Afin de justifier cette proposition, mon premier soin est
de résumer une partie considérable de la vie de M, Perrot
négligée à ce point, jusqu'ici, qu’elle n’a été mentionnée
que transitoirement, avec une grande indifférence; on
semble même avoir ignoré qu’il a été membre d’une
magistrature de premier ordre; il faut que ce vide soit
enfin comblé.
M. Alexandre-Henri-Jean Perrot, née àMargeric, dépar¬
tement de la Marne, au cours de l’année 1790, n’est apparu
à Orléans qu’au cours de l’année 1814, où le 31 août il a
été présenté par M. le premier Président qui était M. Petit
La Fosse, et par M. le Procureur-Général, qui était
M. Sezeur, au Ministre de la Justice, comme candidat à la
fonction de Conseiller auditeur, ayant voix consultative.
Il a, en effet, été nommé à cette fonction le 2 novembre
et installé le 20 décembre de cotte même année 1814.
Le retour de 111e d’Elbe donna lieu à une nouvelle
Constitution; M. Perrot lui refusa son adhésion, il se retira
de l’ordre judiciaire dans lequel il ne reprit son siège, à la
cour d’Orléans, que le 22 février de l’année 1815.
Après avoir été élevé à l’état de Conseiller auditeur,
ayant voix délibérative, au cours de l’année 1817, il a été
nommé Conseiller et installé en cette qualité les 24 février
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— 193 —
et 5 mars 1819; il prêta le serment exigé, par la Constitu¬
tion de 1830 ; il donna sa démission le 12 avril de l’an¬
née 1848.
Pendant ce long exercice de la magistrature, M. Perrot
fut membre de plusieurs commissions l’occasion d’avis
sur des projets de lois, demandés aux Cours d’appel, par
le gouvernement, entr’autres, de la Commission, qui a
délibéré sur la réforme hypothécaire, et il a été nommé
membre de l’ordre de la Légion d’honneur, au cours de
l’année 1841.
Il a été souvent appelé à présider les sessions des Cours
d’assises des trois départements du ressort de la Cour; et
dans l’ordre civil, comme dans l’ordre criminel, il s’est
montré à la hauteur de ses honorables fonctions.
Cependant il faut reconnaître que dans les derniers
temps de sa vie active, le cultivateur effaçait le magistrat ;
l’amour des études et des pratiques agricoles avait pris
chez lui un tel empire, qu’elles étaient devenues le sujet
presqu’exclusif de ses préoccupations.
C’est qu’alors M. Perrot était devenu propriétaire de
domaines assez considérables et qu’il commençait la nou¬
velle vie, à laquelle il se consacrait sans réserve.
Dès l’année 1841, il était membre du Comice agricole
que, bientôt, il devait présider ; il fonda le Congrès cen¬
tral de l’agriculture, et il entra dans la composition du
Jury des Concours régionaux; ce fut alors qu’il devint
membre de la section d’agriculture de notre Société.
En cette dernière qualité, il prit part à plusieurs visites
de domaines ruraux, notamment en l’année 1884, et en
l’année 1870, pour préparer la délivrance du prix fondé
par M. de Morogues, de respectable mémoire.
Enfin il devint Président de la Chambre d’agriculture
d’Orléans et du Comice agricole de la Sologne.
Chaque année, il prononçait un discours dans le genre
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didactique, à toutes les séances des Concours canto¬
naux.
Tant de zèle, un tel dévouement à un élément social
aussi considérable, devaient avoir leur récompense ; en
l’année 1841, il fut élevé au grade d’officier de la Légion
d’honneur.
M. Perrot était d une haute stature, d’un tempérament
sec et nerveux, sa santé, même à l’âge avancé qu’il avait
atteint, était restée inébranlable, il est mort subitement ;
et, malgré quelques indispositions qui, manifestement,
préparaient sa fin, personne de ceux qui l’approchaient
n’auraient pu soupçonner qu’elle fut si soudaine et si
rapide; cet événement arriva le 5 décembre de l’année
1871, il était âgé de 81 ans.
M. Perrot aimait la solitude et la retraite ; il n’a jamais
reçu personne et n a jamais accepté d’invitations, pas
même les invitations officielles ; on a raconté, au palais,
qu’ayant refusé celle d'un premier Président, à l’insistance
que celui-ci lui adressait verbalement et avec quelque
hauteur, il avait répondu que : pour lui il n’y avait de
premier Président que dans la salle d’audience ou à la
Chambre du conseil.
Il se plaisait aux longues marches à pied, et ne montait
en voiture que le plus rarement possible ; sa sobriété était
telle que pour ses intimes amis et ses collègues la prolon¬
gation de sa santé et même de sa vie était presqu’à l'état de
problème ; de l’eau et quelques légumes composaient toute
son alimentation.
Jamais la vigne n’a été l’objet de l’attention de cet atten¬
tif cultivateur ; il considérait cette plante comme inutile et
son produit comme dangereux pour la santé et pour les
mœurs.
M. Perrot a voulu se survivre à lui-même et, par son
testament du 12 janvier 1871, il a fondé le prix que nous
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remettons aujourd’hui au cultivateur distingué, désigné
par notre section d’agriculture ; et on a dit, déjà, que,
voulant prolonger ses relations avec ses collègues, au-
delà même de la vie, il a prescrit, par cet acte, qu’un jeton
de présence, en argent, fut donnné à chacun de ceux d’en-
tr’eux qui assisteraient à ses funérailles.
Et maintenant que notre dette de souvenir est payée
à la mémoire de notre digne et, à plus d’un titre,
remarquable collègue, il me sera permis de jeter un rapide
regard sur cette institution des prix d’encouragement, à
décerner par notre association.
La première inspiration de créer cet élément d’émulation
remonte à l’année 1765, époque à laquelle l’intendant
d’Orléans, mit à la disposition de la Société royale d’agri¬
culture, établie en l’année 1762, une somme de 600 fr.
destinée à l'auteur du meilleur mémoire : sur La liberté
du commerce ,
Un second prix ayant la même provenance administra¬
tive, fut décernée par cette Société, aucoursde l’année 1816,
à l’auteur qui aurait le mieux indiqué les moyens de sup¬
primer la mendicité .
Il est inutile de s’arrêter à toutes les périodes observées
pour la mise à exécution de cet usage protecteur des tra
vaux scientifiques, il suffit de faire remarquer la différence
existant entre le caractère des sujets posés à l’étude par
ces concours, à cette époque, et le caractère des sujets qui
font l’objet des prix d’encouragement, à la i^ôtre.
Dans la première, les questions à résoudre appartenaient
à des études métaphysiques et abstraites ; dans le moment
présent nos exigences plus modestes, mais plus positives,
se contentent d’une science plus pratique.
Les premières recherches s’égaraient dans les vastes
espaces des systèmes, les secondes agissent dans le cercle
plus étroit de l’application.
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Les premières étaient l’œuvre des penseurs, les secondes
sont l’œuvre des travailleurs.
De nos jours, les rapports de la pensée et du travail
n’ont lieu qu’a une condition ; celle que de cette union
devront naître des fruits actuels qui profiteront, non seu¬
lement aux classes savantes, mais aussi et, surtout, à celles
qui ne le sont pas.
Cette Société royale d’agriculture marcha parallèlement,
avec la société fondée en l’année 1781, sous le titre d’ A cadè -
mie des sciences , a*ts et belles-lettres , et toutes les deux
disparurent au cours de l’année 1793, un décret de la Con¬
vention ayant supprimé, sans distinction, toutes les Acadé¬
mies de la République.
Avec le calme revint le culte des lettres, des sciences et
des arts et de toutes les recherches qui charment, dévelop¬
pent et honorent l’esprit humain; l'agriculture devait
entrer dans l’immense programme de cette renaissance ;
provisoirement, le Préfet du département, le 18 avril 1809,
prenait un arrêté qui instituait une Société des sciences
physiques et médicales, à laquelle se joignirent quelques
grands propriétaires, protecteurs de l’agriculture.
Mais les guerres de l’Empire, sa chute et les troubles
politiques qui en furent la suite, arrêtèrent cet essor, et ce
ne fut qu’en l’année 1818, que notre Société fut rétablie
sous le titre de Sciences , belles-lettres et arts , bientôt
converti en celui qu’elle porte aujourd’hui,
Il n’a plus été question, pour elle, de fondation de prix
d’encouragement donnés à aucun genre de ses travaux,
la section d’agriculture fut la seule, en considération de
laquelle la Société reçut une subvention départementale.
Cette concentration de la bienveillance administrative a
bientôt inspiré à deux membres de la section d’agriculture,
la pensée d’ajouter à la somme accordée, un supplément
sous la forme d’un prix d’encouragement et de récom-
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pense, et par là, un témoignage de protection et d’intérêt ;
les trois autres sections jusqu’ici, n’ont pas eu cet avantage.
Mais aujourd'hui dos vœux viennent, à cet égard, d'être
accomplis, désormais la section des arts aura son con¬
cours .
Comme la section d'agriculture, elle n'aura recours qu’à
elle-même, pour juger les essais qui lui seront présentés.
Son appréciation sera d'autant plus sûre, qu’elle possède
au nombre de ses membres de savants amis des arts, ama¬
teurs ou artistes et, particulièrement, notre collègue, l’émi¬
nent aquarelliste Chouppe, et l’auteur d’œuvres admises
dans les Expositions nationales, et par conséquent, les plus
solennelles et les plus sévères.
Bientôt nous placerons à côté du buste de M. de Moro-
gues, le buste d’Emile Davoust; tous les deux sont dus à
l'habile ciseau de notre collègue, M. Didier, et, grâce
à lui, nous pourrons placer à côté de ce premier orne¬
ment de cette salle de nos séances, le fondateur du prix
que nous aurons à distribuer en son nom.
Véritable, mais bien triste consolation ; le deuil est dans
cette enceinte ; on y déplore, en présence du bienfait,
l'absence du bienfaiteur ; et, surtout, au moment où va se
faire entendre une autre voix que celle de l’auteur du rap¬
port de la Commission chargée de préparer la modeste
solennité que nous accomplissons.
Je m'arrête, une vive émotion navre le cœur de celui qui
arrivé à la dernière limite de l’àge, doit accomplir le devoir
de rappeler le souvenir de deux hommes distingués, tous
les deux dans la force de la seconde jeunesse, pleins de
vie et d'ardeur, tous les deux doués des dons de la fortune
dont ils faisaient un noble usage, forts par l'éducation et
l'étude, animés de l’amour du bien, du beau et de l’utile;
tous les deux chers à la famille, à l’amitié, à la cité toute
entière, à la science, aux lettres et aux arts, et qui tous
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les deux, en même temps, ont disparu pour ne plus vivre
que dans la mémoire de ceux qui les ont connus et lais¬
sant une longue suite des plus vifs regrets.
M. Le Président, s’adressant à M. Lesage, s’est exprimé
en ces termes :
Monsieur,
Je ne devais pas devancer la section d’agriculture dans
la communication des motifs qui ont déterminé la proposi¬
tion adoptée à lunanimité, par toutes les sections, de vous
décerner le prix que j’ai l’honneur de vous remettre.
Je ne saurais rien à y ajouter, et je dois me borner à me
rendre l’interprète de tous, en vous exprimant les senti¬
ments de haute estime que ce rapport nous a inspiré, en
vous félicitant de vos succès et de l’exemple que vous don¬
nez à tous ceux qui comme vous, suivent la carrière que
vous parcourez d’une manière aussi fructueuse et aussi
honorable.
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DAVESIÈS DE PONTÉS
NOTICE BIOGRAPHIQUE
Par M. DESNOYERS
Séances des 30 janvier et 13 fèvider 1891.
Messieurs,
Qui d'entre nous, au moins une fois, n’a pas voyagé
dans les pages lumineuses de Pascal, La Bruyère, La
Rochefoucault, et vu avec quelle justesse, douloureuse sans
doute, mais vraie, ces grands moralistes ont parlé des
faiblesses de la nature humaine et montré sans voile? ses
plaies multipliées ? Et cependant, Messieurs, ils n’ont pas
tout dit : ils n’ont pas dit une de nos plus affligeantes
infirmités; leurs pages ont oublié de la décrire: c’est
l’oubli rapide des morts ! Lorsque le sillon qu’ils ont tracé
se ferme, le silence arrive, prompt, entier : nom, travaux,
gloire même, tout se recouvre par l’indifférence, et bientôt
l’oubli jette un impitoyable voile sur la vie disparue.
Devons-nous, Messieurs, subir, sans l’interrompre, cette
faiblesse de notre incomplète nature, et ne devons-nous
pas faire quelques efforts pour échapper à son affligeante
rigueur ? Oui, il est bon, il est consolant, ne fût-ce que
durant une journée, de réveiller la mémoire de ceux qui
nous ont précédés, surtout quand leur existence n’a pas
mérité les ombres du silence, et je me sens heureux de
pouvoir aujourd’hui faire ce réveil.
Orléans, Messieurs, a donné naissance à une vie qui n’a
pas, sans doute, jeté l’éclat des intelligences extraordi¬
naires, mais elle est sortie de la route commune ; et
cependant son nom est devenu étranger au monde savant ;
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ses concitoyens eux-mêmes l’ont déjà oublié. C’est donc
pour rendre un légitime hommage à cette personnalité déjà
ensevelie dans l’inattention, la garantir, au moins parmi
nous, contre un injurieux oubli, que je veux vous parler
d’elle ; je veux interrompre le silence immérité qui se fait
sur le nom de Lucien DAVEZIÈS DE PONTÉS ; car c’est
de lui, Messieurs, que je vais vous entretenir quelques
moments. J’accomplirai plus que le simple devoir de replacer
au jour un homme qui n’aurait pas dû être jeté par ses con¬
temporains dans l’obscurité, j’accomplirai le devoir encore
plus sacré de venger notre concitoyen contre l’indifférence
de la cité qui l’a vu naître, et nous sommes tous, permettez-
moi d’oser le dire, coupables de ce déni de justice. Nous la
lui rendrons, je l’espère, Messieurs, quand mon travail aura
passé sous vos yeux, et éclairé des cœurs qu’il est si facile
d émouvoir, quand on leur parle de patrie et de cité.
Lucien Davesiès de Pontes est né à Orléans, le 9 sep¬
tembre 1806, dans le cul-de-sac des Barbacanes. Son père
était venu dans notre ville pour y remplir les fonctions de
Directeur de l’enregistrement et des domaines, et, sacri¬
fiant au préjugé qui abaisse l’éducation provinciale, il
envoya Lucien dans un pensionnat de Paris, pour y rece¬
voir une éducation, non pas plus complète, mais plus
brillante, croyait-il. Le succès fut, du reste, entier, et son
fils devint un remarquable élève de l’Université. Ce n’est
pas que chez lui l’intelligence, l’ardeur de l’imagination,
fussent dans un degré supérieur; au collège, il pensait
plus qu’il ne paraissait ; il ne partageait pas les élans de
gaîté de ses camarades ; il aimait à être solitaire, vivant
plus en lui-même que dehors. Cette gravité et cette froide
réserve ne faisaient nullement pressentir la carrière qu’il
voulut embrasser, celle de la marine militaire, où les émo¬
tions, les agitations sont si nombreuses ; où il faut agir et
parler beaucoup. Mais, sous la réserve et les dehors de la
froideur, Lucien renfermait une âme sensible, ardente et
généreuse. Or, Messieurs, à l’époque où Lucien terminait
ses études, la Grèce, après avoir, durant trois cents ans,
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subi le despotisme brutal de la Turquie, s'efforçant tour à
tour, par la ruse et la violence, de la faire disparaître du
nombre des nations, la Grèce, se redressant dn fond de
son tombeau, arma ses mains décharnées du glaive de la
vengeance et du combat ; elle fît un appel désespéré à ses
enfants et les convia à un dernier effort, pour ne pas
mourir à tout jamais dans un ensevelissement sans espoir.
Le réveil fut magnifique, et, malgré le massacre des Sou-
liotes et le désastre glorieux de Missolonghi, durant neuf
années, la Grèce lutta sans faiblir et ressaisit enfin, à
Navarin, une vie nationale.
Il y avait là, Messieurs, de quoi émouvoir une âme
généreuse et capable de comprendre les grandes choses ;
Lucien avait cette âme, car, sous les dehors de la froide
réserve, se cachent souvent l'ardeur du sentiment et la
profondeur de la volonté : c’est le feu du Vésuve dans les
entrailles de la terre. Les grands souvenirs de Lacédé¬
mone et d’Athènes, les gloires de Marathon, des Thermo-
pyles, les charmes du Tégée, les beautés du Parnasse, les
fraîcheurs de Tempé, les suavités de l'Hymète, ne pou¬
vaient pas laisser insensible une âme de vingt ans, encore
remplie de l’admiration littéraire de la Grèce. Il lui sem¬
blait apercevoir Léonidas, entendre Périclès, écouter
Démosthéne, voir Phidias ; un souffle de pitié pour la Grèce
se débattant sous une injuste oppression, parcourait d’ail¬
leurs l’Europe, la cause hellénique agitait et les âmes et
les cœurs ; elle devait émouvoir une nature comme celle de
Lucien. Il entra donc, sous l’inspiration du dévouement à
une noble cause, à l’Ecole navale d’Angoulême, après un
brillant examen, et en sortit à la fin de 1826, pour passer,
comme aspirant, sur un vaisseau de l’Etat. Il éprouva
d’abord un pénible désappointement ; car le vaisseau qu’il
montait eut seulement la mission de surveiller la flotte
égyptienne, qui se disposait à sortir du port d’Alexandrie,
et il n’eut aucune part d’action à la bataille de Navarin,
qui, le 6 octobre 1827, anéantit la puissance musulmane
et délivra enfin la Grèce. Il reçut une consolation à cette
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amère douleur, car un ordre le fit embarquer sur un
nouveau vaisseau, le Conquérant , dont la mission était de
sillonner l’archipel, pour encourager les Grecs, déjà
affranchis du joug odieux des Turcs, mais faibles encore
et devant recevoir un appui dans leurs débuts de régéné¬
ration. Davesiès sillonna, de 1828 à 1834, les mers de la
Grèce. Il débarquait souvent, et, durant ces six années, il
parcourut à loisir cette Grèce quil aimait tant, que ses
rêves de poète et d’artiste avaient appelée de tous ses vœux;
cette Grèce était désormais une réalité ; il la voyait ; il y
vivait, le crayon à la main, remplissant ses carnets des
notes que le philhellène passionné recueillait chaque jour.
Cette vie développa dans Lucien un goût toujours en
alliance avec l’histoire, celui de l’archéologie, qui en est
l’œil et la main. Devant les ruines des chefs-d’œuvre du
génie de l’architecture et de la sculpture, il étudia Pau-
sanias et Diodore de Sicile, et, sans devenir un antiquaire,
comme on entend cette expression, il eut les instincts et la
saveur de l’archéologie, et notre illustre historien Augustin
Thierry lui écrivait un jour: « Vous êtes vraiment doué
c du sens archéologique ; vous voyez juste ; vous peignez
« juste, et ce que vous dites de l’architecture grecque et
« égyptienne est parfaitement bien dit et rempli d’intérêt. »
Mais il ne parlait pas seulement avec le sens artistique ;
sa plume, grâce à d’excellentes études, écrivait avec dis¬
tinction; la force et la délicatesse littéraires se remarquent
dans ses nombreux travaux mis au jour, et, s’ils ne sont
pas irréprochables, ils ne sont certainement pas une œuvre
vulgaire et condamnée à l’indifférence, comme nous le
verrons plus tard.
Davesiès avait passé six années dans la carrière mari¬
time; ses chefs l’estimaient beaucoup, et il mérita le grade
d’enseigne; mais ce long service et la vie austère delà
marine, qu'il rendait plus austère encore par sa propre
austérité, lui devint une fatigue; l’enthousiasme qui l’avait
poussé vers la vie de marin se refroidit peu à peu, et en
1834, il donna sa démission et revint en Europe.
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J'ai à vous parler maintenant, Messieurs, d’une époque,
en apparence fort inexplicable, de la vie de Lucien, celle
où il embrassa les doctrines du saint-simonisme, dont les
absurdes rêveries et les dangereuses insanités devaient sans
doute éloigner les esprits réfléchis ; mais, dans toute erreur,
vous le savez, Messieurs, il se trouve un fond de vérité
que l’ignorance, l’amour de sa personnalité, le culte de
son intelligence, des passions non avouées, exploitent trop
souvent à leur profit, et, lorsque de pareilles doctrines
combattent des abus réels, de vrais désordres, elles peuvent
illusionner quelques esprits ne voyant que le côté raison¬
nable et croyant ainsi accepter la vérité. Tel fut le saint-
simonisme, qui prétendait réformer la société, assise sur
des bases vicieuses, et la reconstituer avec une meilleure
organisation. C’est alors que se fonda à Ménilmontant,
près Paris, une société modèle, où, sous le gouvernement
d’un nouveau pape, appelé le Père, chaque membre rece¬
vait et exerçait une fonction suivant son aptitude et sa
capacité. On vit alors des ingénieurs brosser et cirer les
souliers et les bottes, des avocats faire la cuisine, des
littérateurs balayer les cours ; on en vit quelques-uns, en
habit théâtral de templiers, se promenant sur les bou¬
levards, pour y chanter des chansons en l’honneur du
travail, composées par un de nos meilleurs musiciens saint-
simonien, Félicien David. Passe encore pour ces folies de
ménage et de musique ; mais, quand le saint-simonisme de
Ménilmontant voulut répandre sa doctrine sur le sensua¬
lisme et la femme libre, le gouvernement intervint; la
Soçiété fut dissoute, et les sociétaires se répandirent
partout pour y chercher une situation moins rêveuse.
Davesiés, avant son retour en France, avait rencontré à
Constantinople et àSmyrne des saint-simoniens qui venaient
répandre en Orient leurs doctrines humanitaires, et, nou¬
veaux apôtres, y semer les germes de la rénovation sociale,
par la destruction de tous les abus, et l’embrassement de
tous les hommes dans une religion irréprochable. Il se lia
avec }es chefs de la société. Enfantin, Toche, Barrault,
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Duguet, Fournel, Rigaud, tous, il faut le dire, victimes,
sans doute, d'aberrations intellectuelles, mais distingués par
l’esprit et le cœur : l’àme généreuse et délicate de notre
compatriote se laissa séduire par l’idée d’un progrès dans la
situation des peuples, et d’une transformation sociale, il
ne sut résister au combat pour refaire l’homme, et surtout
émanciper la femme injustement condamnée à un rôle subal¬
terne : tout cela devait plaire à Davesiès, dont l’âme élevée
ne se résignait pas à se traîner dans les routes battues et
vulgaires. Voilà, je pense, Messieurs, la seule explication
d’un égarement qui, sans elle, rendrait la conduite de
Lucien inexcusable.
Il revint donc à Paris, et comme il n’avait pas de fortune,
il accepta la société telle qu’elle était, et sans vouloir lutter
contre son organisation, quelque défectueuse quelle fût à
ses yeux, il songea à vivre de son travail. Son talent litté¬
raire avait déjà fait ses preuves dans les revues, et quand
son frère, le général Davesiès de Pontés, le présenta à
Augustin Thierry qui, lui également, partageait encore les
doctrines du saint-simonisme, auxquelles il renonça plus
tard, il en obtint un accueil très bienveillant. Augustin
Thierry s’engagea à devenir son protecteur dans la carrière
des lettres qu’il le pressa d’embrasser, tout en lui pro¬
mettant d’employer son crédit pour lui obtenir un emploi
dans une administration publique. C’est à cette époque que
Davesiès entra dans la Revue universelle y dans la Revice
française et Revue des Deux-Mondes ; il se fit remarquer
par des articles d’excellente littérature; il fut même ques¬
tion de l’envoyer comme professeur à Saint-Pétersbourg où
l’empereur Nicolas voulait fonder une université sur le
modèle de celle de France; le projet ne réussit pas, et
M. Villemain, ministre de l’instruction publique, ne lui
donna pas une place dans la carrière des lettres où il était
tout-puissant. Quelle en fut la cause? La réponse à cette
question ce n’est pas moi qui vous la donnerai, car le ciel
me garde d’ètre irrévérencieux pour le régime parlemen¬
taire. La réponse a été donnée par Davesiès lui-même,
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dans le salon d’Augustin Thierry, après la nomination
administrative obtenue par Villemain : « La sotte chose, dit
« notre compatriote à son protecteur et ami, que votre
« régime parlementaire ! Un ministre ne peut donner à son
€ choix une place dépendant de son ministère, il a la main
c plus ou moins forcée par les meneurs de la Chambre des
< députés ; je connais un gros marchand de farines et un
c grand éleveur de bétail, tous deux députés influents, et
€ il faudrait que ces gens-là fussent mes patrons, à moi
« helléniste et littérateur ! »
Remarquez, Messieurs, que cela se passait sous le règne
de Louis-Philippe, je tiens à le dire, car pareil désordre de
nomination à dû cesser, et faire aujourd’hui place à la
justice et à la droite raison.
Mais, en vérité, Messieurs, avouons qu’il y avait là de
quoi enraciner, dans l’àme de Davesiés, la doctrine saint-
simonienne enseignant que, dans une société bien cons¬
tituée, tout citoyen doit trouver une situation suivant sa
capacité, et quil nous faut être un peu indulgent pour les
égarements de cette doctrine.
Du littérateur on fit donc un sous-préfet à Argelès, au
pied des Pyrénées ! Davesiés courba la tête, mais il fallait
vivre ! Et il dit courageusement adieu à la littérature qui
fut remplacée parles sèches études du droit administratif.
Son intelligence ne tarda pas à en taire un excellent
sous-préfet, la seule chose qui lui fût nuisible fut le trop de
zèle dans ses fonctions, qu’il avait prises au sérieux, et par
suite, la fréquence des mémoires qu’il envoyait aux bureaux
du ministère de l’intérieur; il écoutait les droits de sa
conscience, mais négligeait les calculs de l’habileté; sa
valeur lui créa, en outre, des envieux qui entravèrent son
avancement, et, bien que noté parmi les meilleurs sous-
préfets, il nè put vaincre la résistance des bureaux que
l’on dit être souvent plus puissants que le ministre : tout
ce qu’il put obtenir, grâces à M. Villemain et à Augustin
Thierry, ce fut d’être transféré à Libourne, département
de la Gironde ; il y passa cinq années, et se retira de ce
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poste devant la révolution de 1848 qu'il ne voulut pas
accepter; mais, en 1850, il consentit à recevoir d’un gou¬
vernement, devenu régulier, la fonction de sous-préfet à
Joigny, département de l’Yonne, où comme à Argelès et
Libourne, il se distingua par la sagesse, la droiture et l'in¬
telligence de son administration. 11 se fit surtout remarquer
par sa conduite durant les néfastes semaines qui précé¬
dèrent décembre 1852. Elle fut celle d’un homme qui voit
la société en péril par une révolte préparée depuis quatre
ans, et qui, les armes à la main, veut imposer à la France
le bouleversement social. Davesiès parcourt lui-méme, à la
tête de la force armée, les cantons de Bléneau et de Saint-
Fargeau infectés par le socialisme, dissout les sociétés
secrètes, et par son énergie comprime l’audacieuse et san¬
glante jacquerie; j’aime, Messieurs, à citer les expressions
d'une lettre écrite à son frère : « C'était, lui dit-il, une inva-
« sion de barbares qui avait traîné sur les grands chemins, la
< corde au cou, plusieurs habitants, égorgé des compatriotes
« inoffensifs, des enfants, des prêtres, des soldats. » Le 9dé-
cembre, il écrivait encore à ce même frère : « Voilà la pre-
< mière fois que je dors dans mon lit depuis huit jours. * Sa
conduite fut si noble, que les habitants de Joigny envoyèrent
à leur sous-préfet une adresse, où ils le remerciaient de les
avoir, par son courage, son dévoûment à l’ordre, préservé
des horreurs de l’anarchie et de la guerre civile.
Il est pénible, Messieurs, d’avoir à dire que cette recon¬
naissance ne fut pas imitée par le gouvernement. Après
avoir si noblement rempli son devoir au milieu de difficultés
plus qu’ordinaires, et du péril même de sa vie, il méritait un
témoignage de confiance de ses chefs; il ne l’obtint pas, et
justement blessé dans la légitime dignité d’un homme qui a
fièrement acquitté sa dette envers la patrie, il voulut pro¬
tester contre cette inexcusable injustice, trop commune,
sans doute dans chaque carrière, mais que les âmes élevées
sentent profondément, et doivent flétrir sans faiblesse.
Davesiès, résistant aux prières de ses amis, envoya donc
sa démission au ministère de l’intérieur.
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Dégoûté et délivré des déceptions et des amertumes de la
carrière publique, il se ré fugia exclusivement dans les travaux
littéraires, carie sous-préfet n’avait jamais étoufféle littéra¬
teur; d'ailleurs, grâce à la Providence, il n’avait plus les
soucis matériels du lendemain, car un heureux mariage
le mettait à l’abri de ses préoccupations : une liberté
entière lui était donc accordée pour ses goûts de littéra¬
ture, d’histoire et même de voyages ; son talent d’écrivain
était mûri, avec l’âge, et préparait une riche moisson
toute à la fois artistique et savante.
Mais ce qu’il acquit de meilleur encore, ce fut un retour
entier aux saines doctrines et aux vraies croyances ; déjà,
durant ses cinq années de sous-préfecture à Libourne, il
avait cultivé plus sérieusement les études littéraires, mo¬
rales et religieuses et ses aspirations sc faisaient plus fortes
vers la religion chrétienne.
Davesiès de Pontés était, Messieurs, du nombre de ces
âmes que l’ardeur d’une imagination insuffisamment con¬
tenue, des études incomplément sérieuses, les présomptions
et l’inexpérience de la jeunesse, avaient entraîné dans les
illusions de l’utopie, les écarts de rêves séduisants, mais
cependant droites, honnêtes, loyales, et qui, un certain
jour délivrées des obtacles dressés contre le rayonnement
de la vérité, et la splendeur de ce qui est le seul réel, se
tournent vers lui et l’embrassent sincèrement. Son ami
Augustin Thierry fut de ces hommes ; il avait, lui, égale¬
ment vécu dans les écarts du saint-simonisme mais le
malheur, la réflexion et la maturité du jugement l’avaient
éclairé et conduit à la religion chrétienne ; it, le fit savoir à
Davesiès qui, de son côté, après de sincères recherches,
trouva enfin dans la foi au Jésus-Christ Dieu et Sauveur,
comme son illustre ami, la douce paix de l’âme.
Cette claire et délicieuse vue de la vérité ne l’empêcha
pas de jouir des charmes de la littérature, et d’en cultiver
avec succès les travaux ; deux études et deux amours se
développèrent de plus en plus dans cette âme si bien faite
pour les recevoir, l’amour du beau dans les œuvres de
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l’intelligence et celui du Dieu de l’Évangile ; cette alliance
se fait toujours sérieuse et indissoluble dans les âmes dont
je vous parlais il y a quelques instants, elle persévéra dans
la conduite de Davesiés, sans fléchir et chanceler: aux der¬
niers jours de sa tranquille et sérieuse existence, il écrivait
ces paroles qui révèlent son âme dans ses profondes con¬
victions : « Pour que les hommes soient heureux, il faut
« d’abord qu’ils deviennent meilleurs ; la religion et laphi-
t losophie tendent à ce même but. » Le déiste, le disciple
de Saint-Simon, on le voit, avait disparu, le chrétien parais¬
sait dans sa radieuse beauté, et lorsque, le 28 décembre
1859, la mort vint le frapper comme la foudre, il était prêt
à monter vers son Dieu, le souffle du catholicisme avait
balayé de son âme les vapeurs du saint-simonisme, les
enseignements de Jésus-Christ avaient éclairé son intelli¬
gence et son cœur, comme le témoigne et l'exprime son
livre d’études et religieuses ; on sent dans les pages de ce
livre, qu’il a trouvé, je cite ses expressions, dans le Verbe
incarné par amour, le repos d’une pleine jouissance, il la
manifestait par une vie animée par les œuvres de charité ;
l’ancien samt-simonien était devenu membre et ouvrier des
conférences de Saint-Vincent-de-Paul ; après cette trans-r
formation, il pouvait partir rapidement vers la possession
de Celui qu’il avait appris à connaître, et dont la gloire lui
était devenue plus chère que toutes choses.
Voilà, Messieurs, la vie de Davesiés de Pontés ; elle a
traversé trois situations, chacune digne du plus haut intérêt.
La marine, l'administration, la littérature, ont occupé la
première phase.
La recherche fatigante de la vérité a tourmenté son âme
durant la seconde.
Le repos, par la possession de cette vérité connue, est
arrivé dans la troisième.
Peu de vies, Messieurs, sont aussi tourmentées. Le plus
grand nombre s’écoule dans la vulgarité et le silence. Le
sillon tracé par elle est facile, mais léger; sans effort mais
sans profondeur ; celle de notre compatriote est sortie de
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— 209 —
la médiocrité ordinaire, et pour éveiller l’attention il ne lui
a manqué quand il vivait, que le coup d’œil d’un observateur
et la plume d’un écrivain ; j'ai voulu lui offrir la mienne,
quelque pauvre qu’elle puisse être, et placer dans les an¬
nales orléanaises, en un rang élevé, un compatriote dont un
plus long oubli serait coupable, et quand j’aurai, comme je
vais le faire, placé sous vos yeux le tableau de ses écrits
avec leur courte analyse, vous pourrez comprendre, Mes¬
sieurs, que notre ville a le droit de se glorifier d’avoir donné
le jour à Davesiès de Pontés, qui fut, et je vais le montrer,
publiciste, littérateur, historien, artiste, poète et philosophe.
L’esprit de Davesiès était ouvert aux beautés de la litté¬
rature, et il a su en tenir le langage avec un véritable talent.
Ses pensées sont hautes, son style noble, coloré, les aperçus
vrais, délicats. Dans un discours qu’il devait prononcer à
l’ouverture d’une Université projetée à Saint-Pétersbourg,
il est très fin et heureux appréciateur de Virgile et d’Homère,
de Dante et Milton, il les compare en homme qui en a saisi et
goûté les beautés ; dans un autre discours, préparé pour la
même Université, il compare les trois poètes d 'Iphigénie en
Aulide, Euripide, Racine et Rotrou, il les compare avec jus¬
tesse ; ses observations et sonjugement sont sûrs etindiquent
un littérateur dont la pensée est clairvoyante, la plume
exercée, formant toutes deux une heureuse alliance.
A la littérature, Davesiès joignit des travaux historiques
où il a fait preuve d’un jugement droit, d’un goût éclairé.
Dans son examen de l’histoire de la conquête de l’Angleterre
par Augustin Thierry, il apprécie avec justesse le travail de
ce célèbre écrivain, analyse avec bonheur les pages de son
savant ami qu’il juge néanmoins avec indépendance; on aime
à l'entendre dire que la conception et la forme de l’auteur
sont des modèles d’Ecole historique ; la phrase est, dit—il,
simple comme la langue de Tite-Live, le style est élégant,
coloré, ferme ; Thierry rajeunit notre langue et lui donne la
couleur de La Bruyère ; çn aime surtout à l’entendre ap¬
plaudir aux pages de Thierry reformant avec impartialité
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les jugements de Hume et de Voltaire sur la conduite de
Thomas Beket, luttant contre Henri II : dans ce travail, la
plume de Davesiès est facile, animée, elle sent tout à la fois
et l’historien réfléchi et le littérateur au goût épuré.
Vous comprendrez, Messieurs, qu’une âme comme celle
de Davesiès de Pontés, intelligente, élevée, vive et délicate,
devait aimer les beaux-arts ; il en eut le goût poussé
jusqu'à la passion, mais sans emportement, et, dans un
voyage qu’il fit en Italie, durant les années 1853 et 1855,
il put jouir tout à l'aise de toutes les beautés de cet incom¬
parable pays, puis il déposa ses impressions d’artiste dans
les huit cents pages de deux volumes. Ces impressions
témoignent bien la finesse et l'excellence de son jugement
des œuvres des beaux-arts ; il avait étudié à fond la pein¬
ture, la sculpture, l’architecture, et, dans le cours de ses
deux volumes, il parle en observateur, apprécie en maître,
écrit en littérateur : toutes les villes, tous les musées de
l’Italie, ont été parcourus par lui ; il analyse leurs monu¬
ments, leurs œuvres artistiques, et quand on arrive à la
dernière page, on voudrait recommencer le même voyage
avec celui qui décrit si heureusement et juge si bien ce
qu’il voit. Dans un long séjour à Venise, il a surtout étudié
la peinture vénitienne, qui, par les œuvres du Giorgione,
du Titien, du Tintoret, de Paul Véronèse, était arrivée à
une incomparable perfection ; il en analyse les beautés
avec un goût tout à la fois délicat et sûr, un jugement
exempt d’enthousiasme, mais sans froideur ; son admiration
est raisonnée et persuasive ; on voit que, pour lui, l'école
vénitienne s’élève au-dessus des écoles florentine et espa¬
gnole, et, sans vouloir entrer dans cette discussion où de
plus habiles que nous hésitent incertains, nous avouerons
que le jugement de notre compatriote serait le nôtre.
A la suite de son étude sur la peinture vénitienne se
trouve un travail intitulé : Les Femmes artistes .
Ici, Messieurs, j’ai à me défendre contre une pensée,
oserai-je dire une conviction déjà bien ancienne, oui, me
défendre, car elle est tellement agressive pour celles qui
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sont nos mères et dont nous avons le bonheur d’être les
fils, que si je vous la communique Messieurs, c’est que
nous sommes une Société sérieuse où les questions de
sensibilité, d’entraînement, d’instincts irréfléchis n’ont pas
le droit d’entrer ; ici régnent la science et la raison, la porte
de notre sanctuaire est fermée aux utopies et aux rêves.
Voilà pourquoi, Messieurs, en écoutant Davesiès de
Pontés parler de la femme artiste, j’ai senti se réveiller en
moi les réflexions des anciens jours et accueilli avec
grande réserve les pages consacrées à pareille opinion. Je
me redisais que les lois providentielles sont dangereuses à
franchir, et que cette loi ayant assigné à l’homme et à sa
compagne un ministère séparé, il faut, sous peine de péril¬
leux désordre, respecter cette loi et ne pas en troubler la
sage harmonie ; je me disais que c’est, de par cette loi, à
l’homme de régner par les grandes choses de l’intelligence,
du savoir, de la force, il est le roi de la double nature ; à
la femme, Dieu, qui a créé la société, a donné un rôle plus
modeste, des fonctions limitées par le but de son existence,
le foyer, la famille, voilà son empire et il n’est pas sans
gloire. C’est là quelle doit régner par les vertus tranquilles
et tout en n’excluant pas, je l’affirme hautement, le soin de
son intelligence, il n’est pas sage de l’élever à un niveau
que la loi providentielle n’a pas fait pour elle.
C’est en hésitant. Messieurs, que j’écris ces lignes, car
on m’accusera, peut-être, de penser en esprit jaloux,
partial et chagrin, mais on me pardonnera cette malice
et cette austérité pour nos mères et nos sœurs, par le
profond respect des institutions d’un maître plus sage que
nous. Les ai-je trop vues? Au moins vaut-il mieux trop les
regarder, que de ne pas assez les voir, car on ne troublera
jamais impunément les pensées du roi de l’humanité.
On dit, Messieurs, que les artistes ne sauraient être
poètes, parce qu’ils n’aiment pas l’emprisonnement de la
pensée dans la rime inexorable, dans les règles infranchis¬
sables et l’alignement inflexible du nombre et de la mesure,
il leur faut le grand air, la liberté de l’espace et du mou-
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— 212 —
vement, l'indépendance du travail et la poésie ne souffre
pas ces audaces. Davesiès de Pontés a cependant été poète,
la souplesse de son talent a su accepter les impérieuses
règles du Parnasse et porter les chaînes des muses. Je ne
vous dirai pas qu’il doit être rangé parmi nos grands
poètes, ses talents étaient trop diversifiés pour qu’il eût
acquis l’ampleur et la beauté du génie poétique, mais il en
possédait la facture, l’aisance et souvent la richesse ; il a
montré ces qualités dans la traduction du premier chant de
Y Iliade i et vous me permettrez de placer sous vos yeux le
commencement de cette traduction.
Chante, fille des dieux, la colère d’Achille,
De malheurs et de deuils ce germe trop fertile,
Ce fléau qui plongea dans le séjour des morts
Tant d’âmes de héros et de leurs nobles «orps
Fit aux chiens, aux vautours une pâture immense.
Ainsi de Jupiter s’accomplit la sentence.
Alors que s’éleva le débat odieux
D’Atride, roi des rois, d’Achille, fils des dieux.
Quel dieu leur mit au cœur cette haine homicide 1
Phœbus dont le courroux allumé par Atride,
Répandant sur les Grecs le trépas et l’effroi,
Vengea Chaysès, son prêtre, insulté par ce roi.
Mais c’est dans la traduction du poème de Childe-Harold
par Byron qu’il a surtout laissé voir son talent poétique : sa
lutte avec le poète anglais est brillante. Davesiès se mesure
avec son rival, sans inégalité ni défaillance, il y parle avec
bonheur la langue de la muse française, tantôt suave, tantôt
vigoureuse, tantôt simple, tantôt bondissante, et, pour con¬
firmer ce jugement, j’aime à citer le témoignage de l’un de
nos meilleurs littérateurs, traducteur lui-même en prose de
lord Byron, AmédéePichot: « Davesiès, dit cetexcellentjuge,
a surpassé tous « ses rivaux et ne sera pas surpassé. » Un
pareil éloge sorti de pareille bouche me dispense d’ajouter un
seul mot; je me contenterai de vous faire entendre quel¬
ques vers de cette traduction dont voici le commencement :
Toi que la Grèce admit parmi les immortels,
Muse que du poète enfanta le Génie,
Tant de luths discordants ont souillé tes autels
Que je n’ose invoquer ta céleste harmonie !
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— 213 —
J’ai parcouru le Pinde et l’antique Éonie,
J’ai vu Delphe et l’autel où nul ne vient prier,
Où murmure et se plaint la source qu’on oublie,
Et je me garderai, Muse, de t’éveiller
Par les humbles accords que je vais essayer.
Ècoutez-le parler de Waterloo :
Childe Harold parcourut cette plaine de mort,
Le fatal Waterloo, sépulcre de la France,
Là, d’un dernier essor l’Aigle encore s'élance,
Là, déchirant le sol de sa serre en lambeaux,
Percé de mille traits unis pour la vengeance,
Des fers brisés du monde entraînant les morceaux,
11 tombe...
Voici maintenant Napoléon au rocher de Sainte-Hélène:
Captif des nations conquises par ton glaive,
Ton nom seul les effraie, un nom plus glorieux
Depuis que ta grandeur a passé comme un rêve,
Ah ! tu sers de jouet au sort capricieux
Quinaguères somblait t'élever jusqu’aux cieux,
Et te diviniser dans ta propre pensée,
De ton génie ardent, flatteur officieux,
Quand tu voyais l’Europe à tes pieds abaissée,
Adorer en tremblant ta fortune encensée.
Je pourrais citer encore beaucoup d'autres poésies que
vous aimeriez à entendre, mais je dois et je veux respecter
les limites du temps, et il nous est d’ailleurs suffisamment
acquis, Messieurs, que le jugement d’Amédée Pichot est
vrai : Davesiés était vraiment poète, et nous pouvons lui en
décerner la couronne.
Du poète au dramaturge il n’y a pas loin, Messieurs, ils
sont tous deux fils d’une mère commune, la noble imagi¬
nation : Davesiés fut donc auteur dramatique. 11 composa
une pièce complète en trois actes : le Gonfalonnier de
Brescia : le Cerbère du théâtre , Christophe Colomb ,
Y École des philanthropes .
Le bibliophile Jacob donne de grands éloges au Gonfa¬
lonnier de Brescia qu’il appelle remarquable et compare
au Drame de Pinto par Népomucène Lemercier : nous
n’acceptons cependant ce jugement qu'avec réserve, car
l’action de la pièce nous a paru trop compliquée, quelques
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situations ne sont pas admissibles, les personnages du roi
de Bohême et de Macaroni nous paraissent sortir d'une
imagination démesurée, et s’il y a dans la pièce du mou¬
vement et de l’intérêt, il s’y trouve encore plus, croyons-
nous, de fantaisie et d’invraisemblance : on espérerait plus
d’une pièce qui repose sur les querelles si émouvantes dea
Guelfes et des Gibelins.
Le Cerbère et le Misanthrope ne sont que des fragments,
un travail incomplet où la main de de l’auteur essayait de
créer une œuvre définitive,
Christophe Colomb n’est qu’un premier jet où les vers, et
quelques-uns sont heureux, dominent la prose qui n'est pas
encore transformée en poésie : il ne faut pas être sévère pour
cet enfant au berceau, néanmoins on doit regretter que, sa¬
crifiant aux regrettables habitudes du théâtre, Davesiès ait
cru devoir faire entrer dans l’àme si haute, si élevée de
Christophe Colomb, une intrigue d’amour avec la reine
d’Espagne et faire descendre jusqu'à l’abaissement du
vulgaire amour le grand conquérant du nouveau monde.
On pourrait penser, Messieurs, que, charmé par la poésie,
séduit par les arts, bercé par les rêves dramatiques,
Davasiès avait oublié d’établir en lui le sérieux de l’intelli¬
gence et de la gravité de la réflexion, il n’en avait rien été;
j’ai dit que la souplesse de son talent se prêtait aux diver¬
sités du travail et que ces variétés ne se portaient récipro¬
quement pas préjudice. Vous l’avez vu littérateur, historien,
artiste, poète, dramaturge, vous allez le voir publiciste,
je vous le montreraii ensuite philosophe et moraliste.
Davasiès fit plusieurs voyages en Angleterre et avec
son âme ouverte à l’amour du bien, son dévouement à
l’amélioration des classes souffrantes, il fit de curieuses
études sur les causes de la misère et des remèdes à lui
donner, dans ce pays où le paupérisme le plus hideux
côtoie la plus brillante oppulence ; il déposa, en 1858 et
1859, le fruit de ses observations, dans la Revue des Deux-
Mondes : ce travail excellent fut accueilli avec un vif inté¬
rêt par les esprits sérieux, surtout en Angleterre où les
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— 215 -
journaux donnèrent de grands éloges aux pages de Davesiès;
ils en firent l'analyse, en discutèrent les pensées et les
vues, invitant l'auteur à continuer son travail qui révélait,
disaient-ils, un observateur pénétrant et un publiciste
éclairé, mais il ne put écouter ce bienveillant appel, la
mort avait brisé la plume de Davesiès
Cette justesse d’observation, publiciste, il la porte dans
une autre étude qui nous regarde plus particulièrement ;
elle porte le nom de : Études sur Vhistoire de Paris . Au
premier abord, ce travail paraîtrait devoir appartenir à
l'histoire pure, mais par le principal sujet qu'il traite, il
relève de la science philosophique, car c’est encore plus
le publiciste qui raisonne que l'historien qui raconte.
Je dois avouer, Messieurs, que, dans ce travail, Davesiès
semble avoir écrit des pages paradoxales : ces pages, au
nombre de trois cents, où il montre une connaissance
parfaite de l'histoire de France, sont consacrées à prouver
que Paris est le fléau de la France, et, comme le dit
l'écrivain lui-même, un tyran des plus despotique qui
finira par tuer notre patrie. Après avoir lu sa thèse, il
faut dire, Messieurs, qu’elle est savamment exposée et
habilement défendue ; les faits se déroulent naturellement
dans leur sincérité historique et montrent Paris asser-
vissant la France durant cinq cents ans. Je ne m'étonne pas
que la presse parisienne, lorsque le travail de Davesiès
parut en 1849 et 1850, Fait attaqué avec violence, car
sa conclusion nette et sans phrases, était qu'il fallait dépla¬
cer le centre du gouvernement et le transporter dans une
autre ville, et éviter ainsi une prépondérance qui condam¬
nait les provinces aune funeste inertie, à l’acceptation dé¬
plorable des révolutions sans cesse renaissantes Mon but,
vous le comprenez, Messieurs, ne peut être ni de défendre
ni d'attaquer la pensée noblement audacieuse de Davesiès,
je veux seulement mettre en relief le talent de publiciste
de l’écrivain et le patriotisme de sa pensée ; on voit qu’il
sait beaucoup, réfléchit profondément, qu'une âme honnête
et un cœur français ont inspiré les pages remarquables de
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son travail, et qu’il serait peut-être bon et utile de ne pas
trop le reléguer parmi les insensées utopies.
Après les ouvrages que j’ai pu analyser, Davesiès compte
encore dans sa fortune d’écrivain deux volumes, l’un
d 'Eludes sur l'Orient et l'Egypte, l’autre de Mélanges
littéraires : on y trouve comme dans les autres, le litté¬
rateur l’historien, l’observateur ; mais l’importance n’est
pas la même. Davesiès a seulement jeté sa pensée sur les
pages, les a habillées promptement, et on peut facilement
voir que son dessin était de compléter ces écrits et de
leur donner une étendue et une forme plus dignes de lui
et de ses lecteurs.
Me voici parvenu, Messieurs, à la fin du travail que
l’amour de notre ville m’a imposé : en pensant que je
devais, à la mémoire d’un citoyen injustement oublié,
une réparation tardive, par un hommage public, je ne
crois pas m’être trompé ; je vous ai montré Davesiès
de Pontés, dans les onze volumes qu’il a produits, entrant
avec succès dans toutes les régions des connaissances
humaines, et j’aime à croire que vous partagerez mon estime
réfléchie et profonde pour notre compatriote ; parti très
jeune d’Orléans et ayant parcouru sa glorieuse carrière
loin de nous qu’il n’a jamais revu, il pouvait sans doute,
comme le sillage du vaisseau, être quelque peu oublié par
nous, et c’est notre excuse ; mais aujourd’hui le silence
serait impardonnable; nous connaissons maintenant Lucien
dans son âme, dans ses talents, dans sa noble vie, et
lorsque, dans une des salles du musée historique, nous
regarderons la figure de Davesiès si franche, si ouverte,
si réfléchie, la mémoire de nos séances des 30 janvier et
19 février se joindra à ce regard et nous pourrons dire :
c Lucien Davesiès de Pontés a été un excellent cultivateur
€ de la science et des arts et un véritable honneur pour
c Orléans. >
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RAPPORT
SUR LE
IMZJâaUCOXKÆi Q/TJX ZFX&IÉCÈilXE
Par M. Émile HUET.
Séance du 1 er Mai 1891.
Eucien Davesiès de Pontés est né à Orléans le 9 sep¬
tembre 1806 ; enlevé prématurément par la mort à Passy,
le 24|décembre 1859, après une vie longue par le travail,
il a laissé un bagage littéraire considérable ; huit ans
marin, puis par un singulier retour de fortune, treize ans
sous-préfet, aidé par une féconde activité d'esprit, il fut
amené par les circonstances à aborder l’étude de touies les
régions des connaissances humaines. Tour à tour litté¬
rateur, historien, artiste, poète, publiciste et philosophe,
il écrivit beaucoup, et scs œuvres réunies ne forment pas
moins de 11 gros volumes.
Pourquoi l'oubli s'est-il fait sur ce nom ? Pourquoi un
tel œuvre est-il tombé dans l’ombre? Sept villes, dit-on, se
disputent la gloire d’avoir vu naître Homère ; révérence
parler et toutes proportions sauves, pourquoi Orléans se
souvient il à peine de Davesiès de Pontés qui fut de ses
enfants ?
On pourrait chercher la réponse, la trouver peut-être.
Etendue sur tant de sujets absolument divers, l’étude doit
manquer de sérieux ; inspirée par des sentiments toujours
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généreux sans doute, mais quelquefois entachés d’utopie,
comme l’utopie elle devait peu durer, voilà ce qu’on
pourrait dire pour l’œuvre en général ; pour l'écrivain et
son origine orléanaise, on ajouterait avec plus de raison
qu’Orléanais il le fut bien peu, car il fit ses études à Paris,
et à vingt ans il partait aspirant de vaisseau et ne devait,
plus revenir à sa ville natale.
Mais on serait injuste et pour l’œuvre et pour l’écrivain,
si on voulait généraliser ce jugement. Il est de ces natures
d’élite qui, comme le dit M. labbé Desnoyers c ne jettent
« pas, sans doute, l’éclat des intelligences extraordinaires,
« mais sortent de la route commune », et ce n’est pas
une façon banale d’en sortir que de prendre à l’envî
et l’un après l’autre tous les chemins qui viennent y
aboutir et de laisser dans tous une trace que l’on pourra
suivre avec fruit.
Lucien Davesiès de Pontés avait au plus haut degré une
de ces natures sortant du commun ; écoutez plutôt le juge¬
ment que M. l'abbé Desnoyers porte sur les œuvres qu’il a
laissées : Littérateur, ses pensées sont hautes, son style
est noble, coloré et plein d’aperçus délicats. Très fin et
heureux appréciateur de Virgile et d’Homère, il allaitpuiser
dans son étude aux sources même du bon goût, dans ces
grands classiques trop délaissés. Ne serait-ce pas pour cela
que ses observations et son jugement sont si sûrs, et
indiquent un littérateur à la pensée clairvoyante? Il aima
passionnément les beaux-arts , qu’il alla étudier sur place
en Grèce, en Allemagne, en Italie, la terre classique;
il en parle en observateur et l’on ne peut que constater
la finesse etl’excellence de son jugement; quand il admire,
son admiration est raisonnée et persuasive ; du Poète , il
avait la facture, l’aisance et la richesse, et la langue de
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sa muse française est tantôt suave, tantôt vigoureuse, tantôt
simple, tantôt bondissante ; il fallait ces qualités pour
traduire l'Iliade ou Chiid-Harold. 11 réussit moins comme
dramaturge , et si le GonfalorAer de Brescia a du mouve¬
ment et de l'intérêt, il s’y trouve encore plus de fantaisie
et d'invraisemblance. Dans ses travaux historiques il fait
preuve d'un jugement droit et d'un goût éclairé ; il juge
Augustin Thierry dont il avait été l'ami et le disciple :
pouvait-il être à meilleure école ?
Son passage .dans l’administration sous-préfectorale fit
de lui, qu'il fût en fonctions ou qu'il les eût résignées, un
'publiciste , et il apporta dans ses nouveaux travaux ses
grandes qualités de finesse dans l’observation ; enfin
moraliste , s’il semble quelque peu paradoxal, il ne faudrait
pas se hâter toutefois de ranger certains de ses travaux,
— notamment celui qui porte ce titre de : Paris tuera la
France, — parmi les utopies insensées.
Tel est, Messieurs, le résumé trop court du mémoire si
intéressant dont vous avez entendu la lecture; je me
sens tenté de lui appliquer une grande partie des qualités
qu'il relève à l’actif de son héros ; finesse et sûreté d’ap¬
préciation; style coloré, hautes pensées, admiration rai¬
sonnée et persuasive ; bien persuasive, en effet, car en
le lisant vous éprouverez comme moi le désir de lire
ces onze volumes où M. l’abbé Desnoyers a lu tant
de belles choses. Voilà Davesiès de Pontés bien vengé de
l’oubli.
M. l’Abbé me permettra-t-il de lui adresser une critique?
On dit qu'un rapport doit en contenir au moins une :
critiquons donc.
Davesiès de Pontés était devenu homme à cette époque où
l’on était encore enthousiaste , Schopenhaüer n’était point
alors de mode. Les grands parlementaires remuaient de
grandes idées, les politiques soulevaient de hautes questions.
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— 220 —
On était Philhelléne de pensée et d’action, on chantait
Missolonghi et on allait se battre aux côtés de Kanaris.
Les esprits inquiets recherchaient la rénovation sociale :
on était Saint-Simonien, disciple du Père avec T hierry,
Félicien David et tant d’autres.
Davesiés de Pontés fut enthousiaste et novateur, et
de la façon la plus ardente. Et voilà ma critique : Cette
incursion dans le Fouriérisme, le mémoire le dit bien, ce
fut un égarement, et la conduite de Lucien est inexcu^
sable; mais combien à regret, avec quelle finesse d’ap¬
préciation, quel cœur. M. Desnoyers lui fait ce reproche!
€ L’àme généreuse et délicate de notre compatriote se laissa
« séduire par l'idée d’un progrès dans la situation des peu-
« pies et d’une transformation sociale ; il ne sut résister au
« combat pour refaire l’homme et surtout émanciper la
« femme, injustement condamnée à un rôle subalterne; tout
t cela devait plaire à Davesiés, dont l’ame élevée ne se
« résignait pas à se traîner dans les routes battues et vul-
« gaires. Voilà je pense, Messieurs, la seule explication
€ d’un égarement qui sans elle rendrait la conduite de
« Lucien inexcusable. » La générosité du cœur fut aussi une
vertu de Davesiés; jeune, elle l’entraina aux rêveuses
utopies, mais cela dura peu ; plus rassis elle le ramena tout
doucement à la vérité chrétienne; son àme délicate devait
en venir là. Mais alors l’excuse du mémoire est donc juste et
ma critique mal fondée? Mettons alors que je n’ai rien dit !
Cependant, le bibliophile Jacob, l’un des proches parents
de Davesiés, dans une étude qu’il lui consacra et qui parut
en deux articles de la Revue des Provinces, vers
l’année 1864, relate ce jugement, porté par l’Administra¬
tion sur le sous-préfet de Libourne de 1840; il est regarde
par elle comme c un utopiste incurable » l’appréciation
doit être quelque peu vraie, car P. Lacroix, constate quel¬
ques lignes plus loin avec quelle facilité son parent entre-
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221 —
prend et délaisse tour à tour une foule de travaux divers;
« il passait successivement d’une idée à une autre, d’un
« projet à un autre projet. » Cette utopie, passagère je le
veux bien, cette versatilité, ne seraient-elles pas l’expli¬
cation de l’oubli ?
Mais alors, M. l’abbé Desnoyers a pleinement atteint le
but qu’il poursuivait, sauver de l’oubli ce qui y était trop
injustement jeté et il l’a atteint de lafnçonla plus heureuse,
en mettant en lumière les ouvrages de Davesiès : voilà
pour l’œuvre. Un écrivain de race, de sa famille par le
sang l’avait déjà précédé en publiant sa biographie ; un
écrivain de cœur, de sa famille Orléanaise, la rappelle aux
Orléanais : voilà pour le compatriote. C’était justice et
justice est faite. Le mémoire le dit excellemment :
Me voici parvenu, Messieurs, à la fin du travail que l’amour de
notre ville m’a imposé ; en pensant que je devais, à la mémoire d'un
citoyen injustement oublié, une réparation tardive, par un hommage
public, je ne crois pas m’être trompé; je vous ai montré Davesiès de
Pontés, dans les onze volumes qu’il a produits, entrant avec succès
dans toutes les régions des connaissances humaines, et j’aime à croire
que vous partagerez mon estime réfléchie et profonde pour notre com¬
patriote; parti très jeune d’Orléans et ayant parcouru sa glorieuse
carrière loin de nous qu’il n'a jamais revu, il pouvait, sans doute,
comme le sillage du vaisseau, être quelque peu oublié par nous et
c’est notre excuse; mais aujourd’hui le silence serait impardonnable ;
nous connaissons maintenant Lucien dans son âme, dans ses talents,
dans sa noble vie, et lorsque, dans une dos salles du Musée historique,
nous regarderons la figure de Davesiès si franche, si ouverte, si
réfléchie, la mémoire de nos séances des 30 janvier et 19 février se
joindra à ce regard et nous pourrons dire : t Lucien Davesiès de
« Pontés a été un excellent cultivateur de la science et des arts et un
t véritable honneur pour Orléans. »
★
* *
Si Davesiès est né à Orléans et à ce titre doit être des
nôtres, il le sera plus encore lorsque nous aurons signalé
les bustes qui rappellent ses traits au Musée et à la Biblio-
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— 222 —
thèque, ainsique son tombeau qui conserve ses restes dans
notre cimetière.
Le buste de bronze, signé : J. du Seigneur, daté de 1865
et portant cette mention : « d’après un Daguerréotype fait
en 1853 », est dans l’une des salles du musée de peinture ;
ce n’est pas le seul souvenir matériel de Davesiès que
possède la ville d’Orléans; le même buste, le modèle sans
doute, en plâtre coloré, est conservé à la bibliothèque. La
figure pleine et robuste est agréable. C’est la faute du bronze
sans doute, mais les yeux sans lumière répandent sur le
visage comme une expression vague, que ne parvient pas à
fixer le cou large, serré dans une cravate à deux tours et
l’impériale mouchetant le menton. La figure est rêveuse et
il m’a semblé y voir quelques traits de ressemblance avec
celle de l’empereur Napoléon III.
Une très jolie gravure de Nargeot, mise en tête d’une
notice biographique, extraite des articles du bibliophile
Jacob, est évidemment inspirée par ce buste.
JVIais Orléans possède plus qu’une effigie de Davesiès de
Pontés. « Sa veuve, la noble compagne de sa vie, de ses
« pensées et de ses études, s'est imposé la tâche de
« recueillir elle-même et de faire imprimer les essais en
« tous genres qu’il a laissés malheureusement inachevés. »
Puis se souvenant de l’origine orléanaise de son mari,
sachant que son père était mort à Orléans, ayant laissé le
renom le plus honorable et comme homme et comme direc¬
teur des Domaines, elle a voulu que la dépouille mortelle du
fils vint dormir là l’éternel sommeil aux côtés de celle du
père, reconstituant ainsi dans la mesure du possible, la
famille à son lieu d’origine. C’est par ses soins qu’ont été
élevées les tombes qu’on peut voir aujourd’hui au cimetière
St-Vincent.
La plus haute, qui porte en son sommet un médaillon de
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— 223 —
bronze creux, où la figure est plus jeune et plus souriante
que dans le buste du musée, est gravée de ces mots :
A LUCIEN DAVESIÈS DE PONTES
MORT A PA8ST, LE 24 DÉCEMBRE 1859
SA VEUVE INCONSOLABLE
La plate tombe mise au bas, ajoute à droite : âgé de
52 ans. — Et plus bas, ce texte : c Heureux ceux qui meu-
« rent dans le Seigneur ; dès à présent, dit l’Esprit-Saint,
« ils se reposent de leurs travaux car leurs œuvres les
« accompagnent et les suivent. >
La partie gauche de la même plate tombe porte : c Et de
« Margaret Phillips, veuve de Lucien Davesiès de Pontés,
c morte à Paris, le 27 décembre 1867, âgée de 47 ans. —
« A voulu reposer auprès de celui qu’elle a tant aimé. »
A gauche, le père et la mère, et plus loin encore son
frère, le général Amédée Théodore et à la droite, une sœur,
sans doute, portant le nom de Mlle de la Mariouze.
Pieux rendez-vous. L'œuvre de mort accomplie, la famille
du sang est venue là se réunir. M. l’abbé Desnoyers a fait
œuvre de vie en réveillant le souvenir d’un enfant trop
méconnu de la famille orléanaise.
La section des lettres, a l'honneur de vous proposer,
Messieurs, l’impression du mémoire de M. l'abbé Desnoyers.
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STATISTIQUE MÉDICALE
De la "Ville d’Orléans
ANNÉES 1887, 1888, 1889, 1890
Par M. le Docteur LEPAGE.
Séance du 3 Juillet 1891 .
Depuis de longs mois, l’Académie de médecine, poussée
par un patriotique enthousiasme, s’occupe de la dépopula¬
tion de la France ; mais il ne suffît point de venir nous
montrer que notre population s’accroît avec une lenteur
désespérante, alors que les autres pays pullulent à qui
mieux mieux; il faut encore, après avoir lutté pendant une
année entière contre la maladie, que nous comptions nos
morts.
N'est-il point navrant, en effet, de voir, comme en 1890
par exemple, que près d’un tiers, 464 sur 1,628 ont été
décimés à la fleur de l’âge ; 231 dans les premiers mois qui
ont suivi leur naissance, les 233 autres avant d’avoir
atteint leur vingtième année, succombant aux maladies
infantiles, aux inflammations intestinales, aux affections
contagieuses, ennemies vigilantes sans cesse en éveil aux
chevets des berceaux de l’enfance.
1890 a du reste été, avec 1887, l’une des années les plus
meurtrières chez l’enfant.
Avant de combattre, sachons donc d’abord le nombre
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de nos ennemis, reconnaissons ceux d’entre eux qui sont
les plus acharnés contre nous.
« Fixons, comme le disait Guérard à l’Académie, la
part qui dans la mortalité générale doit être attribuée à
chaque maladie en particulier, aux influences locales, aux
saisons, etc., et nous obtiendrons ainsi des documents
précieux qui, accumulés d'année en année, vérifiés ou
corrigés avec le temps, conduiront à découvrir et à neu¬
traliser bien des causes d’insalubrité, à favoriser l’amélio¬
ration physique et morale de l’homme. »
C’est là le but que se propose cette étude, appelée à con
tinuer les travaux abandonnés depuis quelques années par
l’un de mes honorables confrères, M. le D r Patay. Ces
travaux du reste me serviront de base, me tiendront lieu
de guide. J’aurais voulu reprendre la statistique là où il
l’avait laissée mais, faute de temps, j’ai reculé, du moins
quant à présent, devant ces 16,000 certificats poussiéreux,
entassés depuis de longues années au milieu des archives
de la mairie.
Je me suis contenté de remonter moins loin, et de com¬
prendre seulement dans cette statistique les années 1887,
1888, 1889 et 1890, et je m’estimerai très heureux si ce
travail peut être de quelque utilité, tant petite soit-elle, et
si l’on peut s’appuyer sur lui, pour en tirer quelques con¬
clusions et quelques renseignements au profit de la vie
humaine.
La Direction de l’Assistance et de l’Hygiène publique au
ministère de l'Intérieur exige de toutes les grandes villes
de France l’envoi d’un bulletin de statistique sanitaire
mensuel sur lequel doivent être rangés tous les décès sur¬
venus pendant le mois dans la commune.
Il faut que dans cette feuille, l’employé de mairie chargé
de ce travail, s’évertue à faire rentrer dans 27 catégories
différentes tous les décès selon leurs causes.
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— 226 —
Voici la nomenclature de ces causes dedéoés auxquelles
il est tenu de se conformer :
1. Fièvre typhoïde ou muqueuse.
2. Variole.
3. Rougeole.
4. Scarlatine.
5. Coqueluche.
6. Diphtérie, croup, angine couenneuse.
7. Choléra asiatique.
8. Phtisie pulmonaire.
9. Autres tuberculoses.
10. Tumeur.
11. Méningite simple.
12 Congestion et hémorrhagie cérébrales.
13. Paralysie sans cause indiquée.
14. Ramollissement cérébral.
15. Maladies organiques du cœur.
16. Bronchite aigue.
17. Bronchite chronique.
18. Pneumonie, broncho-pneumonie.
19. Diarrhée, gastro-entérito.
20. Fièvre et péritonite puerpérales.
21. Autres affections puerpérales.
22. Débilité congénitale et vice de conformation.
23. Sénilité.
24. Suicides.
25. Autres morts violentes.
26. Autres causes de mort.
27. Causes restées inconnues.
Ranger ainsi tous les décés est un travail toujours diffi¬
cile, pour qui, n’ayant point fait d’études spéciales, ne
saurait connaître toutes les dénominations sous lesquelles
on peut, pour ainsi dire, cacher toutes les maladies causes
de mort.
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— 227 —
Néanmoins ce travail est facilité, car toute maladie qui
n’est pas celle indiquée dans les autres catégories, est
rangée bien à tort dans la classe n° 26 ainsi intitulée:
autres causes de mort ; classe bien vaste et bien élastique ;
en effet nous la voyons toujours contenir un grand nombre
de décès: 370 sur 1,544 en 1887, 347 sur 1,481 en 1888,
344 sur 1,460 en 1889.
On m’objectera que ce sont décès dont la connaissance
importe peu : non certes, car pour l’année 1890, si j’avais
suivi de point en point cette nomenclature.
1° J’y aurais fait rentrer 83 affections des voies respira¬
toires qui ne sauraient trouver place dans les trois para¬
graphes de cette statistique : n° 16, bronchite aigue ; n" 17,
bronchite chronique; n° 18, pneumonie, broncho-pneu¬
monie ; et cependant il est bien de quelque importance de
savoir exactement le nombre de nos morts par affections
pulmonaires, nombre si malheureusement accru en 1890,
étant donnée l’épidémie d’influenza qui fondit sur nous dès
le début de l’année, et fît de si nombreux vides dans les
familles.
On devrait donc ajouter à cette nomenclature une
classe 18 bis que l’on pourrait catégoriser ainsi : Autres
affections des voies respiratoires.
2° Au point de vue des affections cérébrales, ne devrait-on
pas également, non pas ajouter ici une catégorie, mais
remplacer le n° 13 : Paralysie sans cause indiquée , dans
laquelle on voit toujours peu de décès, par une autre
classe ainsi conçue : Autres affections cérébrales, affec¬
tions nerveuses ; dans cette catégorie, on pourrait faire
rentrer les encéphalites, les convulsions si fréquentes chez
l’enfant, les méningites tuberculeuses, les paralysies, les
embolies cérébrales, etc., classe dans laquelle j’ai rangé en
1890, 126 décès dûs à ces diverses maladies, décès jetés
pêle-mêle jusqu’à ce jour au paragraphe 26.
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— 228 —
3° L’article 19 : Diarrhée, gastro-entérite, ne renferme
pas toutes les maladies de l'appareil digestif, et je propo¬
serai ici d’ajouter une classe qui renfermerait toutes ces
autres affections, ainsi que celles des annexes des voies
digestives, foie, péritoine, etc., au nombre de46 pour 1890
et classées jusqu’ici toujours au même n* 2C.
4° Deux classes pour les affections puerpérales sont de
trop actuellement qu’avec le perfectionnement de l’anti¬
sepsie ces maladies tendent à disparaître, et l’on pourrait
de cette façon avoir :
Classe 20 : Autres affections des voies digestives et
annexes.
Classe 21 : Fièvre puerpérale et autres affections puer¬
pérales.
5° Enfin, ceci soit dit à lintention de mes confrères, ne
devrait-on pas supprimer la dernière classe : Causes restées
inconnues, car les moyens sont nombreux, tout en sauve¬
gardant le secret professionnel, de porter à la connaissance
de la municipalité (qui du reste peut l’exiger) les vraies
causes de mort.
12 certificats seulement portaient cette année comme
cause du décès : mort naturelle ; mes confrères ont bien
voulu m’indiquer la vraie cause de ces décés, et j'arrive
ainsi à réduire k peu près à néant la classe 27 : Causes
restées inconnues. J’espère qu’il en sera de même les années
suivantes ; je dis à peu près, car pour quatre seulement de
ces morts je n’ai pu obtenir des renseignements vraiment
suffisants; ils composeront à eux seuls cette catégorie.
Ces réformes étant admises, j’obtiendrai une nomencla¬
ture ainsi établie, qui ne sera pas plus longue que l’an¬
cienne et qui me paraît plus apte à donner toutes satis¬
factions aux statisticiens :
1. Fièvre typhoïde.
2. Variole.
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— 229 —
3. Rougeole.
4. Scarlatine.
5. Coqueluche.
6. Diphtérie, croup, angine couenneuse.
7. Choléra asiatique.
8. Tuberculose pulmonaire.
9. Autres tuberculoses.
10. Tumeur.
11. Méningite simple.
12. Congestion et hémorrhagie cérébrales.
13. Autres affections cérébrales. (Classe nouvelle.)
14. Ramollissement cérébral.
15. Maladies organiques du cœur.
16. Bronchite aigue.
17. Bronchite chronique.
18. Pneumonie, broncho-pneumonie,
18 bis . Autres affections des voies respiratoires.
(Classe nouvelle.)
19. Diarrhée, gastro-entérite.
20. Autres affections des voies digestives et de leurs
annexes. (Classe nouvelle.)
21. Fièvre puerpérale et autres affections puerpérales.
22. Débilité congénitale et vice de conformation.
23. Sénilité.
24. Suicides.
25. Autres morts violentes.
26. Autres causes de mort.
27. Causes restées inconnues.
j espère que ces légères modifications pourront être
appliquées à la statistique ministérielle sans en com¬
pliquer les rouages .
C’est l'ordre que je suivrai dans ce travail pour les décès
de 1890. J'aurais voulu le faire également pour les causes
de morts des trois autres années, mais Les recherches
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— 230 —
nécessaires étant par trop considérables, je n’ai pu pour ces
trois années, établir la statistique sur ces bases et j’ai dû
me contenter des bulletins mensuels fournis au ministère.
Des tableaux aussi nombreux que possible sont joints à
ce travail, pour le rendre plus précis et attirer davantage
l'attention en en concentrant les données.
Deux parties principales composeront cette étude.
Dans la première, je suivrai pas à pas la mortalité à tra¬
vers les âges, les sexes, dans les hôpitaux d’adultes, d’en¬
fants, de vieillards, d’aliénés.
Dans la seconde, j’étudierai la statistique mortuaire ouïe
relevé des causes de décès.
Celles-ci étant connues, en mourrons-nous moins? Je
l'espère, car nous aviserons alors au moyen de les com¬
battre dans la mesure dp possible ; et la constatation des
maladies causes de mort conduira nécessairement à l’inves¬
tigation étiologique do ces causes mêmes et par suite à
l’application des mesures d’hygiène et d'administration les
plus propres à lutter contre elles sur le lieu même d’ori¬
gine.
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— 231 -
PREMIÈRE PARTIE.
DE LA MORTALITÉ.
§ I".
Etant donnée la population de la Ville d'Orléans, et le
nombre de morts qui éclatent chaque année dans la Ville,
combien chaque habitant a-t-il de chances annuelles d’être
épargné ? En un mot, Qorabien avons-nous par an de morts
pour 1,000 habitants, c’est-là un des premiers points à élu¬
cider.
Nous nous baserons pour la recherche de cette inconnue
sur le dernier recencement fait en 1886 et qui attribuait à
la Ville 60,826 habitants en y comprenant 3,565 hommes
de troupes.
En 1887, nons avons un chiffre total de décès égal à
1,544. Si nous le proportionnons à la population totale de
60,826 habitants, nous trouverons 25 décès 38 pour 1,000
habitants.
En 1888, avec 1,481 morts et le même nombre d’habi¬
tants, nous obtenons une moyenne de 24, 34 00 / 00 .
En 1889, nous n’avons que 1,460 décès, soit 24 °°/ oa .
En 1890, le chiffre de décès est le plus considérable de
ces quatre années, il s’élève à 1,628, soit 26,76 °°/ 00 .
Soit pour ces quatre années: 6,113 décès et eu établissant
la moyenne des moyennes, nous obtenons le chiffre de
25,12
25 décès pour 1,000 habitants chaque année, par consé¬
quent 975 pour 1,000 d’épargnés, voilà un premier point
élucidé par la statistique.
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— 232 -
§H.
Mais une seconde question tout aussi importante se pré¬
sente aussitôt.
A quel âge meurt-on le plus ? Il va être aussi facile de
l’établir chiffres en main.
Pour plus de clarté, nous diviserons l’existence en cinq
périodes :
1° Les enfants de moins d’un an ;
2* Ceux de 1 à 19 ans ;
3° Les adultes de 20 à 39 ans ;
4° Ceux de 40 à 59 ans ;
5* De 60 ans et au-delà ;
6° Les morts nés viendront compléter les nombres de
décès.
Voici les tableaux ainsi faits pour les quatre années qui
nous occupent :
Année 188T
MOIS.
MORTS-
NÉS.
MOINS
d'un an.
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Mars.
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Avril.
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17
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174
Mai.
3
17
27
13
21
59
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Juin.
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13
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37
123
Juillet.
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23
32
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Août.
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Octobre.
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Année 1888
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— 234 —
Année 1800
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Décembre ....
12
17
27
64
141
Totaux.. ..
49
231
231
213
262
t>40
1.628
Ces chiffres seront plus convaincants encore en en faisant
la récapitulation comme dans le tableau ci-dessous.
ANNÉES.
MORTS-
NÉS
C/5 à
Y *
3 §
<« ha
De 1 à 19
ans.
De 20 à 39
ans.
De 40 à
ans.
De 60 ans
et au-delà
TOTAUX.
UIMM
49
249
219
184
224
619
1.544
1888.
69
233
198
227
584
1.481
1889.
73
176
223
192
203
593
1.460
1890.
49
231
233
213
262
1.628
Totaux...
240
895
873
753
916
2.436
G.113
Chez les enfants de moins d’un an, comme nous le voyons,
les décès sont extrêmement nombreux; sur 6,113 décès, si
nous faisons le total de ces quatre années, nous en trou¬
vons 895, soit 14,64 °j 0 .
De 1 an à 19 ans, 873 autres, 14,28 % ont succombé ;
viennent ensuite 753/lécès de20 à 39 ans soit 12,31 °/ # ; 916
de 40 à 59 ans ou 14,98 °/ 0 ; enfin, chiffre énorme, 2436,
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— 235 —
plus du tiers 39,85 °/o û partir de 60 ans ; on compte en
outre 240 morts nés, 3,92 °/\
En 1889, nous avons perdu beaucoup moins d'enfants
que les trois autres années ; en 1890, le chiffre des vieil¬
lards est plus considérable.
§ III.
Les mois de juillet, août et septembre sontles plus funestes
aux enfants de moins d’un an, mois de diarrhées et d’athrep-
sie ; il en est de même de ceux de mars, avril, mai, mois de
rougeole et de bronchopneumonie.
Ce sont encore ces maladies qui augmentent le nombre
des décès dans la seconde catégorie, de 1 à 19ans, cardans
cette classe, la majeure partie des morts atteint les enfants
âgés de moins de 10 ans.
Chez les adultes, les mois les plus chargés sont janvier,
février, mars, époque d’influenza et d’affections des voies
respiratoires.
Chez les vieillards, ce sont encore les premiers mois de
l’année où l’on relève le plus de décès, tant par sénitité que
par affections cérébrales et pulmonaires, et les morts
augmentent à nouveau chez eux avec les mois d’hiver.
Voici du reste par mois, le nombre total des décès de
chacune des quatre années dont nous parlons.
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Google
— 236 —
MJlS
1887
1888
1889
1890
TOTAUX.J
Janvier.
159
117
■i
211
Mi
Février.
111
152
m
154
569
Mars.
156
180
wmSm
189
652
Avril.
m
131
119
132
556
Mai ..
129
139
130
538
Juin.
123
124
100
123
470
Juillet...
133
101
120
98
452
Août.
118
96
98
129
441
Septembre.
124
110
109
128
471
93
113
93
100
399
Novembre.
106
119
91
93
409
187
109
165
141
522
Totaux...
1.544
1.481
1.460
1.628
6.113
Comme nous le voyons d’après ces chiffres, ce sont les
mois d’hiver qui sont les plus chargés de décembre à avril.
Le mois de mars est celui qui a le plus de décès, le mois
d’octobre est au contraire le mois du minimum.
L’épidémie d’influenza est venue augmenter le nombre
des décès dans une assez forte proportion ; ainsi en décem¬
bre 1889, début de l’épidémie, nous avons 165 morts au
lieu de 119, moyenne des trois autres mois de décembre ;
au mois de janvier 1890, 211 décès au lieu de 141 en
moyenne.
§ IV.
Les deux sexes sont en moyenne à peu près également
frappés ; ainsi, si en 1890 nous défalquions les enfants âgés
de moins de 15 ans, nous trouvons chez les adultes 1,142
décès se divisant en 577 Hommes et 565 femmes.
Ils sont ainsi diversement répartispour les différents mois
de l’année.
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— 237
SEXES.
TOTAUX. |
Février. ||
*c
►
◄
Mai. |
Jun. |
JD
'5
*■»
5
O
<
«
L.
-O
B
©
Q.
©
K
Octobre. |
Novembre |
©
U
Æ
B
«
o
a
Hommes....
377
52
74
42
45
23
33
41
43
48
Femmes....
565
79
61
41
35
43
46
33
35
37
32
63
§ v.
Les 1,628 décès enregistrés en 1890, se répartissent
ainsi que le montre le tableau suivant tant en ville que
dans les divers hôpitaux d’adultes, d’enfants, de vieillards
et d'aliénés.
Janvier. |
Février. |
C
a
2
c
►
<
’3
2
c
"3
| MI! n f
-3
O
◄
Septembre |
Octobre. 1
Novembre |
Déombre. j|
X
*<
g
h
Hôtel-Dieu.
34
20
39
13
17
18
H
18
17
12
16
21
23î
Salles militaires..
5
6
3
3
2
1
1
1
2
1
»
1
28
Hôpital général...
16
13
11
9
16
10
8
8
9
7
7
14
128
Aliénés (Asile d’)..
6
8
8
1
3
4
6
3
2
1
4
8
54
Petites-Sœurs....
7
3
6
7
3
1
1
3
2
3
4
6
4<
Prison.
3
»
»
»
\
»
»
>
>
»
»
1
*
Totaux...
71
£5
O
bü
33
“42
“34
26
"33
32
24
31
51
49;-
Décès en ville....
140
104
120
99
88
>9
72
96
96
76
62
90
1.135
Totaux...
211
134
189
132
123
98
129
128
93
141
1.628
Nous relevons donc comme total 1,135 décès en ville,
260 à l’Hôtel-Dieu, se subdivisant en 28 pour les salles
militaires, 149 dans les salles d'adultes des deux sexes,
9 à la maternité (débilité congénitale chez les enfants),
34 à l’hôpital des enfants; 128 morts à l’Hôpital-Général,
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Google
— 238 -
dont 98 chez les vieillards et incurables, 30 aux enfants
assistés, à la. Crèche.
L’établissement de vieillards dirigé par les Petites Sœurs,
des Pauvres, donne 46 décès pour les vieillards des deux,
sexes. L’asile d’aliénés en compte 54 ; la Prison, 5.
Un chiffre qu’il aurait fallu établir, c’était la mortalité
dans les Collèges et pensionnats pour chaque sexe, mais
presque toujours les enfants sont rendus à leur famille au
moindre signe de maladie sérieuse, tant sur la demande de
celle-ci, que par crainte de la contagion si facile à se pro¬
pager dans les agglomérations infantiles ; il m’a été impos¬
sible d’être éclairé à ce sujet.
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— 239 —
SECONDE PARTIE.
DES CAUSES DE MORT.
Je ne puis mieux faire pour relever les causes de décès
des trois premières années qui nous occupent, 1887, 1888,
1889 que de les concentrer eu un tableau général en me
conformant aux chiffres officiels ; mais que d’inconnus en
ce tableau où nous voyons chaque année en moyenne 350
sur 1,500 décès, près d’un sur 4, mal classés et par consé¬
quent sans valeur. Sont-ce des affections cérébrales, pul¬
monaires, des affections des voies digestives, des périto¬
nites, nous l’ignorons. Espérons qu’à l'avenir nous serons
mieux partagés et que feuilletant à temps les certificats de
décès, et les classant selon nos désirs, nous arriverons à
mieux éclaircir la situation.
On a l’air en effet jusqu’à ce moment de ne point s’occu¬
per d’autres maladies des voies digestives que de la Gastro-
entérite, et cependant l’on meurt de Péritonite simple
(22 en 18'.!0) de typhlite, d’occlusion intestinale ; on suc¬
combe aux affections du foie, dans ce siècle d’alcoolisme
(16 décès), sans compter les cas de carcinomes développés
dans cet organe si complexe.
On laissedecôté les congestions pulmonaires (52 en 1890)
si fréquentes actuellement pendant les hivers rigoureux
que nous traversons depuis quelques années, et qui occa--
sionnent bien des morts subites.
On rejette pêle-mêle dans l’inépuisable classe 26, avec
toutes ces affections, les encéphalites, les maladies de la
moelle épinière, les névroses, l’aliénation mentale, les con¬
vulsions de l’enfance, comme autant d’ennemis qu’on ne
daigne pas combattre,et à qui on a l’air d’abandonner leurs
proies. Il faut lutter, lutter encore, et savoir comme je le
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— 240 —
propose, le nombre de ces ennemis qui nous guettent, afin
de pouvoir les combattre corps à corps et ouvertement.
C'est donc avec regret et dans 1/impossibilité où je suis
actuellement d’agir diversement, que je vais indiquer les
causes de mort de 1887 à 1889. Il n’en sera pas de même
pour 1890, où je suivrai la nomenclature si peu différente
que je propose, et dont il sera possible de tirer plus de ren¬
seignements.
Pour ces quatre années, les décès que nous savons être
au nombre de 6,113 se répartissent de la façon suivante,
selon les maladies qui les ont causés.
Causes de décès pour les années 1887, 1888 et 1889.
U
06
a
06
O
O
2
CAUSES DE DÉCÈS.
1887
1888
1889
1
Fièvre typhoïde ou muqueuse.
9
12
20
2
Variole.'.
1
1
17
3
Rougeole.•.
22
»
3
4
Scarlatine. .....
1
7
22
5
Coqueluche.
3
7
3
6
Diphtérie, Croup, Angine couenneuse
16
25
52
7
Choléra asiatique.
»
1
>
8
Phtisie pulmonaire.
153
136
126
9
Autres tuberculoses.
54
33
48
10
Tumeur.
52
86
11
Méningite simple.
56
27
12
Congestion et Hémorrhagie cérébrales
136
121
111
13
Paralysie sans cause indiquée.
13
5
»
14
Ramollissement cérébral.
36
26
49
15
Maladies ôrganiques du cœur.
99
10
Bronchite aigüe.
42
22
17
Bronchite chronique.
35
26
40
18
Pneumonie, Brocho-pneumonie ....
168
162
88
19
Diarrhée, Gastro-entérite...
91
107
91
20
Fièvre et Péritonite puerpérales ....
8
3
6
21
Autres affections pucrpéralés.
2
3
1
22
Débilité congénitale et vice de con¬
formation. ..
27
38
22
23
Sénilité.....
76
53
83
24
Suicides.
11
16
11
25
Autres morts violentes.
10
13
7
26
Autres causes de mort....
370
347
344
27
Causes restées inconnues.
»
2
9
Morts-nés,....
49
69
73
Totaux.
1.544
00
«r«
1.460
Digitized by
Google
1 800
— 241 —
Digitized by t^.ooQle
— 242 —
Prendre ces classes les unes après les autres, les étudier
avec quelques détails, voir ce que pour chacune d’elles
nous avons perdu ou ce que nous avons gagné dans cette
période de quatre années consécutives, sera le but de cette
seconde partie
il.
DE LA. FIEVRE TYPHOÏDE.
9 cas, en 1887; 12, en 1888; 20, en 1889; 18, en 1890,
tel est le bilan de la fièvre typhoïde pour ces quatre der¬
nières années. Ces cas se sont déclarés comme l’indique le
tableau ci-dessus dans les différents mois de ces quatre
années.
ANNÉES.
Février. |
i
sa
S
>
<
‘3
S
a
’3
*->
©
3
5
0
«
4/
JS
6
©
Cu
©
TA
Octobre. |
Novembre ||
Décembre. |
TOTAL
1
*
1
2
1
1
H
»
y>
i
1
3
9
1888.
■
»
3
4
»
m
■
1
»
4
1
»
12
18*9.
2
2
1
i
1
1
2
1
1
3
2
4
1890.
»
1
2
1
»
1
2
1
4
4
1
1
18
Totaux..
3
3
7
7
“2
2
4
2
1 3
1*
4
8
59
Elle semble demeurer chez nous à l’état endémique mais
avec une légère tendance à l’augmentation ; le plus grand
nombre de décès a lieu en octobre. Elle choisit presque
exclusivement ses victimes dans la période de la vie de 1
à 40 ans et surtout de 1 à 20 ans.
En 1890, nous avons deux cas qui ont simultanément
éclaté au n° 2, de la rue Parisis, au rai s de septembre ; les
deux malades transportés àl’Hôtel-Dieu y ont succombé.
Si de ce point nous tirons une ligne allant du nord au sud,
nous trouvons tous les autres décès situés à l’ouest de cette
ligne, sans aucune exception.
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— 243 —
Les quartiers les plus contaminés, sont le faubourg Ban*
nier, rue de la Bourie, rue des Closiers ; le quartier des
hôpitaux, rue de Limare, rue des Curés, faubourg Made¬
leine.!
Dans les premiers mois de l’année, les cas ont été assez
nombreux dans ce quartier, faubourg Madeleine, rue du
Baron, quai St-Laurent, quoiqu’on n’ait eu qu’un seul
décés à enregistrer.
C’est au contraire à partir du mois de septembre, que la
fièvre typhoïde s’est propagée du côté du faubourg Bannier
et des rues avoisinantes; les cas y ont été également assez
nombreux, surtout du côté des Aydes.
Deux canonniers du 30 e régiment d’artillerie sont égale¬
ment venus succomber à l’Hôtel-Dieu, atteints de dothie-
nentérie, ainsi qu’un militaire de passage à Orléans.
Un cas s’est déclaré à l’asile des aliénés, un cas rue des
Montées, à St-Marceau.
Voici du reste, la liste des 18 cas de 1890, ayant occa¬
sionné la mort.
1
11
\
février
52
ans
femme
2
8
mars
23
»
homme
3
30
mars
17
»
femme
4
23
avril
18
»
homme
5
18
juin
19
»
i
6
5
juillet
33
»
»
7
12
juillet
18
»
»
8
27
août
23
»
9
9
15
septembre
20
»
V
10
16
septembre
5
»
enfant
11
17
septembre
37
»
homme
12
27
septembre
64
»
femme
13
6
octobre
38
>
homme
14
9
»
71
»
»
15
18
»
22
t
9
16
19
»
40
)>
femme
17
28
novembre
34
t
homme
18
7
décembre
36
»
9
rue Bannier, 100.
30 e d'artillerie, décédé à l’Hôtel-Dieu
faubourg Madeleine, 11.
rue des Montées, 23.
rue de Limare, 19.
rue des Curés, 9.
30 e d'artillerie, décédé à l'Hôtel-Dieu
militrirc de passage, »
rue Parisis, 2. »
faubourg Bannier, 433.
rue Parisis, 2, décédé à rHôtel-Dieu.
rue de la Bourie Blanche, 1.
h rilôtel-Dieu.
rue des Closiers, 6.
rue Louis-Rognet, 20.
à l’Hôtel-Dieu .
»
Asile des aliénés.
13 hommes, 4 femmes et un enfant.
Digitized by (^.ooQle
VARIOLE.
La variole qui n’avait causé qu’un seul décès en 1887, et
un en 1888, a eu une assez vive recrudescence en 1889,
dans les six premiers mois de l’année, où nous constatons
17 cas suivis de mort : 3 en janvier, 6 en février, 3 en mars,
2 en avril et mai, 1 en juin, frappant tout aussi bien les
adultes que les enfants.
Depuis cette date et pendant toute l’année 1890, on ne
note aucun décès par variole. Devons nous cette disparition
de la maladie, aux vaccinations et revaccinations qui ont
été faites depuis cette époque ? Cela est certain et prouve
une fois de plus la nécessité de ces vaccinations et revacci-
nations successives ; c’est le seul parti que nous ayons à
prendre, si nous voulons voir, comme chez nos voisins, le
chiffre de la mortalité par variole tomber à zéro et s’y main¬
tenir.
§ ni.
ROUGEOLE.
Deux épidémies de rougeole ont sévi sur Orléans, pen¬
dant cette période de 4 années, l’une en 1887, avec 22 décès,
la seconde en 1890, avec 41 morts.
Voici la répartition exacte :
ANNÉES.
Janvier. ||
ta
4>
’C
>
•«
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h
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Octobre. ||
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O
Décembre. |
J
5
S
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»
2
H
1
7
2
>
»
»
9
»
22
1888.
»
»
a
»
»
»
a
»
»
•
»
J>
»
1 1889.
»
»
î
»
n
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»
1
»
»
t
2
3
1 18'JO.
5
1
2
13
10
4
2
4
1
»
a
»
41
I Totaux..
~7
4
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Tï
11
~4
5
»
»
»
2
56
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- 245 -
En 1887, l'épidémie a éclaté en mars, a eu son maximum
en avril, avec 10 décès et finit avec 2 morts en juillet.
En 1888, on ne trouve aucun cas mortel; il y en a trois
en 1889, un en août, les deux autres en décembre, venant
pour ainsi dire ouvrir la période épidémique qui a continué
pendant les huit premiers mois de 1890, avec maximum
correspondant à celui de 1887, en avril et mai.
Si, donc aux 41 cas de 1890, nous joignons les deux de
décembre 1889 qui s’y rattachent, uous avons le total de
l’épidémie égal à 43 décès. Sur ces morts dont je donne
ci-dessous la liste, 19 sont notées comme étant dues aux
complications pulmonaires, 17 par bronchopneumonie, un
par tuberculose, une congestion pulmonaire.
1
1er
janvier
4 ans
place du Vieux-Marché.
Broncho-pneumonie.
s
2
»
6 >
rue des Beaumonts.
3
6
»
4 >
rue du Parc.
id.
4
13
>
8 i
rue de Recouvrance, 8.
id.
5
28
i
13 mois
rue Drufln, 6 bis.
id.
6
22 février
2 m. 1/2
rue de Limare, 22.
7
10 mars
26 mois
rue de la Charpenterie.
8
28
»
4 ans
rue de la Corroirie.
9
5 avril
22 »
Hôj ital militaire.
id.
10
11
»
2 9
rue du Plat-d’Etain.
id.
h
11
»
8 mois
rue des Bouchers, 5.
12
13
»
2 ans
rue des Charretiers, 9.
13
14
»
2 »
rue de la Charpenterie, 3^
14
14
»
45 mois
faubourg Saint-Jean, 106
iù.
15
21
9
6 ans 1/2
— 109
id.
16
21
9
4 ans
rue du Puils-Landeau. 7.
id.
17
22
9
8 >
rue des Chats-Ferrés, 10.
id.
18
23
»
1 >
rue de la Corroirie. 16.
id.
19
24
9
10 mois
rue Croix-dc-Bois, 10.
id.
20
25
I
8 »
rue de la Corroirie, 20.
21
29
»
1 an
route Saint-Mesmin, 23.
22
2
mai
10 mois
rue Tudelle, 64.
23
2
•
27 i
Hôpital général (crèche).
24
4
»
9 ans
rue Porte-Madeleine, 52.
Tuberculose
25
8
9
10 mois
rue Porle-Saint-Jean, 10.
Broncho-pneumonie.
26
13
J»
2 ans
Hôpital général (crèche).
27
14
9
1 an
— —
28
15
i
11 mois
rue de l’Ange, 1 .
29
19
>
9 ans
faubourg Bannier, 35.
30
26
9
4 m. 1/2
Hôpital général (crèche).
31
29
9
7 mois
— —
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3-2
1 er juin
16 »
rue des Bons-Enfants, 4.
33
4 »
2 ans
place du Châtelet, 27.
id.
3t
9 »
17 mois
rue du Chariot* 3.
id.
35
2) »
4 ans
rue Croix-de-Bois, 16.
36
2 juillet
22 mois
rue Brise-Pain, 8.
id.
37
9 »
1 an 1/2
rue de l’immobilière, 15.
Congestion pulmon.
38
2 août
14 mois
rue Vieille Monnaie, 9.
Broncho-pneumonie.
39
2 »
15 »
rue des Carmes, 78.
40
4 »
16 »
rue de l’immobilière, 15.
41
24 »
9 >
faubourg St-Vincent, 167
Ces décès par rougeole semblent être simultanément
apparus dans les diverses parties de la ville; cependant ils
paraissent plus nombreux dans les bas quartiers, dans les
quartiers populeux, où l’agglomération infantile e3t la plus
considérable et pour n’en citer que quelques exemples,
prenons au hasard les rues de la Charpenterie (2 décès), de
la Corroirie (3 morts), rue Croix-de-Bois (2 cas), rue des
Charretiers, rue Tudelle, etc.
Ces cas de rougeole ont atteint exclusivement les enfants
de quelques mois à 7 ou 9 ans; un seul cas isolé de bron¬
chopneumonie rubéolique ayant frappé un homme de 22 ans,
dans les salles militaires de l'Hôtel-Dieu.
SIV.
SCARLATINE.
La scarlatine semble s’ètre enracinée à Orléans. En 1888,
sur plus d’un millier de cas, on n’avait constaté que 7 décès^
répartis dans les différents mois de l’année, comme le mon¬
tre le tableau suivant : un en mars, un en mai, un en juin,
un en juillet, deux en août et un en novembre.
Dans le début de 1889, la scène change et les décès aug¬
mentent; nous en relevons deux en janvier, $ixen février,
huit en mars, un en avril, deux en mai, deux en octobre,
un en novembre, soit un total de 22 cas mortels pour
l’année entière.
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— 247 —
Dans les premiers mois de 1890, une légère recrudes¬
cence se fait sentir et nous notons 5 décés en février, 2 en
mars, 2 en avril, 1 en mai, 1 en juin, 1 en août, soit
12 pour l'année; dans les quatre derniers mois, beaucoup
moins de cas et plus du tout de décès. Sur ces 12 cas de
l’année 1890, comme nous le montrera la liste donnée plus
loin, nous avons quatre décès à l’Hôtel-Dieu, avec compli¬
cation de croup.
ANNÉES.
«
>
G
et
—i
Février. ||
00
kl
es
a
Avril. |
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Juillet. |
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»
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1
1888 .
»
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1
»
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1
2
»
»
1
»
7
1889 .
2
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2
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22
1890 .
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12
Totaux. .
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1
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B
B
»
2
2
»
42
Février et mars sont les mois les plus contaminés.
Voici la liste des 12 cas suivis de mort, qui ont eu lieu
à Orléans en 1890.
1
6 février
^22 ans
homme
76 e rég 1 d’infanterie
30 e rég 1 d’artillerie
décédé aux salles militaires
2
12 »
22
»
»
id.
3
21 »
23
i
»
30 e — —
id.
4
22 »
5
»
enfant
rue Chaude-Tuile, 20
(avec croup.)
décédé h rHôtel-Dieu.
5
24 »
2
i
r>
faub. Bannicr, 270
6
28 mars
21
»
homme
76* rég 1 d’infanterie
décédé aux salles militaires
7
28 «
3
>
enfant
rue des Carmes, il
(avec croup.)
décédé à rHôtel-Dieu.
8
9 avril
4
>
9
Olivct
(avec croup )
id.
9
23 »
23
»
homme
militaire de passage
(venant de la Charente.)
décédé auxsalles militaires
10
2 mai
22
»
»
30 e rég 1 d’artillerie
id.
11
30 juin
26
»
femme
Couv. de la Visitation
12
10 août
3
»
enfant
Saint-Ay
(avec croup.)
décédé à rHôtel-Dieu.
Sur ces douze cas, deux sont étrangers à Orléans,
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— 248 -
(Saint-Ay et Olivet) et compliqués de croup ; deux vien¬
nent du 76' de ligne (caserne Bannier) et deux du faubourg
Bannier (la contagion ne vient-elle pas du voisinage de la
caserne ?) Trois autres frappent des militaires du 30* d'ar¬
tillerie, un, un militaire de passage venant de la Charente.
Les deux derniers meurent à l’Hôpital des enfants,
atteints simultanément de croup et de scarlatine.
Au total, sur 12, 6 hommes (militaires), 1 femme et
5 enfants, tel est le choix que la scarlatine a fait de ses
victimes.
§ V.
COQUELUCHE
La coqueluche par elle-même, occasionne généralement
peu de morts, mais ses complications, la bronchopneu¬
monie entre autres sont terribles.
On ne relate que trois décès en 1887, sept en 1888,
trois en 1889. La statistique de 1890 est un peu plus
chargée et comporte 14 cas ; 1 en mars, 3 en mai, 3 en
juin, 2 en août, 4 en septembre, 1 en octobre.
■
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Février, j
9 1
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Octobre. |
Novembre |
91
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TOTAL.
1
2
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»
»
»
9
»
»
3
1888.
»
»
1
1
2
1
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»
7
1889.
1
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»
»
»
1
»
B
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1
»
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1890.
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3
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2
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1
»
»
14
Totaux. .
2
»
1
2
4
4
“~3
3
5
2
"1
»
27!
Comme le montre la liste ci-dessous, les décès semblent
se répartir à peu près dans les différents quartiers de la
ville ; le canton Nord-Est semble cependant le plus atteint
(6 cas sur 14), un rue de Château-Gaillard, un rue la
Barrière-Saint-Marc, un rue Chaude-Tuile, un au bout de
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- 249 —
la rue Verte et deux dans une même maison de la rue de
la Gare.
1
21 mars
13 mois
rue de la barrière-Saint-Marc, 44.
2
2 mai
14 »
rue de la Chaude Tuile, 24.
3
16 »
10 8
rue du Grenier-à-Sel.
4
23 »
16 »
rue de la Charpenterie, 46.
5
10 juin
4 ans
rue de la Charpenterie, 53.
6
12 »
15 mois
rue d’Escures.
7
24 »
18 »
rue de Château-Gaillard, 20.
8
25 août
15 «
rue de la Gare, 23.
9
31 i
1 an
«>
10
4 septembre
3 ans 1/2
rue de la Gare, 23.
11
7 8
1 mois
rue Verte, 52.
12
8 8
4 »
rue Tudelle, 39.
13
28 i
14 8
rue Agathe, 5.
14
31 octobre
4 ans 1/2
rue des Carmes.
Tous ces cas ont éclaté chez des enfants de quelques
mois à quatre ans.
§ Vf.
DIPHTERIE
La diphtérie, qui pour les 3 premières années qui nous
occupent, semblait avoir tendance à s’accroître dans des
proportions assez rapides a heureusement diminué de
fréquence en 1890.
Les mois les plus meurtriers sont février et mars comme
le montre le tableau suivant :
ANNÉES.
Janvier. ||
Février. |
Mars. |
T
>
<
!
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*3
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Octobre. |
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1887.
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2
3
2
2
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2
2
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2
»
16
1888.
1
1
2
2
»
2
2
2
8
6
3
4
25
1889.
9
10
6
4
4
3
2
3
1
1
2
7
52
1890.
2
5
6
1
1
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4
1
3
3
4
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12
18
17
9
7
6
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11
3
10
H
15
1
128
Nous relevons donc 16 morts, en 1887, 25 en 1888,
n
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— 250 —
52 en 1889 et 35 seulement en 1890, si nous comprenons
les 4 cas classés en même temps avec la scarlatine*
Et encore, sur ces 35 décès de 1890, faut-il en enlever
7 qui ont atteint des enfants venant des différents points
du département succomber à l'Hôtel-Dieu, (un même était
venu de Seine-et-Oise.) Nous n’avons donc plus que vingt-
huit cas vraiment nôtres en 1890.
Sur ces vingt-huit cas, deux sont dûs au 30° régiment
d’artillerie, deux ont frappé l’un une femme de 40 ans,
l’autre une femme de 31 ans ; les 24 décés restant pour la
ville ont atteint des enfants ayant de quelques mois k
5 ans 1/2 ; les enfants venus du dehors ne sont pas plus âgés.
On ne note pas de décès au-dessus de 5 ans 1/2 comme
nous le montre la liste ci-dessous.
1
3 janvier
1 ?n
enfant
rue des Charretiers, 16
décédé à l’Hôtel-Dieu
2
: 7 »
17 mois
»
rue de TEtelon, 29
id.
3
7 février
21 ans
homme
30 e rég 1 d’artillerie
id.
4
7 »
40 i
femme
fâubour Bannier, 208
id.
5
H »
3 »
enfant
r de la Bourie-Blanche,27
id.
6
15 »
3 »
»
rue de la Hallebarde, 15
id.
7
2 mars
21 »
homme
30 e rég 1 d’artillerie
id.
8
5 »
2 »
enfant
rue du Cheval-Bouge, 17
id.
9
8 i
18 mois
»
Artenav (Loiret)
id.
10
12 »
2 ans
»
Pussav* (Seine-et-Oisc)
id.
11
23 »
17 mois
9
faubourg Bannier, 113
id.
12
2 mai
5 ans
»
rue des Curés, 7 bis
13
2 juin
11 mois
»
rue Slc Catherine, 42
14
8 juillet
3 ans
Menestreau-en-Villetle
id.
15
14 i
6 mois
»
rue d’illiers, 120
16
27 »
13 >
»
Fleury-aux-Choux,Loiret
id.
17
31 »
4 ans 1/2
»
cloître dé la Cathédrale, 2
id.
18
4 août
3 ans
»
Fleury-aux-Choux,Loiret
id.
19
6 *
4 »
»
rue Bannier, 22
20
20 »
3 >
»
rue Bannier, 23
21
22septem.
20 mois
»
rue Parisis, 6
22
13 octobre
17 »
>
venelle de la Poterne, 4
23
23 »
4 ans
1
rue Sainte-Anne
24
30 »
14 mois
»
rue des Charretiers, 17
23
4 novem.
4 ans
»
rue des Bouchers, 11
id.
26
5 i
5ans 1/2
»
rue du Héron, 18
27
23 »
4 ans
»
rue de la Lionne, 1
28
4 décem.
5 »
»
quai Saint-Laurent, 40
id.
29
7 «
31 »
femme
rue de la Concorde 13
30
14 »
4 »>
enfant
r. du Command^Arago
id.
31
21 *
3 »
»
rue du Bourdon-Blanc
id.
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— 251 —
Il faut y ajouter les 4 cas suivants qui se sont compliqués
de scarlatine.
32
22 février
5 ans
enfant
r. delaChaude-Tuile,20
décédé à rHôtcl-Dieu
33
23 mars
3 i
»
rue des Carmes.
id.
34
9 avril
4 »
•
Olivet (Loiret)
id.
35
10 aoûl
3 »
p
Saint-Ay (Loiret)
id.
Comme on le voit, il n’y a pas un seul décès dans le
quartier Saint-Marceau qui est réputé comme le néfaste
théâtre de cette terrible affection. On en trouve au con¬
traire à peu près dans presque tous les quartiers de la
ville.
§ vn.
CHOLERA
Le choléra nous laisse une statistique absolument nette
en 1887, 1889 et 1890 ; un seul cas est noté en 1888,
au mois de juillet; je n’ai pu me procurer de renseignements
à ce sujet.
Par les mesures sanitaires prises & la frontière d'Es¬
pagne, au moment de l'épidémie qui a sévi dans ce pays
voisin en 1890, nous avons été préservés de toute invasion,
quoique beaucoup de voyageurs venant d’Espagne se soient
arrêtés à cette époque à Orléans où, comme partout
ailleurs, ils ont été examinés et surveillés.
§ VIII.
PHTISIE PULMONAIRE
La tuberculose pulmonaire à côté du choléra, quel con¬
traste ! Ici point de décès, là, une des causes de mort les
plus fréquentes. 153 décès en 1887, 136 en 1888, 126 en
1889, 158 en 1890, ce qui fait un total de 573 pour ces
quatre années, avec un chiffre de décés de tout genre égal
à 6,113, soit 94 **/„ de décès, presque 1 sur 10.
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— 252 —
Etant donnée la population orléanaise de 60,826 habi¬
tants, nous avons en chiffres ronds, 52 décès.par tuberculose
pulmonaire sur dix mille habitants chaque année, chiffre
qui n'a été dépassé que par celui de la pneumonie et de la
broncho-pneumonie en 1887, 1888 et 1890 et que nul
n’a atteint en 1889.
Voici le tableau de la marche de la tuberculose pendant
ces quatre années :
| ANNÉKS?
Janvier. ||
Février. ||
E
es
3
‘E
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3
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5
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3
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y.
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TOTAL.
11
7
14
11
16
16
15
9
12
12
14
16
153
m h.
9
13
14
9
15
12
8
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14
11
9
12
136
1889.
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DD
8
12
14
10
11
11
7
KH
«
15
126
1890.
24
13
14
14
14
16
10
11
14
10
10
8
158
Totaux. .
54
43
50
46
59
54
44
41
47
43
41
51
573
En 1887, 1888, la répartition de la tuberculose s’est
faite à peu près également pour tous les mois, avec son
maximum en mai (16 décès en 1887, 15 en 1888).
En 1889, maximum également en mai, (14 cas), et en
décembre (15), minimum en septembre (7).
Aux 15 décès de 1889, viennent bientôt s’adjoindre les
24 de janvier 1890, chiffre le plus fort qui ait jamais été
atteint ; puis la défervescence a lieu peu à peu, et l’on ne
relève plus que 13 décès en février, 14 en mars, avril, mai,
16 en juin, lu en juillet, 11 en août, 14 en septembre,
10 en octobre, novembre, 8 en décembre.
Cette augmentation assez vive en décembre 1889 et dans
les premiers mois de 1890, coïncident avec l’épidémie
d’influenza, qui sévit sur nous à cette époque et vint
frapper avec son cortège de mort, aussi bien au palais du
riche qu'à l’humble masure du pauvre.
Nous verrons du reste cette meme augmentation dans
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les premiers mois de cette année 1890, se manifester éga-
lement pour les autres affections pulmonaires, la pneumo¬
nie entre autres, qui a atteint en janvier le chiffre énorme
de 51 décès au lieu de 15 en 1887, 14 en 1888, 16 en 1889.
Chaque année, la tuberculose choisit comme victimes
préférées, les individus de 20 à 40 ans ; ainsi, en 1890,
elle en a frappé à cet âge 76 sur 158, près de la moitié ;
ce même chiffre de 76 avait été atteint en 1889, mais
c’était plus de la moitié, car cette année là on n’avait
compté que 126 décès par tuberculose pulmonaire. En 1890,
les autres morts se répartissent ainsi suivant l’âge : 16 ont
été fauchés avant leur vingtième année, 40 ont succombé
de 40 à 60 ans ; les 26 autres avaient dépassé de peu la
soixantaine.
§IV.
A.UTRBS TUBERCULOSES.
Cette classe est moins chargée en 1890 que les années
précédentes ; elle ne comprend que six morts, entre autres,
une tuberculose abdominale, une tuberculose osseuse.
J’en ai extrait les méningites tuberculeuses, au nombre
de 25, pour les ranger à la classe 13: autres affections
cérébrales. Sans cette soustraction, nous aurions avec les
6 tuberculoses ci-dessus, un total de 31 cas, bien peu infé¬
rieur à ceux des années précédentes.
En 1887, on note en effet 54 autres tuberculoses ; on en
relève 33 en 1888, et 48 en 1889.
§X.
TUMEURS.
Tumeurs : classe bien large dans laquelle viennent se
ranger côte à côte des tumeurs d’un genre bien différent.
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On en trouve 52 en 1887, 79 en 1888, 86 en 1889 ;
nous en avons également 87 en 1890. Pour cette dernière
année, elles se divisent ainsi :
36 carcinomes de l’estomac ; 5 cancers du foie, 4 de la
vessie ; 6 tumeurs du sein ; 8 tumeurs diverses de l’utérus
12 tumeurs abdominales ; 3 de l’intestin, une du rein, une
de la rate, 1 épithélioma du cou, 1 de la face ; et 9 autres
tumeurs diverses.
§XI.
MÉNINGITE SIMPLE.
56 en 1887, 46 en 1888, 27 en 1889, 30 en 1890, tel est,
comme l’indique le tableau suivant le tribut payé à la
méningite simple pour chacune de ces 4 années :
ANNÉES.
Janvier. ||
Février. ||
|
>
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1888.
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2
4
9
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1
3
2
4
1
46
1889.
3
1
3
2
4
2
4
1
2
1
1
3
2*
4890.
4
2
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1
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3
1
V
3
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Totaux..
19
11
15
14
16
22
14
7
6
~8
8
159
Le maximum pour 1890 est en juin, le minimum en
novembre. En 1889, maximum en mai et juillet ; en 1888,
maximum en juin et minimum en décembre ; en 1887,
maximum en mai (8) et surtout en septembre (11), mini¬
mum en décembre.
Au total, le nombre des décès paraît vouloir augmenter
pendant les premiers mois de chaleur, mai, juin, juillet et
diminue avec les mois d’hiver.
C’est de 1 à 19 ans que semble se payer le tribut le plus
élevé : 15 sur 30 meurent à cet âge en 1890 ; 17 sur 27 en
1889 ; 25 sur 46 en 1888 ; 34 sur 56 en 1887.
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—255 —
§ XII.
CONGESTION ET HÉMORRHAGIE CÉRÉBRALES.
Ici, ce sont les sexagénaires et leurs aînés qui presque
seuls, élèvent le nombre de morts par congestion et hémor¬
rhagie cérébrales. On en compte 109 de cet âge, sur 132
décès en 1890. Neuf fois la mort subite a été notée.
Voici le tableau comparatif des quatre années.
ANNÉES.
Janvier. |
Février, j
2
*»
3
Avril.
’3
S
a
‘3
Juillet.
Août. |
Septembre
Octobre.
Z
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O
55
Décembre
■J
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H
O
H
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17
12
7
19
12
4
11
6
13
11
13
14
439
1888.
11
11
9
8
15
15
11
5
6
12
7
11
121
1889.
13
6
11
6
15
8
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■
10
5
8
no
111
1890.
18
21
13
7
11
11
■
5
11
6
15
132
Totaux. .
59
50
H
43
49
38
39
22
34
39
34
“5B
503
Leur fréquence est plus considérable en hiver, nous en
notons le plus grand nombre en décembre, janvier et février,
le minimum a lieu en août. En 1890, 132 cas maximum
en février, 21 ; minimum en août, 4. En 1889, 111 décès
maximum, en décembre, 16; minimum en octobre, 5. En
1888, 121 morts, minimum août, 5; maximum mai, 15. En
1887, 139 cas, minimum juin, 4 ; maximum 17, atteint en
janvier et 19 en avril.
§ XIII.
AUTRES AFFECTIONS CÉRÉBRALES. — AFFECTIONS NERVBUSBS.
Classe nouvelle et dont le chiffre do décés, 126, prpuve
qu’elle n'est pas à dédaigner; ces morts étant rangés à la
classe 26, pour les années 1887, 1888, 1889, il est impos¬
sible de savoir ce qu’elles nous auraient donné, et d’établir
la comparaison.
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— 256 —
Pour 1890, les 126 décès se divisent ainsi :
37 convulsions chez les enfants de quelques mois pour la
plupart.
25 méningites tuberculeuses, frappant également l’en¬
fance.
5 myélites, aigues ou chroniques.
3 encéphalites.
5 embolies et une anémie cérébrales.
2 tumeurs cérébrales.
1 atrophie musculaire progressive.
1 paralysie sans cause indiquée.
I névrose chronique.
3 cas de tétanos, 2 en mai, 1 en novembre, dont 2 à la
suite de blessures par armes à feu.
18 paralysies générales progressives et 24 aliénations
mentales.
Les autres décès de l’asile d'aliénés au nombre de 30, ont
eu lieu par suite de paralysie générale, ramollissement,
hémorrhagie cérébrale, et sont compris avec ces affections;
11 sont morts d’affections cardiaques, pulmonaires et
autres.
§ XIY.
RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL.
Le ramolissement cérébral est également l’apanage de la
vieillesse, mais il est beaucoup moins fréquent que la con¬
gestion et l’hémorrhagie cérébrales; 48 cas seulement en
1890, à côté de 132 congestions.
Il est à peu près également réparti dans tous les mois dè
l’année, comme le montre le tableau suivant.
On note 36 décès en 1887, 26 en 1888, 49 en 1889.
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— 257 —
ANNÉES.
Janvier. |
Février, j
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*
Avril. |
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S
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Juillet. |
*3
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Septembre |
Octobre, j
Novembre |
Décembre
H
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1887.
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1
2
1
1
2
3
1
»
4
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1889.
5
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»
3
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4
3
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1890.
5
3
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1
3
4
4
2
2
3
6
6
48
Totaux. .
15
16
17
9
17
14
12
8
11
10
13
17
159
§XV.
MALADIES ORGANIQUES DD CŒUR.
Les maladies du cœur ont occasionné 109 décès en 1890.
Elles se maintiennent tous les ans à peu près à cette
moyenne. On en relève en effet 100 en 1887,100 également
en 1888 et 99 en 1889.
Elles donnent lieu à la plupart des morts subites.
En voici le tableau pour ces quatre années.
ANNÉES.
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a
4
Février. |
Mars. |
Avril. |
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Juillet. |
Août. |
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Octobre. |
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TOTAL.
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10
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2
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1888.
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6
6
6
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1889.
8
9
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11
9
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5
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99
1890.
6
7
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m
8
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8
il
6
12
15
9
109
Totaux..
“36
32
44
43
37
29
28
29
23
30
42
35
408
Elles semblent se répartir presque également sur tous les
mois de l’année, avec une légère diminution aux mois
d’été.
Elles frappent surtout les individus âgés de plus de
60 ans ; on en compte en effet 70 °/« à cet âge, en 1887
et 1888; 65 sur 99, en 1889; et 51 sur 109, en 1890.
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— 258 —
§XVI.
BRONCHITE AIGUE.
La bronchite aigue fait à peu près chaque année un
même nombre de victimes. 42 en 1887, 43 en 1888,22 en
1889, 37 en 1890.
ANNÉES
Janvier. |
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©
b
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Avril. |
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1887.
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»
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1888.
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1
1
2
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1
»
3
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2
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1889.
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1
2
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2
»
1
»
2
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1890.
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2
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2
2
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Totaux...
26
20
20
16
12
■
il
5
2
6
11
■
144
Les mois de janvier, février, mars et avril, sont les plus
chargés, minimum en août et septembre.
Elle frappe de préférence les deux âges extrêmes de la
yie, les enfants de moins d’un an, et à partir de 60 ans,
§ xvn.
BRONCHITE CHRONIQUE.
La bronchite chronique atteint à peu prés les mêmes
chiffres, 35, 26, 42, 33 ; tel est son bilan pour ces quatre
années. Elle se fait également plutôt sentir dans les mois
d’hiver, de décembre à avril.
Elle est encore la triste compagne de la vieillesse; sur
33 morts en 1890, elle a emporté 28 sexagénaires et au-
delà.
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— 259 —
§ xvm.
PNEUMONIE, BBONCHOPNEUMONIE.
La pneumonie sous toutes ses formes, la bronchopneu¬
monie, la pleuropneumonie, la pneumonie infectieuse com-
portent chaque année le chiffre le plu3 élevé des décès :
168 en 1887,162 en 1888, 88 seulement en 1889, mais 205
en 1890, sans compter 17 cas, où la bronchopneumonie est
venue compliquer la rougeole et les quelquefois où elle s’est
associée à la coqueluche, pour emporter plus sûrement ses
victimes. En voici le tableau mois par mois pour ces quatre
années.
ANNÉES.
Janvier. |
Février. ||
C
a
2
Avril. |
*3
2
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3
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'3
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Novembre |
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1887...
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1888-......
14
23
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26
11
10
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3
8
6
5
162
1889.
16
15
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4
4
5
3
6
9
3
6
12
88
1890.
51
38
18
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8
6
6
11
6
9
15
205
Totaux...
96
1
119
76
48
38
23
28
28
27
30
40
1
623
Inutile de chercher longtemps à quoi est dûe l’augmen¬
tation considérable que nous constatons pendant cette der¬
nière année, dans la mortalité que cette affection a entraînée.
Car si à côté de la moyenne de chacun des cinq premiers
mois des trois autres années, 15, 17, 27, 19, 10, nous pla¬
çons la mortalité de chacun des mois correspondants de 1890,
51, 20, 38, 18, 17, nous voyons de suite que c’est surtout
à cette période qu’il faut faire remonter cette augmentation.
Or, au début de cette année, nous étions bousculés par l’é¬
pidémie d’inâuenza, au moins pendant les trois premiers
mois, et malmenés comme nous l’avons vu par une épi¬
démie de rougeole avec ses complications pulmonaires
pendant les deux autres.;
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— 260 —
Le minimum a lieu tous les ans, en juillet et août;
en 1890, il en a été de même. Mais pour les derniers mois
de l’année, la moyenne de décès a été plus forte en 1890,
nous avons eu un léger accroissement en septembre (11 cas),
puis nous sommes retombés à 6 en octobre, pour remonter
à 9 en novembre et 15 en décembre; ce dernier chiffre est
plus élevé que la moyenne des trois autres années qui est
de 9, pour ce même mois.
Ici encore ce sont les deux périodes extrêmes de la vie
qui sont le plus vivement atteintes; sur les 623 décès par
pneumonie de ces quatre années, on en relève 129 avant un
an, 126 de 1 à 19 ans, 30 de 20 à 39 ans, 69 de 40 à 59 ans
et 251 au-delà de 60 ans.
' § XVIII bis.
AUTRES AFFECTIONS DES VOIES RESPIRATOIRES.
Les mêmes mois de 1890 ont causé également une aug¬
mentation dans les décès dûs aux autres affections des voies
respiratoires. Nous trouvons le maximum en janvier 19,
et décembre 16, le minimum en juin et septembre 1.
Elles frappent de préférence les mêmes âges que la bron¬
chite et la pneumonie ; sur les 83 cas qui forment cette
classe, on note 52 congestions pulmonaires, 8 affections du
larynx, 3 pleurésies, une grippe, 3 iafluenzas, 2 hémopty¬
sies, 4 emphysèmes, 3 embolies pulmonaires, 1 adénopathie
bronchique, 1 œdème pulmonaire, une gangrène du poumon,
1 asthme chronique, 1 engouement pulmonaire, 1 catarrhe,
1 coryza chez un nouveau né.
§ XIX.
DIARRHÉE, GASTRO-ENTÉRITE.
La gastro-entérite est une des causes de mort les plus
fréquentes dans le tout jeune âge; à peu prés également
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— 261 —
réparti sur les premiers mois de l’année, et en petit nombre
à cette époque, on voit tout à coup le chiffre de ses morts
augmenter aux mois de chaleur, en juillet, août et septem¬
bre, puis baisser en octobre, et décroître presque complè¬
tement en hiver. 146 en 1890, 91 en 1889, 107 en 1888,
91 en 1887, telle est la somme de ses victimes.
En voici le tableau récapitulatif mois par mois.
ANNÉES.
Janvier. |
Février. |
C
cf
2
%
>
◄
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2
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Juillet. |
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Septembre |
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TOTAL.
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1888.
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7
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1889.
5
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6
5
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15
19
6
6
7
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1890.
5
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14
7
4
7
10
35
29
16
7
9
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Totaux...
14
10
23
24
22
~3Ô
42
83
90
44
26
21
435
435 décès sur ces quatre années et sur ces 435, 265 se
sont produits de juillet à octobre, 42 dans les 4 mois de
juillet, 83 aux mois d’août, 96 pendant les mois de sep¬
tembre, 44 aux mois d’octobre.
Sur ces 435 morts, 307 avaient moins d’un an, la plu¬
part des autres ne faisaient qu'entrer dans la vie, ce qui
justifie bien le nom donné à l’athrepsie et à l’entérite de
fléaux de l'enfance.
Cette affection étant due en partie à la mauvaise alimen¬
tation, je crois qu'il serait utile que nous divisions cette
catégorie en deux classes, comme cela se fait dans la
statistique établie pour Paris : enfants élevés au sein, ou
nourris au biberon ; mais nous n’avons aucun renseigne¬
ment à ce sujet, et pour cela il faudrait que les certificats
médicaux portent à l’avenir cette mention : sein ou .
biberon.
Recommandé tout spécialement à mes confrères et sur¬
tout aux Inspecteurs des enfants du premier âge et des
enfants assistés.
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- 262 —
§ XX.
AUTRES AFFECTIONS DES VOIES DIGESTIVES BT DE LEURS
ANNEXES
A côté des affections des voies digestives, qui même ne
peuvent toutes rentrer dans la classe précédente, il y a
encore une catégorie importante de causes de mort, dues
aux affections des annexes de ces voies digestives et dont
la connaissance semble être de quelque utilité.
Les tirer de l’oubli, c’est le but que se propose cette
nouvelle classe, créée spécialement pour elles.
En 1890, nous y faisons rentrer 46 cas, chiffre qui a
bien quelque importance et nous le répartissons ainsi :
Deux étranglements internes, 2 occlusions intestinales,
1 hernie étranglée, 1 typhlite, 2 ascites, 22 péritonites
aigues, 16 affections du foie.
§ XXI.
FIÈVRES ET AUTRES AFFECTIONS PUERPÉRALES
Trois fièvres puerpérales en 1890, toutes trois à la
maternité de l’Hôtel-Dieu, deux en janvier, l’uutre en mars;
une hémorrhagie puerpérale en mars ; 4 cas et c’est tout.
En 1889, nous en relevons 7, dont 6 décès par fièvre et
péritonite puerpérales.
En 1888, 3 fièvres et 3 autres affections.
En 1887, 10 cas dont 8 fièvres et péritonites.
Cette affection tend de plus en plus à disparaître, c’est là
un des bienfaits de l’antisepsie rigoureuse.
§ XXII.
DÉBILITÉ CONGÉNITALE ET VICE DE CONFORMATION
La faiblesse congénitale nous a donné en 1890, la
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— 263 —
moyenne de décès correspondante à celle des antres
années ; 27 en 1887, 38 en 1888, 22 en 1889 et 27 en
1890.
Tous ces enfants ont été enlevés dans les quelques
heures ou quelques jours qui ont suivi leur naissance ;
quelques-uns étaient nés avant terme.
§ XXIII.
SÉNILITÉ
La sénilité présente en 1890 une somme de décès un
peu plus considérable que les années précédentes.
On en compte en effet 92, comme on le voit dans le
tableau ci-dessous, alors qu’en 1887, on n’en relevait que
76, 53 en 1888 et 83 en 1889.
ANNÉES.
b
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a
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TOTAL.
1887.
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1888.
4
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»
2
5
4
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6
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1889.
il
9
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4
2
3
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83
1890.
12
12
7
8
7
6
5
4
8
92
Totaux...
46
33
36
24
21
19
22
17
23
17
22
21
304
Le maximum est tous les ans atteint aux mois de
janvier, février, mars, le minimum en août et octobre. C’est
en janvier 1887 qu’on note le plus fort chiffre de
décès (19).
§ XXIV.
SUICIDES
Les suicides tendent à augmenter de nos jours ; 11 indi¬
vidus se sont donné la mort en 1887, 16 en 1888, 11 en
1889 et 18 en 1890.
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— 264 —
Ces derniers se répartissent ainsi : 8 asphyxiés par le
charbon, 7 pendaisons, 3 par armes à feu.
Ces 66 suicides sont notés une fois chez une femme de
19 ans, 18 fois de 20 à 39 ans, 19 de 40 à 59 ans, 18 de
60 et au-delà.
On se suicide à tout âge à peu prés dans la même pro-
portion. Nous en verrons de plus jeunes en 1891.
§ XXV.
AUTRES MORTS VIOLENTES
Je n’ai point fait rentrer dans cette classe les morts
subites, dues aux affections cardiaques, cérébrales ou
pulmonaires, qui quoique subites sont des morts natu-
relies et non violentes.
On en a déclaré 27 en 1890, dont 13 par suite d’affec¬
tions cérébrales, 8 par affections cardiaques, les 6 autres
dans le Cours d’affections diverses.
Ces morts atteignent leur maximum pendant les mois
d’hiver, nous en relevons en effet, 3 en janvier, 7 en
octobre, 4 en novembre, 7 en décembre et 6 dans le cours
des six autres mois, un pour chacun d’eux.
Les morts violentes au nombre de 10 en 1887, 13 en
1888 et 7 en 1889 ont été notées neuf fois en 1890 ; deux
par assassinat ; 4 par brûlures étendues, 1 par submersion
accidentelle ; 1 par fracture de la colonne vertébrale dans
une chute d’un lieu élevé, 1 par traumatisme violent.
§ XXVI.
AUTRES CAUSES DE MORT
Nous arrivons avec un total de 63 décés que nous
n’avons pas pu ranger dans les classes précédentes.
Sur ces 63 morts nous en trouvons 24 par suite d’affec-
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— 265 —
tions des voies urinaires. Si l'on ne craignait point trop de
diviser, ne pourrait-on pas catégoriser à part ces affec¬
tions?
Les 39 autres se subdivisent ainsi :
13 érysipèles ou phlegmons diffus ; 5 septicémies ou
infections purulentes : 4 gangrènes ; 5 cas de diabète ;
un d’alcoolisme ; trois décés par suite de rhumatisme ;
2 cas de syphilis infantile ; 1 cachexie, une anémie perni¬
cieuse ; 1 purpura hémorrhagica ; 1 cas de melanose
généralisée ; une rupture de l’uterus ; une métrorrhagie.
Il tn’est impossible ici de comparer ces chiffres avec
ceux des trois autres années qui contiennent péie-mèle des
affections cérébrales, pulmonaires, des voies digestives et
urinaires pour donner des totaux de 370, 347, 344 décès.
§ XXVII.
CAUSES RESTEES INCONNUES
Rien à dire à ce sujet, nous n’avons qu’à émettre le sou¬
hait que le nombre de ces causes restées inconnues diminue
d’année en année.
§ XXVIII.
MORTS-NÉS
Le nombre des morts-nés, 49 en 1890, est un peu moins
élevé que celui des statistiques précédentes 73 en 1889,
69 en 1888 et égal au chiffre de 1887.
Les morts nés se divisent pour ces quatre années en :
199 enfants légitimes dont :
112 du sexe masculin,
87 du sexe féminin,
41 enfants illégitimes dont :
20 du sexe masculin,
18
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— 266 —
21 du sexe féminin.
Le nombre de décès l’emporte comme toujours pour le
sexe masculin: 135 contre 108.
CONCLUSIONS.
Voilà le tribut que nous payons à chacune des maladies
que nous avons successivement passées en revue ; en tire¬
rons-nous des conclusions bien fermes.
Je crois que ce serait trop présumer ; en effet, quoique
les décès de ces quatre années soient au nombre de plus
de six mille, ce chiffre n’est pas encore assez imposant pour
nous servir de base solide.
Mais nous le prendrons comme point de départ ; les rele¬
vés des autres années viendront se joindre à lui et le grossir,
ce qui nous permettra d’être plus hardis à l’avenir dans nos
conclusions.
Néanmoins, nous voyons tout d’abord d’après ces quel¬
ques chiffres que nous ne saurions prendre trop de précau¬
tions contre les maladies contagieuses qui dorment à nos
côtés et ne demandent par instant qu’à se réveiller et à
faire des victimes. Luttons sans cesse contre la variole par
les vaccinations et les revaccinations multipliées ; luttons
contre la scarlatine, la rougeole, la coqueluche, la diphtérie
par l’hygiène préventive, l’hygiène de nos écoles, on ne
saurait trop le répéter, et dans les cas de maladie déclarée,
luttons contre sa propagation par l’isolement et la désin¬
fection plutôt exagérés.
Combattons par l’assainissement et l’hygiène et de sages
mesures administratives, la fièvre typhoïde qui semble vou¬
loir s’acclimater au milieu de nous.
/
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- 267 -
Veillons à l’alimentation des enfants pour écarter d’eux
leur ennemi le plus redoutable, l'athrepsie.
Les affections respiratoires donnent lieu chaque année à
plus d’un tiers de décés, les affections cérébrales à plus d'un
cinquième ; ce sont les deux causes de mort les plus fré¬
quentes.
Il serait bon à ce sujet de connaître la proportion des
décés des autres grandes villes de France, pour savoir si
nous devons ce taux assez élevé aux conditions climatéri¬
ques dans lesquelles nous vivons.
En résumé, voici la proportion selon laquelle chacune
des causes de mort dont nous nous sommes occupés a con¬
tribué à la mortalité générale de ces quatre années.
1. Fièvre typhoïde. 0.96 °/ #
2. Variole.,. 0.31
3. Rougeole. 1.08
4. Scarlatine. . 0.70
5. Coqueluche. 0.45
6. Diphtérie. Croup. Angine couenneuse.... 2.09
7. Choléra asiatique.. 1 décès
8. Tuberculose pulmonaire ... 9.40
9. Autres tuberculoses. 2.30
10. Tumeurs. 4.97
11. Méningite simple. 2.60
12. Congestion et Hémorrhagie cérébrales... 8.22
13. Paralysie sans cause indiquée pour les
3 premières années. 0.30
» Autres affections cérébrales pour 1890... 2.05
14. Ramollissement cérébral. 2.60
15. Maladies organiques du cœur. 6.67
16. Bronchite aigue. 2.35
17. Bronchite chronique. 2.19
18. Pneumonie.—Bronchopneumonie. 10.19
18 bis. Autres affections pulmonaires connues
pour 1890 seulement. 1.36
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— 268 -
19. Diarrhée. Gastro-entérite. 7.11 •/,
20. Autres affections des voies digestives con¬
nues pour 1890 seulement. 0.78
21. Fièvre et autres affections puerpérales... 0.45
22. Débilité congénitale et vico de conforma¬
tion. 1.53
23. Sénilité. 4.97
24. Suicides. 0.91
25. Autres morts violentes. 0.62
26. Autres causes de.mort. 18.39
Classe surtout chargée comme nous l’avons vu
pour les trois premières années. En 1890, elle
ne donne que 1,05 %.
27. Causes restées inconnues. 0.24
28. Morts nés. 3.92
Ce qui nous donne au total :
Pour les maladies contagieuses (1, 2, 3, 4).. 3.05 0 /»
Pour les affections des voies respiratoires
n M 5, 6, 8, 16. 17, 18, 18 bis . 28.03
Pour les affections cérébrales, n* 11, 12,
13, 14. 15.77
Pour les affections des voies digestives n or 19
et 20. 7.89
Pour les affections du cœur n* 15. 6.67
Le reste soit 38,59 °/ 0 se répartit, comme nous venons
de le voir entre toutes les autres catégories.
Souhaitons en terminant que cette étude jointe à beau¬
coup d’autres soit de quelque utilité et qu'elle aille grossir
le nombre de ces archives suprêmes, comme les nomme
Beriillon, « dont l’accumulation successive accroîtra la
valeur et les fruits et dans lesquelles trouvent de précieux
documents, les sciences qui s’occupent de l'étude de l’homme
et les arts qui veillent à l’amélioration de son sort. »
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RAPPORT
8UB LE
lÆÉ^ÆOIK/E Q,TTI PBEOÈDE
Par M. le Docteur PATAY.
Séance du 16 Juillet 1891.
Messieurs,
Complimentons tout d’abord notre jeune confrère d’avoir
repris une œuvre utile que nos occupations ne nous avaient
pas permis de continuer et souhaitons lui la persévérance.
Nous lui ferons d'abord une observation, qui nous parait
assez importante :
« La direction de l’assistance et de l’hygiène publique
« au Ministère de l’intérieur exige, nous dit-il, mainte-
c nant de toutes les grandes villes, l’envoi d’un bulletin
c statistique sanitaire, mensuel, sur lequel doivent être
c notés tous les décès survenus pendant le mois. >
Avec M. le D r Le Page, nous pensons que ce tableau est
mal conçu et nous le regrettons ; c’est sans doute l’œuvre
des bureaucrates.
Mais, quelque mauvais qu’il soit, nous n’approuvons
pas notre confrère de vouloir le modifier. Il est le même
pour toute la France, tandis que les changements adoptés
par M. Le Page lui resteront personnels, et si d’autres
l’imitent, la classification variera à l’infini, d’où le chaos.
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- 270 —
Nous lui conseillerions de suivre l’ordre adopté, puis,
dans les classes pouvant prêter à la confusion, de faire une
série de paragraphes. Nous aurons ainsi des renseigne¬
ments complets sans sortir de la classification ministérielle.
Au moment où je m’occupais de statistique, il n’y avait
rien d’organisé au ministère, il m’avait donc fallu créer
une classification.
Noire confrère termine son préambule en disent : t Les
c causes de mort étant connues, en mourrons-nous moins?
c Je l’espère, car nous aviserons alors au moyen de les
c combattre dans la mesure du possible, et la constatation
c des maladies, causes de la mort, nous conduira néces—
c sairement à l’investigation étiologique de ces causes
« mêmes et par suite à l’application des mesures d’hygiène
c et d’administration les plus propres à lutter contre elles
« sur le lieu d’origine. »
Nous pensions ainsi, il y a 25 ans, aujourd’hui, il n'en
est plus de même. Les conseils de l’hygiène, nous ne les
suivons pas quand ils nous gênent; quant aux mesures
administratives, ces mots seuls, qui nous paraissent une
entrave à la liberté individuelle, nous mettent hors de nous
et bien des médecins sont des adversaires résolus, des
renseignements qu’on peut nous demander pour la connais¬
sance des maladies épidémiques.
La première partie compte quatre tableaux donnant par
mois, le nombre des décès dans les diverses catégories
établies par auteur, nous critiquerons l’étendue donnée à la
seconde classe, qui comprend les enfants de 1 à 19 ans.
Nous voyons que le nombre des morts ne varie pas beau¬
coup. 1,460 minimum en 1889, et 1,628 maximum en 1890,
qui est pour la mortalité une année exceptionnelle, ne
donne qu’un écart de 168 décès.
En somme, la mortalité suit toujours à peu prés la même
marche, tout en ayant diminué avec l’augmentation de la
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— 271 -
population. La moyenne générale dos années 1887, 88, 89
et 90, nous donne 25,12 pour 1,000, la population étant de
60,826 habitants, tandis que pour les années 1878, 79, 80
nous arrivons à plus de 27,6 pour 1,000, la population
n’étant alors que 52,157 habitants.
Examinons maintenant et comparons la mortalité dans
les affections épidémiques et la phtisie.
La diphtérie nous a donné :
1878
45 décès, \
1879
20 — [
3 années, 71.
1880
6 - ;
1887
16 décès, \
1888
25 - [
Total : 3 années, 93.
1889
52 — )
1890
31 -
Cette augmentation n’a pas été en somme, ce que l’on
pourrait craindre au premier abord, étant donné la diffé¬
rence de population d’une part et la présence de personnes
étrangères à la ville, soignées à l’hôpital.
Pour la fièvre typhoïde, nous trouvons :
1878
25 décès,
1887
9 décès,
1879
59 —
1888
12 -
1889
29 -
1889
20 -
1890
18 -
ainsi, nous prouvons à M. Le Page, qu’au lieu d’augmen¬
tation, il y a diminution sensible, de même pour la variole :
1878
52 décès,
1887
1 décès,
1879
36 —
1888
1 -
1880
10 —
1889
17 -
-
1890
B
ce qui nous montre, que dans ces quatre années, il n'y a
pas eu d’épidémies sérieuses et que les revaccinations
deviennent peut-être plus nombreuses.
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— 272
La moyenne de la rougeole a été dépassée en 1890,
l’influenza a peut-être contribué à cette augmentation :
1878
7 décès,
1887
22 décès,
1879
11 -
1888
»
1880
22 —
1889
3 —
1890
41 —
La mortalité de la scarlatine est en progrès réel.
La lethalité, due à la phtisie étant toujours fréquente,
'augmente pas non plus :
1878
146 décès,
1887
153 décès,
1879
158 —
1888
136 —
1880
150 -
1889
126 —
1890
158 —
Les quelques comparaisons que nous venons d’établir
vous prouvent surabondamment que la mortalité n’est pas
en croissance à Orléans.
Pour les trois années 1878 à 1880, nous trouvons 4,398
décès, soit 27,6 pour 1,000.
Pour 1887 à 1889, en laissant la quatrième année 1890
dont la mortalité a été exceptionnelle, nous arrivons à
4,485 décès, soit 24,57 pour 1,000, en tenant compte, bien
entendu, de l’augmentation de la population.
Cette diminution dans la mortalité doit nous encourager à
augmenter les précautions hygiéniques, dont nous sentirons
de plus en plus les bons effets.
Nous vous proposoné, Messieurs, l’insertion du travail
de M. Le Page dans nos mémoires.
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NOTE
SUE
UNE PIERRE NÉPHRÉTIQUE
Par M. le Docteur PATAY.
Séance du 16 Juillet 1891 .
Messieurs,
A la séance du 2 mai 1890, notre regretté secrétaire,
M. Davoust, dans son intéressante notice sur M. de Bize-
mont, vous signalait la formule d’un collyre bizarre dont
cet artiste se servait avec succès et qu’il recommandait
chaudement. Je viens vous signaler une autre croyance
ridicule à laquelle un Orléanais également célèbre, Des¬
friches, avait entièrement foi, comme la plupart de ses
contemporains du reste. Je veux parler du jade ou pierre
néphrétique.
Le jade est une substance minérale, amorphe, verdâtre,
composée de silice, de chaux, de soude, de potasse et d’oxyde
de fer, qui n’est plus d’aucun usage en médecine.
Le bel échantillon possédé par Desfriches, était dans la
collection de mon père. C’est un parallélogramme de
0 m 054 mIu . sur 0“ 038. Il est entouré d’un encadrement en
argent, muni de deux anneaux. On pouvait ainsi le porter
suspendu.
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— 274 —
Il était enveloppé dans an papier, portant des inscriptions
sur les deux faces.
Face extérieure
Pierre néphrétique, morceau très prétieux, prêtée à
M. Lenormant du Coudray, le 27 juillet 1769.
Cettepierre néphrétique quej’avaisprêtéeàM. Ducoudray,
vient de m’estre rendue ce 12 février 1789, par M u ' Lenor¬
mant son heritierre, il l’a portée sur lui depuis le 27 juillet
1769, le domestique de M"* Lenormant l’a trouvée dans
son linge salle dans sa chambre, elle a couru risque d’être
perdue.
J’ai eu cette pierre de M. l’abbé Desfriches, chanoine de
Notre-Dame, mon cousin, elle luy avoit cousté fort cher,
il m’en avoit souvent parlé de son vivant. Cecy pour notte
à Orléans, ce 12 février 1789.
Dbsfbichbs.
Face Intérieure.
Le 27 juillet 1769, j’ay fait voir ma pierre néphrétique
à M. Bertrand, chirurgien, qui m’a asseuré n’en avoir
jamais vu de si grande, il m’a dit que M. Philippe en avoit
achepté une trente louis qui estoit d’un tiers plus petitte,
que un particulier de cette ville, attaqué de la pierre en
avoit fait chercher une à Paris et partout le Royaume, que
enfin après beaucoup de temps écouslé il en avoit décou¬
vert une à La Rochelle, mais que le propriétaire en faisoit
tant de cas qu’il avoit esté obligé de mettre cinquante louis,
que M. Vilbouré en avoit par liazard acquis une très petite
200 1 , que plus ces pierres sont grandes, plus elles ont de
vertu. J’ay fait cette notte affin que l’on fasse de ce mor¬
ceau le cas qu’il méritte.
Dbsfbichbs.
A Orléans, ce 27 juillet 1769.
»»«««» —
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M. Eügène BIMBENET
PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ
1TOTXOB IsTÉCE/OLOGIQ/UE
Par M. PAULMIER, Vice-Président.
Séance du 2 octobre 1891.
Messieurs,
A notre dernière séance de juillet, M. Bimbenet, en
nous souhaitant de bonnes vacances, nous disait au revoir
au mois d’octobre.
Vous l’aviez vu plein de jeunesse, tant il portait gaillar¬
dement ses quatre vingt-dix ans. Rien ne vous faisait pré¬
voir qu’il occupait ce fauteuil pour la dernière fois.
Notre honorable président a été enlevé en quelques
heures.
Il est mort le samedi 19 septembre en pleine connais¬
sance ayant eu la joie de recevoir les derniers sacrements.
Aujourd’hui, de cette place, où vous étiez accoutumés à le
voir, je viens vous parler delui, des regrets qu’il nous laisse,
vous rappeler cette existence laborieuse, ses nombreux
travaux et vous dire le concours qu’il a donné à notre
Société pendant plus de trente-quatre ans.
C’est une tâche douloureuse que j’ai à remplir. Pour
moi, M. Bimbenet n’était pas seulement le collègue aimable
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que tous avez connu, le causeur charmant plein de verve
ayant toujours une anecdote, un souvenir à vous raconter.
Il était presque un parent étant devenu le grand père d’un
de mes fils. J’avais pénétré dans l'intérieur de la maison,
je l’avais vu entouré de ses enfants, de ses petits-enfants,
de ses douze arrière petits-enfants. J’avais souvent été
témoin de la joie et du bonheur du chef de famille et
j’avais vu quels trésors d’affection il y avait dans son cœur.
M. Bimbenet est né à Orléans, le 21 avril 1801, dans
une maison de la rue des Grands-Ciseaux, qui appartient
encore à son petit-neveu.
Son père était procureur à Orléans et a laissé une répu¬
tation de probité et d’honorabilité.
M. Bimbenet a fait ses études dans l’institution de
Mosard, institution à la mode où il avait pour condisciples
MM. Dupuis, Rousseau, etc., qui sont devenus ses amis.
Il fit son droit à Paris et revint à Orléans avec le titre
d’avocat.
En 1830 il succéda à M. de Plasman comme avoué à la
cour. Il céda son étude en 1839, et, en 1840, il est nommé
greffier en chef de la Cour d’Orléans, fonctions qu’il a con¬
servées jusqu’en 1866. C’est à lui qu’on doit le rangement
et le classement des archives de la Cour. C’était un travail
considérable qu’il a su mettre à bonne fin.
Libre de son temps, M. Bimbenet s’absorba dans les
études auxquelles il n’a pas cessé de se livrer jusqu’au
dernier jour de sa vie. Il connaissait à fond les richesses
de la bibliothèque d’Orléans. Il en usait plus et mieux que
personne et je ne crois pas me tromper en disant que
chaque jour il s’y rendait avec un double but, voir notre
savant Secrétaire général et prendre des notes dans les
archives qui n’avaient pas de secrets pour lui, heureux
quand il pouvait découvrir quelque vieux manuscrit, quelque
document intéressant l’histoire de la ville d'Orléans.
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— 277 —
M. Bimbenet fut élu membre de notre Société en 1857.
Il a été pendant longtemps vice-président et depuis 1887 il
était notre président.
A peine nommé membre de notre Société, le 15 mars
1857, M. Bimbenet donne une étude très complète sur
M. John Watzon, bibliothécaire de la ville d’Orléans. C’est
le premier travail publié dans nos annales.
Nommé rapporteur du mémoire de M. Baguenault de
Yiéville, Orléans et ses panégyristes au xvi' siècle, M. Bim¬
benet, avec son cœur Orléanais, en profite pour aborder la
question de savoir si l’on peut considérer Orléans comme
l'antique Oenabum. Pour lui, ceci ne fait pas de doute. Il
invoque les opinions de tous les annalistes anciens et mo¬
dernes. Il rappelle l’étymologie de Genabum qui viendrait
de Genius et de Bund, ce qui voudrait dire fondement du
génie, à moins que la ville ne fut une fondation de Noë
appelé Genius, où à moins qu’elle ne vint de Gignens
omne bonum engendrant toute espèce de biens. Mais
M. Bimbenet n’admet pas ces étymologies. Genabum se
compose de deux mots, l’un celtique, l’autre persan, le
premier Gen pointé tête, le second ab cours d’eau. Gen-ab
veut donc dire tout simplement ville dominant un grand
cours d’eau.
Cette question de Genabum , d’Orléans est une des
plus chères au cœur de notre Président, aussi y revient-il
souvent.
En 1858 et 1863 il nous donne deux mémoires sur l’ori¬
gine et le sens du mot Orléans. Pour lui Orléans doit son
nom à l’empereur Aurélien. Mais la question de Genabum
Orléans était toujours controversée. En 1866, M. Bimbenet
lit à la Société archéologique d’Orléans, un travail remar¬
quable pour répondre aux objections soulevées et pour
défendre la cause de sa ville natale.
On conteste ses conclusions; travailleur infatigable, sans
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— 278 —
peur et sans relâche, il reprend la plume et le 4 mars 1867
il nous lisait ses recherches philologiques sur le sens de la
double dénomination de Gen-ab et d'aurelia donnée dans
l’antiquité celtique à la ville d’Orléans et sur la dénomi¬
nation de Gienius ou Giennum donnée & la ville de Gien
à la même époque.
Les archives de l’ancienne Université d’Orléans furent
une mine précieuse pour M. Bimbenet. Il y trouva des
documents qui lui permirent de faire une série d’articles
intéressants.
Son premier travail est de 1850, il parut dans une revue
d'Amiens. C’était un mémoire sur les écoliers de la nation
Picarde à l’Université d’Orléans. En 1886, il traite encore
des écoliers de la nation Picarde et de la Champagne â
l’Université d’Orléans.
Le 5 janvier 1872, il nous donne un travail sur la bataille
de Saint-Quentin, livrée le 10 avril 1557 et racontée en
1559 par un écolier Allemand, étudiant à l’Université
d’Orléans.
M. Bimbenet nous montre la haine profonde que l'Alle¬
magne avait déjà conçue et qu’elle a depuis constamment
entretenue contre la France, et dans la chaleur de son
patriotisme, il nous rappelle que l’armée Française est
entrée à BerliD autrement que les armées Allemandes à
Paris.
La même année, il publiait une chronique historique
extraite des registres des écoliers Allemands étudiant à
l’Université d'Orléans.
En 1876, l’histoire de la fuite de l’Université d’Orléans
à Nevers ; son retour.
La même année, les maîtres grammairiens de l’Univer¬
sité d’Orléans tenant tutelle, docteurs en médecine, éco¬
liers et suppôts de l’Université.
En 1850, l’histoire de l’Université de lois d’Orléans.
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En 1885, restitution de la librairie de l’Universitë
d’Orléans ou Salle des Thèses. Quelle variété de sujets
M. Bimbenet n’a-t-il pas abordée. En 1872, un rapport sur
les Juges de Paix, ce qu’ils sont, ce qu’ils pourraient être.
En 1870, recherches sur l’origine de la Bibliothèque
d’Orléans.
En 1873, recherches sur l’origine et l’évolution de l’en¬
seignement et de la pratique de la médecine en France.
Examens de deux registres concernant le collège de
médecine d’Orléans.
En 1874, examen critique de la Charte octroyée par le
roi Louis VII aux habitants d’Orléans, en l’année 1137.
Un travail sur la surveillance de la police.
Et un essai sur la jeunesse de Molière et sur les mémoires
de Charles Perrault.
Un rapport sur une notice biographique de Nicolas Beau¬
vais, de Préau, médecin à Orléans.
Recherches sur l’origine et la fondation définitive de la
Bibliothèque publique d’Orléans.
En 1882, une étude sur Montaigne et Montesquieu.
En 1886, une étude sur le véritable auteur de l’imitation
de Jésus-Christ.
Un essai sur le culte du lundi de chaque semaine. Enfin
cette année, son parallèle entre Brunehaut et Marie-Antoi¬
nette.
De plus les nombreuses notices nécrologiques sur les
collègues que nous avons eu la douleur de perdre, notam¬
ment celles sur MM. Lemolt-Phalary, Boutet de Monvel,
Petau, Baguenault de Viéville, Collin, véritables monu¬
ments destinés à conserver la mémoire de ces hommes de
bien.
Ces travaux si nombreux, qui ont été lus à notre Société
ne constituent qu’une partie de l’œuvre de M. Bimbenet.
Il faut en ajouter bien d’autres publiés soit dans les Mé-
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— 280 —
moires de la Société archéologique, soit dans la Revue de
Législation, soit autrement. Je n’ai qu’un regret, c’est de
ne pouvoir les analyser, mais tous valent la peine d’être
cités.
Le plus ancien et peut être un des meilleurs est la rela¬
tion fidèle de la fuite de Louis XVI et de sa famille &
Varennes, extraite des piècesjudiciaires et administratives,
produites devant la Haute Cour Nationale établie à Orléans
et déposées au Greffe de la Cour, 2 éditions 1844-1868.
Les essais de Montaigne dans leurs rapports avec la
législation moderne, extrait de la Revue critique de légis¬
lation, travail très sérieux, bien étudié et d’un très bon
style.
La Monographie sur l’Hôtel-de-Ville d’Orléans qui a eu
deux éditions, 1855.
L’Episcopat de Saint-Euverte et de Saint-Aignan.
Recherches sur l'état de la femme, l’institution du ma¬
riage et le régime nuptial, 1855.
Les Conciles d’Orléans considérés comme source du
droit coutumier, 1864.
De l’esprit des Conciles d’Orléans.
Le Régime municipal dans la Gaule, depuis la dénomi¬
nation Romaine jusqu’à l’établissement de la Monarchie,
1491.
Les Justices temporelles des Chapitres d’Orléans.
Histoire de la ville d’Orléans, 5 volumes, 1884.
Si longue que soit cette nomenclature, je ne suis pas sûr
d’avoir tout cité. Je sais que dans ses cartons il y a de
nombreuses notes sur une foule de sujets. Sa mort en a
empêché la publication.
Quelle variété dans les travaux de M. Bimbenet, quelle
œuvre considérable, prodigieuse !
M. Bimbenet était un travailleur infatigable, mais il
était heureusement doué. Il avait une mémoire excellente
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et n’oubliait rien de ce qu’il avait vu ou lu. De plus il
écrivait très vite et n’apportait aucune modification à sa
pensée, une fois qu’il l’avait formulée.
M. Bimbenet était membre de la Société des Antiquaires
de Picardie depuis 1844.
En 1874, il est nommé officier de l’Académie de Pise.
En 1877, officier d’Académie de France, et en 1880, che¬
valier de la Légion d’honneur.
J’ai parlé du savant. Permettez-moi quelques mots sur
l'homme du monde : son visage aimable, son regard bien¬
veillant, son fin sourire reflétaient sa souveraine bonté.
M. Bimbenet était un causeur merveilleux, avec ses souve¬
nirs intéressants, ses réflexions judicieuses, ses anecdotes
piquantes. Il exerçait une véritable séduction sur ceux
qui l’écoutaient.
Du père de famille, que dire ?
Il adorait tous les siens, et comme M. Tranchau, je dirai
que son égalité d'humeur, sa douce gaîté, sa simplicité
familière, son indulgente bonhomie en faisaient une idole
pour toute la famille. Tel est l’excellent homme, le brave
citoyen, le bon collègue que nous avons eu la douleur de
perdre et dont le souvenir restera gravé dans nos cœurs.
19
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POMPONIUS LÆTUS
ET
Par M. L. GUERRIER.
Séance du 16 Octobre 1891.
V Academia di Pomponio Lelo e le sue memorie scritte
sulle pareti delle catacombe di Roma (1) : tel est le titre
d’un intéressant mémoire publié par M. de Rossi, dans
la dernière livraison de son Bulletin d'archéologie chrè -
tienne (2). Ma première intention fut d’en rendre compte
à la société, dans un court et rapide entretien; mais
l’intérêt du sujet, les recherches auxquelles je me laissai
naturellement entraîner, et les résultats qu'elles ont fournis,
m’ont engagé à modifier le plan et à élargir la cadre que
je m’étais tracés d’abord. Des notes, mises au bas des pages,
indiqueront les sources où j’ai puisé.
I
Il est permis de se demander ce que fut Pomponius
Lætus; car sa renommée ne semble pas avoir jamais eu un
grand retentissement de ce côté-ci des Alpes. C’est au point
(1) L'cAadêmie de Pomponius Lœlus et ses inscriptions tracées
sur les parois des Catacombes.
(2) Ballettino di archeologia cristiana , Série V a , anno 1890,
min., n°* 2, 3.
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que Pierre Pithou et Juste Lipse l’ont pris pour un gram¬
mairien du moyen-âge ; et que le numismate Vaillant a vu
en lui un auteur de l’antiquité. Ce fut un des savants les
plus distingués de la renaisssance italienne, au XV e siècle.
Sur son vrai nom, sa famille, le lieu de sa naissance, on
n’est pas d’accord ; il n’entretenait aucun rapport avec sa
famille, et jamais on he l’entendit en parler. Un étranger
se hasardait-il à l’interroger sur ce point : c Suis-je donc
un ours, répondait-il avec brusquerie, pour que l’on m’exa¬
mine de si près ? >
Il était selon l’opinion la plus probable, bâtard d’un
prince de la maison des Sansovini ; et naquit à Armendolara,
petite ville de la Haute-Calabre, en 1425 (1). Pomponius
Lætus est un nom qu’il se donna lui-même dans la suite :
l’histoire le lui a conservé (2).
De bonne heure il vint à Rome, pour étudier les lettres
antiques ; et il y fit de rapides progrès. Le temps, en effet,
était proprice. Pleine de monuments et de grands sou¬
venirs, remuée jusqu’aux entrailles par les chants enflammés
d’un poète de génie, l’Italie avait secoué son sommeil ;
laissant l’Europe dormir, près de deux siècles encore ; et la
France épuiser dans les vicissitudes, presque toujours
douloureuses, d’une guerre interminable, tout ce quelle
avait d'ardeur, de sang et de génie. Dès le début du
XV e siècle, sa langue littéraire était faite, et des chœfs-
d’œuvre l’avaient consacrée; les plus grands écrivains,
pour se surpasser eux-mêmes, comprirent qu’il fallait aller
jusqu’aux sources de l’éloquence et de la poésie; qu’il
fallait étudier les Romains et les Grecs. De là cette ardeur
à rechercher les manuscrits; cet enthousisme, quand on les
(1) Paul Jovb le fait naître dans le marche d’Ancone; d’autres, à
Salerne.
(2) Il est quelquefois appelé Pierre de Calabre.
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— 284 —
a trouvés; ces sacrifices pour les posséder; ces soins
pieux et jaloux pour les conserver, les étudier, s’en pénétrer
et s’en nourrir. Tel vend une métairie, pour avoir un
Tite-Live ; un autre emporte, au milieu des armes, les
Commentaires de César; Boccace, s’en va le cœur plein
d’espérance, secouer la poussière des vieux livres, dans les
greniers du Mont-Cassin ; et c’est sur un manuscrit de
Virgile, que Pétraque rend le dernier soupir. On copie, on
explique, on imite, on traduit; une même et noble passion,
jusqu’alors inconnue, agite les cités et les princes, l’enthou¬
siasme est général ; et pour répandre, au milieu de la
jeunesse, l’amour des lettres antiques ; et en assurer les
bienfaits aux générations à venir; des écoles, bientôt
célèbres, sont établies d’un bout à l’autre de l’Italie :
à Bologne, à Milan, àPavie, à Florence, à Rome, à Naples,
partout.
Pomponius venu à Rome, se mit d’abord sous la disci*
pline de Pierre de Monopolis, grammairien célèbre à cette
époque ; ensuite sous celle de Laurent Valla, esprit
ardent, hardi jusqu’à l’audace ; mais en même temps habile
et savant latiniste, l’émule de Georges de Trébizonde, qui
professait dans le même temps l’éloquence. Valla expliquait
les historiens et les poètes et le faisait avec tant de succès
et d’éclat, que sa renommée s’était répandue dans toute
l'Italie :
Orator tota clarus in Italia (1).
Quand il mourut, Pomponius, alors âgé de vingt-sept
ans, fut appelé à lui succéder (1457).
On se pressa à ses leçons; et comme il enseignait de
(1) Antonii Astisani , de ejus vita et varietate fortunœ ap .
Mubàtori, Rerum Italie Scriptores. Mediolani 1729, t. xiv, p. 1,013.
Les chap. in et iv de ce poème contiennent des détails intéressants
sur l’état des études en Italie, dans le premier tiers du xv< siècle.
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grand matin, on voyait, dès le milieu de la nuit, ses élèves
accourir pour occuper leurs places. Lui-même, quelque
temps qu’il fit, sortait de sa maison avant le jour, une
lumière à la main, et se rendait à son école, où il expliquait
les auteurs latins, aux applaudissements de cette jeunesse
avide et passionnée, dont une grande partie était réduite à
se tenir debout, et dehors (1).
Que les temps sont changés ! Vie austère et dure, priva¬
tions, veilles et longs travaux, on acceptait tout, on endu¬
rait tout, avec le contentement au cœur et le sourire aux
lèvres (2) ; les esprits, comme les corps se développaient et
se trempaient dans le travail. C’est aux époques où l’on
travaille le moins, que l’on se sentira faible, et qu’on se
plaindra d’être surmené.
Cette faveur qui s’attachait à sa parole, Pomponius en
était digne. Il savait beaucoup et enseignait avec amour.
S’il était un peu traînant, dans la conversation ordinaire,
et un peu bègue; on ne s’en apercevait plus, dès qu’il parlait
en public. Sa manière rappelait celle de Georges de
Trébizonde ; et il y joignait la pureté, l’élégance de langage
qu’il avait héritées de Valla. Erasme voit en lui le type
accompli de la latinité moderne. Aussi est-ce à l’étude des
plus grands écrivains de Rome qu’il se plaisait par dessus
tout, et qu’il aimait à revenir. Son plus vif regret était de
n’avoir pas vécu au temps de Cicéron ou de Virgile ; et
pour s’y transporter, autant qu’il était possible, par la
pensée, il donnait des éditions, écrivait des commentaires,
recherchait avec passion les manuscrits, les inscriptions et
les médailles, tous les souvenirs de l’antiquité. Même, pour
en avoir davantage, on prétend qu’il en fabriquait.
(1) Tibàboschi, Storiadello litteratura italiania , t. vi,2* part. p. 12,
(2) Il en était de même en France au siècle suivant. V. Fragments
des Mémoires de Henry de Mesmes dans Variétés historiques et
littéraires . Paris 1863, t. x.
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Rabelais s’y laissa prendre : il fit imprimer à Lyon,
chez Griphins, en 1532, et tirer à deux mille exemplaires,
un testament de Lucius Cuspidius, qu’il avait pris pour un
antique, et qui n’était autre chose qu’un postiche de
Poraponius(l). A moins, comme Tiraboschi le remarque(2),
que le savant professeur de Rome n’ait été lui-même dupe
de quelque faussaire; ainsi qu’il est arrivé à tant d'autres,
avant lui, et après (3).
La réputation de Pomponius et l’autorité qu’il s’était
acquise, le mirent en état de réunir autour de lui un
certain nombre d’amis des lettres, jeunes pour la plupart;
et de fonder une académie. Elle est connue dans l’histoire
sous le nom d’Académie de Pomponius Lætus ou d’Aca¬
démie romaine.
Il s’était déjà formé en Italie plusieurs associations
savantes: celle des Augustins du couvent du Saint-Esprit,à
Florence ; celle du cardinal Bessarion, à Rome ; surtout
celle des Médicis, qui jetait alors un si vif éclat avec
Marsile Ficin, Léon-Baptiste Alberti et Pic de la
Mirandole. Elle se donna le nom d’Académie, en mémoire
de Platon ; et ce nom, devenu deux fois célèbre, fut pris
dans la suite, par les sociétés qui se formèrent avec les
mêmes goûts et le même esprit. Florence s’occupait surtout
de philosophie ; on s’entretenait, chez le cardinal Bessarion
du droit, des lettres grecques et des beaux-arts ; l’Aca¬
démie de Pomponius s’attachait principalement à la litté¬
rature et aux antiquités de Rome. Tant de fois dévastée,
(1) Jam quod ad Cuspidii pseudotestamentum attinet , libens
id illis conredo qui sibi fucum fieri æquo animo patiuntur,
(Barnab. Brxssonii , De Formuliis , lib. vm.
(2) Storia délia litteratura ital ., t. vi, 1* part. p. 163.
(3) Tiraboschi, t. ii, p. 558, cite une épitaphe en Thonneur du
poète Claudien, que Mazzocchi et beaucoup d’autres ont publiée comme
une decouverte de Pomponius, et qui n’était probablement qu’un fruit
de son imagination.
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— 287 —
Rome possédait cependant alors de nombreux et précieux
monuments, qui ne devaient pas tarder à disparaître. On
pouvait admirer au Forum la basilique de César; le temple
de Cerès se dressait encore sur la Voie Sacrée, et l’on ne
pouvait point gagner, par le Corso, la voie Flaminia,
sans passer sous Tare triomphal de Marc-Aurèle. Les
tuiles de bronze du Panthéon d’Àgrippa n’avaient point
été arrachées pour faire des canons ; ni les colonnes du
forum de Nerva, pour décorer la fontaine monumentale
de Janicule. Le sol restait jonché de débris : architraves,
frises, chapiteaux, bases et fûts de colonnes, marbres
précieux, revêtements, fragments de mosaïques, qui per¬
mettaient de marquer la place des grandes architectures
disparues, et de les reconstruire par la pensée. Raphaël
aura la douleur, au début du siècle suivant, de voir
jeter au four à chaux, près du temple de Castor, les
fragments de statues, les belles frises et les incriptions du
Forum : « Cette nouvelle Rome, écrivait-il à Léon X (1),
que nous voyons dans sa grandeur et sa beauté, avec ses
palais et ses églises, a été bâtie avec de la chaux faite de
marbre antique. » Il avait fallu des architectes, pour
détruire l’antiquité jusque dans ses ruines, et faire ce que
n’avaient pas fait les barbares.
Mais au xv* siècle, Pomponius et ses amis avaient sous
les yeux de nombreux objets d’étude. Ce n’est pas au point
de vue de l’art qu’on envisageait alors les monuments : le
moment n’étaitpasvenu encore (2). Ce qu’on leur demandait,
c’étaientdesindicationsprécisespourl’explication des textes,
(1) Rapport de Raphaël à Léon X, en 1519.
(2) Pour les lettrés, du moins, et les savants; peut-être aussi pour
les artistes de Rome. Mais nous voyons, dès les premières années du
siècle, deux amis, deux grands maîtres, Brunelleschi et Donatello,
venir de Florence à Rome, en dessiner les monuments, en fouiller les
ruines et en admirer la beauté, avec un enthousiasme qui ne fut jamais
dépassé.
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des renseignements pour mieux comprendre les poètes, les
historiens, les orateurs. La littérature de son côté, jetait
sa lumière sur les ruines; l'étude des manuscrits et celle des
monuments se complétaient ainsi l’une par l’autre; et consti¬
tuaient par leur union, la science intégrale de l’antiquité,
comprenant l’histoire, la religion, les institutions, les lettres,
les cérémonies et les mœurs.
Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que les grammaires, les
vocabulaires, les éditions savantes, tous les instruments,
toutes les facilités du travail manquaient aux académiciens
de Rome; ils n’avaient sous la main que des textes, plus ou
moins corrects à déchiffrer et à comprendre ; et, autour
d’eux, des arcs-de-triomphe, des temples, des portiques, des
basiliques, des amphithéâtres et des palais, dont personne
n’avait encore parlé, depuis la chute de l’empire. Voilà
dans quelles conditions ils ont jeté les bases de l’érudition
moderne. D’autres viendront après eux, dont les savants
ouvrages feront oublier les travaux des premiers jours ;
mais il ne serait pas juste, fussions-nous arrivés au faîte,
de dédaigner les degrés qui nous y ont fait parvenir. Il
fallut aux travailleurs du xv e siècle, pour surmonter les
obstacles qui se dressaient partout sous leurs pas, une
volonté, une activité, une persévérance, une force d’âme
incroyable. Ils s’encourageaient, s’animaient les uns les
autres; un air fortifiant semblait souffler sur eux; la diffi¬
culté même avait ses attraits; et le succès venait presque
toujours, à la fin, couronner leurs efforts et les encourager
à de nouvelles espérances. C’est ainsi qu’ils ont tant
moissonné, partout où ils ont passé, dans le vaste champ
de l’histoire et des lettres. Qu’il leur soit arrivé d’éprouver,
avec la joie si vive des premières découvertes, un enthou¬
siasme, une sort9 d’ivresse, dont les manifestations font
sourire ; il faut savoirje leur pardonner : nous risquons d’être
trop sévères, pour des choses que nous ne comprenons plus.
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Il paraît que les académiciens de Rome, passionnés
comme ils Tétaient pour l’antiquité, avaient le tort de
Tadmirer trop dans ses institutions, ses grandes actions et
ses grands hommes ; et qu’il me leur restait plus assez de
goût pour les hommes, les usages, la police et les idées de
leur temps.
On dit aussi quePomponius avait dans sa maison, et qu’il
entourait de soins pieux, un petit autel consacré au fon¬
dateur de Rome. Et comme il avait pris pour lui-même un
nom antique, il donna des noms antiques à ses amis. Nous
trouvons parmi eux Minutius, Glaucus, Pantagathus,
Callimachus, Papirius, Parthenius, Gallus, Asclépiades :
il y en a d’autres encore (1). Ce fut un exemple, que Ton
imita dans la suite, et qui était renouvelé lui-même de ce
qui s’était fait, à l’école du palais, au temps de Charle¬
magne. Le prince alors et son entourage n’hésitaient
point à se parer des plus grands noms : ils s’appelaient
Horace, Pindare, Homère et David. L'académie de Rome
y mit plus de modestie.
II.
Pomponius Lætus et ses amis vécurent en paix pendant
plusieurs années, sous un pape ami des lettres, et qui
occupait lui-même une graude place dans le monde savant:
Pie II, Æneas Sylvius Piccolomini, qui fut à la fois
poète, historien, théologien et diplomate.
Ces beaux jours ne devaient pas durer. Une réunion de
gens d’esprit, jeunes, ardents et libres, est trop exposée,
par sa nature jnême, à porter ombrage ; l'envie ordinaire¬
ment et la malveillance y aident ; mais le danger devient
(1) De Rossi : Roma sotterranea , tome n. pages 89-92. Il y a des
inscriptions relatives à ces académiciens, que M. de Rossi n’a pas
publiées encore. Bullet. di Archeol. crist ., 1890, p. 23, note.
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— 290 —
inévitable, si l’association renferme dans son sein quelque
personnalité importante, dont le pouvoir pense avoir à se
défier.
Pie II avait réuni autour de lui un certain nombre de
lettrés, dont la fonction consistait à rédiger, dans un lan¬
gage correct et clair, les brefs pontificaux. On les nommait
les abréviateurs. Parmi eux se trouvait un des membres
les plus actifs et des plus distingués de l’Académie romaine;
il s’appelait Barthélemy Sacchi et était né à Platina, près
de Crémone : ce qui fait qu’il est désigné, dans l’histoire,
sous le nom de Platina. C'est par lui que l’Académie fut
compromise.
Soit économie, soit défiance des lettres et des lettrés,
soit qu’il trouvât, comme il arrive, quelque plaisir à défaire
ce que son prédécesseur avait fait ; Paul II, dès le début
de son pontificat, supprima le collège des abréviateurs.
Ainsi dépouillés d’un emploi qu’ils avaient payé et qui les
faisait vivre, les abréviateurs réclamèrent; on ne les
écouta pas. C’est alors que Platina, se laissant entraîner à
la fougue de sa nature, osa écrire au pape une lettre où il
le menaçait de provoquer la réunion d’un concile, de le
forcer à y rendre compte de sa conduite, et de faire réta¬
blir le collège des abréviateurs (1). Vaines paroles et
regrettables, échappées à la plume d’un homme irrité,
mais dont l’effet n’était guère à craindre. Paul II en aurait
pu sourire, car il était naturellement bon, et tellement
porté à l’indulgence qu’on l’avait surnommé Notre-Dame-
de-Pitié (2). Mais, cette fois, il crut qu’il fallait sévir; il
fit mettre Platina en prison, et l’y retint quatre mois, pour
lui apprendre à se taire. La leçon fut dure et longue,
encore ne finit-elle qu’à la prière du cardinal de Gonzague.
(1) Platina. In vita Pauli II.
(2) Quant maxime delectatus est indulgere , injuriarum que obli-
visci. (Canisius, Vita Pauli II. Ap. Mur a t or i, tom. ni, 2* p., p. 999.
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— 291 —
Remis en liberté et rendu sage, Platina se tint en silence;
mais il lui resta au cœur l’amer souvenir de ce qu’il avait
souffert.
Environ trois ans plus tard, pendant le carnaval de 1468 (1)
au milieu des fêtes que Paul II donnait au peuple, le bruit
se répandit d’une conspiration contre le souverain pontife.
Le chef était, disait-on, Callimachus. Or, Callimachus était
membre de l’Académie romaine. Platina, son collègue,
depuis longtemps suspect, fut aisément soupçonné d’être
du complot. Il fut donc immédiatement arrêté, dans la maison
même du cardinal de Gonzague, où il dinait en ce moment;
et jeté au château Saint-Ange. Une perquisition faite à son
domicile amena la saisie d’une lettre de Pomponius
Lætus.
Pomponius l’y traitait de Très-Saint-Père, Santissimo
Padre. Ce fut comme un trait de lumière ; on crut tenir le
fil de la conspiration et son but : il s’agissait, c’était clair,
de se défaire du Pape; et d’élever Platina au Saint-Siège.
Les conjurés se trouvaient indiqués : c’étaient les membres
de l’Académie romaine. Pomponius, qui était alors à Venise,
fut donc arrêté, chargé de chaînes, amené publiquement à
Rome et mis en prison, avec tous ceux de ses amis qu’il
fut possible de surprendre. Il y en eut une vingtaine ; les
autres réussirent à s’échapper.
C’est uniquement par le récit de Platina (2), que nous
savons ce qui se passa dans la suite. Platina a tout su, il a
tout vu : son témoignage est du plus grand prix. Mais il a
aussi tout souffert ; le calme en écrivant, et l’impartialité
auront pu lui être difficiles : son récit, pour cette raison
(1) Non en 1470, comme l'a écrit Muratori ( Ann . d'Ital. ad hune
annum). 11 résulte, en effet, du récit de Platina, que l’événement eut
lieu avant l’arrivée de l’empereur Frédéric III à Rome ; or, l'empereur
entra à Rome le 24 décembre 1468. Il y resta jusqu’au 9 janvier de
l'année suivante. Infessurà. Diario délia città di Roma.
(2) Platina. Vita Pauli II.
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demande à être discuté. Comme les détails échappent, par
leur nature même, au contrôle, nous avons cru devoir les
négliger, malgré l'intérêt qu'ils présentent.
Les enquêtes, les interrogatoires furent longs et inutiles.
Le Pape attachait tant d’importance à l’affaire quil crut
devoir, après le départ de l’empereur, se transporter au
château Saint-Ange, et jusqu’à trois fois, pour interroger
lui-même les prisonniers. Il ne put rien obtenir. On eut alors
recours à la question, qui fut appliquée avec une rigueur
extrême: il ne fut fait aucun aveu. Nous ne pouvions rien
avouer, dit Platina : il n’y avait rien.
Ainsi, point d’aveu, point de preuves ; il semblait que le
complot fut une fable, et c’est l’opinion qu’on s’en est
généralement faite. Ce point, du reste vient d’être mis
hors de discussion par M. Pastor, dans son importante his¬
toire des Papes. Il a publié une lettre de l’ambassadeur de
Milan où il est dit : « Quant au complot contre la per¬
sonne du Pape, on n’a rien trouvé, malgré le zèle qu’on y
à mis, que de vaines et imprudentes paroles (l). *
Il n’y avait donc plus qu’à mettre les prisonniers en liberté.
Mais Rome était encore sous le coup de l’alarme qu’on avait
donnée et de l’éclat qui s’était fait. Le Pape, c’est ici
Platina qui parle, le Pape eut peur, s’il ouvrait la prison,
de passer pour un homme pusillanime et léger; et de voir
diminuer son prestige. Les prisonniers furent donc retenus;
et on leur suscita d’autres affaires, afin de traîner les
choses en longueur. On incrimina leur enthousiasme pour
l’antiquité profane ; on leur reprocha de trop aimer Platon,
de discuter l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme; et
de remplacer les noms de leur baptême par des noms
païens. Iis répondirent que ces choses se faisaient journel-
(1) Circa li tractati contro la persona del Papa ... fatta ogni
diligencia e inquisicione , non s’è trovato fin a qui altro che parole
pazeevane. — Pastor, Geschichte derPàpste } etc. tome il. liv. n c.2.
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— 293 —
lement, et depuis longtemps, dans les écoles ; qu'on y
mettait les plus grandes vérités en discussion, pour les
mieux démontror ; quon peut aimer Platon, à la suite des
Saints-Pères ; et l’antiquité profane, à l’imitation du Pape
lui-même, que l’on voyait ramasser de tous côtés, des statues
antiques, pour en décorer le palais qu’il faisait alors élever
au pied du Capitole. Ils protestèrent, .d’une manière géné¬
rale, qu’ils étaient fidèles à la discipline de l’église; soumis
à ses enseignements ; et qu’il n’y avait rien à leur repro¬
cher qui sentit l’impiété ni l’hérésie.
Tel e3t, dans ses traits essentiels, le récit de Platina. Les
événements qui suivirent, et qui sont de notoriété publique,
viennent le confirmer.
Les prisonniers furent gardés un an au château Saint-
Ange. Quand l’oubli sembla s être fait sur cette affaire, on
les relâcha. «
Le temps n’avait point manqué, ni la volonté, ni les
moyens pour les examiner, les presser, les convaincre.
Cependant, ils ne furent point condamnés, point jugés; et
c’est sans conditions qu’il fallut, à la fin, leur rendre la
liberté.
Pomponius continua de se consacrer, pendant près de
trente ans encore, à l’éducation de la jeunesse; et son
académie dispersée put se retrouver et se rétablir. Quant
à Platina, il vécut en paix, pendant les dix années que dura
encore le pontificat de Paul II ; puis, comme si une répa¬
ration était due à ses longues et douloureuses épreuves, il
fut comblé de bienfaits par son successeur.
En faut-il davantage pour démontrer que l’Académie
romaine n’avait point été convaincue d’hérésie, ni de paga¬
nisme; et que ses membres n'étaient point des conspirateurs.
Platina, quand il écrivit la vie de Paul II, devait se tenir
dans son rôle d’historien et oublier ce que ce pape lui avait
fait souffrir. Il ne sut pa3 être généreux ; et n’ayant pu
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— 294 —
s’attaquer au Pontife vivant, il se vengea sur sa mémoire (l).
Tel est le sort des hommes puissants. Bien des princes, pour
avoir cultivé l'amitié des gens d’esprit, auront eu plus
d’éloges qu’ils n'en méritaient ; Paul II, par une raison con¬
traire, faillit passer aux yeux de la postérité pour un esprit
vulgaire, étroit et faible ; pour un ennemi des lettres et des
arts. Il faut être juste. S'il n'eut pas un goût prononcé pour
les lettres et les lettrés, ce noble vénitien, élevé, depuis
son enfance, au milieu de tant de belles choses, n’en fut pas
moins, pour tout le reste, un vrai pape de la Renaissance,
digne d’avoir sa place dans cette longue suite de pontifes
éclairés, artistes ou savants, qui occupe tout un siècle,
depuis Martin Y jusqu’à Léon X.
C’est lui qui fit restaurer les colosses du Monte Cavallo;
et au Forum les arcs de Titus et de Septime-Sévère. Il
aimait à bâtir; et nous lui devons un des plus curieux
monuments du XV e siècle : ce palais Saint-Marc, que l'on
peut voir encore, et qui fut donné plus tard à la république
de Venise. C'est là qu’il se plaisait à réunir les trésors
d'une collection incomparable, où les tapisseries, les bro¬
deries, les riches étoffes se mêlaient aux marbres, aux
bronzes, aux mosaïques, aux peintures, aux camées, aux
médailles et aux manuscrits précieux. Loin d'avoir été
l’ennemi de la Renaissance, il eut peut-être le tort, fort excu¬
sable alors, de trop partager, jusque dans ses excès, l'en¬
thousiasme de ses contemporains.
Un jour que les Romains voulurent, en reconnaissance
de ses bienfaits, célébrer en son honneur la pompe d'un
triomphe antique, il leur donna 400 écus d’or, pour les y
aider. Onvoyait d’abord s’avancer des géants; puis venait
l’amour avec son carquois et ses ailes ; Diane, à cheval,
(1) Platinà, Vita Pauli II. C’est dans les éditions du xv e et du xvi*
siècle qu’il faut la lire : dans la suite, on y a tait des retranchements.
Cf. Canesiüs, Vita Pauli II ap . Muratori , t. ni, 2 a part.
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accompagnée d’une troupe de nymphes; cent soixante jeunes
gens; à leur suite, les rois et les chefs des états vaincus,
parmieuxCléopâtre; derrière eux, Mars, Bacchûs, les Faunes
et une foule de divinités ; puis les plébiscites et les sénatus
consultes, écrits sur des étoffes de soie ; les étendards et les
autres signes militaires des romains; les consuls, le sénat,
et tous les magistrats autour d’eux. Quatre grands chars,
admirablement décorés, fermaient la marche ; et des chœurs,
portés sur ces chars, chantaient les louanges du pontife,
du véritable père de la patrie, du fondateur de la paix, de
celui dont la main libérale répandait de si abondantes lar¬
gesses. Le pape, caché dans l’embrasure d’une fenêtre, en
compagnie de plusieurs cardinaux, suivait, sans en rien
perdre, tous les détails de la fête ; et il y prenait un grand
plaisir (1).
Ce n’est point de Platina que nous tenons «ette histoire ;
mais il en a raconté d’autres, qui l’ont amené à faire une
remarque où il entre, semble-t-il, plus de malignité que
d’injustice : c’est que le pape, après cela, n’était guère auto¬
risé à reprocher aux chrétiens leur amour de l’antiquité
profane; et que lui-même ne laissait pas que de s’égarer un
peu, dans des sentiers que n’avait pas tracés Saint-Pierre.
Le cardinal de Pavie y apporta plus de sévérité ; car il
osa représenter au pape que ces jeux sentaient le paga¬
nisme, et qu’ils déshonoraient le pontife romain (2). Nous
voyons se manifester ici les préoccupations diverses qui
agitaient les esprits, même au Vatican, à l’époque de la
Renaissance.
(1) Ludos aspexit assidue ac festive, ex abdita fcnestrœ , parte ,
nonnullis sacri senatuspatribus una commorantibus. — Canesius,
in Vit a Pauli II,
(2) Fleury, hist. eccl. adann. 1467. Jacques, cardinal de Pavie, avait
été secrétaire de Pie II; il jouit plus tard de la faveur de Sixte IV.
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m
Avec Sixte IV, successeur immédiat de Paul II, semblaient
renaître les temps, heureux pour les lettres, de Pie II et de
Nicolas Y. Aussi l’Académie romaine ne tarda-t-elle guère
à devenir plus nombreuse et plus florissante que jamais.
Elle avait perdu un de ses fondateurs, Callimaque, celui qui
avait passé pour le chef du complot, sous le dernier ponti¬
ficat. Son’véritable nom était Filippo Buonacorsi. Il était de
ceux qui avaient pu, au moment des emprisonnements,
s’enfuir de Rome. Il ne voulut pas y entrer. On le voit
parcourir la Grèce, l’Egypte, les iles de l’Archipel, la
Thrace, la Macédoine; et se réfugier en Pologne, où il devint
secrétaire du roi Casimir et précepteur de son fils. Il publia
des travaux d'histoire très estimés de son temps (1).
D’autres esprits fort distingués, quelques-uns même
d’une haute valeur, restaient à l’Académie, ouy entrèrent.
Citons seulement ici André Fulvio, qui nous a laissé une
description, en vers héroïques, des monuments de Rome (2) ;
Conrad Peutinger, dont le nom reste attaché à une carte
fameuse du monde romain, dont il était possesseur ; et qui
avait été dressée, croit-on, du temps de l’empereur Théo¬
dore. Venu de l’Allemagne, il y retourna, après avoir passé
par l’école de Pomponius; et contribua puissamment à ré¬
pandre dans sa patrie l’étude de la langue latine.
Giovanni Antonio Campano devint évêque de Fermo, et
présida aux premières productions de l’imprimerie à Rome.
Professeur à Bologne dans sa jeunesse, il y avait prononcé,
à l’ouverture de son cours, devant un auditoire de plus de
trois mille personnes, une éloquente harangue, qui dura
(1) Tiraboschi, Steria dclla litt. ital . T. vi, I p. p. 81.
(2) lmp. à Rome en 1513, in-4®.
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trois heures au moins. Est-ce l’orateur, ou l'auditoire qu’il
faut ici le plus admirer !
Mais le plus illustre des membres de l'Académie romaine,
et l’un des plus jeunes, ce fut Alexandre Farnèse. Jamais
il n’oublia les leçons de son vieux maître, ni les antiquités,
ni la poésie, ni les arts Devenu cardinal, il restait en cor¬
respondance avec Erasme et Sadolet ; et faisait bâtir ce
palais Farnèse, un des plus beau! monuments de l’archi¬
tecture moderne en Italie. Plus tard, quand il fut pape,
sous le nom de Paul III, nous le voyons porter ses regards
sur le Palatin, abandonné depuis la chute de l’empire; et
se construire un petit palais et des jardins, dans cet endroit,
le plus célèbre et le plus beau de Rome; sur l'emplacement
même des maisons do Cicéron et de César. C'est lui encore
qui, le premier, fit pratiquer des fouilles au forum; dessiner
par Michel-Ange la place et l’escalier du Capitole ; et dres¬
ser, à l’endroit où elle est aujourd’hui, la statue équestre
de Marc-Aurèle.
Les arts lui rendirent un suprême hommage dans ce ma¬
gnifique tombeau, qui se voit au sanctuaire même de
Saint-Pierre, à gauche de l’autel ; et dans lequel on a cru
reconnaître les inspirations de Michel-Ange. La statue du
pape est un des plus beaux bronzes de la Renaissance ; et
celle de la Justice, en marbre blanc, sur un des côtés du
tombeau, attachait tellement les regards, que l'on finit par
s’en émouvoir et par la trouver trop belle : Bernin fut
chargé de jeter sur ce beau marbre une draperie de bronze
peinte en blanc (1).
Pomponius ne devait pas être témoin des belles actions
et de la gloire de son disciple; mais il vécut assez longtemps
pour rendre les derniers devoirs à un autre de ses amis,
Platina, qui tient une si grande place dans l'histoire dé
(1) Sur ce tombeau, œuvre de Guillaume délia Porta Y. Cicognara,
Storia délia Scultura % et l'atlas pl. 80.
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l’Académie Romaine, est aussi l’un de ceux qui lui ont fait
le plus d’honneur. C’est lui qui introduisit le critique dans
l’histoire ; il fut un des premiers écrivains de son temps, et
nous lui devons entre autres ouvrages, la Vie des papes.
Il était entré fort avant dans la faveur de Sixte IV, qui le
nomma conservateur de la bibliothèque vaticane. On voit
encore au Vatican une fresque de Melozzo de Forli, où il
est représenté devant le pape, qui lui donne audience,
entouré de ses neveux, dont l’un devait, sous le nom de
Jules II, jeter tant d’éclat sous le trône pontifical (1),
Platina mourut de la peste, le 21 septembre 1481, laissant
par testament à Pomponius Lætus sa petite maison, qu’il
avait fait bâtir sur le Quirinal. Pomponius en indique
l’emplacement, d’une manière suffisante, dans un passage
qui ne semble pas avoir été remarqué. Elle était située au
bas du Quirinal, au midi de la place où sont, dit-il, les
chevaux et les statues de marbre ; c’est-à- dire au midi du
monte Cavallo (2). M. de Rossi, sur des indications diffé¬
rentes, est arrivé à plus de précision : la maison de Pom¬
ponius était contiguë à l’église du Sauveur ; et cette église
était située en face de l’entrée actuelle de la ville Colonna.
Cette recherche, on va le voir, n’était pas sans intérêt.
La maison de Platina était entourée d’un bosquet, où l’on
allait cueillir les lauriers nécessaires aux solennités de
l’Académie. Quand elle appartint à Pomponius, les acadé¬
miciens y tinrent leurs séances ; et comme elle était dans
un endroit où les limites du Quirinal et de l’Esquilin sont
assez incertaines, il en résulta que l’association fut souvent
désignée sous le nom d r Académie de VEsquilin Paul
(1) Cette fresque est gravée dans la Storia délia pitt. ital. de Rosini,
pl. 48. On peut y remarquer l’énergie des traits de Platina.
(2) Exeundo a domo Pomponii , per dorsum montis Quirinalis ,
versus septentrionem , sunt equi cum statuis marmoreis (Pomponii
Lœti de antiquitatibus urbis Romœ Libellus.)
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— 299 —
Manuce, un siècle après, put encore lire sur la maison de
Pomponius l'inscription suivante :
POMPONI LÆTl ET 80CI1
TATIS ESCUL1NÀI (1)
L’Académie avait ses fêtes. Elle célébra le jeudi 18 avril
1482 l'anniversaire de la mort de Platina. Tiraboschi ne
s’explique pas cette date du 18 avril, puisque Platina était
mort le 21 septembre : nous pourrons peut-être en donner
la raison. Le récit de la fête nous a été laissé par Volater-
rano, dans son journal (2). La cérémonie eut lieu dans
l’église de Sainte-Marie-Majeure ; presque tous les lettrés
de Rome y assistèrent; parmi eux, plusieurs prélats.
L’évêque de Vintimille dit la messe ; et quand elle lut ter¬
minée, Pomponius Lætus monta en chaire, et prononça
l'éloge du défunt. Après lui, ce fut un poète, Astreo de
Pérouse, qui récita une élégie. Les vers furent trouvés
élégants; mais on n’en fut pas moins blessé, même en
Italie, et à cette époque, de voir un séculier monter en
chaire, pour y réciter des vers profanes, aussitôt après la
messe, dans l'église de la mère de Dieu. Le discours de
Pomponius, grave et religieux, n’avait pas été critiqué,
De l’église, on passa au banquet, préparé dans la maison
même de Platina, pour tous ceux qui avaient assisté à la
cérémonie. On y lut, à la louange du défunt, plusieurs
pièces de vers, qui furent ensuite réunies en volume, et qui
se trouvent communément à la suite de3 œuvres de Pla¬
tina. Elles sont signées du nom de douze auteurs, tous
membres de l’Académie de Rome.
L’année suivante, la fête eut lieu sur l'Esquilin, près de
la maison de Pomponius. On y célébra, cette fois, le diman-
(1) Bullettino di archeologia cristiana 1890 n 0> 1, 2, p. 87.
(2) Jacobt Volaterrani diarium romanum ap . Muratori % t. xxm,
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— 300 —
che 20 avril, l’anniversaire de la' fondation de Rome,
Romance urbis natale . Une messe solennelle fut dite dans^
la chapelle du Sauveur, par Demitrius de Lucques, l’élève
de Platina, et son succeseur à la bibliothèque vaticane (1) ;
Paul Marso, chanoine de Saint-Laurent in Damaso (2), pro¬
nonça un discours; puis un élégant festin fut servi par
l’Académie romaine, auquel prirent part six évêques, avec
un grand nombre de savants et de jeunes nobles. Des pièces
de vers furent récitées de mémoire, et on lut à table le pri¬
vilège accordé à l’Académie par l’Empereur Frédéric. Ce
privilège, le nombre, la qualité des assistants montrent la
faveur dont jouissait à cette époque l’Académie de Pompo-
nius. En même temps, la présence du bibliothécaire du
Vatican et de six évêques atteste suffisamment que sa reli¬
gion n’était pas suspectée. Enfin le récit de la fête nous
apprend que la Société décernait des couronnes : Actum
etiam de laurea danda Fausto Foroliviensi , quœ non
tam ei negata est, quam inaliud tempus dilata ceri-
monia (3).
Pomponius Lætus resta jusqu’à sa mort le chef et l’ame
de l’association qu’il avait fondée. Il y apportait sa vaste
érudition, sa bonté, son ardeur ; et aussi sa gaieté, chose si
désirable et si précieuse, dans une société de savants. Il
était, en même temps, d’une simplicité extrême, et très
modeste ; parlant peu de lui-même, et ne laissant jamais
passer l’occasion de faire valoir ses amis. Sa vie était
sobre, ses vêtements grossiers ; car il tenait à n’avoir pas
besoin d être riche : c’est dans le travail qu’il mettait son
bonheur. 11 avait renfermé ses études dans le cercle de la
(1) Müntz et Fabre. La Bibliothèque vaticane au XV e siècle ,
p. 299.
(2) On lui doit Comment, in Ovidii fastos Venetiis 1520 — Rossi,
Bullet. 1890.
(3) Jacobi Volaterrani Diarium romanum , ab anno 1472, ad, 1484. .
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— 301 —
République romaine et de l’Empire. Tout ce qui était en
dehors, Ecriture, Pères de l'Eglise, écrivains de la déca¬
dence, lui était étranger. On dit même qu’ilne voulut jamais
apprendre le grec, crainte de faire tort à son latin (l).
Ce qui l’attacha plus que tout le reste, fut l’étude atten¬
tive et approfondie des monuments de Rome, et en particu¬
lier des inscriptions. On jugera de son habileté et de son
savoir, si l’on songe que c’est de son école que sortirent
Sabellicus (2), André Fulvius et Pentinger, sans nommer
les autres. Mais au jugement de ses contemporains, il les
surpassait tous (3). On n’aurait pu citer, dans aucun coin
de Rome, aucun reste d’antiquité qu’il ne connut et ne fut
en état d’expliquer. Ses études topographiques et épigra¬
phiques ont été plusieurs fois signalées par M. de Rossi et
par les éditeurs du Corpus. On le voyait souvent errer seul
à travers les ruines; et si quelque chose de nouveau venait
à frapper ses regards, il s’arrêtait, restait là comme en
extase, quelquefois tellement ému que les larmes lui
venaient aux yeux (4). Sa petite maison du Quirinal était
toute remplie de manuscrits, d’inscriptions, de marbres,
de bronzes, de monnaies : C’était sa richesse. Et non seu¬
lement il recueillait pour lui-même les objets antiques ;
mais il aimait à en envoyer à ceux qui partageaient ses
goûts, notamment à Laurent de Médicis.
M. de Nolhac, dans une publication récente, nous a
donné d’intéressants détails sur la bibliothèque de Pom-
ponius et sur les ouvrages manuscrits qu’il a laissés. *
(1) Niceron Mém. pour servir à Thial, des hom. ill. delà rep.
des lettres, t. vu.
(2) C'est un nom qu’il se donna, à l’exemple de Pomponius. Il s’ap¬
pelait Marcus Antonius Coceius. Le Sénat de Venise lui confia en
1486 la bibliothèque de Saint-Marc. On lui doit une Histoire univer¬
selle et une Histoire de la République de Venise .
(3) Tiraboschi, Sloria délia lett. ital , t. vi p. 182.
(4) Tiràboschi, Storia etc., Napoli 1781, t. vi,2® p. p. 13. .
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— 302 —
Les journées d’un tel homme se ressemblent, et c’est à
peine si Ton trouve dans sa vie quelque incident à signaler.
Il était pourtant réservé à une douloureuse épreuve. Dans
une sédition qui eut lieu sous le pontificat de Sixte IV*,
(1484) toutes les maisons du Monte Cavallo furent pillées,
dévastées ; ainsi que l'église du Sauveur, qui perdit ses
missels, ses ornements d'autel, ses reliques. Pomponius ne
fut pas épargné : on lui enleva tous ses livres, tout ce qui!
avait, jusqu'à ses vêtements. On le vit, le lendemain, s’en
aller dans les rues de Rome morne, à peine vêtu, un bâton
à la main (1). Mais il était tant aimé que ses disciples et
ses amis lui envoyèrent ou lui portèrent à l'envi tout ce qui
pouvait lui manquer : il trouva bientôt dans sa maison une
abondance qu’il n'avait pas encore connue.
Les ouvrages de Pomponius imprimés ou inédits sont
assez nombreux. Ils ont généralement pour objet l’histoire
de Rome, de ses monuments, de ses lois, de ses magistra¬
tures, de ses sacerdoces. C’est par lui que furent revues et
comparées aux manuscrits les premières éditions de Sal-
luste ; il donna les mêmes soins aux œuvres de Térence et
de Columelle ; et commenta Virgile et Quintilien (2).
On lui doit encore le rétablissement des représentations
théâtrales, dont Rome avait, depuis si longtemps, perdu
le souvenir.
C'est dans le palais des plus illustres' prélats qu’il fit
jouer, pour la première fois, les comédies de Plante et de
Térence, avec quelques pièces modernes. Le cardinal Ria-
rio, neveu de Sixte IV, en particulier, goûtait beaucoup
ces divertissements ; et il fit donner des représentations
(1) Diario délia citta di Roma da Stefano lnfessura ap. Müràtori
t. ni, 2 e p. p. 1163.
(2) Les œuvres de Pomponius Lœtus ont été recueillies dans uu
volume devenu très rare : Opéra Pomponii Lœti varia Moguntice 1821
in-8«.
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■— 303 —
par les membres de l’Académie romaine, tantôt au château
Saint-Ange, d'autres fois au milieu du Forum, ou bien
dans sa propre maison. Vers le même temps, au carnaval
de 1684, un drame, dont le sujet était emprunté à la vie
de Constantin, fut joué au Vatican, en présence des cardi¬
naux et du Souverain Pontife, qui s’y divertit beaucoup.
Après une existence ainsi remplie, Pomponius Lætus
mourut à l’âge de 73 ans, le 9 juin 1498, laissant pour tout
héritage un petit domaine et quelques livres. Ses funérail¬
les furent célébrées avec magnificence, et la douleur pu¬
blique l’accompagna jusqu’à son tombeau. Deux jours
après, Michel Ferno publiait son éloge (1). Sa vie fut
écrite un peu plus tard, par un autre de ses disciples,
Sabellicus (2).
IV
Quelques jours avant Pomponius, le 23 mai 1498, mou¬
rait à Florence l’adversaire déclaré des tendances de
l’Académie romaine, Jérôme Savonarole.
Ce fut sans doute un incomparable bienfait que de révé¬
ler à un monde qui ne les connaissait plus, Cicéron, Vir¬
gile, Démosthène, Homère et Platon : la poésie, la philo¬
sophie et l’éloquence ; avec les monuments de Rome, en
attendant ceux de la Grèce ; et d’étaler les beaux mar¬
bres du jardin des Médicis à des regards éblouis, qui
n’avaient pas vu ceux d’Athènes.
Pourquoi faut-il que tout soit mélangé, dans le monde
moral, comme dans la nature, et que les meilleures cho¬
ses semblent condamnées à laisser toujours quelques regrets
après elles? Avec sa sève abondante et généreuse, son éclat,
(1) Ap. Fabriciu.m, Bibliot. mediœ et infim. latinitatil, ed. Mansi ,
t. vi. Append.
(2) Sabellicus, Vita Pomponii Lceti. Strasbourg, 1510.
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— 304 —
sès parfums, tant d’enchantements et d’espérances; ce beau
printemps apportait aussi sur ses ailes, des nuées épaisses,
des frimas, et des insectes dévorants, qui allaient flétrir sa
couronne et ravager nos espérances.
C’est que tout n’était pas également bienfaisant et pur dans
les traditions de la Grèce et de Rome : il eut fallu distinguer
et choisir. En même temps, il fallait se dire que l’antiquité
n’avait pu ni tout savoir, ni tout sentir, ni par conséquent
tout exprimer dans son admirable langage; que l’on avait
marché ; qu’un grand mouvement d’idées s’était fait, de¬
puis les temps de Périclès et ceux d’Auguste ; et que le
Christianisme, par ses croyances et ses vertus, avait
régénéré le monde. En recueillant avec amour le riche héri¬
tage des arts et des lettres antiques, il eut été sage de ne
rien laisser perdre de tant de trésors, que les âges sui¬
vants avaient amassés : ce sera la gloire de notre gran/i
siècle littéraire, de Corneille et de Racine, et de Bossuet.
Mais, à l’époque de la Renaissance italienne, les esprits,
dans leur enthousiasme, passant indifféremment à travers
tout le reste, coururent droit à l’antiquité et s’y renfer¬
mèrent : c’est à se reporter à quinze siècles en arrière que
l’on fît consister le progrès. Aristote et Platon rempla¬
cèrent ainsi l’Evangile : on en vint à tourner en dérision
ce que l’on ne comprenait plus.
En même temps, l’étude des théories variées et contra¬
dictoires de la philosophie grecque conduisait au scepti¬
cisme ; le culte exclusif de la forme amenait le natura¬
lisme dans l’art ; la poésie de son côté, avec ses fictions
enchanteresses et ses chants d’amour ; d’autres produc¬
tions, autrement malsaines, faisaient pénétrer, dans les
esprits et dans les mœurs, cet épicurisme délicat ou ce
sensualisme grossier, qui tiennent une si grande place dans
la vie du xv® et du xvi e siècle, en Italie.
Tel est, dans ses traits lès plus généraux, ce paganisme
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- 305 —
de la Renaissance, dont furent atteints, dans des propor¬
tions variées, la plupart des esprits éclairés de cette bril¬
lante époque; et contre lequel s élevait, dans la cathédrale
de Florence, avec tant de force et d’éclat, l’éloquence de
Savonarole.
A Rome, avec les papes, le mal fut assurément moins
grand qu’il ne fut à Florence sous les Médicis. On l'y
rencontre cependant ; et cette circonstance nous amène à
rechercher si l’Académie romaine fut entachée de paga¬
nisme; et jusqu’à quel point. La question, on l’a déjà vu,
n’est pas nouvelle ; mais elle vient d’être, tout récemment,
reprise et rajeunie : ce qui fait qu’il n’est pas sans intérêt
de la soumettre à un nouvel examen. Les détails dans
lesquels nous sommes précédemment entrés permettront,
peut-être, de répandre quelque lumière sur la discussion.
* Il est certain d’abord que Pomponius et ses amis furent
soupçonnés de paganisme ; c’est pour cette raison, en effet,
qu’ils furent si longtemps retenus au château Saint-Ange,
sous le pontificat de Paul IL
Il n’est pas moins certain, qu’il fut impossible de les
convaincre: ni le temps cependant n’avait manqué, ni la
volonté, ni les moyens ; mais faute d’aveux, faute de
preuves, il fallut à la fin les mettre en liberté.
N’avoir pas été condamné, cela peut être une présomp¬
tion, mais n'est pas toujours une démonstration d’inno¬
cence. Que de fois la justice de l’histoire, permanente,
indépendante et incorruptible, n’a-t-elle pas eu à poursuivre
et à flétrir ceux que la justice ordinaire n’avait pas atteints,
n’ayant pas su, pas pu, ou pas voulu les atteindre !
La première question à poser ici est donc celle de savoir,
quelle fut, en matière de paganisme, le jugement des con¬
temporains, sur Pomponius et ses amis. Je crois pouvoir
affirmer que l'opinion publique ne leur fut jamais défavo¬
rable. Les preuves, les voici :
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— 306 —
Si l'académie romaine eut été, au jugement des contem¬
porains, convaincue de paganisme, comment les évêques
et les prélats auraient-ils pu assister, comme ils l’ont fait,
et présider à ses fêtes? Comment eût-il été permis à Platina,
le bibliothécaire du Vatican, de rester, jusqu’à sa mort,
membre de cette académie, et l’intime ami de Pomponius?
Comment surtout, après la mort de Platina, le pape aurait-
il pu même avoir la pensée de choisir, pour le remplacer,
un autre membre de l’Académie romaine ?
Peut-être objectera-t-on ce petit autel de Romulus, que
Pomponius avait dans sa maison ; et cette fête de la fondation
de Rome que célébrait, tous les ans, l’Académie. Ces choses
en restant matériellement les mêmes, peuvent complè¬
tement changer de nature, suivant la pensée qui s’y
attache. Il peut y avoir là des actes positifs de paganisme ;
ou bien simplement des souvenirs historiques, des jeux
d’imagination, des reproductions savantes du passé, aux¬
quelles l’esprit du temps et l’habitude avaient fait perdre
leur signification primitive, et enlevé tout caractère
véritablement religieux. Que de fois, et avec quelle
innocence, ne nous est-il pas arrivé d’invoquer Apollon et
les Muses, quand nous faisions des vers latins ! Ces fêtes,
enfin, n'étaient point secrètes : des jeunes gens de nobles
familles, des savants, des évêques y assistaient, Vola-
terrano les consignait dans son journal, le public en avait
connaissance ; et jamais on ne vit là des fêtes véritablement
païennes ; jamais, depuis Paul U, l'autorité religieuse ne
crut avoir à intervenir.
Allons jusqu’au bout, car il est possible d'insister encore
et de dire : Il est vrai que tout semble correct au dehors ;
mais n’était-ce pas l’effet d’une grande habileté chez les
Pomponiens, qui cachaient avec soin leur pensée intime, et
donnaient ainsi le change au public ? Peut-on dire, en un
mot, quels furent, en réalité, les sentiments religieux de
l’académie^romaine ?
m
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— 307 —
Ainsi présentée, la question devient aussi délicate qu’elle
est intéressante. Il faudrait, poury répondre, des documents
intimes, indiscutables et précis : nous ne les avons pas.
Seulement Sabellicus, disciple de Pomponius et son bio¬
graphe, dit de lui qu’il méprisait la religion, et qu’il ne s'en
rapprocha que dans sa vieillesse : Fuit comtemptor reli -
gionis , sed ingravescente œtate cœpit res ipsa , ut mihi
dicitur 9 curœ esse . Très-insuffisant, quant à la question du
paganisme, ce témoignage ne laisse pas que d’ètre assez
compromettant ; mais en voici un autre, qui a tout au
moins la même valeur, et qui dit absolument le contraire.
Ferno, autre disciple de Pomponius. et de plus son confident
intime, assure qu’il ne mérita jamais les reproches qu’on
lui fit, et qu’après avoir pieusement vécu, il mourut dans
les sentiments dune dévotion singulière (1).
Voilà donc où nous en sommes par rapport au chef de
l’Académie ; sur ses amis, nous n’avons rien. Mais arriva-t-
on à connaître, pour quelques-uns d’entre eux, quelle fut,
dans un sens ou dans l’autre, leur pensée intime, que l’on
n’en pourrait rien conclure, relativement aux doctrines
religieuses de l’Académie prise en corps. Unis par des
goûts communs et par l’objet déterminé de leurs études,
les membres des associations savantes ont toujours entendu
conserver, quant au reste, leur entière liberté.
C’est ainsi que les sentiments de Pomponius et de ses
amis, semblaient enveloppés dans une sorte de mystère,
qu’on désespérait de pénétrer, quand, au bout de quatre
siècles, une découverte inattendue sembla tout à coup dé¬
chirer les voiles.
(1) Assicura che ei fu sempre lungi da tal delitto , e che dopo aver
piamente vissuto , mori ancora con sentimenti di singolar divozione .
— Tiraboschi.
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— 308 —
y
Rome avait, depuis longtemps, oublié ses catacombes.
Elles furent, pour ainsi dire, fortuitement découvertes,
le 31 mai 1578, par des ouvriers qui tiraient du sable sur
la voie Salaria. On accourut aussitôt de tous côtés, pour
visiter à la lueur des torches, ces longues galeries, étroites
et noires, qui s’étendaient, s’infléchissaient, se croisaient
dans tous les sens, avec leurs peintures, leurs inscriptions
grecques et latines, leurs autels et leurs tombeaux. Bozio
devait commencer, cinquante ans plus tard, la description
de cette ville souterraine (1) ; et M. de Rossi y consacrer,
de nos jours, la meilleure part de son travail et de sa vie.
Mais on avait déjà, dés le xv e siècle, reconnu des sou¬
terrains, à une autre extrémité de la ville ; et cette partie
des catacombes était visitée par des pèlerins et des curieux.
Ils écrivaient leurs noms sur les murs, et y joignaient
quelquefois leurs titres et qualités, avec la date de leur
visite. C’est ce que firent à Saint-Calixte, à Saint-Priscille
et dans le cimetière de Prétextât, sur la voie Appienne,
Pomponius et ses amis. Leurs noms y sont accompagnés
parfois de cette mention : unanimes anliquitatis amatores
et perscrutatores. C’est M. de Rossi qui, le premier, lut
ces inscriptions, il y a une quarantaine d’années ; il les
publia en 1864, dans le premier volume de sa Rome sou¬
terraine (2). Cette révélation fit grand bruit dans le monde
sa* ant, à raison de la vive lumière qu’elle paraissait jeter
sur l’Académie romaine. . ,
Pomponius en effet, est qualifié, dans une de ces inscrip¬
tions, du titre de souverain pontife : Pontifex maximus ;
ailleurs, la yisite, qui est datée de 1475, est rattachée à son
(1) Bozio, Roma sotterranea, 2 vol. in-folio, Rome, 1639.
(?) Roma sotterranca } 1.1. p. 3, 8 ; t. ni p. 254 et 255.
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pontificat: RégnantePomponio, ponlifice maximo. Dans
un autre endroit, un prêtre est associé au pontife: Panla •'
gathus , sacerdos academiœ romance . Enfin, a-t-on dit, la
lumière est faite. Voilà bien cette secte antichrétienne,
dont on avait parlé, avec son sacerdoce païen et sa hiérar¬
chie païenne ; voilà un prétendu pontife, qui s'oppose au
pontife romain, avec l’intention, sans doute, de le rem¬
placer ; n'est-ce pas, mise en évidence, cette fameuse
conspiration du temps de Paul II, à laquelle on avait fini
par ne plus croire (1).
' C’étiit aller vite et loin. Il n'est pas impossible, en effet,,
que les inscriptions aient véritablement le sens qu'on leur
donne ici ; mais n’est-il pas possible aussi de n’y voir
autre chose que des métaphores et des jeux d’esprit ? Cette
observation, M. de Rossi l’avait faite au début, au moment
même où il publiait sa découverte. Une autre remarque,
que je ne crois pas avoir été faite, c’est que l’on aurait tort ,
de croire que l’on se trouvât mis tout à coup en possession
de quelque document secret. Les inscriptions récemment
découvertes, n'avaient pas toujours été enterrées et sous¬
traites à tous les regards. Au temps même où les acadé¬
miciens visitaient les catacombes et traçaient au charbon
à la lueur des torches, des graffiti sur les murs; d’autres
venaient visiter, et écrire ; et lire, s’il leur plaisait, les
inscriptions tracées avant eux.
Comment supposer, alors, que Pomponius et ses amis
soient allés ainsi se perdre de gaîté de cœur, en révélant
par écrit des choses qu’ils avaient refusé d'avouer au milieu
des tortures, et que personne n’avait pu découvrir?
Evidemment, cette qualification de souverain pontife ne
peut point être prise, ici, dan? sa signification naturelle, r
rigoureuse et compromettante. Ce n’était qu'un titre
(1) Lumbrozo, NelVArch ., A rchivio délia societ. rom di storia pair ici
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emphatique, donné à leur chef par les membres de l’Aca¬
démie romaine. C’était du reste dans les usages du temps.
Pomponius est appelé Dictateur perpétuel et Empereur,
dans une lettre qui lui est écrite ; et ne l’avons-nous pas
vu donner lui-même à Platina le titre de Très Saint-Père ,
dans cette lettre intime qui fut saisie, au temps de l’affaire
du complot, sous Paul II ?
Si quelque doute pouvait rester encore, il disparaîtrait
à la lecture d’un texte publié par M. Pierre de Nolhac, en
1886, dans les Mélanges d'archéologie et d'histoire de
l’école française de Ro:ne (1). Antoine Parthenius, de
Vérone, publia à Brescia, en 1486, un commentaire de
Catulle ; il le dédia à Pomponius Lætus ; et dans sa dédicace,
il appelle Pomponius Bonarum artium oraculum, sin-
gularis camænarum autistes , et Pontifex maximus. Ce
n’est plus dans les ténèbres des catacombes, c’est en plein
jour, ici, et en public, que Pomponius est appelé souverain
pontife. Il fallait, c'est de toute évidence, que ce titre fut
bien inoffensif dans l’esprit de ceux qui le donnaient, de
celui qui l’acceptait, et de tout le monde autour d’eux.
C’est ainsi que le problème agité depuis quatre cents
ans, ne se trouvait aucunement résolu par les inscriptions
des catacombes : il restait toujours à savoir quelles étaient
les idées et les pratiques religieuses de l’Académie de
Pomponius.
M. de Rossi, toujours en éveil, se livra donc à de nou¬
velles recherches : il vient de les publier (2). Un vieux
livre, très rare, imprimé à Rome en 1490, et dont un exem¬
plaire se trouve au Vatican, lui apprit que l’Académie
romaine s’était mise, au temps de Sixte IV, sous le patro¬
nage de saint Victor et de ses compagnons. Même, à partir
(1) Mélanges d'archéologie et d'histoire , 1886, p. 141.
(2) Bulletino diarchiologie christiana i890 } n <i %-3 ) p. 6415.
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311 —
de cette époque, on la trouve quelquefois désignée sous le
nom de Société des gens de lettres de saint Victor : Societas
literatoi'um s . Vietoris in Esquiliis (1). La fête des mar¬
tyrs fut d’abord célébrée dans la petite église du Sauveur,
près de la maison de Pomponius ; mais la cérémonie deve¬
nant plus solennelle, et l’assistance se faisant plus nom¬
breuse et plus belle, on fit choix de l'église d’Ara-Cœli, au
Capitole. On voit en 1501 un évêque y chanter la messe ;
un banquet eut lieu à la suite, dans le palais même des
conservateurs; où Ton ne but pas, paraît-il, de bon vin,
sine bono vino , est-il dit dans le journal de Burcard (2j.
En tout cela, il n’y a pas trace de paganisme.
Voici où les doutes et l'obscurité commencent :
La fête de saint Victor tombe le 21 juillet ; on la célébrait
le 20 avril. J'ai déjà remarqué que par une singularité du
même genre, que Tiraboschi ne s’explique pas, c’est le
18 avril que l’on avait fait, en 1483, l'anniversaire de Pla-
tina, mort le 21 septembre 1482.
En voici, je crois, la raison. L’Académie avait dès lors,
et probablement depuis son origine, une autre fête qui lui
était chère, et dont nous avons parlé, celle de la fondation
de Rome. Cette tête avait lieu le 11 des calendes de mai,
le 20 avril, conformément à la tradition romaine (3). Quand
les académiciens se mirent dans la suite sous le patronage
de saint Victor, ils auront voulu, pour les célébrer avec plus
de solennité, réunir les deux fêtes ; et dans le choix du
(1) Inscription lue en 1568 dans la maison de Pomponius Lætus.
(2) Burcardi diarium ap. P. Casimiro, Mem. délia Chiesa d’Ara -
Cœli.
(3) On l’appelait Palilia , la fête de Paies. Paies était la déesse des
troupeaux et des pâturages. Les bergers, depuis la plus haute antiquité,
lui offraient des sacrifices, le 11 des calendes de mai. Comme c’est le
11 des calendes de mai que furent jetés, croyait-on, les fondements de
Rome, on célébra, dans la suite, le même jour et sous le même nom,
l’anniversaire de la fondation de la ville Natale Urbis , et la fête de
Palès.
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jour, comme la fête de la fondation de Rome avait depuis
longtemps sa place dans les traditions de l'Académie, il
sembla naturel de sacrifier saint Victor.
C’est pour le même motif, selon toute apparence, que fut
antidaté, en 1483, l'anniversaire de Platina.
Autre détail, et remarquable. Les compagnons de saint
Victor sont, dans le martyrologe, au nombre de trois:
Alexandre, Félicien et Longin. L’Académie n’en prend que
deux; elle les baptise Fortunalus et Genesius, formant
ainsi un triumvirat de martyrs, que l’on ne trouve nulle
part dans l’histoire. M. de Rossi soupçonne que ces noms
de fantaisie ne furent point pris et associés au hasard ; mais
qu’ils couvrent quelque symbole : Genesius représenterait
la naissance (Genesis) de la ville ; Fortunatus et Victor, la
Fortune et la Victoire : les deux divinités tutélaires do Rome.
C’est une opinion que l’on peut soutenir.
Mais voici des renseignements qui paraissent au premier
abord, autrement clairs et décisifs. On lit» dans un
manuscrit du Vatican, des discours en prose et en vers
faits par Tamira, noble romain, à l'occasion de la saint Vic¬
tor, et des couronnes poétiques que l’on y décernait à plu¬
sieurs membres de l’Académie. Quel était ce Tamira ? Quel
était son vrai nom ? On ne sait. Ce qui importe, c’est ce
qu'il dit. Il invite, dans ses vers, le Pontife, à répandre sur
les assistants l'eau lustrale ; et les académiciens à sauter,
comme on faisait à Rome, sur des feux ae paille et
d’étoupe ; et à offrir à Palès des gâteaux de mil, de fro¬
ment et de lait. Il termine en exprimant l'espérance de voir
renaître les beaux jours de la ville éternelle, et engage le
plus jeune des lauréats à écrire des poésies amoureuses, à
l’exemple des anciens (1).
(1) Appel superflu : on a remarqué chez les disciples de Pomponiue
un goût particulier pour les élégiaques latins. (V. Tiraboschi, t. VI,
Ip.,p. 81.
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Ne dirait-on pas que nous voici en plein paganisme ?
Défions-nous des apparences. El d'abord il ne faut pas voir
dans les vers de Tamira une description des fêtes de l'Aca¬
démie : c’est tout simplement une pièce de circonstance,
composée pour une séance littéraire, et remplie, selon
l’usage, des inspirations et des souvenirs de l’antiquité.
Nous ne savons pas, jusqu’ici, de quelle manière l'Académie
de Pomponius célébrait la fête de la fondation de Rome.
Fut-il prouvé qu’elle y introduisit des rites païens et des
divinités païennes, qu’il ne faudrait point se hâter de crier
au paganisme ; car il resterait à savoir s'il y avait là un
véritable culte; ou simplement un jeu d’esprit, une page
d’histoire en action, pour ainsi dire; une représentation
plus ou moins savante, plus ou moins fidèle des pratiques
religieuses de l’antiquité. Le pape Paul II ne fut pas un
païen, pour avoir fait figurer dans ses fêtes Diane et ses
nymphes, et Bacchus, et l’Amour.
Mais pourquoi cette fête religieuse de saint Victor, ajoutée
à la solennité profane, et célébrée le même jour? Faut-il
y voir uniquement un acte désintéressé de foi religieuse ;
ou bien une mesure de prudence, imaginée par l’Académie,
pour écarter les soupçons, et n’ètre plus exposée à se voir
emprisonner au château Saint-Ange ; ou bien encore un
acte d’hypocrisie, une sorte de vernis religieux répandu,
pour donner le change, sur des sentiments qui ne l’étaient
pas?
Il faudrait, pour répondre à ces questions, savoir, ce que
les faits ne nous ont pas jusqu’ici fait connaître, quelles
étaient, en réalité, les croyances religieuses des amis de
Pomponius. Dans quelque voie que la discussion s’engage,
c'est à ce point qu’elle aboutit toujours.
Il est vrai que M. Passor n’hésite pas : les tendances anti¬
chrétiennes de Pomponius Lætus et de son école lui semblent
manifestes ; et les témoignages contemporains, unanimes.
21
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- 314 —
J'ignore où le savant historien a pu rencontrer cette una¬
nimité des témoignages et ces tendances manifestement
antichrétiennes. Je crois m'être suffisamment étendu sur
ce point ; et n'ai pas à y revenir. Pendant plus de quatre
cents ans, la question est restée douteuse ; on l’a de nou¬
veau soulevée de nos jours, sans arriver à l'éclaircir.
Aussi, M. de Rossi, qui réunit en lui, à une science si éten¬
due et si profonde, tant de netteté, de réserve et de probité
historique, avoue-t-il modestement qu'il nose pas se pro¬
noncer sur la véritable pensée et les tendances religieuses
de l’école Je Pomponius (1).
Sera-ce le dernier mot ; et valait-il le travail qu'il a
coûté ? Sans doute. Toutes les fois qu’une question s’agite,
il est utile d'en suivre la discussion, de constater les résul¬
tats obtenus, et d’appeler sur les points obscurs l'attention
de ceux qui travaillent.
Ce qui n’est pas connu aujourd'hui le sera demain peut-
être. Dut, après tout, la découverte se dérober ou se faire
attendre, qu'il ne faudrait pas s'en émouvoir. Ne rien savoir
au début, et peu de chose à la fin, n'est-ce pas trop sou¬
vent, et dans toutes les branches des connaissances hu¬
maines, le sort commun des travailleurs ? Rendons hom¬
mage à la sincérité de ceux qui en conviennent ; mais ne
les plaignons pas. Car, quels que soient les résultats, la
recherche de la vérité, par elle-même, a son prix. N’est-
elle pas le plus généreux emploi du temps et le plus noble
exercice de la pensée? Et n'est-il pas vrai qu'elle ne
manque jamais d'apporter à ceux qui s'y livrent avec les
joies austères du travail, mille plaisirs délicats, et les
encouragements toujours renaissants de l'espérance? On
se promène dans l’histoire, à travers les évènements et
les idées, comme on le fait dans la nature. Le but risque-
(1) Bullettino , p. 93.
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t-il de n’être pas atteint ; qu’importe ? Est-ce qu’il n’y aura
pas eu les agréments du voyage, de l’ombre sur la route et
des fontaine?, des effets de lumière au ciel et sur les eaux,
des échappées de vuo sur de beaux horizons, des monu¬
ments, des fleurs, des chants, des parfums et des sourires;
des émotions inattendues et des jouissances, qui valent
mieux, bien souvent, que ce que l’on avait cherché ?
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RAPPORT
SUR LE
MEMOIRE QXTX IF’JR/ÉJOIÈÜDIE!
Par M. l'abbé DESNOYERS.
Séance du 4 décembre 1891
Messieurs,
Je dois vous avouer de suite, que notre président de la
section des Belles-Lettres, en me donnant le manuscrit de
M. Guerrier, pour faire le rapport sur un littérateur de
l'époque de la Renaissance, me fit éprouver un certain
frisson, et que j'ai dû faire appel à mon respect pour le titre
présidentiel et mon estime pour l'auteur du travail, afin
d’accepter la mission de rapporteur. Ce n’est pas, Mes¬
sieurs, le jugement sur le travail de l’auteur qui me
troublait, car je dis de suite qu’il est très bon et digne di*s
Annales, mais il y a longtemps que l’époque de la Renais¬
sance m'inspire fort peu d'attrait, et que parmi les salles
de notre musée historique, celle qui porte le nom de
Renaissance , est dans mon jugement, placé, malgré ses
élégantes richesses, après toutes les autres, j’ai donc
éprouvé la crainte d'être un juge intéressé et partial, par
conséquent, aveugle : mais encore une fois, Messieurs, j*ai
recueilli toutes mes forces et je serai, je l'espère, éclairé
et loyal dans ce rapport.
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Vous me demanderez, peut-être, Messieurs pourquoi
j’aime si peu cette Renaissance ? n’est elle pas l’époque du
goût épuré, de l’élégance dans toutes les branches de l’art?
ses littérateurs, ses architectes, ses artistes, ne sont-ils
pas des maîtres sans pareils et quand il faudra chercher
des modèles de délicate simplicité, de richesse sans luxe,
ne faut-il pas recourir à eux et se rappeler les noms impé¬
rissables de Ducerceau, Philibert, Delorme, Palissy,
Cellini, Briot et autres célèbres artistes? Cela est vrai,
Messieurs, très vrai, je me joins sincèrement à ce concert
de louanges méritées; mais ce que je reproche à la Renais¬
sance, c’est d’avoir affecté le mépris pour les siècles qui
l’ont précédé, condamné à un silence volontaire les remar¬
quables architectes de nos merveilleuses églises, de nos
fiers châteaux, de notre puissante et délicate sculpture,
c’est d’y avoir substitué avec une audacieuse réflexion et
un ingrat dédain pour un glorieux passé, la sèche beauté
des lignes grecques et romaines, l’élégance énervée à la
force majestueuse, si majestueuse que les monuments et
les restes eux-mêmes de cette puissante architecture nous
saisissent et contraignent les admirateurs de la Renais¬
sance à leur rendre respect.
Ce que je reproche à cette Renaissance, c’est d’avoir dans
son orgueilleux mépris, inventé contre mille ans de science
et de force, le mot de Gothique , pour ensevelir sous le
ridicule les grands siècles qui offusquaient sa jalouse ambi¬
tion : c’est d’avoir voulu placer sous les pieds de la
Grèce et de Rome les mille années que nos ancêtres avaient
traversé en couvrant l’Europe entière des robustes œuvres
de leur génie.
Est-ce tout, Messieurs, ce que j'ai à reprocher à la
Renaissance ? Non ! et puisque la Renaissance a trouvé
un mot pour abaisser le Moyen-Age, je lui reproche celui
qu’il s’est audacieusement donné, le nom de Renaissance ,
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il est menteur, parce qu’il est faux. Est-ce que la vie ne
circule pas avec abondance dans ces églises des xii*, xin' et
xiv* siècle, dont les unes expriment la force de l’intelli¬
gence, et l’élancement de l’âme vers Dieu, les autres rap¬
pellent les charmes de la végétation et les délicatesses de la
dentelle ? Quand on travaille de cette façon, la mort n’est
pas dans le cerveau et dans la main : les temples de la
Grèce et de l’Italie ont de la dignité, mais les basiliques du
xvi* siècle, Saint-Pierre de Rome, Saint-Paul de Londres,
Sainte-Genièvre de Paris, ces chefs d’œuvre de l’école
moderne avec leur grandiose et leur somptuosité sont loin
de rivaliser avec les églises de Chartres, Rouen, Amiens et
autres, et ne produiront jamais par la beauté sèche et
froide de leur construction, cette indéfinissable émotion
qui saisit l’àme quand elle contemple l’intérieur de nos
vieilles basiliques : un mystérieux sentiment s’empare du
visiteur, il sent que c’est la maison de la prière, la maison
de Dieu et de l’homme tout à la fois, ce qu’il n’éprouve pas
dans les autres temples, où la lumière, par son abondance
fatigue son attention, où son regard se promène avec trop
de liberté, où rien n’entraîne sa prière et ne le jette dans
les bras de Dieu.
Ce n’est pas tout encore. Que dirai-je dumépris si visible
de la Renaissance pour la philosophie du Moyen-Age?
j’entends ici les accusations de nos modernes docteurs
tomber sans pitié sur les anciens maîtres, les frapper du
reproche de despotisme intellectuel, de tyrannie de la
liberté de l’àme : la dialectique, s’écrient-ils, emprissonnait
l’esprit humain, ses lourdes formules lui ôtaient cette allure
souple et ferme qui seule permet de penser et de dire faci¬
lement : je ne prétends pas, Messieurs, que la scolastique
n’emploie pas des formes embarrassantes, des pesanteurs
d’argumentation, je ne nie même pas qu’on peut trouver
dans l’école philosophique du Moyen-Age une certaine
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t
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pédagogie lourde, sèche, hautaine ; il faut être loyal et je
le suis hautement, mais il sera toujours vrai de dire que la
scolastique, et c’est un honneur pour elle, est comme
science de raisonnement, le moyen tout puissant et peut
être unique de saisir l’erreur malgré ses replis, d’éclairer
ses pièges et de la forcer, en la faisant venir au grand jour,
de disparaître devant la simple vérité : Mais voici un
reproche beaucoup plus sérieux, le xvi* siècle devait, après
avoir renversé les habitudes de l’art ancien, vouloir
également détruire celles de l’esprit humain tel que de longs
siècles l’avaient formé avec tant de soin et conduit avec tant
de sagesse et il l’a fait : il avait audacieusement brisé les
ciseaux des artistes, il fut conduit à briser les lois du rai¬
sonnement. Albert le Grand, Thomas d’Aquin, ces grands
génies, ces illustres penseurs, qui avaient éclairé tant de
générations ne furent olus que de médiocres docteurs bons
à jeter dans l’oubli. Ce fut alors que le xvi 8 siècle après
avoir fait ces ruines, ouvrit dans les âmes de la Société
l’entrée aux sophistes, aux rhéteurs, à ceux qu’un homme
qui fut un grand capitaine et quelquefois un exact penseur
appelait avec mépris des idéologues : l’expression de
Napoléon était juste, car après avoir lu Labéotie, Montai¬
gne, Charon, Bodin, Duvair, ces chefs de la philosophie
nouvelle, on aperçoit malgré les incontestables qualités de
ces écrivains, que l’âme humaine est laissée à sa dangereuse
souveraineté, elle marche à la suite de ces maîtres insuf¬
fisants, dans la voie glissante d’une fausse liberté que ne
contiennent plus les froids mais vigoureux raisonnements
de la logique et les lumineuses discussions de l’ancienne
école.
Mais là ne se bornent pas encore les déréglements de la
renaissance : après avoir voulu étouffer le moyen âge sous
le ridicule, elle tomba et c’était juste châtiment, sous la
même dérision. Les maîtres de la nouvelle école ne virent
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*
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rien de plus beau que de renoncer à leur nom de naissance
et de patrie, pour eux la Grèce et Rome étaient les seuls
pays qui eussent le droit de nommer les hommes : se dire
Français, Italiens, fi donc! S’appeler Laramée, Dupont,
Dupuis, Pierre, quel goût détestable ! Quand on vaut quel¬
que chose, il faut puiser à la seule bonne source, il faut
porter le nom de Ramus , Pomponius, Pontanus , Pm-
teanus , Minucius , Glaucus , Papirus , Callimachus ,
Parthenius , Gallus , Asclepiades , est-ce assez de ridicule
Messieurs et ce pédantisme le fut tellement, qu'il a été
flétri par le bon sens d’un proverbe vengeur, nous disons
encore de certains savants, ce personnage et ridicule est
un savant en us ! Le coup de fouet restera, car il est
vigoureusement cinglé.
Mais il y a plus encore Messieurs ces maîtres de science
tout gonflés de grec et de latin, ont voulu et c’est le dernier,
mais amer reproche que je leur adresse. Faire revivre le
paganisme. Aveuglés par un amour idolâtrique pour les
sociétés antiques, ils en ont professé le culte, ainsi que M.
Guerrier vous l'ajsprend dans son curieux travail. Pompo¬
nius lœtus avait dressé dans sa maison un autel en l’hon¬
neur de Romulus, fondateur de Rome et l’Académie romaine
que Pomponius avait établie et qu’il présidait, célébrait,
tous les ans avec pompe les grands événements de la
Rome antique : la conséquence de ces honneurs rendus à la
Rome des consuls et des tribuns fut inévitable, un atmos¬
phère de paganisme et d’indépendance se glissa dans ces
académiciens, ils furent accusés de conspiration contre la
royauté pontificale, l’un deux, Platina fut emprisonné et ne
dut son élargissement qu’à l’absence de preuves certaines
de sa culpabilité, ma>s il conserva toujours ses goûts d’in¬
dépendance et quand il mourut, l’Académie fondée par
Pomponius entoura sa mémoire des honneurs pareils à
ceux des illustres personnages de la vieille Rome : Le culte
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de la forme qui était le fond de la religion payenne, sortit
de ses ruines et disputa la place à celui de la pensée, établi
parle christianisme, le paganisme renaissant avec sa tur¬
bulente indépendance envers le pouvoir, livra la guerre à
la religion chrétienne si respectueuse envers l’autorité, tout
fut soumis à la liberté sans mesure de la raison, et remis en
examen et les choses devaient arriver ainsi, comme le re¬
marque judicieusement M. Guerrier qui, malgré ses recher¬
ches, n’a pu laver Pomponius du soupçon de renoncement
secret à la foi chrétienne, le doute reste encore, et sera tou¬
jours une ombre déshonorante sur la mémoire, malgré sa
haute science, de Pomponius: Voilà pourquoi, Messieurs
en ne voulant pas jetter le xvi e siècle aux gémonies, je pro¬
teste contre son usurpation dans le royaume des arts et de
la philosophie, je veux bien lui donner quelques lauriers,
mais je lui conteste la royauté qu’on lui accorde et la res¬
titue à ses devanciers.
Maintenant, Messieurs, ce n’est plus le juge sévère qui va
parler, c’est le collègue, très heureux d’avoir examiné le
travail de son confrère : j’en avais entendu la lecture avec
plaisir, j’en ai lu les pages avec un avide intérêt, le récit
piquant et sérieux, nourri de citations irréfutables, l’histo¬
rien et le littérateur y méritent tous nos éloges.
Il me pardonnera donc d’être entré plus longuement que
lui dans le champ de la critique de la fausse Renaissance,
car il m’a donné l’occasion de protester contre ce que je
vois trop fréquemment se passer dans le musée historique,
le vôtre, Messieurs: lorsque les visiteurs parcourent la salle
des Antiques et du Moyen-Age, le parcours est rapide, et
la parole muette, mais quand ils pénètrent dans la salle
dite de la Renaissance, un long cri d’admiration s’échappe
des lèvres et on ne veut plus sortir : je sais bien que cet
enthousiasme est jeté surtout par les visiteurs que la poli¬
tesse m’ordonne d’appeler dans une langue qui brave tout.
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gens muliebris, mais hélas ! Cette gens n’est pas le seul
admirateur et je vois la Virorum partager et le mutisme
et l’émerveillement de sa compagne...
Je remercie donc de nouveau M. Guerrier de m’avoir, par
son excellent travail, fourni le moyen de rendre à chacun
ce qui lui appartient :
Au Moyen-Age la puissance, le génie, la connaissance
de ce qu’il y a de plus élevé, Dieu et l’homme :
A la Renaissance, le charme de l’élégance, la beauté de
la forme, mais sans regard vers le Ciel et avec le culte seul
de la forme.
Donnons au premier notre préférence, il est admirable :
c’est un géant.
Donnons à la seconde notre sourire, c’est une charmeuse.
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PROCES-VERBAUX DES SEANCES
Année 1890 .
Séance du 3 janvier 1890.
Présidence de M. Paulmier, Vice-Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le D r Patay, en l’absence du Secrétaire général, donne connais¬
sance à la Société des ouvrages reçus dans la dernière quinzaine.
Le nombre des membres présents étant insuffisant, la séance admi¬
nistrative annoncée ne peut être tenue.
M. le Vice-Président donne lecture d’une lettre de M. Bimbenet,
Président, donnant sa démission motivée par son grand âge.
La décision à prendre est remise à quinzaine.
M. le Vice-Président donne lecture d’une lettre de M. Loiseleur,
Secrétaire général, recommandant à la Société une lettre de la Société
scientifique Flammarion de Marseille.
Cette lettre demande à la Société d'émettre un vœu, afin que l’usage
d'une heure nationale soit adopté pour toute la France, et pour que
toutes les horloges publiques soient réglées sur le temps moyen de
Paris.
Cette communication est renvoyée à la section des Sciences.
M. Loiseleur, dans sa lettre, fait une autre communication relative
à la nomination de notre collègue, M. Bailly, comme membre corres¬
pondant de l’Institut, par l’Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres.
M. le Président propose à la Société, en présence de l’honneur qui
lui est fait en la personne d’un de ses membres les plus distingués,
d’écrire en son nom à notre collègue M. Bailly, pour lui adresser
toutes nos félicitations.
Cette proposition est adoptée.
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Bien que la Société ne soit pas en séance administrative, M. le Pré¬
sident donne connaissance des lettres suivantes relatives à des candi¬
datures posées pour les vacances ouvertes:
1° Lettre de M. le D r Fauchon, candidat à la place vacante dans la
section de Médecine ;
2° Une lettre de M. Anselmier, ancien agriculteur, ancien directeur
des fermes écoles de Montberneaume et de Chambeaudoin, candidat à
la place vacante dans la section d’Agriculture ;
3° Une lettre de M. Denizet, candidat à la place vacante dans la
section d*Agriculture.
M. l'abbé Cochard continue la lecture de son travail sur la Juiveriê
d*Orléans. Il commence le chapitre II.
La séance est levée à neuf heures un quart
Etaient présents : 17 membres.
Séance du 17 janvier 1890
Présidence de M. Paulmur, Vice-Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. Bailly exprime à la Société les sentiments de reconnaissance
que lui inspirent los témoignages d'estime et de sympathie dont il a
été l'objet, de la part de M. le Président de la Société et de M. le *
Secrétaire général, au nom de la Société tout entière, à la suite de
son élection, par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, comme
correspondant de l’Institut.
M. Sainjon se fait l’interprète de la Société, en félicitant de vive
voix, au nom de tous ses collègues, M. Bailly.
M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des
ouvrages reçus et de la correspondance de la quinzaine.
Parmi ces envois, il convient de signaler :
1° Une circulaire de M. le Ministre de l’Instruction publique rela¬
tive à la quatorzième réunion annuelle des Sociétés des Beaux-Arts
des départements, en 1890.
M. le Vice-Président lit deux notices nécrologiques. La première,
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sur M. Colin, inspecteur général des ponts et chaussées, membre de
la section des Sciences ; la seconde, sur M. le docteur Lorraine,
membre de la section de Médecine, décédés depuis la dernière séance.
Ces deux communications seront insérées dans les Mémoires.
M. le Vice-Président annonce à la Société que notre collègue, M. le
D r Deshaies, vient d’être élevé à la dignité d’officier d’Académie.
La Société adresse ses félicitations à M. le D r Deshaies.
SÉANCE ADMINISTRATIVE
M. le Vice-Président donne lecture des lettres suivantes : 1® de
M. Bimbenet, Président de la Société, donnant sa démission de Prési¬
dent de la Société en raison de son grand âge ;
2° De M. Anselmier, ancien agriculteur, posant sa candidature à la
place vacante dans la section d’Agriculture ;
3° Une lettre de M. Denizet, Secrétaire général du Syndicat des
agriculteurs du Loiret, ayant le même objet ;
4® Une lettre de M. le D r Fauchon, posant sa candidature à la place
vacante dans la section de médecine.
M. le Président propose à la Société, suivant les termes du règle¬
ment, de dresser la liste des candidats au scrutin secret.
1° Section d’Agriculture. — MM. Anselmier et Deaizet sont inscrits
sur la liste ;
2° Section de Médecine. — M. Fauchon est inscrit sur la liste.
Ces candidatures, approuvées par la Société, sont renvoyées aux
sections.
ÉLECTIONS
Renouvellement du bureau :
MM. Bimbenet est réélu Président.
Paulmier est réélu Vice-Président.
Loiseleur est réélu Secrétaire général.
Jullien est réélu Bibliothécaire.
La séance est levée à dix heures moins un quart.
Etaient présents : 30 membres.
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326 -
Séance du 7 février 1890.
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est la et adopté.
M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des
ouvrages reçus dans la quinzaine et de la correspondance.
11 convient de signaler :
1° Le Loir-et-Cher, journal hebdomadaire, historique, archéolo¬
gique, etc.* accompagné d'une invitation à souscrire à l’abonnement.
Renvoyé à la section des Lettres, pour avoir son avis.
2 e Une lettre de M. Loiseleur, Secrétaire général, remerciant la
Société de l’avoir réélu comme Secrétaire général.
M. le Président remercie la Société de l’avoir maintenu dans ses
fonctions de Président, et s’exprime en ces termes :
« Messieurs,
a La sagesse des temps passés fixe à l’âge de soixante ans la der¬
nière limite de la participation de l’homme aux actes de la vie sociale,
elle l’invite à ne plus s’occuper, alors, que de ce qui l’intéresse per¬
sonnellement.
a Quod humanœ vitœ spatium , si quis excesserit , ah omni officio
vacuus , suum fundendo habebit usum .
9 Cette maxime, empruntée au Digestum sapientiœ , est conforme
à celle de l’Ecriture-Sainte, qui la reproduit dans plusieurs de ses
textes : Dispone domui tuœ quia morieris .
« L’illustre Guillaume Prousteau l’a placée en tête du grand et der¬
nier acte de sa vie, celui par lequel il fondait notre bibliothèque
publique.
« La sagesse de ce conseil est justifiée par l’expérience de chaque
jour.
c Aussi, suis-je d’autant (plus disposé à le suivre, que j’ai dépassé
dans une grande proportion cette époque de la vieillesse.
c Et cependant, après l’expression du vif désir de me retirer dans
le silence de mon âge, je me retrouve encore à ce siège, oû votre
bienveillance m’a fait asseoir.
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« J'ai cédé, par une double considération, à l’invitation que vous
avez bien voulu renouveler.
« L’un de nos collègues, qui à de nombreux et considérables succès
dans la carrière des lettres, réunit de nombreux et importants ser¬
vices, qu’il rend depuis longtemps et chaque jour à notre Société,
avait l’intention de m’accompagner dans ma retraite ; je n’ai pae voulu
vous priver de son concours ; il devait se retirer avec moi, je n’ai pas
hésité à rester au milieu de vous, avec lui.
» J’aurais commis un acte d’ingratitude si j’avais répondu à votre
persistante bonté par un refus de m’y conformer ; je m'en remets à
votre indulgence pour l’accomplissement de la tâche que vous me
continuez, cette indulgence me sera nécessaire, mais elle me rappelle
ces mots d’une poésie populaire que j'entendais dans ma jeunesse :
« Soutenez le vieillard fatigué du chemin.
« Et, d’ailleurs, ce service me sera rendu, comme il l’a été jus¬
qu’ici, par la dignité et le calme qui n’ont jamais manqué à la tenue
de nos séances, fruit de la mutuelle estime qui unit les membres de
chacune de nos sections entre eux, et ces sections entre elles.
c Je trouverai aussi ce soutien vivifiant dans le sentiment de recon¬
naissance que votre dernière élection m’inspire.
« Je vous en dois l’hommage, je vous l’offre du fond du cœur, je
le conserverai inaltérable et comme une précieuse couronne que vous
déposez, par avance, sur ma tombe. »
SÉANCE ADMINISTRATIVE
M. le D r Patay, trésorier, soumet à l'approbation de la Société les
comptes de l'exercice 1889.
Ces comptes sont adoptés à l'unanimité.
Des remerciements sont votés à M. le Trésorier.
M. le Président fait observer, à la suite de cette lecture, que les
arrérages échus du legs Perrot, sont supérieurs de 600 fr. Il propose,
en conséquence, d’ouvrir un concours, en 1890, dans l’arrondissement
* de Pithiviers, suivant l'ordre du roulement établi.
Cette proposition est adoptée.
ÉLECTIONS
11 est passé à l'élection d’un membre à la section d’Agriculture.
M. Denizet et M. Anselmier, candidats, n'ayant obtenu, ni l’un ni
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— 328 —
l’autre, après trois tours de scrutin, la majorité fixée par le règle¬
ment, l’élection est ajournée et remise à deux mois.
La section de médecine s’est réunie. M. le D r Arqué a été nommé
président en remplacement de M. le D r Lorraine, décédé, et M Rocher,
secrétaire.
La section de médecine propose, en outre, la candidature de M. le
le l) r Fauchon.
M. le D r Fauchon est élu membre de la Société dans la section de
Médecine.
SÉANCE ORDINAIRE
La section des Sciences et Arts s’est réunie.
M. Sainjon, président, au nom de cette section, propose à la Société
d’émettre un vœu favorable au projet d’unification de l’heure natio¬
nale en France et en Algérie, s’associant aux termes de la circulaire
de la Société Flammarion, de Marseille, et de transmettre ce vœu à
M. le Ministre de l’Instruction publique.
Cette proposition est adoptée.
De plus, la section des Sciences a entendu le rapport sur les articles
de M. de Quatrefages, demandé par la Société et présenté par
M. Sainjon.
M. le D r Brechemier lit une notice nécrologique sur M. le D r Lor¬
raine, décédé membre de la Société.
Cette notice sera insérée dans les Mémoires de la Société.
M. Emile Davoust lit le premier chapitre d’un mémoire intitulé : le
comte de Bizemont , graveur Orléanais , sa vie , ses procédés , son
œuvre .
La séance est levée à 10 heures.
Etaient présents : 35 membres.
Séance du 21 février 1890
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des
ouvrages reçus.
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— 329 —
Parmi la correspondance, il convient de signaler :
1° Une circulaire de 1*Association nationale de la meunerie fran¬
çaise ;
2° Notice sur M. Boussion, par M. Basseville, extrait du Bulletin
du Comité central de la Sologne (hommage de Fauteur) ;
Des remerciements sont votés à M. Basseville.
3° Journal de Fontainebleau , par M. Domet (hommage de Fauteur)
Des remerciements sont votés à M. Domet, et le volume est renvoyé
à la section des Lettres.
4° Histoire de Marie-Antoinette, par M. Max. de la Rocheterie,
2 vol. in-8° (hommage de Fauteur).
Des remerciements sont votés à M. de la Rocheterie.
L’ouvrage est renvoyé à la section des Lettres pour faire l’dbjet
d’un rapport.
M. le Président fait connaître à la Société que des publications
seront faites dans les journaux à l’occasion du concours pour le prix
Perrol, en 1890.
La section des Lettres s’est réunie pour statuer sur deux prospectus
qui lui ont été envoyés :
1° La vraie Jeanne d*Arc, documents nouveaux, par le P. Ayrolles,
prospectus accompagné d’une demande de souscription.
La section propose l’ajournement jusqu’à la publication de l’ouvrage.
Cette proposition est adoptée.
2® Le Loir-et-Cher , archéologique, historique.
La section propose l’abonnement pour un an, à titre d’essai. Cette
proposition est repoussée.
La section des Sciences s’est réunie, et a autorisé M. Davoust à
lire, à la prochaine séance générale des trois Sociétés, son mémoire
intitulé : Le comte de Bizemont, graveur Orléanais , notice biblio¬
graphique.
M. l’abbé Desnoyers lit un mémoire intitulé: Le tableau de Sainte-
Cécile, au Musée £ Orléans,
Le travail de M. l’abbé Desnoyers, destiné à être communiqué à la
séance générale des trois Sociétés, est renvoyé à la section des
Sciences et Arts.
M. Sainjon, au nom de la section des Sciences et Arts, lit un rap¬
port sur les articles de M. de Quatrefages, dans le Journal du
Savant .
L’impression de ce rapport, mise aux voix, est votée par la Société.
La séance est levée à dix heures.
Etaient présents : 19 membres.
22
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— 330
Séance du 7 mars 1890
Présidence de M. Rimbinkt, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est la et adopté.
Le Secrétaire général donne connaissance à la Société des ouvrages
reçus.
M. le Président souhaite la bienvenue à M. Fauchon, membre nou¬
vellement élu de la section de Médecine.
M. le Président fait lecture à la Société d'une lettre de M. Loise¬
leur, Secrétaire général, relative à la date de la première séance
d'avril, qui devrait, régulièrement, tomber le Vendredi-Saint, à la
date des élections, et à la date de la réunion des trois Sociétés
d'Orléans.
La Société décide :
1° Que la réunion des trois Sociétés, dans la salle des séances de la
Société d'agriculture, et sur l'invitation de son Président, aura lieu le
21 mars ;
2° Que la première séance d’avril, à cause du Vendredi-Saint, serait
avancée au mardi l* r avril ;
3° Que la séance des élections aurait lieu le vendredi 18 avril.
La section des Sciences et Arts s'est réunie.
M. Emile Davoust, rapporteur, lit un rapport sur le mémoire de
M. l’abbé Desnoyers, intitulé : le Tableau de Sainte-Cécile, au Musée
d'Orléans , par M. de Richemont. Il conclut à l'impression du travail
de M. Desnoyers dans les Annales.
La section propose également l'impression du rapport.
Ces deux propositions, successivement mises aux voix, sont adoptées.
M. l’abbé Cochard continue la lecture de son mémoire intitulé : la
Juiverie d'Orléans .
M. l'abbé Desnoyers, directeur du Musée historique, annonce à la
Société les découvertes faites à la Cathédrale, au cours des fouilles
exécutées pour l’établissement d'un calorifère, au mois de décembre
1889:
1. — Une tombe en pierre, avec couvercle, contenant les restes de
Guillaume de Bussy, évêque d’Orléans, sacré en 1238, mort en 1258,
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— 331 —
conseiller de saint Louis, qu'il accompagna dans sa croisade en Terres
Sainte.
Elle renfermait, avec les ossements de l'évêque :
1° La volute de sa crosse, en cui?re doré et émaillé, d’un travail
riche et délicat, avec la partie supérieure et le pied de la tige en bois ;
2° Une bague en or, dont le chaton est formé d'un gros saphir ;
3° Un calice en plomb, détérioré ;
4* Une patène en plomb, légèrement détériorée ;
5° Une grande quantité de détritus de vêtement épiscopal, en soie,
brochée d’or, galonnée en or ;
6° Des restes de chaussures en cuir, et les galons d'or qui les bor¬
daient ;
7° Une plaque carrée en plomb, portant le nom de Guillaume de
Bussy, son titre, l’année et le jour de sa mort ;
8° Une boucle en cuivre.
II. — Un tombeau en pierre, sans couvercle, et, à côté, les osse¬
ments de Ferrie de Lorraine, évêque d’Orléans, sacré en 1296, mort
en 1299, et de plus :
1° Une plaque carrée en plomb, percée de trois trous, et portant
les nom et titre de l’évêque, avec l’année et le jour de sa mort ;
2° Une grande boucle de fer ;
3° Le sommet et le bas de la tige d’une crosse, en bois, avec les
deux goupilles qui attachaient le métal de la crosse et la monture ;
4° Des détritus de vêtement épiscopal, en soie brochée et galonnée
d'or;
5° Le nœud d'un calice en plomb ;
6° Un gros clou en fer et des fragments de plusieurs autres.
III. — Une cuve en pierre ornée de personnages sculptés.
IV. — Une mosaïque, par fragments, portant des figures d'anges, et
une inscription incomplète, qui n’a point encore été déchiffrée.
V. — Des fragments d’architecture des différentes époques de la
cathédrale, depuis l’âge gallo-romain.
Il informe alors la Société que tous ces objets ont été déposés au
Musée historique.
M. l'abbé Desnoyers donne ensuite l’énumération des 20 évêques
d'Orléans, sur 117, qui ont reçu la sépulture dans la Cathédrale:
1° Philippe de Jouy, xhi® siècle ;
2° Guillaume de Bussy, xm e siècle ;
3° Berthold de Saint-Denis, xm® siècle ;
4° Ferrie de Lorraine, xm® siècle ;
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332 —
5° Foulques de Chenac, xiv® siècle ;
6° Guy de Prunelé, xiv* siècle ;
7° Mathurin d6 la Saussaie, xvi* siècle ;
8* Jean de Laubespine, xvi« siècle ;
9® Nicolas de Netz, xvi« siècle ;
10° Alphonse Delbenne, xvii* siècle :
11° Cardinal de Coislin, xvn® siècle ;
12° Louis-Gaston Fleuriau, xvn* siècle ;
< 13° Nicolas-Joseph de Paris, xyiii® siècle ;
14° Louis-Sextius de Jarente, xvm« siècle ;
15° Bernier, xix® siècle ;
16° Rousseau, xix« siècle ;
17° De Varicourt, xix« siècle ;
18° De Beauregard, xix® siècle ;
19° Fayet, xix« siècle ;
20° Dupanloup, xix« siècle.
La Société se joint à M. Desnoyers pour offrir ses remerciemc
toutes les personnes qui ont contribué à ce résultat, dû au con
dévoué de MM. les Sénateurs et Députés du Loiret, de M. le P)
de M. le Maire d’Orléans et de M. l’Architecte diocésain.
La séance est levée à neuf heures et demie.
Etaient présents : 24 membres.
Séance solennelle du 21 mars 1890
Réunion des trois Sociétés savantes d’Orléans
Présidence de M. Bimbenet, Président.
M. le Président fait asseoir à sa droite M. de la Taille, présid<
F Académie de Sainte-Croix, et à sa gauche, M. Basseville, pré
de la Société archéologique.
M. le Président ouvre la séance en souhaitant la bienvenu
membres de la Société archéologique et de l’Académie de S
Cioix qui ont répondu à l’adresse qui leur a été adressée.
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— 333 —
Il s'exprime en ces termes :
c Messieurs,
c Avant de donner la parole à ceux de nos collègues que vous
devez entendre, permettez-moi de vous exprimer le sentiment que
m'inspire cette réunion.
<c Plus nous avançons dans le temps, depuis l'adoption et la mise en
pratique de cette bienveillante pensée, plus nous sommes heureux
d’en apprécier les résultats.
t Au rapprochement des personnes, à ces rapports trop passagers,
mais intimes et confraternels, vient se réunir la concentration de
forces qui, pour agir séparément, n’en constitue pas moins l’unité
dans tous ses effets, et la communication réciproque d’un sentiment
de mutualité qui, pour être inconscient et insaisissable, n'en est pas
moins réel.
a On s’aperçoit que les travaux auxquels chacune Je nos associa¬
tions se livre ont un but unique, malgré les diverses parties qui les
distinguent.
c Alors, ces études, ces travaux perdent leur caractère individuel,
ils s’accordent entre eux pour concourir plus spécialement, et avec
plus d’énergie, non plus seulement à un succès, à une satisfaction
personnels, ou intéressant une seule association, mais de concourir à
l'obtention d’avantages d’un ordre plus élevé.
a Le but, en effet, que nous devons nous proposer, est de main¬
tenir l’existence des centres d’études fondés par nos prédécesseurs, ou
que nous avons fondés nous-mêmes, tels que la Société archéologique
et l'Académie de Sainte-Croix, d’y entretenir le foyer qui chauffe
l’âme, d'y tenir toujours allumé le flambeau qui éclaire et lui permet
de porter le regard dans les profondeurs les plus mystérieuses de la
création, et ainsi que les progrès delà science nous l’apprennent, d’en
pénétrer les plus invisibles éléments, et de leur faire produire des
effets d'une telle puissance, qu'ils en viendront à opérer la transfor¬
mation des conditions de la vie humaine.
c Dans un ordre d’idées plus modestes, ces associations, surtout
dans les villes de province, attirent l’attention sur la contrée dans
laquelle elles ont leur siège.
« A ce point de vue, quelle contrée, quelle ville sont plus riches en
souvenirs historiques que la province apanagère de 1 Orléanais, que
l’antique Qenabum % Carnutum , Y Ombilicus Ligeris , Y Aurélia des
Romains, l'Orléans de la Monarchie.
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— 334 —
< Quelle contrée, quelle ville plus riches en souvenirs et en monu¬
ments laissés par le passage de l’administration, ou plutôt par l'auto¬
rité romaine, dont on retrouve les voies stratégiques de communica¬
tion, les établissements balnéaires, les théâtres, les basiliques, les
monnaies et même les armes.
« En souvenirs et en monuments que nous a laissés le Moyen âge et
la Renaissance, le premier entourant l’enceinte des villes de puissantes
murailles flanquées de tours, les formant de portes accompagnées de
forteresses et de bastilles ; la seconde, répandant ça et là ses regret¬
tables et gracieuses fantaisies.
« Quelle ville fut plus célèbre par l’antiquité et l’éclat de son épis¬
copat, de ses nombreuses et savantes collégiales, ses établissements
consacrés, dès le commencement de la Monarchie, à l’étude des lettres,
où elles étaient flori*santés dès les vu* et vni® siècles ; par sa légis¬
lation, la coutume d’Orléans étant, avec celle de Paris, la régulatrice
de toutes les autres, ce qu’elle dut à l’abondance de ses dispositions,
à leur prévoyance, lui permettant de suppléer à leur obscurité et à
leur insuffisance par sa glorieuse Université, dont l’opiniâtreté dans
l’enseignement du droit romain, par la plume de son plus illustre
interprète, a inspiré les plus sages dispositions de notre droit civil.
« Aussi est-elle celle qui offre la liste la plus nombreuse de savants
et célèbres jurisconsultes, liste close par les Prévost de la Janès, les
Guillaume Prousteau, Joseph-Robert Pothier, Robert de Massy, son
successeur dans la chaire de droit français, Guyot de Grand-Maison,
l’éditeur digne de l’auteur des œuvres posthumes de Pothier.
a Enfin, nos associations savantes doivent entretenir le sentiment
littéraire dont la culture est le délassement, la douce récréation, le
charme de l’esprit et du cœur, trop souvent fatigués et troublés par
les luttes et les préoccupations de la vie sociale.
« Je ne puis examiner, en ce moment, les travaux de chacune de
nos Sociétés, qui se trouvent si dignement représentés dans cette
séance, mais il me sera facile de signaler, en général, les justifica¬
tions de leurs travaux et de leurs succès.
« Si on me permet de parler, en premier lieu, comme étant l’aînée
de toutes les autres, de celle qui a l’honneur de les recevoir, je rap¬
pellerai les immenses services, résumés dans un remarquable mémoire
dû à la plume exercée de notre collègue M. Loiseleur, qu’elle a rendus
à l’agriculture, par de persévérants travaux théoriques et pratiques,
eu traitant de savantes questions économiques, par l’étude experi¬
mentale encore, alors peu avancée de la chimie ; enfin, dans tous le*
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— 335 —
temps, par des travaux appartenant à ces divers sujets, à la science
du médecin, aux progrès de l'art du chirurgien, et dans tous les
temps par de nombreux et intéressants essais littéraires et archéolo¬
giques.
« Cette Société a eu ses bienfaiteurs, MM. le baron de Morogues
et Perrault, qui ont fondé des prix accordés à la meilleure tenue des
fermes et la meilleure exploitation des terres, et l’un de nos collègues,
M. Didier, a payé son tribut, à notre section des Arts, par l’hommage
du buste de M. le baron de Morogues, aussitôt après qu’il lui fut
rendu par la Commission de l’exposition des Beaux-Arts, où il avait
été admis, et la Société, en reconnaissance do cet acte de générosité
qui honore et son auteur et la Société elle-même, a placé cet objet,
qui perpétue le souvenir de celui qui fut un de ses membres les plus
éminents.
« Vient ensuite, dans l’ordre de l’appréciation de ces travaux, la
Société archéologique, qui ne compte plus que deux de ses fondateurs,
le vénérable abbé Desnoyers, et celui qui a l’insigne honneur de pré¬
sider cette séance, l’un encore dans l'ardeur de ses premiers travaux,
l’autre accomplissant une œuvre de profonde gratitudo envers ses
collègues, qui ont honoré ses derniers jours en le maintenant au fau¬
teuil qu’il occupe en ce moment.
« 11 est inutile de parler du dévouement à la science qui anime les
membres de la savante Société, et qui lui a fait conquérir une place
des plus distinguées parmi les Sociétés savantes des départements, et
qui lui ont valu, à plusieurs reprises, l’association, à ses travaux,
d’illustres membres de l’Intitut : Egger, dont la remarquable nécro¬
logie a été l’occasion de l'institution, en exécution de laquelle nous
sommes réunis, et bientôt celle de M. Léopold Delille qui, à l'imita¬
tion de son regretté collègue présidera, le 8 mai, la séance de la
distribution d’un prix fondé pour son honorable membre, M. Boucher
de Molandon.
< Enfin, si j’exprime les sentiments que doivent inspirer les travaux
de l’Académie de Sainte-Croix, je m’empresserai de rappeler un sou¬
venir récent.
« La dernière réunion générale a eu lieu au palais épiscopal, la
séance a été présidée par Mgr l’Evêque, Président d'honneur, auprès
duquel était le Président titulaire, M. de la Taille.
« Deux mémoires ont été lus : l'un par son auteur, M. Baguenault
de Puchesse, traitant de la biographie de deux anciens poètes Orléa¬
nais, Jean et Jacques de la Taille ; l’autre étant une notice d’un
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Voyage à Jérusalem , lu par M. le l) r Arqué, en l'absence de M. le
D r Pilate, son auteur.
« Enfin, M. de la Taille a adressé une trop courte allocution à
l'assemblée.
« Tous ceux qui ont assisté à cette séance en ont certes gardé le
profond souvenir, provoqué et entretenu par le goût littéraire le plus
délicat, et par le sentiment religieux et humanitaire exprimé dans le
style le plus pur et le plus touchant.
« Ces observations, suggérées par des relations nouvelles, n’ont été
jusqu’ici que des espérances, mais ce qui s’est passé jusqu'ici nous
autorise à penser qu’elles sont déjà devenues une réalité.
« Le temps les fortifiera, et l’accord, les communications entre
toutes nos Sociétés porteront les heureux fruits qu’on en attendait, i
Sur l’invitation de M. le Président, M. l’abbé Cochard donne lecture,
d’un extrait de son mémoire intitulé : la Juiverie d'Orléans .
M. Emile Davoust fait ensuite la lecture d’une notice biographique
sur M. le comte André-Gaspard-Parfait de Bizemont, graveur
Orléanais.
Enfin, M. l’abbé Desnoyers communique une étude sur le Tableau
de Sainte-Cécile , par M. de Richemont, au Musée d’Orléans.
M. le Président remercie les membres des autres Sociétés qui ont
assisté à la séance.
La séance est levée à neuf heures et demie.
Etaient présents : 45 membres ou invités.
Séance du 1" avril 1890
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Les procès-verbaux des séances du 1 et du 21 mars sont lus et
adoptés.
M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des
ouvrages reçus durant le mois qui vient de s’écouler.
Parmi les envois, il convient de signaler :
l 6 Histoire de Louis XVI, par Lenormand des Varannes {hommage
de l'auteur) ;
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— 337 —
2° Lettre du Ministre de l'Agriculture, relative à la nomination
d'un délégué pour assister au concours régional agricole ;
3° Lettre de M. le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-
Arts relative à la quatorzième réunion annuelle des Sociétés des
Beaux-Arts des départements, en 1890 ;
4 e Lettre de M. Le Roy de Méricourt, président de la section médi¬
cale au Congrès des Sociétés savantes, insistant près des médecins,
membres des Sociétés savantes des départements, pour les engager à
communiquer leurs observations sur l'épidémie qui a sévi au cours de
l'hiver dernier.
M. le Président donne lecture à la Société de la lettre d'invitation
adressée au nom de la Municipalité d'Orléans, pour assister aux
obsèques publiques de M. G. Colas des Francs, décédé maire d'Or¬
léans le 31 mars 1890
M. Louis Jarry lit le chapitre I fr d’un travail de M. Loiseleur,
Secrétaire général, absent et excusé, intitulé : Etude théorique sur
VEistoire de la formation des bibliothèques .
La séance est levée à neuf heures et demie.
Etaient présents : 12 membres.
Séance administrative du 18 avril 1890
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des envois
de la quinzaine.
Parmi ces ouvrages, il convient de signaler :
La Cathédrale de Sainte-Croix d'Orléans , par M, l'abbé Cochard,
hommage de l'auteur.
Des remerciements sont votés à M. l’abbé Cochard.
M. le Président annonce à la Société que Y Histoire de Marie-Antoi -
nette, par M. Max. de la Rocheterie, notre collègue, a été couronné
par l'Académie française.
La Société accueille cette communication par des applaudissements
unanimes.
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M. de la Rocheterîe remercie la Société da témoignage de sympa¬
thie qu'elle vient de lui témoigner.
M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Boucher de
Molandon, auteur d’une proposition de la Société archéologique,
ayant pour but de faire nommer, au sein des Sociétés dont M. Collin
faisait partie, une Commission de patronage, à l’effet de veiller à la
bonne exécution du portrait projeté de M. Collin, de donner ses soins
à la rédaction de la légende, et chargée en même temps de recueillir
les cotisations qui devront concourir à former la petite somme néces¬
saire à la réalisation de ce projet.
Sont nommés membres de cette Commission : MM. Bimbenet et
Sainjon.
M. Boucher de Molandon fait hommage à la Société d’une brochure
intitulée : Pierre du Lys .
Des remerciements sont votés à M. de Molandon.
ÉLECTIONS
Il est passé au scrutin pour l’élection à la place vacante dans la
section d’Agriculture.
Après trois tours de scrutin, à la suite desquels MM. Anselmior et
Denizet n’ont obtenu ni l’un ni l’autre la majorité fixée par le règle¬
ment, l’élection est une deuxième fois remise à deux mois.
SÉANCE ORDINAIRE
La section des I lettres s’est réunie.
M. Louis Jarry lit un rapport sur le travail offert à la Société par
M. Domet, intitulé : Journal de Fontainebleau , 1789-94.
Il s’exprime en ces termes :
a A notre Société,
« M. Paul Domet s’est fait recevoir dans la section d’Agriculture,
mais la place qu’il occupe d’ordinaire est si voisine de la section des
Lettres, que toutes les deux peuvent espérer profiter de ses communi¬
cations. L’offre de la deuxième partie du Journal de Fontainebleau
nous permet du moins d’en exprimer le vœu.
€ La lecture des procès verbaux d’un club établi dans cette ville
pendant la Révolution est le point de départ de la publication de notre
collègue. Une fois sa curiosité excitée, il a recherché, pour la satis-
• faire, des documents analogues ou complémentaires dans les archives
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— 339 —
municipales et départementales. C’est l’étude comparative des actes
des diverses autorités qui se partagèrent le pouvoir, à Fontainebleau,
de 1789 à 1799, qu’il nous présente dans ses deux opuscules.
« Par exemple, nous ne savons pourquoi l’auteur se défend si vive¬
ment d'avoir fait acte d’historien. « Les rapprochements, dit-il, les
a vues d’ensemble, les considérations générales, le style même que
« l’histoire exige, auraient excédé mes forces, et je ne serais parvenu
a qu’à être banal et ennuyeux. » Nous pourrions peut-être chicaner
sur ce point ; mais puisque nous avons affaire à un simple chroni¬
queur, disons-lui bien vite que sa chronique n’est ni banale ni
ennuyeuse.
a Le récit de petits faits qui se passèrent à Fontainebleau pendant
cette période agitée est, au contraire, très attachant ; l'emploi des
documents originaux en garantit la sincérité, et la manière dont ils
sont reliés entre eux et commentés, en augmente singulièrement
l’intérêt.
a Qui empêcherait M. Domet d’entreprendre une pareille tâche pour
Orléans, devenu son pays d’adoption ? Il retrouvera, dans notre ville,
des rivalités, des discordes, des dénonciations, des infâmies comme à
Fontainebleau, et, comme là aussi, des actes de courageuse protesta¬
tion et de dévouement.
« Sans doute, il n’y aura plus rien à dire sur la Fuite à Yavenues
et sur la Eaute-Cour y habilement traités par nos collègues, MM. Bim¬
benet et Cochard, mais les sujets ne manqueront pas ; car, dans nos
archives départementales et municipales, c’est peut-être la série révo¬
lutionnaire qui ee trouve encore la plus riche en documents, et en
documents inédits. Souhaitons que M. Domet y fasse une abondante
moisson et de curieuses découvertes, s
PRIX PERROT
Sur la proposition de M. Paulmier, des insertions seront faites à
nouveau dans les journaux de l’arrondissement de Pithiviers, pour
annoncer l’ouverture du concours pour ce prix, parmi les agriculteurs
de cet arrondissement, en 1890.
La séance est levée à neuf heures et demie.
Etaient présents : 42 membres.
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340
Séance du 2 mai 1890
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est la et adopté.
Le Secrétaire général donne connaissance à la Société des ouvrages
reçus.
M. Emile Davoust communique des notes complémentaires relatives
au chapitre I er de son mémoire intitulé : le comte de Bùemont , gra t
yeur Orléanais .
M. l’abbé Cochard continue la lecture de son travail sur la Juiverie
d'Orléans.
La séance est levée à neuf heures.
Etaient présents : 18 membres.
Séance du 16 mai 1890
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des
ouvrages reçus.
M. Guerrier, au nom de hf. Loiseleur, absent et excusé, continue la
lecture de son mémoire intitulé : Etude théorique sur Vhistoire de la
formation des Bibliothèques .
PRIX PERROT
M. le Président de la Commission du prix Perrot fait connaître à la
Société qu’un seul candidat s’est présenté pour le concours. Le délai
étant expiré du 15 mai dernier, la date de clôture des inscriptions est
prorogée jusqu’au 15 juin, et de nouvelles însertiors seront faites
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dans les journaux d’Orléans et dans ceux de l’arrondissement de
Pithiviers.
La séance est levée à neuf heures.
Etaient présents : 20 membres.
Séance du 6 juin 1890
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
Le Secrétaire général donne connaissance à la Société des ouvrages
reçus. *
Pour la correspondance, il convient de signaler :
1° Une lettre de M. le Président de l’Association française pour
l’avancement des sciences, priant la Société de se faire représenter au
Congrès qui sera tenu à Limoges du 7 au 14 août 1890 ;
2© Catalogue des plantes vasculaires du département du Loiret ,
par M. Jullien-Crosnier, hommage de l’auteur.
Des remerciements sont votés à M. Jullien-Crosnier.
M. le Président, au nom de la Société, adresse ses plus chaleu¬
reuses félicitations à M. l’abbé Desnoyers, récemment promu chevalier
de la Légion d’honneur. Des applaudissements unanimes accueillent
les paroles de M. Bimbenet.
M. le Président souhaite la bienvenue à M. Dumuys, à l’occasion de
son heureux retour du voyage qu’il vient d’entreprendre en Terre-
Sainte.
M. le D r Patay communique une note sur une pierre néphrétique
ayant appartenu à Desfriches.
M. l’abbé Cochard continue la lecture de son mémoire intitulé : la
Juiverie d'Orléans.
M. Guerrier, au nom de M. Loiseleur, continue la lecture du
mémoire intitulé : Etude théorique sur l'histoire de la formation des
Bibliothèques.
Etaient présents : 20 membres.
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Séance du 20 juin 1890
Présidence de M. Bimbenit, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
Le Secrétaire général donne connaissance à la Société des ouvrages
reçus :
SEANCE ADMINISTRATIVE
Élections. — M. Denizet, candidat lors des précédents scrutins à la
place vacante dans la section d'Agriculture, écrit à M. le Président
une lettre par laquelle il retire sa candidature.
M» Anselmier reste ainsi Beul candidat.
Il est alors passé au scrutin.
M. Anselmier est élu membre de la Société pour la section d*Agri¬
culture.
SÉANCE ORDINAIRE
La section des lettres s’est réunie. Elle a entendu la lecture d'un
rapport par M. Guillon, sur Y Histoire de Marie-Antoinette, par M. de
la Rocheterie.
M. Guillon donne lecture de ce rapport à la Société.
La section des Lettres propose l’impression de ce rapport dans les
Annales .
L’impression est votée.
M. Jarry, au nom de M. Loiseleur, absent, continue et termine la
lecture de son mémoire intitulé : Histoire de la formation des Biblio¬
thèques,
Ce mémoire est renvoyé à la section des Lettres.
M. Davoust termine la communication des notes supplémentaires
relatives à son mémoire intitulé : Le comte de Bizemont , graveur
Orléanais .
Ce mémoire est renvoyé à la section des Arts.
La séance est levée à neuf heures et demie.
Etaient présents : 29 membres.
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Séance du 4 juillet 1890
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
Le Secrétaire général donne connaissance à la Société des ouvrages
reçus.
M. le Président donne lecture d'une lettre de M. Anselmier, remer¬
ciant la Société de l'avoir admis au nombre de ses membres titulaires
dans la section d’Agriculture.
La section des Arts s'est réunie.
M. Léon Dumuys, rapporteur, communique un rapport verbal, au
nom de la section deB Arts, sur un mémoire intitulé : André-Gaspard-
Parfait de Bisemont, graveur Orléanais , par M. E. Davoust.
L’honorable rapporteur signale quelques longueurs au sujet du récit
des fêtes de la Fédération, et engage l’auteur à revoir ce chapitre. Il
conclut en proposant l'impression du mémoire de M. Davoust dans les
Annales.
M. Davoust répond au rapporteur qu’il se conformera aux observa¬
tions de la section.
Il est alors passé au scrutin.
Le mémoire de M. Davoust sera imprimé dans les Annales .
M. l'abbé Cochard continue la lecture de son mémoire intitulé : la
Juiverie dé Orléans.
M. Jarry, au nom de M. Loiseleur, absent, communique deux docu¬
ments relatifs à son mémoire intitulé : Formation des bibliothèques •
Ces documents sont renvoyés à la section des Lettres.
La séance est levée à neuf heures un quart.
Etaient présents : 16 membres.
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— 344 —
Séance du 18 juillet 1890
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des
ouvrages reçus.
Parmi ces envois, il convient de signaler :
1° Une brochure intitulée : Jeanne éCArc à Nancy et la Chronique
lorraine , par M. Mougenot, hommage de l’auteur.
Des remerciements sont votés à M. Léon Mougenot.
Sur la proposition de M. Sainjon, la Société décide de ne pas ren¬
voyer devant la section des Sciences les derniers articles de M. de
Quatrefages, publiés dans le Journal des Savants.
M. le Président, à l’occasion de l'inauguration des nouvelles salles
du Musée historique, s’exprime en ces termes :
c Messieurs,
c Vous savez tous que, depuis notre dernière séance, le Musée
historique a été inauguré dans les nouvelles distributions qu’il a
reçues.
< Je ne rappelle ce souvenir récent que par mesure d’ordre; le plus
grand nombre d’entre nous a eu le bonheur d’assister à cette solen¬
nité, et tous, nous sommes encore sous l’impression des sentiments
qu’elle nous a inspirés.
« L’éloquence a été à la hauteur de la magnificence offerte à tous
les regards, par l’abondance, la diversité, la richesse des pièces dont
cette collection est composée.
« Ce remarquable monument, inspiré par la science, l’amour de
l’art, du pays natal, œuvre d’un long travail poursuivi sans relâche
et du plus noble désintéressement, accueilli avec la plus vive recon¬
naissance par les contemporains, perpétuera ce sentiment et le nom
vénéré de son auteur dans les générations à venir.
c Veuillez me permettre d’en déposer, en votre nom, l’expression
dans le procès-verbal de cette séance. »
M. Paulmier, Président de la Commission du prix Perrot, fait con¬
naître à la Société que la Commission s’est réunie pour visiter l’ex-
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— 345 —
ploitation de M. Lesage, à la ferme de Presae, près Pithiviers. Elle
a nommé M. Pinçon rapporteur.
Sur la proposition de M. Basseville, la Société s’inscrit pour 60 fr.
sur la lettre de souscription ouverte par la Société archéologique
pour le portrait de M. Collin.
M. Charoy, rapporteur, donne lecture de son rapport sur le mémoire
intitulé : Histoire de la formation des Bibliothèques , par M. Loi¬
seleur.
Ce rapport conclut à l'impression du mémoire de M. Loiseleur.
Le Président de la section propose l’impression du rapport.
Ces deux propositions, successivement mises aux voix, sont
adoptées.
La séance est levée à neuf heures un quart.
Etaient présents : 21 membres.
Séance du 3 octobre 1890
Présidence de M. Bimbrnit, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Président prend ensuite la parole et s'exprime en ces termes ;
« M. Anselmier m'a fait l’honneur de me venir visiter pour poser
sa candidature à la place vacante dans la section vl'Agriculture, il
m'offrit avec modestie de rappeler à la Société les lettres par lesquelles
il croyait pouvoir justifier cette demande. Je m'empressai de lui dire
que son nom seul suffirait.
« Je suis heureux de lui renouveler ce que je lui disais alors : ce
nom ajoutera à ceux qui, dans le passé et dans le présent, ont honoré
et honorent le plus cette section, et en saluant sa première entrée
parmi nous, je l'invite à nous donner son précieux concours. »
Depuis notre séparation, M. l’abbé Cochard a été élevé à la dignité
de chanoine titulaire de la Cathédrale, et appelé au remplacement du
regretté M. l'abbé Gelot, à la direction des Annales religieuses et
littéraires du diocèse d'Orlêar.s.
M. l'abbé Cochard doit ces distinctions à son amour de l'étude, à
ses travaux d'érudition, et je crois devoir à cette première séance de
23
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— 346 —
notre Société, et quoiqu'il soit absent, lui adresser nos félicitations,
et les reporter même au Chapitre et à la rédaction des Annales diocé¬
saines,
M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des nom¬
breux ouvrages reçus pendant les vacances. Il communique une lettre,
jointe par M. le Secrétaire général à la dernière livraison de la
Bibliographie des travaux historiques et archéologiques .
Cette lettre est ainsi conçue :
c On trouvera dans cette livraison, pages 136 à 158, les titres de
tous les Mémoires publiés par les trois Sociétés savantes d’Orléans,
depuis leur fondation jusqu’en 1685.
« Un pareil travail ne manque pas d’utilité, mais comme il com¬
prend toutes les Sociétés savantes de France, les recherches n’y sont
pas faciles.
« Pour qu’il portât ses fruits, il y faudrait joindre une table métho¬
dique générale, pareille à celle qui accompagne le catalogue d’Otto
Lorenz. Ce serait un travail aussi long que le premier, mais plus
difficile, et surtout plus utile. Je doute qu’on le fasse.
c Mais chaque Société pourrait s’y livrer pour ce qui la concerne,
si un de ses membres voulait s’y donner. Celui qui s’occuperait d’Or¬
léans, par exemple, pourrait faire la table méthodique des divers
sujets traités soit par la Société des sciences et arts seule, soit par
les trois Sociétés orléanaises.
« Ainsi, sous les mots églises , université, fouilles , on trouverait
tout de Buite ce qui a été publié chez nous, les églises de l’Orléanais,
l’Université d’Orléans, les fouilles faites dans notre département, etc.
« Cela serait plus utile que la table qui se fait en ce moment, et à
laquelle ne préside aucune idée de synthèse. »
Parmi les communications parvenues pendant les vacances, M. le
Secrétaire général signale une lettre de M. Baudrillart, accompagnée
d'un questionnaire sur la question économique de notre contrée, au
point de vue agricole. L’honorable savant demande à être mis en
rapport direct avec plusieurs membres de la Société, afin de recueillir
les renseignements nécessaires pour l’important ouvrage qu’il prépare
sur les Populations agricoles de la France .
Sur la proposition de MM. Arqué et Pinçon, la Société décide le
renvoi de la demande de M. Baudrillart à la section d’Agriculture.
M. le Secrétaire général devait, d’accord avec M. le Président de cette
section, correspondre avec M. Baudrillart, et s’entendre avec lui sur
la date de son voyage projeté à Orléans.
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La séance est levée à neuf heures.
Etaient présents : 15 membres.
Séance du 17 octobre 1890
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des
ouvrages reçus.
M. le Président lit ensuite la première partie d'une Notice sur notre
regretté collègue, M. Collin.
La séance est levée à neuf heures un quart.
Etaient présents : 14 membres.
Séance du 7 novembre 1890
Présidence de M. Bimbenet, Président
Le procès-v9rbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des
ouvrages reçus :
M. le Président prend ensuite la parole et s'exprime en ces termes :
< Aujourd’hui, nous avons eu la douleur d'apprendre la mort de
M. Eudoxe Marcille.
a Depuis quelque temps, il est vrai, sa santé semblait affaiblie, sans
que, cependant, son zèle dans l'accomplissement des devoirs qu'il
s'était imposés en fût ralenti, et que la douce bienveillance de son
langage se montrât altérée.
a Mercredi soir, avec le sentiment affectueux qu’il portait particu¬
lièrement à cette utile, gracieuse et féconde institution qu'il avait
créée, il a présidé la séance de la Société des Amis des arts.
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— 348 —
c Hier encore, au milieu de quelques membres de sa famille, et
jusqu’au moment de se retirer dans sa chambre; il avait montré la
même gaieté qui lui était familière.
« Ce matin, en allant, comme à l'ordinaire, lui donner les premiers
soins au réveil, on Ta trouvé dormant le dernier Sommeil.
< Cette perte sera vivement sentie dans le monde des arts, dont un
des organes les plus autorisés, il y a quelques jours seulement, traçait
de cette famille d'artistes, de savants et passionnés collectionneurs, et
parliculièrement de notre cher concitoyen, un tableau aussi intéres¬
sant que fidèle, et qui, après-avoir-semblé l'annonce d’une entrée
universellement applaudie à l’Institut, s’est si malheureusement trans¬
formé en une oraison funèbre.
c Cette perte sera vivement sentie encore dans cette ville de sa
naissance, à laquelle il est constamment resté fidèle, lui consacrant
sén cœur d’artiste comme il lui avait consacré son cœur filial.
c J’arrête ici ce cri de tristesse, il n’est qu'un faible écho de l'ex¬
pression du sentiment unanime répandu dans toutes les classes de la
cité, où son souvenir se perpétuera entouré d’un affectueux respect et
d'une profonde reconnaissance. »
La réunion s’associe unanimement aux sentiments si bien exprimés
par M. le Président, et vote l'insertion de ses paroles au procès-
verbal.
M. le Président donne ensuite à la Société communication de diffé¬
rentes lettres qu’il a reçues : de M. le Préfet, invitant les membres de
la Société à la distribution des récompenses de viticulture et vinifica¬
tion, qui auront lieu à la Pépinière départementale le 15 novembre ;
de M. Loiseleur, relative à l’enquête que poursuit actuellement
M. Baudrillart, sur la situation des classes agricoles en France.
M. Baudrillart propose d’instituer, pour le Loiret, une Commission
spéciale, pour laquelle on lui a déjà indiqué les noms de MM. Maxime
de .la Rocheterie et Ànselmier; il demande à la Société de désigner
quelques-uns de ses membres qu’on pourrait lui adjoindre, la Société
désigne, à l’unanimité, MM. Pinçon, Jullien et Paulmier.
M. le D r Deshayes, au nom de M. le D r Pilate, absent, donne lecture
de son mémoire sur Dix cas nouveaux d’Oratiotomie observés dans
son service à Orléans.
Le Mémoire est renvoyé à la séction de Médecine.
M. le Président continue la lecture de la seconde partie d’une
Notice sur notre regretté collègue M. Collin.
La séance est levée à neuf heures et demie.
Etaient présents : 18 membres.
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— 349 —
Séance du 21 novembre 1890
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Président donne lecture à la Société d’une lettre de M. le
Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, relative au pro¬
gramme du Congrès des Sociétés savantes à la Sorbonne, pour 1891.
La lettre et le programme y annexés seront déposés sur le bureau
de la Société, à la disposition des membres qui voudront les con¬
sulter.
M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des
ouvrages reçus.
M. le Président termine la dernière partie de sa Notice sur notre
regretté collègue M. Collin.
Sur la proposition de M. Paulmier, la Société vote, à l’unanimité,
l'impression* de cette notice dans les Annales .
La séance est levée à huit heures et demie.
Étaient présents : 16 membres.
Séance du 5 décembre 1890
Présidence de M. Padlmikr, Vice-Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des
ouvrages reçus.
• La séance est levée à huit heures et demie.
Étaient présents : 14 membres.
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Séance du 19 décembre 1890
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des
ouvrages reçus.
M. le Président lit une lettre adressée à la Société pour lui annoncer
le décès de M. Davoust, arrivé le 13 décembre, puis, prenant la parole,
il s'exprime en ces termes :
c Depuis notre dernière séance, la Société a perdu un de ses
membres.
« Il n’est rien qui puisse être ajouté à l'expression des sentiments
douloureux causés par cette mort prématurée.
« Cependant, il en est un qui a dominé tous les autres, en s’élevant
jusqu’au dévouement le plus affectueux et le plus absolu.
« Dès les premiers jours d’une longue et cruelle agonie, Emile
Davoust a été entouré de ses plus anciens et de ses plus chers amis.
« Tous, dans le courant de la journée lui prodiguaient les plus
délicates distractions, et tous, chacun à son tour, et quelquefois s’en-
tr'aidant, abandonnaient, dans cette saison rigoureuse, la paix de la
famille et de la demeure, et veillaDt jusqu'au lendemain, lui rendaient
tous les soins que sa faiblesse exigeait.
« L’un d’eux, venu d’une contrée lointaine, qui, après avoir accompli
ce pieux de>oir prononça sur sa tombe un dernier adieu avec une
émotion partagée jusqu’aux larmes par la nombreuse assistance dont
il était entouré, lui avait donné une marque d’affection allant jusqu’à
l’oubli de soi même.
c Les effets de ces actes ne s’arrêteront pas en même temps que sa
vie ; ils prolongeront leur influence jusque dans l’avenir, comme un
témoignage des précieuses qualités qui recommandaient notre collègue
à l’estime de tous, et le rendaient digne de si nobles et si touchantes
amitiés. »
La réunion s’associe unanimement aux sentiments si bien exprimés
par M. le Président, et vote l’insertion de ses paroles au procès-
verbal.
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- 351
M. le Président communique à la Société une lettre qui lui est
adressée par M. le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-
Arts ; cette lettre s'occupe de la réunion des Sociétés des beaux-arts
des départements, qui aura lieu en 1891, à la Sorbonne, au moment
de la réunion des Sociétés savantes. La lettre de M. lo Ministre est
déposée sur le bureau, à la disposition des membres de la Société qui
désireront la consulter.
M. l’abbé Desnoyers lit ensuite une Notice Bur notre regretté col¬
lègue M. Eudoxe Marcille ; il termine sa lecture en disant en quelques
mots la perte cruelle que la Société a faite en la personne de M. Emile
Davoust, son secrétaire particulier.
La Société vote, à l’unanimité, l’impression de cette notice dans les
Annales .
M. Domet lit un mémoire sur les Incendies dans la Forêt d'Orléans
et leurs causes probables.
Le mémoire est renvoyé à la section d’Agriculture.
M. le Président fait observer que la date réglementaire de la pro¬
chaine réunion de la Société tombe le vendredi 2 janvier ; cette date
si rapprochée du jour de l’An et des réunions que les vacances sco¬
laires provoquent à cette occasion, pourraient rendre difficile la pré¬
sence de bien des membres de la Société à une réunion fixée à un
pareil jour. En conséquence, il est décidé que les convocations de
janvier seront faites pour les troisième et cinquième vendredis de
janvier, au lieu des premier et troisième.
La séance est levée à neuf heures.
Etaient présents : 19 membres.
>»»*«««<
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PROCÈS-VERBAUX DES SEANCES
Année 1801
Séance du 16 janvier 1891.
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire-Général donne connaissance à la Société, des
ouvrages reçus.
M. le Président communique une lettre de M® Gillet, notaire;
M* Gillet écrit à M. le Président, que dans son testament reçu par
M" Desbois et Paillat, notaires, M. Davoust lègue à la Société une
somme de cinq mille francs dont les intérêts seront accumulés pour
servir à la fondation d’un prix qui sera distribué tous les cinq ans
par la Société, pour un objet d’art pur ou artistique.
La Société accepte le legs, et charge son Président d’exprimer à
M m ® Davoust tous Bes remerciements. Le souvenir de notre bon et
regretté collègue vivra dans la mémoire de nouB tous qui avons connu
sa bienveillance et son mérite, et nous sommes heureux de penser
que son legs perpétuera, après nous, ce nom si cher, dans les annales
de notre Société.
M. le President propose de décider rétablissement dans la salle de
nos séances, d’une plaque commémorative sur laquelle seront inscrits
les noms des bienfaiteurs de la Société ; les noms de MM. Perrot et
Davoust seront les premiers inscrits sur cette plaque. Celle de M. de
Morogues qui existe déjà sera conservée. Cette proposition est adoptée
à l’unanimité.
M. le Président communique une lettre de M. Loiseleur, demandant
à l’Assemblée de fixer la date d’une séance administrative pour recevoir
les comptes du Trésorier et arrêter le nombre des places vocantes
dans les différentes sections.
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— 353 —
Cette séance administrative est fixée an 30 janvier.
La section d'agriculture demande à la Société d'entendre le rapport
de M. Pinçon pour décerner le prix Perrot ; la Société estime que ses
-membres ne sont pas en nombre suffisant ponr décerner le prix et
propose d'ajourner à une autre réunion la lecture du rapport.
M. Pbulmier lit son rapport sur le mémoire de M. Domet: Les
Incendies dans la forêt (T Orléans. La Société vote à l’unanimité
l’impression du Mémoire de M. Domet et du rapport de M. Paulmier.
i Le D r Qeffrier fait à la Société une communication verbale de l'ob¬
servation quil a faite sur le Glou-glou stomacal produit par la cons¬
truction du Corset. Certaines personnes produisent à chaque mouve¬
ment de leur respiration un bruit qui a manifestement son siège dans
l'estomac, bruit analogue aux borborygmes intestinaux, du au conflit
des gaz et des liquides contenus dans la cavité stomacale. On peut
même s’assurer par une observation attentive, que le bruit qui accom¬
pagne l'inspiration a son siège plus à gauche que celui qui se produit
pendant l’expiration.
N'ayant observé que chez la femme ce bruit de glou-glou isochrône
à la respiration, et ayant constaté que celles chez lesquelles ils se
produisaient étaient toutes passablement serrées dans leur corset, j'ai
recherché en quoi le corset pourrait être incriminé et par quel méca¬
nisme se produisait le bruit en question.
L’estomac peut être grossièrement comparé à un sac qui serait sus¬
pendu par Bes deux extrémités, la partie intermédiaire de son bord
supérieur étant soutenue plus lâchement. Si par une cause quelconque
l’extrémité gauche ou cardiaque, se rapproche de l'extrémité droite ou
pylorique, la partie moyenne comprise entre ces deux extrémités
s'abaissera .et pourra venir se mettre en contact avec la surface :du
liquide stomacal, interceptant ainsi la communication entre deux
çavités contenant de l'air plus ou moins mélangé à des gaz résultant
de la fermentation stomacale. Ces gaz devenant pluB absorbants quand
il y a dyspepsie, et dans ce cas l’estomac étant souvent flasque et
dilaté, les conditions nécessaires pour la production du bruit de glou¬
glou sont donc favorisées par la dyspepsie atonique.
Mais pourquoi le synchronisme entre le bruit et les mouvements
respiratoires ? C’est que le diaphragme qui repose sur la face supé-.
rjeure de l’estomac a son centre qui appuie sur l’extrémité droite ou,
pylorique, à peu près fixe, tandis que ces parties latérales s’abaissent
pendant l’inspiration ; la moitié gauche du diaphragme vient donc
pendant l'inspiration comprimer l’extrémité gauche cardiaque de
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— 354 —
l'estomac, le gaz contenu dans cette extrémité tendra à passer dans
l’extrémité pylorique non comprimée, il ne pourra le faire qu’en
refoulant le liquide dans lequel trempe comme nous l’avons vu la
paroi supérieure sous l’influence de la contraction exagérée delà taille
qui rapproche l’une de l'autre les deux extrémités de l’estomac. Pen¬
dant l’expiration, la région gauche de l'estomac cessant d’être com¬
primée, par suite de l’élasticité des parois de l’estomac et de l'abdomen,
le gaz déplacé revient prendre la place qu'il occupait précédemment,
ce va et vient de gaz produit à chaque fois un bruit qui s’entend à
distance.
La constatation de ce fait est donc encore un nouveau motif, plus
tangible en quelque sorte que les autres de déconseiller aux femmes
4e comprimer d’une façon exagérée leur taille dans un corset trop
serré.
La séance est levée à neuf heures.
Etaient présents 14 membres.
Séance du 30 janvier 1891.
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès- verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire-Général donne connaissance à la Société des
ouvrages reçus.
M. le Président fait aussitôt remarquer que les membres présents
ne sont pas en nombre suffisant pour permettre de tenir une séance
administrative ainsi que le comportait l'ordre du jour.
Les sections successivement interrogées font cependant connaître
le nombre des vacances existantes dans leur sein.
La section de médecine compte deux places libres, celle «les sciences
et arts a perdu trois de ses membres ; toutefois, M. Sainjon, président-
demande à la Société c de rendre hommage à la mémoire de MM. Mar-
cille et Davoust très récemment décédés, en remettant à une date
ultérieure la question de leur iemplacement. » Cette proposition est
acceptée à l’unanimité. La parole est ensuite accordée à M. Pinçon
pour donner lecture de son rapport sur le Prix Perrot .
»
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— 355 —
Après avoir exposé les travaux de la Bection d’agriculture, et ensuite
les conclusions émises par les commissaires-examinateurs, notre hono¬
rable collègue propose de décerner le prix dont il s’agit à M. Lesage,
cultivateur à Fresne, fermier de M. le vicomte d'Orléans.
La Compagnie entière accepte cette conclusion de M. le Rapporteur
et décide en même temps l’impression de son mémoire.
M. l’abbé Desnoyers demande à son tour la parole et commence la
lecture d’une biographie de M. Lucien Davesiès de Pontés, ancien
officier de marine, ancien sous-préfet, etc., né et mort à Orléans dans
le courant de ce siècle.
La séance est levée à neuf heures un quart.
Etaient présents 19 membres.
Séance du 6 février 1891.
Présidence de M. Bimbenet, Président#
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire-Général donne connaissance à la Société des
ouvrages reçus.
M. le D r Patay soumet à la réunion les comptes de l’année 1890.
Les comptes sont approuvés à l’unanimité ; des remerciements sont
votés à M. le D r Patay.
Election <Tun Secrétaire particulier. — Il y a lieu de combler la
vacance que la mort de notre regretté collègue M. Davoust à si inopi¬
nément ouverte.
M. le D r Patay fait observer que M. Davoust représentait au Bureau
la section des sciences et arts ; qu’il sera conforme aux convenances
et aux traditions de la Société de le remplacer par un membre de la
fnême section.
Il est procédé au vote au bulletin secret.
M. Léon Dumuys est élu Secrétaire particulier.
Fixation du nombre de places vacantes dont on disposera . — Les
registres de la Société révèlent les vacances suivantes : Dans la
section de médecine, deux vacances ; dans la section des sciences
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et arts, quatre ; mais Tune d’elles revient de droit à la section de
médecine.
M. Sainjon, président de la section des sciences et arts, fait observer
que les souvenirs de MM. Marcille et Davoust sont trop précieux, et
leur départ trop récent pour qu'on puisse les remplacer aussi tôt, il
propose de n’ouvrir cette année qu’une seule vacance dans la section
des sciences.
Cette proposition est mise aux voix et adoptée à l’unanimité,
M. le D r Arqué, président de la section de médecine, déclare ac¬
cepter le chiffre de trois vacances pour la section ; parBuite du retour
que lui fait la vacance déclarée par la section des arts, ce nombre
se trouve porté à trois.
La Société arrête à ces chiffres le nombre des places vacantes dont
on disposera.
Fixation du jour ou sera dressée la liste des candidats.
La date de la prochaine séance est adoptée.
Il n’y a point de’lecture à l’ordre du jour.
La séance est levée à neuf heures.
Etaient présents 24 membres.
Séance du 20 février 1891.
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire-Général donne connaissance à la Société des
ouvrages reçus.
M. le Président donne lecture des lettres de demande adressées à
la Société par MM. les D r# Lepage, Vacher et Cœur, et M. Bissauge,
vétérinaire à Orléans, candidats de la section de médecine.
M. l’abbé Maillard, professeur de sciences au petit séminaire de
Sainte-Croix d’Orléans se présente seul pour occuper la place vacante
à la section des sciences et arts. . -
M. le Président donne ensuite lecture d’une lettre adressée A la
Société par M. le Bibliothécaire du Grand Séminaire sollicitant de ta
Compagnie les bulletins nécessaires pour compléter la collection de
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— 357 —
nos publications appartenant à cet établissement. La Compagnie auto¬
rise M. PArchiviste à fournir gratuitement et dans les limites qu'il
jugera utile les livres demandés^
La liste des candidats aux prochaines élections est ensuite arrêtée
conformément à l'article 22 du règlement, c'est-à-dire: au scrutin
secret. ^ . _
Cette liste comprend les cinq noms qui ont été énoncés plus haut.
Les sections sont invités à porter leur attention sur les candidats de
manière à faire leur présentation dans une prochaine séance.
Le Bureau fait connaître par l’organe de son Président qu'il a étu¬
dié la question a du legs Davoust. »
' Il est décidé que la Société prélèvera sur le capital légué par notre
regretté collègue la somme nécessaire pour payer les droits réclamés
par le fisc. C’est ainsi que la Société a procédé à l'occasion « du legs
Perrot. »
M. Bimbenet demande ensuite à ses collègues s'ils agréeraient la
pensée de perpétuer le souvenir du généreux donateur en faisant
exécuter son portrait. Il demande également à quel mode d'exécution
la Société entendrait avoir recours dans le cas ou sa réponse serait
affirmative.
Tous les membres présents déclarent que le portrait de M. Davoust
doit être exécuté ; considérant en outre qu’il existe un buste en
bronze du défunt modelé par notre collègue M. Didier, auteur du
portrait de M. le baron de Morogues, ils demandent qu'une reproduc¬
tion en soit faite sous la surveillance de l’artiste et placée dans notre
salle de réunion.
Cette proposition rallie bientôt l'unanimité des suffrages. M. Louis
Jarry fait d'ailleurs observer aux membres qui manifestent quelques
regrets de ne pouvoir conserver ainsi un souvenir personnel de notre
syinpathique secrétaire disparu, que M 1 "® Davoust se propose de faire
graver un portrait de Bon mari, d’après les très insuffisants documents
qu’elle possède.
kl. le Président procède à l'interrogation des sections, aucune
n’ayant eu de réunion, la parole est donnée à M. Desnoyers pour
continuer la lecture de sa biographie de M. Lucien Davesiès de
Pontés.
Ce mémoire est renvoyé à la section des lettres pour être examiné.
La séance est levée à neuf heures et demie.
Étaient présents 28 membres.
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358 --
Séance du 6 mars 1891.
Présidence de M. Bimbenit, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire-Général donne connaissance des lettres et des
ouvrages reçus.
Il lit une lettre de M. le Président de la Société d’Agriculture,
Sciences! Belles-Lettres et Arts du département d'Indre-et-Loire,
demandant à la Société de répondre à un questionnaire relatif aux
résultats obtenus jusqu’à ce iour en vue de la reconstitution des
vignobles phylloxérés.
M. Pons, chimiste, adresse à la Société une brochure sur le traite¬
ment de la chlorose des plantes.
j Ües deux mémoires sont renvoyés à la section d'agriculture.
La Commission d'initiative et d’organisation du Congrès géolo¬
gique international de Washington (Etats-Unis) adresse une invitation
aüx membres de la Société les engageant à prendre part aux travaux
dû Congrès, soit en se rendant en Amérique pour assister à ses
séances, soit en souscrivant au volume de mémoires qu'elle compte
publier.
! M. Bimbenet donne lecture d'une note relative au legs de M. Da-
voust. La Société décide qu’elle sera transcrite au procès-verbal
mais qu'elle ne sera pas imprimée dans le bulletin.
M. le Président procède ensuite à l’interrogation des diverses sec¬
tions. Les sections des sciences et de médecine ont eu leur réunion
pour se prononcer sur la présentation de leurs candidats.
La section de médecine déclare qu’elle présente aux trois places
vacantes les quatre candidats suivants, dans l’ordre que voici :
MÛ. les docteurs Vacher, Cœur, Lepage et M. Bissauge, vétéri¬
naire.
La section des sciences et arts met en avant le nom de M. l'abbé
Maillard pour l’élection qui va avoir lieu.
La Société procède ensuite aux élections.
M. le Président proclame MM. les docteurs Vacher, Cœur et Lepage
élus membres de la Société et attachés à la section de médecine.
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M. l’abbé Maillard est également proclamé membre de la Société et
attaché à la section des sciences et arts.
La parole est ensuite donnée à M. le D r Deshayes.
Notre honorable collègue donne lecture d’un savant mémoire inti¬
tulé : De Vemploi de l'hydrate de chloral en injections sous-cutanées
dans les maladies convulsives , et particulièrement dans VEclampsie
puerpérale.
Ce travail est renvoyé à l’examen de la section de médecine,
La séance est levée à neuf heures et demie.
Etaient présents 40 membres.
Séance du 20 mars 1891.
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière Béance est lu et adopté.
M. le Secrétaire-Général donne lecture des lettres de remerciement
adressées à la Société par MM. Cœur, Vacher, Lepage et Maillard,
récemment élus.
M. Guerrier donne ensuite communication d’une circulaire de
M. le Ministre de l’Instruction publique relative au prochain Congrès
de la Sorbonne, qui aura lieu le 15 mai 1891.
La Société émet le vœu que l’énumération des voix obtenues au
cours des élections par les candidats ne soit plus faite désormais dans
les bulletins imprimés chaque trimestre.
M. le Président annonce qu’il a rempli toutes les formalités exigées
pour être autorisé à accepter le legs Davoust, auprès des autorités
départementale et municipale.
M. Dumuys donne lecture d’une nouvelle archéologique intitulée :
Souvenir d'Orient ; Une chasse à l'émail. Ce mémoire est renvoyé à
la section des Lettres.
M. Emile Huet annonce qu’il prépare une Bibliographie musicale
de Jeanne d’Arc.
Notre collègue donne de très curieux détails sur une cantate origi¬
nale qu’il a découverte à la Bibliothèque d’Orléans. Cette composition
est l’œuvre de M e Chaligny de Plesse, chanoine de Verdun ; elle date
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— 360
du commencement du siècle, comporte plusieurs petits poèmes et un
hymne en vers latins, de seize couplets.
« Un des poèmes, dit l'auteur, doit être chanté sur l'air de : Je suis
Lindor , du Barbier de Séville. »
M, Huet demande si quelqu’un de ses collègues pourrait le rensei¬
gner sur le point de Bavoir à qui doit être attribué l’air en question
Aucun des membres présents ne se sent en état de répondre séance
tenante à cette question d’une manière positive, mais l'opinion géné¬
rale semble être conforme à celle émise par M. Huet, à savoir que
Beaumarchais serait l’auteur de la musique appliquée sur ses paroles,
La séance est levée à neuf heures un quart.
Etaient présents : 16 membres.
Séance du 3 avril 1891,
Présidence de M- Bimbenit, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire-général donne lecture d’une circulaire de M. le
Ministre de l’Agriculture, relative aux concours régionaux agricoles
de 1891.
M. Guerrier communique ensuite à la Société le règlement du
Congrès international d’agriculture qui se tiendra à La Haye en 1891.
Les membres de la Société sont invités, par les organisateurs, à prêter
leur concours à cette réunion.
M. A. Bouvier, zoologiste, fait hommage à la Société d’un volume
dont il est l’auteur, consacré à l’étude les mammifères en France.
Des remerciements sont adressés au donateur.
M. Loiseleur signale, dans une lettre qu’il adresse à ses collègues,
des articles de M de Quatrefages, insérés dans 1 * Journal des savants ,
sur les Théories transformistes.
Cette étude, signalée à l’attention des spécialistes, est renvoyée à
M. Sainjon, président de la section des Sciences et Arts.
M. le Président souhaite en ces termes la bienvenue à nos nou¬
veaux collègues, élus dans une séance précédente :
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\
« Je m’empresse de saluer nos nouveaux collègues à leur première
entrée parmi nous.
c Chez eux, comme chez leurs prédécesseurs dans cette enceinte, et
chez ceux auxquels ils s’y réunissent, la science n’a d’autre rival que
l'ardent désir de s’appliquer au soulagement des souffrances de l’hu¬
manité. Comme eux, ils se présentent avec des titres théoriques et
pratiques qui les recommandent à la confiance publique, comme ils
leur ont assuré l’unanimité des suffrages.
« Celui-ci, entre autres parties de l’art de médecin et de l’opéra¬
teur, cultive avec la plus rare habileté le précieux et grand art de
rendre la vue à qui en est privé, et nous en avons ici même un
éclatant témoignage, que tous nous avons accueilli avec reconnais¬
sance.
« Ses succès sont persévérants à ce point, qu’il lui est permis
d’adopter pour devise ce texte du Livre saint : Fiat lux et facta
est lux 1
c Ceux-là par de fortes études résumées dans de savantes thèses ont
préparé l’estime dont ils jouissent déjà, l’un d’eux représentera digne¬
ment, à la place qu’il occupera, un père et un aïeul, qui ont laissé
dans l’exercice de leur profession et dans nos Annales, un très hono¬
rable souvenir.
« Plus que jamais, notre section de Médecine qui, dans tous les
temps a compté parmi ses membres des hommes considérables par la
science et le sentiment du devoir, offre une réunion dont notre
Société tout entière a lé droit de se glorifier.
« La section des Sciences et Arts reçoit en ce moment son nouvel
élu, jeune professeur dans une importante institution dépendante de
l’Evêché.
« Ce sera avec un vif intérêt que nous l'entendrons nous faire part
du fruit de ses études, et nous devons considérer comme le plus heu¬
reux augure la coïncidence de son entrée au milieu de nous, avec
l’accentuation du mouvement scientifique et littéraire qui se manifeste
dans les rangs du clergé, auquel il appartient. En effet, ces produc¬
tions savantes sont aussi remarquables par les fortes études donc
elles sont le témoignage, que par le goût et la valeur oratoire qui les
distingue. »
La séance est levée à huit heures trente-cinq minutes.
Etaient présents : 21 membres.
24
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— 362 -
Séance du 10 avril 1891.
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire-général donne connaissance des ouvrages reçus.
M. Bimbenet donne lecture d’une lettre de M le Président de la
Société archéologique, invitant les membres de la Société à assister à
la séance générale de3 trois Sociétés, fixée à la date du
24 avril 1891.
M. le Président donne ensuite lecture des lignes qui suivent :
a Un douloureux devoir m’est encore imposé, celui de rappeler la
perte que la Société vient de faire en la personne de M. Albert
Pinçon.
« Il a suivi de bien près notre jeune et regretté collègue, Emile
Davoust.
« Comme lui, il était à cette époque de la vie où le cœur et Pintel-
ligence peuvent jeter un regard sur un heureux passé, jouir d’un
heureux présent, et croire à un long et heureux avenir.
c La force de l’âge, les douceurs de la famille, la fortune, mieux
encore, les travaux les plus utiles couronnés par le suffrage et la
reconnaissance publics, tous ces éléments de bonheur réunis ont
disparu, laissant la famille dans l’abattement, l’amitié dans l’affiiction,
et les relations scientifiques en présence d’un vide inquiétant et
pSnible, tant il semble difficile à combler.
« Ce n'est pas le moment d’entrer dans l’examen et l’analyse d’une
existence si bien remplie, quoique si soudainement et si prématuré¬
ment éteinte. Cette tâche exige une étendue digne de son importance.
Je dois me réduire à signaler la modestie de notre collègue, la
précision de son langage, révélant la précision de son intelligence et
de son jugement
< Les services précieux, par l'observation, qu'il a rendus à la
science théorique, et par ses nombreux essais à la Bcience pratique de
l’agriculture, les communications qu’il nous a faites dans un style
tout à la fois rapide, saisissant et châtié, attestent un esprit profon¬
dément méditatif et la persévérance des études auxquelles il s'est
consacré.
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c La tristesse que l'événement de sa mort a causée à ceux qui
vivaient dans ses rapports journaliers en termes touchants, par les
nombreux employés et ouvriers attachés à la double industrie qu'il
concourait à diriger, attestent la bienveillance dont il était animé et
le calme qui réglait les actes de sa vie laborieuse.
« Pour nous, Messieurs, nous garderons et honorerons sa mémoire,
que ses travaux transmettront à la haute estime des économistes à
venir, à tous ceux qui suivront le bel exemple qu’il leur a laissé avec
tant de zèle et de succès. »
La Société décide que ces paroles seront iusérées au procès verbal.
La remise du prix Perrot est fixée au 15 mai prochain.
M. Emile Huet donne lecture de la fin du travail de M. l'abbé
Cochard sur les Juifs d'Orléans.
L'auteur laissant entrevoir en fin de son mémoire qu’il a l'intention
d'écrire une deuxième partie, la Société décide qu’il y a lieu de sur¬
seoir au rapport, jusqu’au moment où l’auteur aura fait connaître ses
désirs à cet égard.
La séance est levée à neuf heures.
Etaient présents : 24 membres.
Sêanoe du 1" mai 1891.
Présidence de M. Bimbenet, Président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire-général donne connaissance des ouvrages reçus.
M. Denizet fait hommage à la Société de son Histoire des dernières
journées de Varmée de l’Est , le 7 3* mobile (. Loiret-Isère ), campagne
de 1870 .
Le Bulletin de la Société Dunoise renferme un travail de M ,u de
Villaret, notre compatriote, intitulé : A propos de deux Chartes iné¬
dites des lépreux de Bonneval .
M. le Président donne connaissance d'une invitation de M. le
Préfet du Loiret, adressée à la Société, en vue d'assister à l'entrée à
Orléans, de M. Carnot, Président de la République, le 7 mai
prochain.
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— 364 —
La Société décide que M. le Président, les membres du bureau
disponibles et les chefs des diverses sections iront présenter les hom¬
mages de la Société au Chef de l'Etat.
Attendu que plusieurs de ces Messieurs appartiennent déjà à divers
groupes, en raison d'autres fonctions, l'Administration municipale a
décidé que toutes les Sociétés savantes seraient réunies pour la visite
qui sera faite à M. Carnot.
La section de Médecine ayant confié à M. Arqué, sou président, le
soin de faire un rapport sur le mémoire de M. Deshayes, M. le rap¬
porteur donne lecture de son travail, et conclut à l’impression des
observations et conclusions de son collègue.
La Société sanctionne cette décision par son vote et se prononce
également en faveur de l’impression du rapport de ty. Arqué.
M. l’abbé Desnoyers fait un rapport verbal sur une nouvelle archéo¬
logique présentée par M. Dumuys et renvoyée à l’appréciation de la
section des Lettres.
L’impression de la nouvelle présentée par M. Dumuys est votée
par la Société.
M. Emile Huet présente un rapport, au nom de la section des
Lettres, sur Davesibs de Pontbs.
La Société décide que le mémoire et le rapport seront tous deux
insérés dans son Bulletin.
M. le Président de la section des Lettres annonce à M. le Président
de la Société que ses collègues réunis, ont fprocédé à la réélection de
leur bureau particulier. Les mêmes dignitaires ont été acclamés.
M. le Président fait observer que les autres sections devront, avant
peu, songer à la réélection de leurs présidents et secrétaires, confor¬
mément au règlement.
M. Dumuys. au nom du V le Charles de Gastines, fait hommage à la
Société de Yex-libris armorié de son ancien secrétaire particulier et
perpétuel: M. Huet de Froberville.
Le cuivre de cette petite planche est entre les mains de M. Ch de
Gastines.
Des remerciements sont votés au donateur.
La séance est levée à huit heures vingt minutes.
Etaient présents ; 30 membres.
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— 365 —
Séance du 15 mai 1891.
Présidence de M. Bimbenet, Président.
M. le Secrétaire général donne avis du changement signalé par
M. le Ministre dans la date de l’ouverture de la session du 29 e Con¬
grès des Sociétés savantes. Les réunions des délégués commenceront
le 22 mai prochain à la Sorbonne.
M. le Président déclare qu’il lui a été impossible d’organiser à la
date d’aujourd’hui la séance solennelle au cours de laquelle M. Lesage,
lauréat du prix* Perrot, devait recevoir la récompense qui lui était
accordée, le rapport de M. Pinçon, décédé, semblait tout d’abord
introuvable; la famille vient cependant de le faire tenir à la Société.
En conséquence, les membres appelés à statuer sur la date prochaine
de la réunion, décident qu’elle sera fixée au premier vendredi de
juin.
Sur la proposition de M. Anselmier, la Société décide que M. le
Sous-Préfet de Pithiviers, ami personnel de M. Lesage, pourra être
invité à cette réunion.
Les présidents d’honneur seront conviés à cette solennité, confor-
mément au règlement.
M. Bimbenet donne lecture d’un mémoire intitulé : Les deux
Reines. Il s’agit d’une étude historique sur la reine Brunehault et la
reine Marie-Antoinette.
La suite de la lecture est remise à une prochaine réunion.
La séance est levée à neuf heures un quart.
Etaient présents : 22 membres.
Séance du 5 juin 1891.
Présidence de M. Bimbenet, Président.
M. Lesage, titulaire du prix Perrot, assiste à la séance
M. le Président ouvre la réunion par le discours suivant *
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« Les fondations d’un intérêt public, dont les effets se reproduisent
à des époques déterminées, imposent surtout à ceux qui furent leurs
contemporains, l’obligation de rappeler le souvenir des fondateurs et
de leur rendre l'hommage de la reconnaissance à laquelle ils ont
droit.
« Cette tâche devient ainsi de plus en plus redoutable, on comprend
qu’une longue existence comme celle, par exemple, dont il s’agit en
ce moment, passée dans l’exercice des fonctions de la magistrature,
dans l’étude théorique et pratique de l’agriculture, couronnée par la
fondation d’un prix d’encouragement à ses progrès ait été, sinon
autant de fois que ces périodes se sont présentées, au riioins à
quelques-unes d’elles, le texte d’un examen particulier et respec¬
tueux. #
« Cependant, si l’espace parcouru depuis la création d’un acte de
cette nature peut expliquer le silence qui serait gardé à cet égard, on
ne pourrait, sans se rendre coupable d’uno indifférence approchant de
l’ingratitude, laisser tomber son auteur dans un entier oubli au moment
même où l’acte de sa générosité est accompli.
« D’autres considérations se réunissent pour autoriser le retour sur
un semblable sujet.
« Le premier est que le temps, dans sa marche, renouvelle ceux
auxquels ces notices sont exposées, la seconde est que l’espace écoulé
entre celles qui se succèdent, peut révéler quelques particularités
inconnues jusque-là, intéressant le fondateur et offrant quelque point
de vue auquel il est nécessaire de se placer pour le mieux faire con¬
naître.
« Afin de justifier cette proposition, mon premier soin est de
résumer une partie considérable de la vie de M. Perrot, négligée à
ce point jusqu’ici, qu’elle n’a été mentionnée que transitoirement
avec une grande indifférence. On semble môme avoir ignoré qu'il a
été membre d’une magistrature de premier ordre; il faut enfin que ce
vide soit comblé.
c M. Alexandre-Henri-Jean Perrot, né à Margerie, département de
la Marne, au cours de l’année 1790, n’est apparu à Orléans qu’au cours
de l’année 1814, où, le 31 août, il a été présenté par M. le Président,
qui était M. Sezeur, au Ministre de la Justice, comme candidat à la
fonction de Conseiller auditeur, ayant voix consultative.
« Il a, en effet, été nommé à cette fonction le 2 novembre, et
installé le 20 décembre de cette même année 1814.
« Le retour de l’île d’Elbe donna lieu à une nouvelle Constitution,
M. Perrot lui refusa son adhésion ; il se retira de l’ordre judiciaire,
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dans lequel il ne reprit son siège, à la Cour d’Orléans, que le
22 février de l’année 1816.
a Après avoir été élevé à l'état de Conseiller auditeur, ayant voix
délibérative, su cours de l'année 1817, il tut nommé Conseiller, et
installé en cette qualité le 24 février et le 5 mars 1819, il prêta le
serment exigé par la Constitution de 1830, et donna sa démission le
12 avril de l’année 1848.
a Pendant ce long exercice de la magistrature, M. Perrot fut membre
de plusieurs Commissions, à l’occasion d’avis sur des projets de lois
demandés aux Cours d’appel par le Gouvernement, entre autres, de la
Commission qui a délibéré sur la réforme hypothécaire, et il a été
nommé membre de l’ordre de la Légion d’honneur au cours de
l’année 1841.
a II a été souvent appelé à présider les sessions des Cours d’assises
des trois départements du ressort de la Cour, et dans l’ordre civil,
comme dans l’ordre criminel, il s’est montré à la hauteur de ses
honorables fonctions.
« Cependant, il faut reconnaître que dans les derniers temps de sa
vie active, le cultivateur effaçait le magistrat ; l’amour des études et
des pratiques agricoles avaient pris chez lui un tel empire, qu’elles
étaient devenues le sujet presque exclusif de ses préoccupations.
« C’est qu’alors M. Perrot était devenu propriétaire de domaines
assez considérables, et qu’il commençait la nouvelle vie à laquelle il
se consacrait sans réserve.
« Dès l’année 1841, il était membre du Comice agricole, que bientôt
il devait présider, il fonda le Congrès central de l’Agriculture, et il
entra dans la composition du Jury des concours régionaux, ce fut
alors qu’il devint membre de la section d’Agriculture de notre
Société.
« En cette dernière qualité, il prit part à plusieurs visites de
domaines îuraux, notamment en l’année 1865 et 1870, pour préparer
la délivrance du prix fondé par M. de Morogues, de respectable
mémoire.
« Enfin, il devint Président de la Chambre d’agriculture d’Orléans
et du Comice agricole de la Sologne.
« Chaque année, il prononçait un discours dans le genre di lac¬
tique, à toutes les séances dos concours cantonaux.
« Tant de zèle, un tel dévouement à un élément social aussi consi¬
dérable devaient avoir leur récompense. En l’année 1841, il fut élevé
au grade d’officier de la Légion d’honneur.
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« M. Perrot était d’une haute stature, d’un tempérament sec et
nerveux, sa santé, même à l’âge avancé qu’il avait atteint, était resiée
inébranlable, il est mort subitement, et malgré quelques indisposi¬
tions qui manifestement préparaient sa fin, personne de ceux qui
l’approchaient n’aurait pu soupçonner qu'elle fût si soudaine. Cet
événement arriva le 5 décembre 1871, il était âgé de 81 ans.
« M. Perrot aimait la solitude et la retraite, il n’a jamais reçu
personne et n’a jamais accepté d’invitation, pas même les invitations
officielles ; on m’a raconté, au Palais, qu’ayant refusé celle d’un
premier président, à l’insistance que celui-ci adressait verbalement
et avec quelque hauteur, il avait répondu que : « Pour lui, il n’y
« avait de premier président que dans la salle d’audience ou à la
« Chambre du Conseil. »
< Il se plaisait aux longues marches à pied, et ne montait en voi¬
ture que le plus rarement possible ; sa sobriété était telle, que pour
ses plus intimes amis et ses collègues, la prolongation de sa santé et
môme de sa vie, était presque à l’état de problème, de l’eau et quel¬
ques légumes composaient toute son alimentation.
< Jamais la vigne n’a été l’objet de l’attention de cet attentif culti¬
vateur; il considérait cette plante comme inutile, et Bon produit
comme dangeroux pour la santé et les mœurs.
« M. Perrot a voulu se survivre à lui-même, et par son testament
du 12 janvier 1871, il a fondé le prix que nous remettons aujourd'hui
au cultivateur distingué désigné par notre section d’Agriculture, et on
a dit déjà que, voulant prolonger ses relations avec ses collègues au
delà même de la vie, il a prescrit, par cet acte, qu’un jeton de
présence fût donné à chacun de ceux d'entre eux qui assisteraient à
ses funérailles.
c Et maintenant que notre dette de souvenir est payée à la mémoire
de notre digne et à plus d’un titre remarquable collègue, il me sera
permis de jeter un rapide regard sur cette institution des prix d’en¬
couragement à décerner par notre association.
« La première inspiration de créer cet élément d’émulation remonte
à l’année 1765, époque à laquelle l’Intendant d’Orléans mit à la dis¬
position de la Société royale d’agriculture, établie en l’année 1762,
une somme de 600 livres destinée à l’auteur du meilleur mémoire sur
La liberté entière du commerce.
« Un second prix, ayant la même provenance administrative, fut
décerné par cette Société au cours de l’année 1816 à l’auteur qui
aurait le mieux indiqué les moyens de supprimer la mendicité.
« Il est inutile de s’arrêter à toutes les périodes observées pour la
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mise à exécution de cet osage protecteur des travaux scientifiques, il
suffit de faire remarquer la différence existante entre le caractère des
sujets qui fout l'objet des prix d’encouragement à la nôtre.
« Dans la première, les questions à résoudre appartenaient à des
études métaphysiques et abstraites, dans le moment présent, nos
exigences, plus modestes, mais plus positives, se contentent d’une
science pratique.
c Les premières étaient l’œuvre des penseurs, les secondes sont
l’œuvre des travailleurs.
a De nos jours, les rapports de la pensée et du travail n’ont lieu
-qu’à une condition, celle que de cette union devront naitre des fruits
actuels, qui profiteront non seulement aux classes savantes, mais aussi
et surtout à celles qui ne le sont pas.
« Cette Société royale d’agriculture marcha parallèlement avec celle
fondée en l’année 1781 sous le titre d’Académie deB Sciences, Arts et
Belles-Lettres, et toutes les deux disparurent au cours de l’année
1793, un décret de la Convention ayant supprimé, sans distinction,
toutes les Académies de la République.
« Avec le calme revint le culte des lettres, des sciences et des arts,
-et de toutes les recherches qui charment, développent et honorent
l’esprit humain, l’agriculture devait entrer dans l’immense programme
de cette renaissance ; provisoirement, le Préfet du département, le
18 avril 1809, prenait un arreté qui instituait une Société des sciences
physiques et médicales, à laquelle se joignirent quelques grands pro¬
priétaires, grands protecteurs de l'agriculture.
« Mais les guerres de l’Empire, sa chute et les troubles politiques
qui en furent la suite, arrêtèrent cet essor, et ce ne fut qu’en 1818
.que notre Société fut rétablie suus le titre des Sciences, Belles-Lettres
et Arts, bientôt converti en celui qu’elle porte aujourd’hui.
« Il n’a plus été question pour elle de fondation de prix d’encoura¬
gement donnés à aucun genre de ses travaux, la section d’Agriculture
fut la seule en considération de laquelle la Société reçut une subven¬
tion départementale.
Cette concentration de la bienveillance administrative a bientôt
inspiré à deux membres delà section d’Agriculture la pensée d’ajouter
à la somme accordée un supplément dans la forme d’un prix d’encou¬
ragement et de récompense, et par là un témoignage de protection et
d’intérêt ; les trois autres sections, jusqu’ici, n’ont pas eu cet avan¬
tage. Mais, aujourd’hui, nos vœux viennent, à cet égard, d’être
accomplis; désormais, la section des arts aura son concours, comme
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la section d’Agrieulture, elle n’aura recours qu’à elle-môme pour juger
les essais qui lui seront présentés.
« Son appréciation sera d’autant plus sûre, qu’elle possède au
nombre de ses membres de savants amis des arts, amateurs ou artistes
et particulièrement notre collègue, l’éminent aquarelliste Chouppe et
l’auteur d’œuvres admises dans les expositions nationales, et par con¬
séquent les plus solennelles et les plus sévères.
« Bientôt, nous placerons à côté du buste de M. de Morogues le
buste d’Emile Davoust, tous les deux sont dus à l’habile ciseau de
notre collègue M. Didier, et bientôt, grâce à lui, nous pourrons placer
à côté de ce premier ornement de cette salle do nos séances, le fon¬
dateur du prix que nous aurons à distribuer en son nom.
t Véritable, mais bien triste consolation ; le deuil est dans cette
enceinte, od y déplore, en présence du bienfait, l’absence du bienfai¬
teur, et surtout au moment où va se faire entendre une autre voix
que celle de l’auteur du rapport de la Commission chargée de pré¬
parer la modeste solennité que nous accomplissons.
a Je m’arrête, une vraie émotion navre le cœur de celui qui, arrivé
à la dernière limite de l'âge, doit accomplir son devoir de rappeler le
souvenir de deux hommes distingués, tous les deux dans la force de
la seconde jeunesse, pleins de vie et d’ardeur, tous deux doués des
dons de la fortune, dont ils faisaient un si noble usage, faits par
l’éducation et l’étude., animés de l’amour du bien, du beau et de l’utile ;
tous les deux chers à la famille, à l’amitié, à la cité, à la science, aux
lettres et aux arts, et qui tous les deux, en même temps, ont disparu
pour ne plus vivre que dans la mémoire de ceux qui les ont connus,
et laissant une longue suite des plus vifs regrets. »
« Après avoir achevé son discours, M. le Président donne connais¬
sance d’une lettre par laquelle M. le Sous-Préfet de Pithiviers s’ex¬
cuse de n’avoir pu répondre à l’appel de la Société qui l’avait invité à
prendre part à cette réunion conformément au désir exprimé par
M. Lesage.
La Société décide que le discours de M. Bimbenet sera copié sur le
registre des procès-verbaux et imprimé dans le Bulletin.
M. le Vice-Président Paulmier donne lecture du mémoire présenté
à la Société par notre honorable rogretté collègue, M. Pinçon, rappor¬
teur de la Commission dite du Prix Perrot.
Le Prix est ensuite remis à M. Lesage par M. le Président qui pro¬
nonce ces paroles :
« Je ne devais pas devancer la section d’Agriculture dans la
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communication des motifs qui ont déterminé sa proposition adoptée
à l’unanimité par toutes les questions de vous décerner le prix que
j'ai l’honneur de vous remettre.
« Je ne saurais rien y ajouter et je dois me borner à me rendre
l'interprète de tous en vous exprimant les sentiments de haute estime
que ce rapport nous a inspirés, en vous félicitant de vos succès et de
l’exemple que vous avez donné à tous ceux qui comme vous suivent
la carrière que vous parcourez d’une manière aussi fructueuse et aussi
honorable. »
M. Lesage adresse en quelques mots ses remerciements à la Société
tout entière et à M. le Président.
M. le Secrétaire-Général donne lecture d’une lettre adressée par
l’Association Française pour l’avancement des sciences.
Cette Société invite les membres de la Société à prendre part au
Congrès de Marseille qui s’ouvrira le 17 septembre prochain et sera
clos le 24 du même mois.
La Société des Agriculteurs de France adresse à la Société d’Orléans
un questionnaire relatif à la culture industrielle de la pomme de terre,
et du blé, ainsi qu’au prix de revient desdites cultures.
Ce questionnaire est renvoyé à la section d’Agriculture.
M. le Secrétaire-Général signale au nombre des ouvrages reçus :
1° une brochure de M. Fournier, jeune, membre de la Société Archéo¬
logique de l’Orléanais, architecte à Orléans ; 2° un nouveau fascicule
des promenades pittoresques dans le Loiret, de notre collègue
M. Emile Huet ; 3° un ouvrage de M. L. Jarry sur le Bâtard d'Orléans;
4° enfin deux brochures de M. Dumuys l’une intitulée : Document sur
la Fête du 8 Mai i89\ à Orléans et l’autre intitulée : Le Drame de
la rue des Murlins , nouvelle Orléanaise, cette dernière est signée du
pseudonyme Noël Guépin.
Des remerciraent8 sont adressés aux donateurs.
M. Loiseleur signale à l’attention de ses collègues : 1° dans les
mémoires des antiquaires du Centre un travail intitulé : Les Monnaies
de Bourges aux IX e et X e siècles ; de l’immobilisation des monnaies ;
2° dans les mémoires de l’Académie Royale des Lyncei une autre dis¬
sertation sur les levées établis le long des fleuves chez les Romains,
Ce travail est renvoyé à M. Guillon, qui se charge de le résumer et
de l’apprécier.
La séance est levée à neuf heures un quart.
Etaient présents 22 membres.
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Séance du 19 juin 1891 .
Présidence de M. Bimbenet, président.
M. le directeur du Musée Guymet adresse à la société un ouvrage
intitulé : Les symboles, les emblèmes , lis accessoires du culte chez
les Annamites , par G. Dumoutier.
Le portrait gravé de M. Collin notre regretté collègue est déposé sur
le bureau.
M. Bimbenet continue la lecture de son mémoiro intitulé : Brune -
hault et Marie Antoinette . (Les deux reines).
Le mémoire est renvoyé à la section des lettres.
La séance esc levée à neuf heures un quart.
Etaient présents : 15 membres.
Séance du 3 juillet 1891 .
Présidence de M. Bimbenet, président.
M. le Secrétaire-Général donne connaissance des ouvrages. Il lit une
lettre adressée par le Bureau de la société des Agriculteurs de France
relative à la fondation d’un hôtel de la Société, rue d’Athènes, à
Paris.
M. le D r Lepage donne lecture d’un mémoire intitulé ; Statistique
médicale d'Orléans aucouisdes années 1887,1838,1889,1890.
Ce travail est renvoyé à la section de Médecine.
M. le Président donne connaissance de l’envoi d’un volume de M.
Ch. Ploix intitulé : Le surnaturel dans les contes populaires.
11 lit une lettre de M. Lesage, titulaire du prix Perrot, réclamant le
diplôme auquel il croit avoir droit. La société n’ayant pas l’habitude
de délivrer de semblables pièces, se trouve dans l’impossibilité de
donner satisfaction au désir de M. Lesage.
Des portraits de M. Collin (petit format) sont donnés aux membres
présents de la société.
La séance est levée à neuf heures un quart.
Etaient présents : 15 membres.
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Séance du 17 juillet 1891 .
Présidence de M. Bimbenet, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire-Général donne connaissance des ouvrages reçus
depuis la dernière réunion. Il signale dans l'Académie des Lyncei de
Rome des travaux faits en vue de dresser la carte archéologique de
Tltalie.
Le Ministre invite l’Académie à publier au plutôt cette carte.
L’Académie des Lyncei mentionne la découverte de 14 nouveaux
fragments d’un plan gigantesque de la ville de Rome dressé et gravé
sur marbre sous le règne de Septime-Sévère.
Deux cents fragments de ce même plan avaient été entièrement
recueillis.
La section de médecine s’est réunie pour examiner le travail de
M. le D r Lepage intitulé : Statistique médicale de la ville d’Orléans
pour les années 1887, 1888, 1889, 1890; M. le D r Patay lit un rapport
sur le mémoire de son collègue.
M. le D r Arqué, président de la section, demande à la société de
voter l’impression de la statistique conformément aux conclusions
du rapporteur.
La société se prononce en faveur de l’impresion du travail de M. le
D r Lepage et de celle du rapport du D r Patay.
M. le Président, à l’occasion de la dernière séance de l’année adresse
les quelques mots suivants dont l’insertion au procès-verbal est votée.
« L’année réglementaire est terminée, elle recommencera le 2 oc¬
tobre prochain. Dans l’espace qui s’ouvre devant nous, je prends donc
la liberté de souhaiter à tous de doux loisirs, une heureuse santé et au
retour, des communications scientifiques et littéraires aussi intéres¬
santes et aussi importantes que celles qui ont signalé l’année qui vient
de s’écouler. »
La séance est levée à huit heures trois quarts.
Etaient présents : 23 membres.
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Séance du 2 octobre 1891 ,
Présidence de M. Pàulmier, vice- président.
Le procès-verbal de la dernière séance est la et adopté.
M. le Président dépose sur le bureau la carte de visite que Mgr.
l’évêque d’Orléans vient d’adresser à la société à l’occasion de la
mort de M. Bimbenet, son président.
M. le Secrétaire-Général donne connaissance des nombreux ou¬
vrages reçus pendant les vacancos de la société.
Nous devons noter : une lettre du secrétaire-général de la société des
sciences naturelles de l'ouest de la France exprimant le désir de
compter notre société au nombre des correspondantes de la sienne et
d’obtenir l’échange de nos publications.
Cette proposition mise aux voix est adoptée.
A signaler : le programme du congrès des sociétés savantes à la
Sorbonne en 1892, envoyé par M. le Ministre de l’Instruction publi¬
que et des Beaux-Arts.
M. Pàulmier lit une notice nécrologique sur le regretté M. Bim¬
benet. Cette lecture écoutée dans un religieux silence provoque d'una¬
nimes applaudissements.
La société décide que cette notice sera publiée dans ses mémoires.
La séance est levée à neuf heures.
Etaient présents : 14 membres.
Séance du 15 octobre 1891 .
Présidence de M. Pàulmier, vice-président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le secrétaire-Général donne connaissance des ouvrages reçus
depuis la dernière réunion. Il signale entre autres les dons faits à la
société: par M. l’abbé Desnoyers d’un ouvrage intitule: de l’Icono-
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graphie de Jeanne d’Arc et par M. Huet, d'un mémoire, intitulé :
Jeanne d’Arc et la musique à Orléans. Des remercîments sont votés à
leurs auteurs.
M. Guerrier donne lecture de la première partie d'un mémoire inti¬
tulé : Pomponius Lœtus et VAcadémie Romaine.
Sur la proposition de M. Desnoyers* la société décide à l’unanimité
qu’il y a lieu de faire graver le portrait de M. Bimbenet, son regretté
Président, à l’aide d’une photographie fort ressemblante que possède
la famille et qui a été faite il y a fort peu de temps.
Sur la proposition de M. Basseville, la Société pourra s’entendre à
ce sujet avec la société archéologique qui a la même intention. Cette
gravure sera faite à frais communs.
La séance est levée à 9 heures.
Etaient présents : 17 membres.
Séance du 6 novembre 1891 .
Présidence de Paulmier, vice-président.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire-Général tout en donnant connaissance des ouvrages
reçus depuis la dernière réunion signale à la société quelques faits
intéressants rapportés dans les mémoires « de l’Académie des Lyncei »
de Home.
Il s’agit de découvertes récenment faites dans les eaux du Tifre, au
bas du c Ponte-Sixto. »
M. Guerrier continue la lecture de son travail intitulé : « Pompo¬
nius Lœtus et VAcadémie de Rome. »
Ce mémoire est renvoyé à la section des lettres.
La séance est levée à neuf heures.
Etaient présents : 15 membres.
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Séance du 20 'novembre 1891 .
Présidence de M. Paulmier, vice-président.
Le procés-verb&l de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire-Général donne connaissance des ouvrages reçus
depuis la dernière réunion. Il signale notamment le discours de ren¬
trée prononcé par M. Escoffier substitut du procureur-général, devant
la Cour d’Orléans à la date du 16 novembre 1891; ce discours traite
« des crimes passionnels, t»
Des remercîments sont votés au donateur.
M. l’abbé Cochard continue la lecture de son étude sur les Juifs
d Orléans.
La séance est levée à huit heures trois quarts.
Etaient présents : 22 membres.
Séance du 4 décembre 1891 .
Présidence de M. Paulmier, vice-président.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.
M. le Secrétaire-Général donne connaissance dos ouvrages reçus
depuis la dernière réunion.
M. le Président fait observer que le premier jour de l’année 1892
sera un vendredi. Il propose en conséquence de remettre la séance de
ce jour au 5 e vendredi dudit mois de janvier. Cette proposition est
acceptée.
Sur la proposition du chef du bureau, la société décide que la pro¬
chaine séance de décembre prendra un caractère administratif. De
cette manière, la société pourra procéder à l’élection du successeur de
l'honorable M. Bimbenet décédé, attendu qu’à cette date sera passé
le délai de trois mois qu’il est d’usage de laisser écouler entre la mort
d'un membre du bureau et l’élection de son remplaçant.
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M. l'abbé Desnoyers fait au nom de la section des lettres un rapport
sur le mémoire de M. Guerrier intitulé : Pomjjonins Lœtus et l'Aca¬
démie Romaine . »
La société sanctionne par son vote les conclusions de la section
favorables à l’impression du mémoire et du rapport.
M. l’abbé Coohard continue la lecture de son mémoire intitulé ;
Histoire des Juifs d'Orléans .
La séance est levée à neuf heures.
Etaient présents : 24 membres.
Séance du 18 décembre 1891
Présidence de M. Pàulmier, vice-président
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.
M. le Secrétaire-général donne connaissance des ouvrages reçus
depuis la dernière réunion.
11 mentionne également les communications écrites adressées à la
Société et notamment :
I e Une pétition rédigée par la Société des agriculteurs de France,
relative aux produits de Fapiculture et destinés à être signée par les
membres de la société.
(Cette pièce est renvoyée à l’examen de la Commission d’agri¬
culture.
2° Une note émanant de la Préfecture du Loiret et annonçant une
distribution à prix d’argent de vignes américaines.
M. Bouchet de Molandon fait hommage à la Société de deux
brochures dont il est l’auteur.
L’une contient la Biographie de M. Henry de Courmont, directeur
honoraire des Beaux-Arts.
L’autre est intitulée : « Un oncle de Jeanne d'Arc depuis quatre
siècles oublié. (Mangin de Vouthon).
Des remerciments sont votés au donateur.
M. le Préfet du Loiret fait hommage à la Société de son
rapport annuel présenté au Conseil général du département du Loiret
A la session d’août.
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M. Durauys fait hommage à la Société d’un petit volume récemment
édité, par lui, sous le pseudonyme de Noël Guépiu et tiré à 100 exem
plaires seulement.
Cette publication intitulée c Esquisses orlêanaises » est renvoyée à
l’examen d'un membre de la section des lettres qui sera chargée de
présenter sur elle un rapport analytique.
M. le Président déclare alors que la séance administrative est
ouverte et la Société procède à l’élection de son président en rempla¬
cement de M. Bimbenet décédé.
M. Paulmier vice-président est appelé à cette haute fonction.
Le nouveau titulaire remercie aussitôt en ces termes la Compagnie
de l’honneur qu’elle daigne lui faire.
« Messieurs,
c C’est avec une profonde émotion que je vous remercie de l’hon¬
neur que vous me faites en me nommant président de votre société.
c C’est nn grand honneur dont j’ai lieu d’être fier, mais, comme
dans toutes les médailles il y a un revers, c’est un bien périlleux
honneur.
c Périlléux honneur, quand je me rappelle ceux qui ont occupé
ce fauteuil avec tant de distinction, MM. de Sainte-Marie, Bague-
nault de Viéville et Bimbenet, dont les souvenirs sont gravés dans
toutes leB mémoires et qui ont laissé, dans notre société une répu¬
tation do capacité, de lettrés, de travailleurs que je ne puis vous
offrir.
« Périlleux honneur, surtout quand je vois à côté et en face de moi,
de si nombreux et de si savants collègues, dont beaucoup sont plus
anciens que moi dans cette enceinte ; tous s’étant distingués par des
travaux remarquables et qui auraient occupé avec l’autorité du savoir
cette haute situation.
c C’est une lourde charge que vous m’avez imposée ; mais cette
charge jo l’accepte, parce que je connais votre bienveillance habi¬
tuelle, et que je compte sur elle pour m’en rendre le fardeau bien
léger.
c Si nous sommes divisés en plusieurs sections, l’union est parfaite
entre les sections et entre tous les membres de la société. Tous nous
sommes réunis dans un même sentiment d’affabilité qui rend les
rapports agréables et les discussions toujours courtoises. Il semble
que nous sommes membres d’une même famille et cette harmonie
constitue un des grands charmes qu’on éprouve, quand on devient
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membre de la Société des Sciencss, Belles-Lettres et arts et rend bien
facile le rôle du président.
« Je me rassure, quand je vois que la foudre présidentielle consiste
dans une petite sonnette, dont le son ne peut dominer une voix un
peu forte. Je l'ai toujours vue et je suis persuadé qu’il n’y aura pas
nécessité d'imposer à notre cher trésorier l’acquisition d’une grosse
cloche pour dominer les orages, parce que ce n’est ni dans vos
précédents, ni dans vos habitudes, ni dans vos goûts.
« Je compte sur votre bienveillance, et en échange, je vous assure
de mon dévouement tout entier.
c J’aurais fini ; mais je pense que cette séance est la dernière de
l'année. Permettez à votre président de profiter de ce que vous êtes
Téunis en si grand nombre, pour vous offrir à tous ses vœux et ses
souhaits les plus sincères pour vous, les vôtres et pour la prospérité
de notre société.
« Depuis la rentrée, chacune de nos séances a été utilement employée
et nous avons eu le plaisir d’entendre des lectures qui feront le plus
grand honneur à notre société. Puisse-t-il toujours en être ainsil
« Hélas 1 l’année qui vient de s’écouler a été pour notre société
une année douloureuse. Nous avons perdu quatre des nôtres, qui
comptaient parmi les plus distingués et les plus vaillants. Dans
quelques temps, vos sections de l’agriculture, des lettres et des
sciences, vous présenteront des candidats pour combler les vides que
la mort a faits parmi nous.
< Que l’année 1892, ne renouvelle pas nos deuils, qu’elle donne à
tous la santé, et qu’elle rétablisse ceux qui sont éloignés de nous par
la maladie. Je souhaite que nous nous retrouvions longtemps ensemble.
C’est mon vœu le plus cher, »
Ces paroles étant prononcées, la Société procède à l’élection de son
vice-président.
M. l’abbé Desnoyers est appelé à remplacer M. Paulmier.
M. Desnoyers remercie à son tour la société de l’honneur qu’elle
vient de lui faire et s’excuse, pour ainsi dire, d’accepter ses nouvelles
fonctions.
< Virgile n’a-t-il pas dès longtemps donné sous une forme poétique,
aux humains chargés d’années, le conseil de rentrer dans le calme et
le repos, c lie domum stature venit , hesperus , ite capellœ ! »
« Mais non, son attachement à la société, son dévouement l’empor¬
tent dans son cœur sur la raison même, le nouveau titulaire acceptera
ses fonctions, dût-il répéter à l’instar du gladiateur passant sous le
podium du Colisée, aux pieds de l’empereur: Moriturus vossalutat . »
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11 n’aura qu’un regret en prenant place au bureau, c’est de n’y plus
trouver le sympathique secrétaire qui fut son jeune ami, Emile
Davoust, cet artiste ploin de talent que la mort implacable a brus¬
quement enlevé à l’affection de tous ceux qui l’ont connu. %
Ces paroles sont accueillies avec émotion et reconnaissance par tous
les membres présents, ceux-ci refusent toutefois de croire aux funestes
pronostics de leur nouveau vice-président et manifestent l'espoir
de le voir nommé o ad multos annos ! »
Les élections étant achevées, la séance administrative est close et
la séance ordinaire est reprise, en vertu de la déclaration qui en est
faite parM. le Président.
M. Edouard de Laage de Meux donne lecture d’un mémoire
intitulé: a M . de Saint-Venant et le service spècial des Ponts -
et Chaussées en Sologne. »
Ce travail est renvoyé à la section d’agriculture.
La séance est levée à neuf heures et demie.
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TABLE DU TRENTIEME VOLUME.
Pages
André-Gaspard-Parfait de Bizemont-Prunelé , graveur à
Orléans, et soc œuvre, par M. Émile Davoust. 5
Rapport de M. Quillon sur l'histoire de Marie-Antoinette, par
M. Maxime delà Rocheterie. 59
Notice nécrologique sur M. Collin, par M. E. Bimbenet.... (55
Les incendies de la porét d'Orléans, par M. Domet. 103
Rapport sur ce Mémoire, par M. Paulmier. 112
Souvenirs d’Orient. — Chasse a l’émail, par M. Léon Dumuvs. 123
L'éclampsie puerpérale, par M. le D r Deshayes. 149
Rapport sur ce Mémoire, par M. le D r Arqué. 174
Rapport sur le prix Perrot, par M. Albert Pinçon. 183
Remise du prix. — Allocution de M. le Président. 191
Davesiès de Pontés. — Notice biographique, par M. l'abbé
Dssnoyers. 199
Rapport de M. Km. Huet sur cette notice. 217
Statistique médicale de la ville d’Orléans. Années 1887;
1888,1889, 1890, par M. le D r Lepage. 224
Rapport sur le Mémoire qui précède, par M. le D r Patay. 267
Note sur une pierre néphrétique, par M. le D* Patay. 273
M. Eugène Bimbenet. —Notice nécrologique, par M. Paulmier. 275
Pomponius Lætus et l'Académib romaine, par M. L. Guerrier. 282
Rapport sur le Mémoire qui précède, par M. l'abbé Desnoyers. 317
ProcÉ8-verbaux des séances. Année 1890 . 323
Procès-verbaux des séances. Année 1891. 352
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